person:javier cercas

  • La séduction fasciste

    La #mémoire du #fascisme continue de faire débat dans l’#Italie contemporaine. Dans son dernier #livre, l’historien #Christopher_Duggan, s’appuyant sur des correspondances et des journaux intimes, s’efforce de démontrer le pouvoir de #séduction et d’#attraction que le #Duce a exercé sur la population italienne. L’occasion de débattre, à plusieurs voix, sur la nature du fascisme, sa dimension totalitaire et sa puissance d’incarnation.

    https://laviedesidees.fr/La-seduction-fasciste.html

    ping @wizo @albertocampiphoto

  • Tôt ce matin
    Lumière sombre
    Sur la table du petit déjeuner

    Tôt ce matin
    La fenêtre de la cuisine
    Ouverte sur l’air frais et humide

    Tôt ce matin
    La grisaille dehors
    Mon jardin est tout vert

    Tôt ce matin
    Lumière grise
    Sur l’ open space désert

    Quel con ! j’ai bien noté mon rêve
    Mais je ne revois mon analyste
    Qu’en septembre. Perte d’actualité du rêve

    J’ai rêvé de Bart Parker cette nuit
    J’ai rêvé de sa barbe
    Et de sa voiture de sport

    J’ai rêvé d’un virage qu’il a pris
    À toute berzingue tout en m’expliquant
    Un truc qu’il venait de trouver dans le labo

    J’ai rêvé du homard
    Qu’il m’avait offert
    Mon premier homard

    J’ai rêvé d’une pince de homard
    Posée sur la tombe de Lovecraft
    Et de l’étreinte de Bart, au revoir

    J’ai rêvé de lire son
    A Close Brush With Reality
    Et ce matin je ne retrouve pas ce livre

    J’ai rêvé qu’il m’apportait un café
    Pour me réveiller de mon sac de couchage
    En travers du banc de repro

    J’ai rêvé qu’il mettait sous presse
    Mes tirages de la nuit
    Pendant que je buvais son mauvais café

    J’ai rêvé qu’il ramassait la spire
    Que j’avais jetée à terre de colère
    You should fix it anyway

    Ce jour-là
    J’en ai compris
    Des choses !

    J’ai rêvé de la quantité
    Astronomique de ketchup
    Qu’il a versée sur nos frites

    Et son air contrit
    Quand je lui ai dit
    Que je n’aimais pas le ketchup

    Et son empressement
    À sauvegarder toutes les frites
    Du fond du plat, indemnes

    J’ai rêvé que nous étions dos-à-dos
    Sur Monroe avenue à Chicago
    Photographiant les commuters

    J’ai rêvé que j’emmenais Bart
    Photographier la démolition
    D’un pâté de maison sur Grant Avenue

    J’ai rêvé aux premières photographies
    Que j’ai vues de Robert Heinecken
    Que Bart me montrait dans l’Illinois Center

    J’ai rêvé que Bart regardait les étoiles
    Du toit ouvert de sa voiture de sport
    Tout en conduisant à toute berzingue

    J’ai aimé cuisiner
    Des cailles aux raisins
    Pour Bart et Rita

    J’ai aimé la distinction admirable
    De Bart quand il a ôté son chapeau
    Quand je lui présentais mes parents

    J’aimais les gestes très vifs
    Et très précis de Bart
    Notamment avec son couteau

    J’ai aimé comme cet homme
    Incarnait à lui seul
    Tout ce que j’aime dans la photographie

    J’ai aimé, par-dessus tout,
    La nuit que nous avons passée
    De concert dans le labo

    Cette nuit-là
    J’en ai appris
    Des choses !

    Il paraît que
    Bart Parker est mort
    Je n’en crois rien

    Elevate
    Your sexual stamina
    & performance

    Trois secrets
    Pour mincir sans sport,
    Sans régime, sans effort

    Sex only
    On special dates ?
    Buy Cialis Soft ! Enjoy life.

