• Des universités françaises au bord de l’#asphyxie : « Ça craque de partout »

    Locaux vétustes, #sous-financement structurel, #pénurie d’enseignants, inégalités sociales et scolaires… Les universités de Créteil, Villetaneuse ou encore Montpellier-III cumulent les difficultés. Le fossé se creuse encore entre les établissements prestigieux et les autres.

    A l’#université_Sorbonne-Paris_Nord, sur le campus de Villetaneuse, en Seine-Saint-Denis, la visite guidée se transforme immanquablement en un passage en revue du #délabrement. Tel couloir ou telle salle, inondés à chaque forte pluie, cumulent vétusté et moisissures sur les murs. Des amphithéâtres aux sièges cassés, des prises abîmées depuis des années, et des vidéoprojecteurs qui, régulièrement, ne fonctionnent pas. Les filets de fortune qui retiennent des bouts de plafond qui s’écroulent au-dessus d’une passerelle reliant plusieurs bâtiments. Cet ascenseur, également, en panne depuis la rentrée, rendant le deuxième étage du département des lettres inaccessible aux étudiants à mobilité réduite.

    De façon moins visible, une grande partie des bâtiments contient encore de l’#amiante, plus ou moins bien protégée. « Là ou encore là, le sol est abîmé, montre Stéphane Chameron, maître de conférences en éthologie, membre du comité social d’administration, encarté SUD-Education, en désignant des dalles usées dans des couloirs ou des escaliers. Donc il peut arriver que de la poussière amiantée soit en suspension dans l’air. C’est une #mise_en_danger. »

    Selon la Cour des comptes, 80 % du bâti de l’université Sorbonne-Paris Nord est aujourd’hui vétuste. Mais le constat national n’est guère réjouissant non plus, avec un tiers du #patrimoine_universitaire jugé dans un état peu ou pas satisfaisant. « Honnêtement, on a honte de faire travailler les étudiants dans ces conditions » , souligne une des enseignantes de l’établissement qui, comme beaucoup, a demandé à rester anonyme.

    En matière d’#encadrement aussi, « la situation est critique », alerte Marc Champesme, chargé du département d’informatique de Paris Nord, membre du syndicat Snesup-FSU. Dans sa composante, le nombre d’étudiants en première année a été multiplié par plus de trois entre 2010 et 2022, et par deux sur les trois années de licence. Dans le même temps, le nombre d’enseignants titulaires n’a pas bougé. « On est maintenant contraints de faire des travaux dirigés en amphi avec soixante étudiants parce qu’on manque de professeurs , réprouve-t-il. Alors même que les pouvoirs publics ne cessent de dire qu’il faut former plus d’informaticiens et de spécialistes de l’IA [intelligence artificielle] , que c’est l’avenir. »

    « Sans l’État, ce ne sera pas possible »

    Ici, comme dans d’autres facultés, les personnels ont été désespérés par le signal envoyé, en février, avec l’annonce de coupes budgétaires de près de 1 milliard d’euros dans l’enseignement supérieur – en contradiction avec la volonté affichée, fin 2023 par Emmanuel Macron, de « donner plus de moyens » pour la recherche. « On nous disait que l’université serait une priorité, mais cela a vite été oublié. C’est un #délaissement total. Et les premiers à trinquer, ce sont nous, universités de banlieue populaire ou de petites villes déjà en mauvaise forme » , s’exaspère un autre enseignant-chercheur de Sorbonne-Paris Nord.

    Cette réalité s’impose comme le signe d’une université française en crise, qui maintient sa mission de service public en poussant les murs, colmatant les brèches et serrant les dents. La conséquence de décennies pendant lesquelles les établissements ont absorbé une augmentation significative de la #population_étudiante, sans que les moyens aient suivi. Entre 2008 et 2021, le nombre d’étudiants a augmenté de 25 %, quand le #budget de l’enseignement supérieur a progressé de moins de 10 %. Quant aux fonds versés par l’Etat liés spécifiquement au #bâti, ils stagnent depuis plus de dix ans.

