Nicole Garreau

Poétesse sans talent et dictateuse sans vergogne

  • est en train d’en avoir une nouvelle preuve : quand on est dans une période « creuse » en ce qui concerne la lecture, c’est-à-dire quand depuis quelques jours rien ne trouve grâce à nos yeux et que l’on a du mal à finir les bouquins commencés, le mieux pour se remettre le pied à l’étrier reste le polar nordique en général et islandais en particulier. Là, quasiment aucune chance de se tromper : si ces petits romans insulaires sont rarement révolutionnaires ils ne sont jamais mauvais.

    Est-ce dû à ce côté insulaire, justement ? En Islande tout récit est fatalement un huis clos alors les écrivain·e·s du coin ne se dispersent pas, voyez, la règle des trois unités (de temps, de lieu et d’action) est très souvent respectée. La seule difficulté consiste à retenir les noms à coucher dehors dont sont affublés les personnages et après hop ! tout roule, on n’a plus qu’à se laisser emporter dans ces dépaysantes histoires de gens hautement civilisés — du moins du point de vue de notre foutraque latinité.

    On pourrait d’ailleurs s’étonner qu’un si petit pays, qui compte finalement assez peu d’habitant·e·s et un des plus bas taux de criminalité du monde, produise autant de polars au kilomètre carré — parce qu’il y en a une sacrée flopée, hein, c’est quasiment de la production de masse. Ça laisse l’impression que ça leur manque dans la « vraie » vie, ça, les meurtres et les assassinats ; dans un univers si policé (1) les ceusses sont obligé·e·s de compenser en couchant sur le papier tous les trucs flippants qu’iels n’ont pas l’occasion de réaliser. Quand dans la réalité il faut parcourir deux cents bornes à pieds dans la lave et dans la glace avant de trouver une potentielle victime à trucider, forcément ça tempère un peu les ardeurs.

    Bref : « L’Île », de Sigríður Hagalín Björnsdóttir. Parfait à lire quand on n’a plus la force de lire.

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    (1) Pas policier, hein : policé. Ce sont quasiment des antonymes.

    • Merci @nicole !

      « L’Île » est considéré comme l’un des livres les plus importants de ces dernières années en Islande. Et ce n’est pas étonnant, car les questions qui y sont soulevées ont un caractère intemporel et universel, et le message semble être particulièrement important pour l’Europe au début du XXIe siècle. L’auteur est une journaliste de radio islandaise bien connue et une chroniqueuse politique. « L’île » est un début de fiction, qui dans son pays natal a suscité des débats houleux sur la sécurité de l’Etat, l’état de la société et de l’individu, la responsabilité de soi-même et d’autres, ainsi que le problème des migrants et des étrangers.

      Traduit par Eric Boury, traducteur des livres d’ Arnaldur Indridason, il se lit vite, facilement, l’écriture est fluide, dynamique, le rythme nous prend et nous laisse couler sur cette terre d’Islande. Le livre commence innocemment. Ou plutôt apparemment innocent. Un jour, l’Internet cesse de fonctionner en Islande, et vous ne pouvez pas établir de liens avec d’autres pays. Cela semble être une panne temporaire, quoique mystérieuse, ou une attaque de pirate informatique.
      Cependant, il s’avère rapidement que l’île a été coupée du reste du monde, et toutes les tentatives de contact avec elle se soldent par un échec.

      Les islandais ressentent des inconvénients différents, mais ils espèrent toujours que le gouvernement réparera et expliquera le mystérieux casse-tête.

      La vision et le ressenti des événements se fait par les yeux de personnages de milieux et d’âges différents. Des islandais « pure souche » et des islandais d’adoption, des personnages décisionnaires de l’état et des gens ordinaires.

      L’illusoire, le superficiel n’a plus d’importance, seuls les besoins primitifs, se nourrir, deviennent la préoccupation de ce pays.

      Un exemple, les façades vitrées des banques sont démontées pour en faire des serres de culture.

      Des membres de la communauté, autrefois mal considérés deviennent influant. Les paysans détiennent la vie de nombreuses personnes dans leur mains. L’argent n’a plus de valeur, le système qui fait tourner notre monde n’a plus sa place.

      Pour l’instant, c’est encore relativement calme et seuls des épisodes uniques semblent déranger les gens.
      Bientôt, cependant, il s’avère qu’il y a une pénurie de carburant, d’énergie et de nourriture. Le crime est en hausse, et parmi les indigènes d’Islande, des instincts hostiles naissent contre les étrangers qui y vivent …

      Une question apparaît, comment fait un gouvernement pour réorganiser une économie qui n’a plus l’habitude de répondre aux besoins vitaux de ses habitants ?

      Comment transformer un système fonctionnant avec des apports extérieurs par un autre basé sur les ressources seules de l’île ?

      Comment faire face à une opposition politique qui critique et veux profiter de l’état d’urgence pour prendre le pouvoir. Comment résoudre des problèmes immenses en très peu de temps ?

      Comment faire pour maîtriser les instincts des plus forts contre les plus faibles ?

      Comment donner à manger à tous, quand le bien commun n’est plus à l’ordre du jour ?

      De nombreuses questions se posent, dans le roman, mais aussi sur notre système actuel. Le roman montre un fonctionnement existant, sous jacent, prêt à éclater.

      Cette expérience est partagée par deux personnages principaux : le journaliste Hjalti, connu pour son intransigeance, et son ex-partenaire, Maria, qui vient d’Espagne et élève seule deux enfants.

      La situation particulière dans le pays signifie qu’ils doivent tous les deux prendre les décisions les plus difficiles dans leur vie, sans être sûrs qu’ils vont bien.

      Et pour un journaliste indépendant, et pour un violoniste sans emploi dont le fils a la peau sombre, des temps dangereux arrivent.

      Etes-vous influencé par l’environnement et le pouvoir, ou échappez-vous dans l’inconnu, incertain, mais peut-être en vous garantissant une chance de briser la place ? Ce ne sont que quelques-unes des questions qui hantent les héros. Trouver la réponse dans le chaos du pays est plus difficile qu’il n’y paraît au premier abord.

      Comme je l’ai mentionné, l’histoire se déroule en Islande, mais ce pourrait être n’importe quel autre endroit. Comme la tension et les événements turbulents sont suivis, il est difficile de ne pas être impressionné que la même chose puisse arriver et où nous vivons.

      Comment notre gouvernement se comporterait-il alors ? Comment réagirions-nous nous-mêmes ? – Ce sont des questions qui naissent dans l’esprit du lecteur.

      N’espérer pas trouver la solution dans les dernières pages du livre, la fin est ouverte, comment cela se finira t’il ? L’Islande retrouvera t’elle contact avec le reste du monde ?

      https://legrandnord.org/lile-roman-de-sigridur-hagalin-bjornsdottir