Médias à la mémoire courte. Ils n’auront pas relevé que pour la première fois depuis des décennies, les pillages de magasins sont rarissimes, tout comme les violences collatérales (voitures brûlées, déprédations diverses) qui ont de tout temps accompagné les grandes manifestations. Ils ont oublié que c’est à l’occasion d’une manifestation de marins pêcheurs que le Parlement de Bretagne a brûlé à Rennes en 1994. Que les autonomes ont, tout au long des années 1980, dévasté les à-côtés des manifestations. Que ce sont des sidérurgistes qui, en 1979, avaient soumis le quartier de l’Opéra à un pillage en règle après avoir laminé les forces de l’ordre sous des pluies de boulons et de barres de fer et érigé des barricades sur les grands boulevards…
Le drame de Sivens s’inscrit lui-même dans un temps plus long qui a vu se développer les violences policières dans une impunité quasi systématique. Généralement ignorées par les médias, elles n’ont d’abord concerné que certaines marges de la société. Après la mort d’un supporter du PSG tué par un policier en légitime défense en 2006, puis d’un autre à l’issue d’une bagarre interne en 2010, un fichage spécifique et contraire aux recommandations de la Cnil a été mis en œuvre (lire ici et ici), et des interdictions de se déplacer ont été signifiées aux #ultras du foot, comme elles le sont aujourd’hui à des militants. Les ultras ont été aussi blessés ou éborgnés par des tirs de Flash-Ball, comme à Montpellier (lire ici) ou à Reims (lire ici).
Les quartiers populaires ont également eu leur lot de victimes. Ce sont déjà des techniques policières qui sont remises en cause, comme l’étouffement (dite “technique du pliage”) dans l’affaire Ali Ziri (lire ici) ou Wissam El-Yamni (lire ici). Et judiciairement, l’impunité policière est à chaque fois constatée, comme dans les procès Zyed Benna et Bouna Traoré (lire ici), ou Amine Bentounsi (lire ici). Faut-il rappeler que le candidat François Hollande posait, il y a quatre ans, avec les militants de Stop contrôle au faciès, laissant entrevoir l’espoir d’un embryon d’expérimentation du récépissé de contrôle d’identité, sage outil de contrôle citoyen des abus policiers ? Faut-il rappeler que cette stratégie du maintien de l’ordre avait été déjà mise en cause lors des manifestations de soutien à Gaza, durant l’été 2014 ? À l’époque, Bernard Cazeneuve entra dans l’histoire, en étant le seul ministre de l’intérieur au monde à interdire des manifestations de soutien au peuple palestinien.
Assumer la #violence voire l’organiser… Quatre éléments permettent de souligner que ce choix de l’escalade est délibéré. Le premier est l’usage massif d’armements nouveaux qui démultiplient les violences : grenades de désencerclement, lanceurs de balles, Flash-Ball, spray de lacrymogènes. Le deuxième est la mise en contact direct des forces de l’ordre et des manifestants sur une grande partie des cortèges. Le troisième est l’utilisation systématisée des grenades lacrymogènes, en particulier lors des dispersions de manifestations. Le quatrième est la course aux interpellations au sein même des cortèges : près de 1 600 personnes ont ainsi été interpellées, déclenchant chaque fois de mini-affrontements entre manifestants solidaires et policiers…