    Pénibilité :
    Edouard Philippe
    Donne satisfaction au patronat

    Des « évolutions »
    Saluées
    Par le Medef

    Le mot « pénibilité »,
    Qui heurtait les organisations d’employeurs,
    Est donc rayé d’un trait de plume.

    « Une visite médicale de fin de carrière
    Permettra à ces personnes de faire valoir leurs droits »
    (Pendant qu’il est trop tard)

    Explique-t-on à Matignon.
    Prends ton explique-t-on à Matignon tout mignon
    Et fous-toi le au cul

    Sans surprise, le Medef considère
    Que les options proposées par l’exécutif
    « Fonctionnent, même si ce n’est pas exactement ce que nous voulions ».

    En ne faisant partir
    Que les malades,
    On confond pénibilité et incapacité.

    La sixième extinction
    De masse des animaux
    S’accélère

    Des experts révèlent
    Des lacunes dans la sûreté
    Du stockage radioactif de Bure

    Deux ouvriers portugais échangent vivement
    À propos de a conduite de leur chantier
    Ils parlent à une de ces vitesses !

    Chantiers que j’emmène dans les Cévennes
    Version courte d’ Une Fuite en Égypte
    Relire Élever des chèvres en open space à l’envers

    Je relis toujours une dernière fois
    Depuis la fin. Comme l’explique
    Javier Cercas dans L’Imposteur

    Chantiers qui m’attendent dans les Cévennes
    Repeindre toutes les huisseries
    Réparer le sous-plafond au-dessus du poêle

    Dans deux jours je bois mon café
    Devant le Mont-Lozère, ou aux Vans
    Ou à la Cézarenque, dans un mois, en Arles

    Repensant à ces décès que j’apprends
    Avec des années de retard
    Ces lantences rendent ces disparus immortels

    Ces immortels, Ray, Bart, Frank
    Etaient vivants dans mon esprit
    Des années après leur mort

    Lu sur les murs de la ville
    Finalement le Paradis
    Était fiscal

    Quand tu lances par erreur
    Une recherche sur Bart Parker
    Dans l’annuaire de la Très Grande Entreprise

    Comme elle va faire du bien
    La déconnexion annuelle
    D’un mois dans les Cévennes !

    Plus de 300.000 personnes
    Touchées par l’épidémie
    De choléra au Yemen

    Health and strength of a real man.
    Try our brand new Viagra Capsules.

    Me recommande Paul

    Here’s the dirty little secret
    About blood pressure

    Me conseille John

    Et puis arrive l’heure
    Où tu te lèves, libre
    Pendant un mois

    Et puis arrivera le jour
    Où tu te lèveras, libre
    Jusqu’à la mort

    Les vacances
    Avant
    La mort

    À peine en vacances
    Une montagne de corvées
    T’attend, linge, valises, etc…

    Tu confies l’arrosage de ton jardin
    À une voisine que tu connais mal
    Elle te confie des choses douloureuses

    Cette voisine, il y a 14 ans
    T’avait inspiré un peu
    Du personnage de Suzanne

    Tout à la conversation, elle te demande
    Ce que tu fais dans la vie, tu réponds
    Informaticien et que tu écris aussi

    Qu’est-ce que vous écrivez ?
    Je suis une grande lectrice
    Tu lui offres Une Fuite en Egypte

    Tu réalises après-coup
    Qu’elle ignorera tout
    De sa ressemblance avec Suzanne

    Tes consignes données
    Vous ressortez dans la rue
    Salués par son mari qui rentre

    À quoi bon écrire
    Des romans quand il suffit
    De décrire le plat de spaghetti ?