    Désormais, « ça craque de partout » , résume un enseignant dans un Baromètre des personnels réalisé en 2023 par la Conférence des praticiens de l’enseignement supérieur et de la recherche. A Villetaneuse, « on essaie de mettre les bouchées doubles depuis trois ans pour les travaux urgents. On a investi 6 millions d’euros sur fonds propres. Mais on ne dispose pas de ressources infinies. Sans l’Etat, ce ne sera pas possible » , souligne son président, Christophe Fouqueré. Sur tout le territoire, la pression budgétaire contraint les établissements à se contenter de rafistoler un bâti vieillissant plutôt que d’entamer des travaux de #rénovation nécessaires, ou encore à geler les embauches de #titulaires et à avoir recours à des #vacataires précaires – à présent majoritaires au sein des personnels enseignants dans les universités.

    Mais, à l’image de Sorbonne-Paris Nord, certaines se trouvent plus en difficulté que d’autres en matière de conditions d’études. « La question du bâti et de son délabrement éclaire en fait toutes les #inégalités entre élèves, et entre établissements du supérieur : d’abord entre universités et grandes écoles type Sciences Po, mieux loties, et désormais entre universités elles-mêmes, analyse la sociologue Annabelle Allouch, qui mène un projet de recherche sur le #bâti_universitaire. Mais elle renforce aussi ces inégalités, en encourageant des étudiants à adopter des stratégies d’évitement de certains campus. »

    De fait, des #écarts se sont creusés. Si certains campus ont bénéficié de belles rénovations, comme de moyens plus conséquents pour l’enseignement, d’autres universités, moins subventionnées, décrochent. « On a été oubliés du #plan_Campus de 2008, qui a permis à d’autres universités, y compris voisines, de se remettre à niveau » , regrette le président de Sorbonne-Paris Nord. « L’Etat avait fait le choix de porter les efforts sur 21 sites seulement. Cela a créé un premier différentiel, qui n’a cessé de s’accentuer puisque ces universités lauréates ont été, par la suite, mieux placées, aussi, pour répondre à des appels à projet sur le patrimoine » , explique Dean Lewis, vice-président de France Universités.

    Se sont ajoutées les diverses politiques d’ « #excellence », mises en œuvre durant la dernière décennie, et notamment les labels #Initiative_d’excellence, décernés à certains établissements prestigieux, avec des moyens supplémentaires correspondants. « On a été face à des politiques qui ont décidé de concentrer les moyens sur un petit nombre d’établissements plutôt que de les distribuer à tout le monde » , résume la sociologue Christine Musselin.

    #Violence_symbolique

    Une situation qui laisse de plus en plus apparaître une université à plusieurs vitesses. « Quand je passe de mon bureau de recherche de l’ENS [Ecole normale supérieure] aux locaux où j’enseigne, la différence me frappe à chaque fois », témoigne Vérène Chevalier, enseignante en sociologie à l’#université_Paris_Est-Créteil (#UPEC), qui subit aussi, avec ses élèves, un environnement dégradé. Dans certains bâtiments de cette université, comme celui de la Pyramide, les cours ont dû être passés en distanciel, cet hiver comme le précédent, en raison d’une défaillance de #chauffage, la #température ne dépassant pas les 14 0C. En avril, le toit d’un amphi, heureusement vide, s’est effondré sur un site de Fontainebleau (Seine-et-Marne) – en raison d’une « malfaçon », explique la présidence.

    Plongée dans une #crise_financière, avec un #déficit abyssal, l’UPEC est dans la tourmente. Et la présidence actuelle, critiquée en interne pour sa mauvaise gestion des finances. « Mais lorsqu’on voit arriver 10 000 étudiants en cinq ans, on se prend de toute façon les pieds dans le tapis : cela veut dire des heures complémentaires à payer, des locations ou l’installation de préfabriqués très coûteuses » , défend le président, Jean-Luc Dubois-Randé.

