La Revue des droits de l’homme

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  • Quand les juges des référés judiciaire et administratif se contredisent sur l’évacuation de campements illicites
    http://revdh.revues.org/888

    Ce ne sont pas moins de deux ordonnances de référé et un arrêté municipal que nécessitait l’évacuation du campement des Coquetiers de Bobigny. Et pour cause, les familles occupant les terrains communaux y étaient installées depuis plus de trois ans. Si le juge des référés du tribunal de grande instance de Bobigny a d’abord fait valoir les droits fondamentaux des familles et notamment la protection de leur domicile, le juge administratif des référés a, quant à lui et au contraire, validé l’arrêté municipal d’évacuation. Une issue judiciaire qui donne raison aux maires qui prétendent, au mépris des décisions de justice contredisant leurs velléités, obtenir à tout prix l’évacuation précipitée des campements sans se soucier des problématiques d’accompagnement et notamment de relogement.

    #expulsion #campements-illicites #justice

  • La loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes à l’épreuve du Conseil constitutionnel
    http://revdh.revues.org/880

    C’est donc parce que l’article 24 ne remet en cause qu’une condition symbolique de l’accès à l’IVG qu’il respecte l’équilibre entre le principe de dignité et la liberté des femmes. En effet, la loi de 2014 ne libéralise en rien l’accès à l’IVG et ne modifie pas les conditions juridiques concrètes imposées pour recourir à l’IVG, comme le délai de douze semaines ou la lourde procédure administrative et médicale. Certains parlementaires avaient pourtant souhaité agir pour faciliter concrètement le recours à l’IVG en supprimant par exemple la « clause de conscience des médecins », prévue à l’article L. 2212-8 du Code de la santé publique, qui dispose que les médecins, sages-femmes, infirmiers ou auxiliaires médicaux peuvent refuser de pratiquer ou de concourir à une IVG. Mais le gouvernement a refusé de supprimer cette entrave à l’IVG, en insistant sur l’obligation pour le directeur d’un service hospitalier, qui invoque la clause de conscience, de faire pratiquer l’IVG par un autre médecin ou dans un autre établissement. On peut supposer que de telles modifications auraient sûrement conduit le Conseil constitutionnel à se prononcer davantage sur le respect de l’équilibre susmentionné.

    #ivg #droit

  • Une première application paradoxale mais ambitieuse du régime de protection des fonctionnaires lanceurs d’alerte
    http://revdh.revues.org/863

    Si, comme l’écrivait de belle manière l’écrivain Albert Camus, « les chemins familiers tracés dans les ciels d’étés [peuvent] mener aussi bien aux prisons qu’aux sommeils innocents » (Albert Camus, « L’étranger », partie II, chap. III, p. 147), la lecture de l’arrêt du Tribunal Administratif de Cergy-Pontoise ne saura évoquer ni prison (intellectuelle), ni sommeil (dogmatique). Bien au contraire, celui-ci semble démontrer avec éclat que l’habituelle et attendue torpeur estivale ne fait obstacle ni aux innovations juridiques, ni à la créativité juridictionnelle.

    1 L’article 40 alinéa 2 du code de procédure pénale – décliné dans d’autres codes en diverses disposi (...)
    2En l’espèce, la requérante, directrice d’un Office Public d’Habitat, avait dénoncé, en application de l’article 40 du code de procédure pénale1, les manquements aux règles de passation des marchés publics commis l’un de ses subordonnés, et par le président de l’office. Cette dénonciation avait notamment conduit le Tribunal correctionnel de Nanterre à déclarer ce dernier coupable des délits d’atteinte à la liberté d’accès ou à l’égalité des candidats dans les marchés publics et de prise illégale d’intérêts. Ayant été révoquée de ses fonctions pour motif disciplinaire, la requérante avait contesté la décision de révocation prise par sa hiérarchie devant le Tribunal Administratif de Cergy-Pontoise puis devant la Cour Administrative d’Appel de Versailles qui avait annulé la décision litigieuse et enjoint à l’office de la réintégrer.

    3En réponse à sa demande de réintégration sur le poste de directeur général qu’elle occupait auparavant, le président de l’établissement public avait invité la requérante à présenter sa candidature à ce poste afin de la faire examiner, par le conseil d’administration de l’office. Le président de l’office avait alors présenté la candidature de la requérante de manière sciemment inexacte en indiquant notamment aux membres du conseil d’administration que la Cour administrative d’appel de Versailles avait reconnu que cette dernière avait commis des fautes graves dans la gestion de l’office. Par suite, le conseil d’administration de l’office avait alors rejeté la demande de réintégration formulée par la requérante, ce que celle-ci a par la suite contesté devant le Tribunal Administratif de Cergy-Pontoise.