    Riz frit
    Courgette, poivrons
    Noix de cajou

    Deux belles parties d’échecs
    Avec Émile qui gagne la première
    Tandis que je gagne la seconde

    Demain
    C’est promis
    Je l’oublie

    Bart Parker en rêves
    Suzanne souffre
    Sauvegarde et déconnexion

    #mon_oiseau_bleu

    • Liste, non exhaustive, des livres que j’ai lus, ou relus, ces derniers temps (deux ou trois dernières années) que je n’aurais sans doute jamais lus s’ils ne m’étaient pas tombés dans les mains via internet (s’ils ne m’avaient pas été recommandés via internet)

      La guerre du cameroun de Thomas Delthombe, Jacob Tatsitsa et Manuel Domergue
      Marcher droit tourner en rond et Rien d’Emmanuel Venet (merci @julien1)
      Biographie de Céline par Henri Godard
      La France sous Vichy de Robert Paxton
      Le vertige danois de Paul Gauguin de Bertrand Leclere
      L’imposteur de Javier Cercas (merci @fil)
      Le journal de la crise de Laurent Grisel (les deux tomes pour le moment, mais j’ai bien l’intention de lire la suite)
      Je paie d’Emmanuel Addely, certes offert par mon éditeur, j’aime bien dire mon éditeur , mais c’est quand il m’a vu prendre le livre d’une de ses étagères pendant que nous attendions l’arrivée d’un tiers et la raison pour laquelle j’ai regardé ce livre c’est aprce que j’en ai entendu parler sur internet, je me demande même si ce n’est pas sur seenthis )
      Le sentiment d’imposture de Belinda Canone (spécial dédicace @mona)
      La tyranie de la réalité , Beauté fatale , et Chez soi d’une certaine @mona
      Une île une forteresse de Hélène Gaudy, par ricochet Plein hiver de la même auteure
      Capitalisme désir et servitude de Frédéric Lordon
      L’invisible de Clément Rosset
      Face à l’insoutenable d’Yves Citton
      L’insurrection qui vient et A nos amis du Comité invisible
      Communist club anonyme
      Dynamiques de la révolte de Eric Hazan
      Les assassins de la mémoire de Pierre Vidal-Nacquet

      Pour ce qui de la littérature ce qui est le gros de mes lectures tout de même, là, j’avoue, c’est souvent en commençant les livres chez le libraire que cela se passe pour moi à quelques exception près, par exemple, le Tort du soldat d’Erri de Luca, et le lendemain, j’allais à la librairie acheter tout ce qu’ils avaient de cet auteur.

      Ensuite on peut aussi dire que c’est pas internet que j’ai été invité au festival de littérature de Solothurn, où je me suis ennuyé ferme pendant trois jours (ce qui a beaucoup diverti @mona par procuration) et où j’ai rencontré et découvert Jean Rolin (dont j’ai lu une bonne partie des livres l’été suivant) et Julien Burri (complètement inconnu en France et c’est un grand tort).

      De toute ma vie, même quand je lisais sans doute davantage que je ne lis aujourd’hui, je n’ai jamais lu 200 livres par an, je crois qu’au plus haut de ma lecture de livres, j’ai du culminer à une cinquantaine de livres entre 1993 et 1998.

      Bref tout ça pour dire que c’est quand même des grosses conneries.

  • Javier Cercas, l’Imposteur .

    Ce livre avait été signalé par @fil, mais il y a tellement longtemps que je ne sais plus bien où.

    Fameux bouquin en fait. Javier Cercas part à l’assaut d’une forteresse d’imposture non pas en découvreur, ce n’est pas lui qui a dévoilé l’imposture d’Enrich Marco, mais il la rend désormais implacable par le biais de la véritable biographie de l’iumposteur. Toute sa vie Enrich Marco a voulu faire croire qu’il avait été un résistant de la première heure de la seconde République, qu’il avait été déporté en Allemagne et à partir de 1975 a voulu tirer le meilleur parti d’un passé qui n’a jamais été le sien, ainsi s’est-il retrouvé miraculeusement porté à la tête de la CNT pour toute la Catalogne, puis pour toute l’Espagne, puis débarqué de la CNT, en grande partie à cause de sa mauvaise gestion, il est devenu le président de la très influente association des parents d’élèves de la Catalogne, puis le président des anciens de Mauthausen (où il n’a jamais été déporté). C’est seulement en 2005, in extremis avant la célébration du 70ème anniversaire de la libération du camp où il devait prononcer un discours à la mémoire des déportés espagnols de ce camp qua été découverte cette imposture et partnt toutes les autres. .