    Au sein d’un même établissement, des fossés peuvent se former entre campus et entre disciplines. « Quand mes étudiants vont suivre un cours ou deux dans le bâtiment plus neuf et entretenu de l’IAE [institut d’administration des entreprises] , dont les jeunes recrutés sont aussi souvent plus favorisés socialement, ils reviennent dans leur amphi délabré en disant : “En fait, ça veut dire que, nous, on est les pauvres ?” » , raconte Vérène Chevalier, qui y voit une forme de violence symbolique.

    Ce sont des étudiants « qu’on ne voit pourtant pas se plaindre », constate l’enseignant Stéphane Chameron. « Pour beaucoup issus de classes moyennes et populaires, ils sont souvent déjà reconnaissants d’arriver à la fac et prennent sur eux » , a-t-il observé, comme d’autres collègues.

    Dans le bâtiment Pyramide, à Créteil, une dizaine d’étudiants en ergothérapie préparent leurs oraux collectifs de fin d’année, assis au sol dans le hall, faute de salles disponibles. « Les conditions, cela nous paraît normal au quotidien. C’est quand on met tout bout à bout qu’on se rend compte que cela fait beaucoup » , lâche Charlotte (qui a souhaité rester anonyme, comme tous les étudiants cités par leur prénom), après avoir égrené les #dysfonctionnements : les cours en doudoune cet hiver, l’impossibilité d’aérer les salles, l’eau jaunâtre des robinets ou l’absence de savon dans les toilettes… « Ça va » , répondent de leur côté Amina et Joséphine, en licence d’éco-gestion à Villetaneuse, citant la bibliothèque récemment rénovée, les espaces verts et l’ « ambiance conviviale », malgré « les poubelles qu’il faut mettre dans les amphis pour récupérer l’eau qui tombe du plafond quand il pleut » .

    Dans l’enseignement supérieur, les dynamiques récentes ont renforcé un phénomène de #polarisation_sociale, et les étudiants les plus favorisés se retrouvent aussi souvent à étudier dans les établissements les mieux dotés. La sociologue Leïla Frouillou y a documenté l’accélération d’une #ségrégation_scolaire – qui se recoupe en partie avec la #classe_sociale. Favorisées par #Parcoursup, les universités « parisiennes » aspirent les bacheliers avec mention très bien des autres académies. « Se pose la question du maintien de la #mixité dans nos universités » , souligne-t-elle.

    En l’occurrence, un campus en partie rénové ne protège pas nécessairement ni d’une situation financière délétère, ni de difficultés sociales plus importantes que la moyenne du territoire. L’un des lauréats du plan Campus de 2008, l’#université_Montpellier-III, présente en majesté l’#Atrium. Une bibliothèque universitaire (BU) tout de verre vêtue, un bijou architectural de 15 000 m2 financé par l’Etat, la région et la métropole, et livré en avril à la porte de l’établissement. L’ouvrage masque un campus quinquagénaire arboré et aussi quelques classes en préfabriqué posées provisoirement à proximité du parking… il y a vingt et un ans. Montpellier-III reste l’une des universités les moins bien dotées de France.

    Un peu plus loin, derrière le bâtiment S, Jade attend patiemment son tour. En première année de licence de cinéma et boursière, comme 48 % des étudiants de son université (quand la moyenne nationale est de 36 %), elle s’apprête à remplir un panier de vivres à l’#épicerie_solidaire de l’établissement. Une routine hebdomadaire pour cette étudiante qui a fait un saut dans la #précarité en rejoignant l’université.

    « Nous avons des étudiants qui ne mangent pas à leur #faim » , regrette Anne Fraïsse, présidente de l’université. Ils sont, par ailleurs, ceux qui auraient le plus besoin d’encadrement. Quand, en 2022, l’#université_Gustave-Eiffel, implantée dans différentes régions, reçoit une subvention pour charge de service public de 13 195 euros par étudiant, Montpellier-III en reçoit 3 812. Les universités de lettres, de droit et de sciences humaines et sociales sont traditionnellement moins bien dotées que les universités scientifiques, dont les outils pédagogiques sont plus onéreux.

