• « Alors moi, à ce moment-là, pour la première fois ce n’était pas de l’amour ni de la douceur que j’éprouvais pour Elsie, en l’imaginant, en revoyant sa douceur et son regard, cet air attendri qu’elle avait sur tout, comme si elle allait recouvrir toutes choses et les protéger de sa tendresse un peu molle. Oui, à ce moment-là, parce que j’avais pour moi d’être le coeur battant, d’être ailleurs, de croire en la liberté et en la force que donnent la bière et les autres, quand ils sont avec nous dans la rue, que le vent les porte et que la rage et les rires les portent aussi, qu’il y a cet élan qui veut nous débarrasser de nous-mêmes et nous souffle à l’oreille que cette fois c’est possible, que tout est possible et que le monde est une gouttelette d’eau qui fait du toboggan dans notre paume, en disant, allez, amuse-toi, le coeur bat, la peau vibre, je n’éprouvais pas d’amour pour elle. »

    Laurent Mauvignier, Dans la foule