    4Faisant droit à l’argumentation de la requérante, le tribunal apporte, par sa décision, une pierre supplémentaire à l’édifice chancelant que constitue le statut protecteur des lanceurs d’alerte de la fonction publique.

    5Qualifiant de détournement de pouvoir une mesure fondée en apparence sur les qualités professionnelles d’un fonctionnaire mais visant en réalité à sanctionner celui-ci en raison de la qualité de « lanceur d’alerte », le jugement démontre ainsi de manière exemplaire comment certains mécanismes traditionnels du droit administratif peuvent potentiellement venir au secours des lanceurs d’alerte de la fonction publique (1°).

    6Mais, surtout, les juges du Tribunal font application, de manière prétorienne et (presque)superfétatoire mais également de manière plus ambitieuse, une application par anticipation du régime protecteur prévu par la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 en consacrant un « principe général » du droit interdisant les mesures prises à l’égard d’un fonctionnaire pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions (2°). Toutefois, la décision révèle également, malgré elle, une insuffisance et une incertitude quand à la portée du nouveau régime de protection des fonctionnaires lanceurs d’alerte (3°).

    #fonction-publique #discrimination #lanceurs-d'alerte

  • La volonté d’une égalité des droits effective et concrète entre les femmes et les hommes
    http://revdh.revues.org/855

    La loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, adoptée le 23 juillet 2014, définit une politique nationale orientée vers une lutte effective contre les inégalités de genre, dans une perspective « intégrée » de l’égalité. Mais, malgré la volonté du gouvernement de créer une loi-cadre visant une égalité substantielle, la réforme transversale entreprise manque parfois d’audace et tend à exclure certains aspects des inégalités de genre.

    N’a toujours pas compris pourquoi il serait préférable de parler de « genres » plutôt que de sexe

    #inégalités #hommes #femmes

    • N’a toujours pas compris pourquoi il serait préférable de parler de « genres » plutôt que de sexe

      Parce que le sexe c’est la biologie. C’est ce que tu as entre les jambes, à peu près. Un pénis ou un vagin, et de temps en temps d’autres choses.

      Le genre c’est l’ensemble de toutes les normes sociales, d’une époque et d’une société données, qui apprennent et imposent dès la petite enfance puis tout le long de la vie aux gens de cette société-époque que TEL sexe (pénis/vagin/autre) correspond à TELS rôles et comportements à avoir.

      « Être du genre femme » ne signifie pas (obligatoirement) avoir un vagin entre les jambes mais : « être perçu⋅e comme étant une femme », et donc avoir comme stigmates les rôles et comportements associés à ce genre, quand bien même on ne voudrait pas les suivre.

      Le genre « femme » (et donc tous les rôles et comportements associés) est assez clairement dominé par le genre « homme ». Continuer d’apprendre obligatoirement des rôles et des comportements (et donc des genres) suivant ce qu’on a entre les jambes contribue à perpétuer de nombreuses inégalités. C’est l’inégalité des genres.

      De nombreuses personnes cherchent donc l’égalité entre les personnes (femmes, hommes ou autres), à cause de l’inégalité des genres.

      (L’inégalité des sexes, elle, ne veut pas dire grand chose en dehors d’un cadre biologique. Cela se restreint à dire que les femmes peuvent accoucher et allaiter, que les uns les autres produisent tels ou tels gamètes, etc.)

    • Oui, j’avais bien compris la différence, je sais effectivement que le genre est une construction sociale des sexes, qui définit en fait le masculin et le féminin. Mais je m’interroge sur le caractère opérant de la distinction quand on parle d’inégalités. Il s’agit toujours, selon moi, d’inégalités hommes/femmes et non d’inégalités entre le masculin et le féminin, ou d’inégalités de genres. Non seulement cela n’apporte rien mais cela contribue, à mon sens, à obscurcir le message

  • Après un an d’application, la CNCDH fustige le dispositif de la circulaire « Taubira » relative aux mineurs isolés étrangers
    http://revdh.revues.org/850#bodyftn11

    L’avis du 26 juin 2014 se profile d’ores et déjà comme un outil indispensable à la compréhension de la problématique des mineurs isolés étrangers. Après un an d’application de la circulaire du 31 mai 2013, sans pudeur, la CNCDH met à nu les carences et les dysfonctionnements du cadre juridique régissant la prise en charge des MIE. Les vives critiques de la Commission n’ayant pas été édictées pour demeurer lettres mortes, elles s’affirment, sous la forme de recommandations, comme des invitations pressantes adressées au législateur aux fins d’établissement d’un corpus normatif réellement protecteur. Les modifications et apports juridiques revendiqués par la CNCDH se posent ainsi clairement comme des préalables indispensables pour que les mineurs isolés étrangers puissent bénéficier – sans précarité – de la protection qui leur revient de droit.