    Mais dans les établissements d’une même spécialité, les écarts sont considérables. Nanterre, la Sorbonne-Nouvelle, à Paris, Bordeaux-Montaigne ou Toulouse-Jean-Jaurès : toutes ces universités de #sciences_humaines ont une dotation supérieure de plus de 30 % à celle de Montpellier-III. « Si nous étions financés à la hauteur de ce que reçoit Toulouse-II, c’est 30 millions de budget annuel supplémentaire que l’on recevrait, calcule Florian Pascual, élu CGT au conseil scientifique de l’université Montpellier-III. Nous pourrions cesser de gérer la pénurie, embaucher des enseignants. »

    « Un poids pédagogique »

    En février, le conseil d’administration de l’université a voté un budget affichant un déficit prévisionnel de 5 millions d’euros. Alors que l’établissement a augmenté ses effectifs étudiants (+ 7 % sur la période 2018-2021) pour répondre au #boom_démographique, la #dotation de l’Etat par étudiant a, pour sa part, dégringolé de 18,6 % entre 2016 et 2022. Un rapport rendu en juin 2023 par l’inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche, reconnaît « une situation de #sous-financement_chronique et un état de #sous-encadrement_structurel » . L’université doit néanmoins répondre à l’injonction du gouvernement de se serrer la ceinture. « C’est ne pas tenir compte des grandes inégalités entre établissements » , répond Anne Fraïsse.

    « Ce que nous répète l’Etat, c’est de fermer des postes, en réduisant l’administration et en remplaçant des professeurs par des contractuels ou des enseignants du secondaire. Pourtant, dans treize départements, la moitié des cours ne sont plus assurés par des professeurs titulaires, rappelle la présidente de l’université . Cela a un poids pédagogique pour les étudiants. Pour augmenter les taux de réussite, il faut créer des heures d’enseignement et mettre des professeurs devant les étudiants. »

    La pression démographique absorbée par ces universités amène avec elle une autre difficulté insoupçonnée. « Chez nous, le taux d’utilisation des amphis est de 99 %, on n’a quasiment plus le temps de les nettoyer. Alors si on devait faire des chantiers, on n’aurait tout simplement plus d’endroit pour faire cours, et c’est le cas partout » , soulève Julien Gossa, enseignant à l’université de Strasbourg. « Mais plus on attend, plus ça se dégrade et plus ce sera cher à rénover » , souligne Dean Lewis, de France Universités.

    Or, dans certaines facultés, comme en Seine-Saint-Denis et dans le Val-de-Marne, la démographie étudiante ne devrait pas ralentir. « Nous ne sommes pas sur un reflux démographique comme d’autres, en raison d’un phénomène d’installation des classes moyennes en grande couronne. On envisage une trajectoire d’augmentation de deux mille étudiants par an durant encore un moment. Il va falloir trouver une façon de les accueillir dignement » , souligne Jean-Luc Dubois-Randé, de l’UPEC. D’autant que, malgré les difficultés matérielles, « les profs sont passionnés et les cours très bons », assure une étudiante, en licence de psychologie à Villetaneuse.

    Conscients de cette valeur des cours dispensés et des diplômes délivrés, les enseignants contactés marchent sur des œufs. En mettant en lumière les points de craquage de l’université, ils craignent d’accélérer la fuite vers l’#enseignement_privé, qui capitalise sur l’image dégradée du public. Pourtant, « former la jeunesse est une mission de l’Etat, baisser les dépenses en direction de l’enseignement, au profit du privé, c’est compromettre notre avenir » , rappelle Anne Fraïsse.

    Le nombre de #formations_privées présentes sur Parcoursup a doublé depuis 2020, et elles captent plus d’un quart des étudiants. « Mais même si elles peuvent se payer des encarts pub dans le métro avec des locaux flambant neufs, elles sont loin d’avoir toutes la qualité d’enseignement trouvée à l’université, qui subsiste malgré un mépris des pouvoirs publics » , souligne l’enseignant Stéphane Chameron.