    Enrich Marco n’a jamais rien fait de tout ce qu’il a dit, mais en virtuose du mensonge il a su mêler ses fictions avec des éléments avérés au point de confondre tout le monde pendant des années. Avec le livre de Cercas, on apprend que l’imposteur est la première victime de son mensonge. On apprend que l’imposture est une manière de défaut généralisé dans toute la population et Cercas se fait l’application d’un tel raisonnement avec beaucoup d’honnêteté, et in fine montre à quel point cette imposture a été un sport national pratiqué par tous et que ce n’est qu’au prix de cette imposture globale que les années Franco ont pu déboucher sur la détente et la démocratie sans heurt et presque sans violence, mais pas sans retours de bâton.

    Les cinquante dernières pages du livre, quand le récit biographique débouche sur la découverte de l’imposture sont un feu d’artifice.

    Je vous le recommande vivement.

    #private_joke : cc @mona en matière d’imposture c’est un peu d’un autre calibre que tu sais qui.

  • Comme un roman : #Enric_Marco, l’imposteur

    Décidément, nous devenons des sujets de roman. Après «  Pas pleurer  » (Lydie Salvayre) prix Goncourt 2014, un ouvrage a été nominé cette année pour le Fémina et le Médicis (même s’il n’a finalement obtenu ni l’un ni l’autre). Il s’agit de «  L’imposteur  » , de #Javier_Cercas (1).

    Dix ans après le scandale qui a défrayé la chronique, Javier Cercas revient sur l’affaire en un long «  roman-enquête  » dont l’objectif avoué est de démêler le vrai du faux. Au cours de nombreux entretiens avec la «  rock-star de la mémoire  » , l’auteur va tenter d’établir une biographie réelle, bien loin de la vie rêvée et héroïque de Marco (2).

    Rappelons brièvement les faits et le contexte.

    Alors qu’en Espagne se dessine depuis quelques années un fort mouvement pour la dénonciation des crimes franquistes (que la «  transition démocratique  » a délibérément laissés de côté) et qu’une partie de la population se mobilise pour l’exhumation de la «  mémoire historique  » , le 11 mai 2005 éclate un scandale particulièrement énorme : le président de l’Amicale de Mauthausen (qui regroupe les anciens déportés espagnols survivants des camps nazis), Enric Marco Batlle, le très célèbre et très médiatique pourfendeur du nazisme (honoré et décoré) qui a donné des centaines de conférences sur la déportation dans les écoles et les lycées, qui, le 27 janvier 2005 avait prononcé, devant les parlementaires espagnols réunis, un discours profondément émouvant en hommage aux 9 000 «  républicains  » assassinés dans les camps et qui devait inaugurer très solennellement avec le Premier ministre Zapatero le mémorial de Mauthausen, est publiquement accusé, et ce de façon irréfutable, de n’être qu’un imposteur, un escroc qui s’est inventé de toutes pièces un passé de déporté.

    L’homme, très charismatique, doté de dons oratoires certains, comédien talentueux et menteur exceptionnellement convaincant, intelligent, sympathique, hyperactif et débordant d’énergie n’en est pas à sa première escroquerie.

    En effet il a pu, en 1976, accéder au poste de secrétaire régional de la CNT de Catalogne, et en 1978, le voilà secrétaire confédéral pour toute l’Espagne (titres dont il est déchu, mais que, bien sûr, en 2005, les médias ne manquent pas de rappeler avec une évidente délectation). C’est bien sûr un passé fictif (lui aussi) d’héroïque résistant au franquisme qui lui a valu une popularité certaine au sein du mouvement libertaire en pleine reconstruction (Franco meurt en 1975) et qui compte, à côté de militants historiques, un grand nombre de nouveaux adhérents qu’il est facile de duper.