    #mineurs-isolés-étrangers

  • Quand la liberté d’établissement fait la courte échelle au regroupement familial
    http://revdh.revues.org/853

    Dans le droit de l’Union, les libertés fondamentales de nature économique semblent, en quelque sorte, l’emporter sur ce droit au respect de la vie familiale, car une restriction injustifiée à leur encontre va donner droit au regroupement familial. En définitive, dans l’arrêt Dogan, la CJUE ne s’est pas avancée sur le terrain d’une prohibition absolue des tests linguistiques, elle s’est limitée à entériner une exigence d’individualisation. En outre, un certain danger semble guetter dans le sillage des jurisprudences supranationales, puisqu’on note une certaine fragmentation en fonction des catégories de migrants, risquant d’aboutir à une typologie de migrants jouissant tous de droits et de libertés différents.

    #regroupement-familial #droit-communautaire #liberté-d'établissement

  • Fichage partout, oubli nulle part ? Le Conseil d’Etat ouvre un boulevard au fichier « TAJ »
    http://revdh.revues.org/849

    le Conseil d’Etat pose, par cette décision, une nouvelle pierre à l’édifice sécuritaire, contribuant une fois de plus à un la bonne marche d’un mouvement particulièrement préoccupant pour la garantie des libertés individuelles : celui d’une inversion radicale de la hiérarchie entre sécurité et liberté

  • La Commission nationale consultative des droits de l’homme critique sur la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel
    http://revdh.revues.org/844

    La Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), en tant qu’autorité administrative indépendante chargée de la protection des libertés et des droits fondamentaux, s’est auto-saisie de la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel. Alors que la proposition, adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale, va bientôt arriver sur les bancs du Sénat, l’avis de la CNCDH rendu public le 22 mai 2014 semble prendre ses distances avec le contenu de cette proposition de loi.

    #prostitution #droits-de-l'homme

    • Le problème dans ce débat, c’est que c’est « extrapolation » contre « extrapolation »...

      En partant d’une approche que la Commission qualifie d’inadaptée, il est logique que la CNCDH condamne la pénalisation d’achat d’actes sexuels ; celle-ci s’oppose à la pénalisation du client. Il parait contre productif voire même dangereux de pénaliser le client, le raisonnement défendu par les députés considérant que si la demande disparaît, l’offre disparaîtra avec, ne convainc pas. Au contraire, la Commission relève que cette pénalisation du client entraînerait une plus grande précarisation des personnes en situation de prostitution. Les personnes en situation de prostitution seront les premières victimes de cette pénalisation. La Commission relève que la responsabilisation du client est une intention louable, mais en pénalisant l’achat d’actes sexuels, c’est la prostitution qui reste perçue comme illicite ; il s’agit avant tout de la personne en situation de prostitution qui est pénalisée.

    • Bin vu @monolecte, ce qui me fait dire qu’on est un peu dans un débat « d’impuissants ». En effet la loi contre le proxénétisme existe depuis des lustres, mais elle nous laisse impuissant à éradiquer le « proxénétisme ». Du coup on continue à s’acharner sur les lois en espérant en inventer une qui puisse éradiquer la prostitution.
      Moi je suis dubitatif sur l’efficacité des lois. Interdire n’a toujours qu’une portée limitée.
      On met un couvercle sur les fléaux, on crée des interdits, des tabous qui nous infantilisent et que les gens se font un plaisir de transgresser ou contourner.
      En ne plaisantant qu’à moitié, je suis partisan de contraindre les gens à assumer leurs actes du coup dans un système de commerce réglementé, où les prestataires de service sexuels sont des fonctionnaires. Tu veux accéder à des services de prostitution ? Ok tu t’inscris, c’est public, tu assumes, ta famille est au courant, on ne fait plus ça sous le manteau...
      Là on verra si c’est un « métier comme un autre » ou bien si ça réduit le marché prostitutionnel.

  • Géolocalisation : ce qui est désormais autorisé – presque tout | Libertés surveillées
    http://libertes.blog.lemonde.fr/2014/05/09/geolocalisation-ce-qui-est-desormais-autorise-presque-tout

    La géolocalisation d’un suspect, c’est-à-dire la possibilité de savoir en temps réel où il est, d’où il vient et où il va, est désormais parfaitement encadrée par la loi. Elle ne remplace pas les bonnes vieilles filatures, mais démultiplie les moyens des policiers, qui en font grand usage. Personne ne sait exactement jusqu’à quel point : on peut mesurer précisément les demandes de géolocalisation des magistrats, principalement sur les téléphones, pas les pratiques : la géolocalisation par balise, dans la plupart des cas un mouchard placé sous une voiture, « n’apparaît qu’exceptionnellement en procédure », reconnaît la chancellerie.

    #géolocalisation #surveillance #législation