Sur le Golan, l’étrange arrangement entre l’armée israélienne et les rebelles syriens

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  • ISIS et Israël sur le plateau du Golan
    Sam Brennan – 28 May 2016 - Open Democracy - Traduction : JPP
    http://www.enfantsdepalestine.org/article/isis-et-israel-sur-le-plateau-du-golan

    La vallée de Yarmouk est tenue par ISIS – qui y est laissé seul par Israël. Ceci témoigne des machinations complexes, cyniques et calculées de la part des acteurs dans ce conflit.

    Il existe une relation étrange entre Israël et une petite secte de l’État islamique d’Iraq et de Syrie (ISIS), basée à proximité des hauteurs du Golan. La présence même d’un groupe comme ISIS aussi proche d’Israël pose de nombreuses questions.

    D’abord, pourquoi ISIS n’a-t-il pas attaqué Israël – un pays qu’il a juré de détruire – depuis ladite base ? De même, pourquoi les Forces de défense israéliennes (IDF) n’ont-elles pas attaqué ce petit et faible groupe d’extrémistes qui se trouve à leur frontière ? Les réponses à de telles questions révèlent la vérité qui se cache derrière la rhétorique que tous les acteurs utilisent dans ce conflit.

    La vallée de Yarmouk est coincée entre la Jordanie, la Syrie et des territoires du plateau du Golan occupés par les Israéliens. La vallée consiste en quelques petites villes, dont la majorité est maintenant sous le contrôle de la Liwa Shuhada al-Yarmouk, ou Brigade des martyrs de Yarmouk (YMB), affiliée à ISIS. Ce groupe a été créé par Mohammad al-Baridi, connu sous son surnom de « L’Oncle », en 2012 dans le sud-ouest de la Syrie. Le groupe s’est montré au début relativement modérée, dans une alliance étroite avec l’armée syrienne libre. Mais cette modération s’est rapidement dissipée au cours de la guerre civile syrienne.

    Le début de 2013 a vu l’YMB gagner du pouvoir dans la vallée de Yarmouk. En 2013, l’YMB a commencé à s’affronter avec Jabhat al-Nusra, le groupe syrien d’Al-Qaïda qui tenait le pouvoir dans le gouvernorat de Daraa (gouvernorat du sud-ouest de la Syrie). Ceci a conduit à l’assassinat d’al-Baridi par al-Nusra en novembre 2015. Durant cette période, le groupe s’est constitué pour lui-même une petite zone à la périphérie du gouvernorat de Daraa, proche du plateau du Golan. L’YMB a continué de s’éloigner d’al-Nusra, tout en poursuivant la promotion des lois islamiques conservatrices.

    En 2015, l’YMB a commencé à mettre en application les réformes islamistes à travers la politique de l’Islah (réforme islamique). Cette politique a été appliquée sous al-Baridi et voulait « corriger » celle du régime précédent. Cela a inclus la création d’un tribunal et d’une force de police islamiques. L’YMB a également changé le nom de son département de gouvernorat en Diwan al-Hisba, Diwan étant la traduction du nom régional pour ISIS. Le groupe a même changé son logo pour incorporer le drapeau d’ISIS. Fin 2015, l’YMB est devenue un sous-groupe d’ISIS, à seulement un jet de pierre d’Israël.

    Cette alliance de l’YMB signifie qu’ISIS partage désormais la frontière avec Israël, lequel n’a pas réagi à cela. Dans l’un de ses discours, al-Baghdadi parle d’Israël, mais il se réfère à cette zone en tant que « Palestine », probablement dans un effort pour éviter de reconnaître indirectement cet État à travers le terme d’ « Israël ». Al-Baghdadi y rappelle aux juifs en « Palestine » qu’ISIS « ne vous a pas oubliés ». De tels messages de la part d’al-Baghdadi sont très rares ; celui-ci a vraisemblablement été fait sous une pression interne dans ISIS pour réaffirmer sa position anti-Israël. Puis, il a poursuivi en disant, « avec l’aide d’Allah, nous (ISIS), nous nous rapprochons de vous (Israël) chaque jour ». Ceci est déconcertant de la part d’ISIS qui a un groupe de combattants armés à la porte d’Israël, au point qu’être plus proche signifierait littéralement être à l’intérieur du pays. Alors, pourquoi ISIS n’a-t-il pas donné suite à ses menaces et ne l’a-t-il pas envahi ?