    Politiquement, idéologiquement, on voit bien tout le bénéfice que certains vont retirer de cette énorme escroquerie commise par un ancien secrétaire confédéral de la CNT (3)  : c’est, à la fois, un nouveau discrédit jeté sur le mouvement libertaire (déjà plombé par l’attentat de la Scala et les querelles internes) en même temps qu’un coup bas porté à tous ceux qui voudraient interroger le passé récent de la période franquiste, dans la mesure où – l’affaire Marco le prouve – même la déportation peut faire l’objet de manipulations et de mensonges.

    Mais le propos de Javier Cercas n’est pas à proprement parler politique. Son entreprise littéraire vise, entre au-tres, à établir une biographie non romancée de Marco, en démentant ses assertions par des documents, des témoignages ou en effectuant des recoupements qui contraignent le mythomane à reconsidérer à la baisse sa pseudo-vie héroïque. Bien que ses interviews contribuent à dévoiler ses diverses supercheries, Marco s’y prête volontiers, puisque cela le met, malgré tout, au centre de l’attention, en tant que sujet de roman, sous le «  feu des projecteurs  », chose qu’il aime par-dessus tout.

    Il ressort de ces entretiens que les mensonges de Marco comportent souvent une modeste part de vérité. Il a certainement été un jeune anarchiste enthousiaste, élevé dans un milieu ouvrier proche de la CNT (le père et un oncle étaient adhérents), il a peut-être participé aux côtés de son oncle aux journées de Juillet 36 (à l’âge de 15 ans) et, selon Cercas, sa présence est un temps avérée sur le front de la Sègre, dans les rangs de la 26e division. Prétendument blessé (rien n’est moins sûr), il regagne Barcelone en janvier 39 peu de temps avant la chute de la ville. On peut considérer que sa vie militante s’arrête là (il a 18 ans) et que, à l’instar de beaucoup d’autres, il va tenter de passer inaperçu pour échapper à la répression. En avril 1941 (il a 20 ans), convoqué par les autorités militaires pour régulariser sa situation, son passé ne semble pas avoir été connu et rien n’est retenu contre lui. Cercas attribue l’heureux résultat de cette convocation au génie de charlatan et d’embrouilleur hors pair de Marcos, mais on peut envisager aussi une autre hypothèse... En novembre 1941 (alors que l’armée ne l’a toujours pas appelé sous les drapeaux), Marco décide de s’engager comme travailleur volontaire pour l’Allemagne (salaire élevé). Il est embauché avec contrat par la firme Deutsche Werke Werft de Kiel comme mécanicien. Pour avoir tenu des propos séditieux auprès de camarades de travail, il est poursuivi pour haute trahison envers le IIIe Reich. Emprisonné à Kiel, il est libéré au bout de 7 mois, le procureur ayant abandonné les poursuites. Cercas s’interroge sur les raisons qui on pu pousser un procureur allemand à abandonner les poursuites, sans donner de réponse.

    C’est bien sûr cet emprisonnement à Kiel que Marco transformera en temps passé en camp de concentration, quand il se sera découvert une vocation tardive de déporté. A l’été 43, Marco rentre en Espagne.

    La version héroïque de sa vie est bien différente. La voici. Après avoir prétendument fait partie de l’UJA, éphémère groupe de résistance au franquisme démantelé à l’été 39, il aurait rejoint la France pour continuer le combat, se serait fait arrêter par la Gestapo et aurait été déporté à Flossenbürg (4) où il serait resté jusqu’à la libération du camp en 45.

    En réalité, de 1943 à 1975, Marco va mener la vie très ordinaire d’un sujet lambda sous la dictature (il subira quelques jours de prison pour vol en 1949 ; c’est ce qu’il transformera par la suite en activité libertaires antifranquistes). Il deviendra même, dans les années 60, un artisan mécanicien relativement prospère.