    ISIS est plus beaucoup plus susceptible d’attaquer le faible puis le fort. Bien qu’il existe des rapports selon lesquels l’YMB détient un groupe de blindés provenant du pillage des campagnes dans Daraa, il utilise encore principalement de l’armement léger et des explosifs artisanaux. ISIS est actuellement sous pression sous tous les fronts ; s’il doit choisir entre attaquer Israël et attaquer une zone essentiellement civile dans la province déjà décimée de Deir ez-Zur, historiquement, il choisit cette dernière. Mais cela n’explique pas pour autant la réaction d’Israël à la prise de possession par ISIS d’un tel territoire menaçant.(...)

    traduction de l’article cité ici : http://seenthis.net/messages/494520

  • Ephraïm Halevy, ex-chef du Mossad (1998-2002), admet dans une interview sur al-Jazeera english avec Mehdi Hassan qu’Israël a consciemment apporté une assistance médicale à al-Nousra.
    C’est la première fois, à ma connaissance, qu’un type de ce niveau admet que l’aide apportée par Israël à al-Nousra n’était pas accidentelle mais a été faite en toute conscience et pour des raisons tactiques. Jusqu’ici le discours servi par Israël était que cela était peut-être arrivé mais seulement parce qu’Israël soignait, pour des raisons évidemment humanitaires, les rebelles modérés sur le Golan et que certains de Nousra se trouvaient peut-être parmi eux :
    Ex-Mossad head on Israel medical aid to al-Nusra Front
    http://www.aljazeera.com/programmes/upfront/2016/05/mossad-head-israel-medical-aid-al-nusra-front-160531081744269.html

    The former head of Israel’s intelligence agency Mossad defends the country’s treatment of al-Nusra Front fighters on the Syrian border.
    In this web extra, Efraim Halevy tells Mehdi Hasan that he is not concerned that Israel had treated fighters in Syria from al-Nusra Front, which some say is al-Qaeda’s Syrian branch.
    “It’s always useful […] to deal with your enemies in a humane way,” Halevy says.
    When pressed on whether he believed the assistance was purely humanitarian, Halevy responds, “I didn’t say there’s no tactical [consideration]. I said the main consideration, the immediate consideration is humane.”
    Halevy also says he would not support the treatment of wounded Hezbollah fighters because Israel had been targeted by Hezbollah, but “not specifically targeted by al-Qaeda”.

    Bien sûr cet aveu demi-officiel est encore probablement loin de décrire l’étendue de cette coordination Israël/Nousra qui a probablement aussi consisté non seulement en des livraisons d’armes (caisses mystérieuses qui passent la ligne de démarcation dont ont témoigné des casques bleus de l’ONU dans un rapport au CS) mais aussi du renseignement et de la planification dans la détermination des cibles militaires (régime et ses alliés) selon le témoignage de rebelles :
    http://www.al-monitor.com/pulse/originals/2015/01/syria-opposition-daraa-israel-communication-nusra.html

    • merci @stephane_m
      Egalement ici par J.D. Merchet :
      http://www.lopinion.fr/edition/international/golan-l-etrange-arrangement-entre-l-armee-israelienne-rebelles-syriens-1036

      « Il y a une cinquantaine de groupes rebelles, mais le plus grand et le plus puissant est al-Nosra », c’est-à-dire al-Qaïda, reconnaît un officier israélien. Les autres sont des milices locales impliquées dans l’autodéfense des villages, mais « tous sont religieux, il n’y a pas de laïcs », ajoute la même source.

      Free Army. C’est donc à partir d’une zone contrôlée par al-Nosra que les passages de blessés ont lieu. « Ceux qui nous les envoient ont de bonnes connections avec l’armée israélienne. Il faut de bonnes recommandations…, reconnaît un médecin de l’hôpital de Safed. Officiellement, les blessés sont issus de l’Armée syrienne libre », soutenue par les Occidentaux, mais pas d’al-Nosra. Les jeunes patients rencontrés le confirment : ils appartiennent à ce qu’ils nomment la « Free Army ». S’ils combattent Daech et Assad, ils reconnaissent être « alliés » d’al-Nosra, avec lequel ils se coordonnent sur le terrain et qu’ils jugent « peaceful » (pacifique)…

      Pour bénéficier d’un traitement médical en Israël, ils expliquent sans plus de détails qu’il faut passer par des « shebabs » (jeunes) d’une certaine « katiba » (brigade), sans avoir besoin de verser de bakchich. Après plus de 2000 passages, l’affaire semble bien organisée. Si elle se déroule sans une implication directe de la branche locale d’al-Qaïda – ce qui n’est pas prouvé – elle bénéficie au moins de son accord tacite. Imaginer que le groupe djihadiste radical qui tient une cinquantaine de kilomètres sur la frontière - en principe fermée - avec Israël laisserait aller et venir des combattants blessés sans s’en préoccuper relève de la fantaisie. Il n’est pas exclu que les Américains, installés en Jordanie pour y soutenir les groupes rebelles jouent un rôle dans ces transferts de blessés.