    Au tournant des années 70, son besoin irrépressible d’être admiré, reconnu, le conduit à construire le personnage de résistant antifranquiste qu’il prétend être. Un petit nombre de jeunes gauchistes issus de la bourgeoisie barcelonaise, éblouis par son passé glorieux vont contribuer à répandre sa légende dans certains milieux. A l’époque il se fait appeler Enric Durruti (il serait de la famille…), il aurait bien sûr fréquenté Quico Sabaté. Puig Antich aurait été de se ses amis…

    Comment un homme au passé antifranquiste plus que douteux et qui n’avait maintenu aucun lien avec la CNT pendant plus de 40 ans a-t-il pu obtenir un mandat confédéral  ?

    On peut regretter que Cercas évacue trop rapidement la thèse de la manipulation policière  ; cela dénote peut-être chez l’auteur une certaine naïveté politique. En effet, comment les services (spéciaux) de police auraient-ils pu «  rater  » un tel individu  ? Eux dont l’une des missions essentielles consiste à collecter les petits secrets gênants, les failles embarrassantes de tout un chacun et des militants en particulier (pour pouvoir les faire chanter au besoin) (5). Comment auraient-ils pu négliger d’exploiter un pareil filon  ? La construction du personnage s’est faite sans doute avec leur aval, en tout cas, aucune «  fuite officielle  » n’est venue démentir la fiction.

    Face au danger mortel que la reconstruction de la CNT représentait pour lui, l’Etat avait tout intérêt à encourager l’ascension d’un tel individu avide de reconnaissance et d’admiration, soucieux d’apparaître toujours au premier plan. Son narcissisme paroxystique en faisait un homme fragile et donc obéissant puisque, à tout moment, ceux qui savaient pouvaient détruire le personnage auquel il avait fini sans doute par croire quelque peu lui-même.

    Après avoir été écarté de la CNT (6), Marco sera un moment vice-président d’une association de parents d’élèves, mais il va bien vite retrouver la gloire et l’attention des médias en devenant la «  rock star de la mémoire  » . Ce sera son escroquerie la plus aboutie et la plus infâme sans doute.

    Cercas réfute l’idée de manipulation policière et attribue aux seuls «  mérites  » de Marco, excellent menteur, son incroyable ascension médiatique. Il voit aussi dans cette fable pathétique, la personnification, l’incarnation d’un désir «  a posteriori  » d’avoir appartenu à la résistance antifranquiste, les petits mensonges de beaucoup (beaucoup d’Espagnols arrangeront quelque peu leur biographie après la mort de Franco) entraînant en quelque sorte le gros mensonge d’un seul. Cette approche n’est pas sans intérêt, mais on peut penser plus prosaïquement que l’affaire Marco restera dans les annales comme l’exemple réussi d’une «  opération de déstabilisation  » à double effet  : décrédibiliser un mouvement d’opinion favorable au réexamen du passé franquiste et nazi, porter gravement atteinte au mouvement libertaire (7).

    L’affaire Marco, au-delà de son côté anecdotiquement tragique pose aussi le problème du mode d’organisation du mouvement libertaire. Une organisation pyramidale, quels que soient les garde-fous qu’elle tente de mettre en place pour se rassurer (mandats précis, révocabilité de principe,…), permet toujours, dans les faits, l’ascension d’individus malfaisants, qu’ils soient simples histrions ou infiltrés. L’horizontalité organisationnelle est de nature à limiter ce genre d’intrusion. Sans «  trône  » à conquérir, sans titre ronflant à exhiber, dans l’anonymat militant, les velléités des narcisses en puissance s’affaissent d’elles-mêmes, et même si une infiltration est toujours possible, l’activité que les infiltrés doivent déployer pour contrôler ou casser est infiniment plus coûteuse.

    1.- Sur cette triste affaire, nous avions publié dans «  Le Combat syndicaliste  » de Toulouse (N°92, , pages 18 et 19) l’article «  Un imposteur nommé Marcos  ». (N.B. : «  Le Combat syndicaliste  » est devenu «  Anarchosyndicalisme  !  » à partir de son numéro 101). L’article est consultable sur le «  Forum anarchiste  » , rubrique «  Histoire de l’anarchisme  » ou : http://forum.anarchiste.free.fr/viewtopic.php?f=5&t=9793&p=160856&hilit=marco#p160856 ainsi que sur http://seenthis.net/messages/414697#message414698

    2.- De son vrai nom Enrique Marcos, l’imposteur a catalanisé son nom en Enric Marco.

    3.- Si, quand il était à l’honneur, les médias n’ont jamais ressenti le besoin de rappeler que Marco avait été un des responsables de la CNT, une fois sa supercherie découverte, ils se sont précipités pour publier cette information. Par contre, ils ont tous, ou presque, oublié de mentionner qu’il avait été exclu de la CNT dès 1979 et qu’il avait été l’un des principaux fondateurs de la CGT. Deux «  détails  » certainement sans importance. La palme de la désinformation revenant au Monde dont l’éditorial (13 mai 2005) pouvait laisser entendre que Marco était toujours secrétaire national de la CNT.

    4.- Un des camps nazis les moins connus. Il faut être assez versé en histoire pour savoir que pas un seul des Espagnols qui y sont passés n’a survécu. Ainsi, Marco ne risquait-il pas de rencontrer le moindre témoin gênant.

    5.- C’est dans des archives ministérielles que l’historien qui a fait éclater l’affaire a trouvé, soigneusement rangé à sa place, le dossier concernant la vie de Marco dans les années 40. La police ne pouvait donc ignorer l’imposture.

    6.- Des militants de l’exil parmi les plus connus n’étaient pas sans interrogations sur le personnage, de même que des militants de l’intérieur. Ainsi, en 1984, Juan Gomez Casas, lui aussi ancien secrétaire confédéral, demandait publiquement, dans son ouvrage « Relanzamiento de la CNT, 1975/1979 » , « Qui est Marcos  ? » . Il concluait «  cet individu une fois parvenu, à force de mensonges, à obtenir la confiance des anarchosyndicalistes, n’a eu de cesse de les trahir  »

    7.- Par ses mensonges et ses tromperies, Marco fut un des principaux protagonistes de l’éclatement de la CNT et de la création d’une organisation concurrente (mais profondément réformiste derrière les couleurs d’usage) la CGT espagnole. Cette dernière continua à justifier son fondateur lorsque l’imposture fut découverte. Ainsi, «  Rojo y Negro Dijital  » , publication de la CGT, écrivait le 12 mai 05, sous la signature de Rafael Cid et sous le titre «  Moi non plus je n’étais pas à Mauthausen  » (ce dont on se doutait d’ailleurs) que Marco avait menti… «  par solidarité avec les victimes  » !

    Article d’@anarchosyndicalisme ! n°147 /// Décembre 2015 - Janvier 2016

  • Note sur Javier #Cercas
    http://diffractions.info/2015-03-29-note-sur-javier-cercas

    Il y a une histoire que je raconte souvent aux gens quand je veux leur faire comprendre pourquoi j’aime #Javier_Cercas. Un homme marche dans le désert du Sahara ; un militaire loqueteux qui tient une hampe au bout de laquelle tremblotte un drapeau français. Les pas de cet homme s’enfoncent dans le sable au moment...

    #billets #Espagne #guerre_civile_espagnole #littérature

  • Anatomie d’un instant | Javier Cercas
    http://www.monde-diplomatique.fr/2010/12/RIVIERE/19989

    Un geste, en ce 23 février 1981, résume toute l’histoire récente de l’#Espagne. C’est celui que font Adolfo Suarez, le président du Parlement, le général franquiste Gutiérrez Mellado et Santiago Carrillo, le dirigeant du Parti communiste. Eux seuls restent debout lorsque le lieutenant-colonel Antonio Terejo Molina, qui vient de prendre l’Assemblée par les armes, intime l’ordre à tous les élus de se mettre à terre.

    #livre #histoire