    La fatigue se fait néanmoins sentir parmi les troupes, essorées. « Comme à l’hôpital, on a des professionnels attachés à une idée du #service_public, gratuit, accessible à tous et adossé à une recherche de haute volée , observe le président de l’UPEC, ancien cadre hospitalier. Mais le sentiment d’absence de #reconnaissance pèse, et on observe de plus en plus de #burn-out. » De la même manière que, dans les couloirs des urgences hospitalières, les équipes enseignantes interrogent : souhaite-t-on laisser mourir le service public ?

    https://www.lemonde.fr/campus/article/2024/05/11/des-universites-francaises-au-bord-de-l-asphyxie-ca-craque-de-partout_623255
    #ESR #France #université #facs #enseignement_supérieur #recherche

  • Pop!_OS Users Can Now Update to Linux Kernel 6.8
    https://www.omgubuntu.co.uk/2024/03/pop_os-linux-kernel-6-8-update

    Pop!_OS user? You can now upgrade to Linux kernel 6.8 which has begun rolling out as a regular package update. Although the latest version of Pop!_OS is based on Ubuntu 22.04 LTS which currently tops out at Linux 6.5 back ported as a HWE from Ubuntu 23.10, the distros maker, #system76, like to bring newer versions of the Linux kernel to its users, more often than Ubuntu does. The ability to get upgrade to new Linux kernel releases within a month or two of their release is a key point of difference to Ubuntu and ensures those using Pop!_OS are […] You’re reading Pop!_OS Users Can Now Update to Linux Kernel 6.8, a blog post from OMG! Ubuntu. Do not reproduce elsewhere without (...)

    #News #pop_os

  • Au #Cameroun, la #chasse aux #trophées heurte les droits des « premiers gardiens de la #forêt » | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/international/280224/au-cameroun-la-chasse-aux-trophees-heurte-les-droits-des-premiers-gardiens

    Peu de retombées économiques, des problèmes sociaux : le Cameroun n’est pas une exception. D’après l’Union internationale pour la conservation de la nature (#UICN), ce type de chasse en #Afrique ne permet de financer qu’une petite partie des montants nécessaires à la #conservation et ses retombées socioéconomiques sont faibles.

    Comment s’en étonner ? « Les zones de chasse ont été d’abord créées pour la récréation des utilisateurs », rappelle Samuel Nguiffo, secrétaire général du Centre pour l’#environnement et le #développement (CED), une ONG basée à Yaoundé. Elles font partie « d’un type de gestion extractive, d’un schéma très ancien, qui n’a pas été construit à l’origine pour défendre les intérêts des #populations, mais qu’on essaie désormais d’accommoder à la sauce “développement durable” et “changement climatique” ».

    Pour améliorer la situation, les safaris doivent obliger leurs employés à respecter les droits des #Baka, insiste Honoré Ndjinawé. Il faut revoir l’ensemble du système, juge de son côté l’acteur de la conservation cité plus haut : « On devrait pouvoir s’appuyer davantage sur la population locale pour sauvegarder les forêts et la faune qu’elle connaît mieux que quiconque et a toujours su protéger. »

    C’est aussi ce que pense Pepito Meka Makaena, qui ne veut plus de #chasse_sportive dans sa zone : « La forêt doit rester libre d’accès. On peut organiser la #lutte_antibraconnage et imaginer un autre type de protection qui ne met pas la population en difficulté. »

  • Immigration : « Les partis de gouvernement s’alignent sur le cadre idéologique de l’extrême droite »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/01/17/immigration-les-partis-de-gouvernement-s-alignent-sur-le-cadre-ideologique-d

    Immigration : « Les partis de gouvernement s’alignent sur le cadre idéologique de l’extrême droite »
    Tribune : Jean-Claude Barbier
    L’irrationalité économique des politiques migratoires est prouvée et n’est pas propre à la France. C’est ce que montre très bien The Economist dans son édition du 23 décembre 2023, en demandant une « détoxification » de ces politiques. Qu’il s’agisse des bateaux sur la Manche ou de l’immigration en général, les hommes et femmes politiques du Vieux Continent pratiquent la surenchère, estime l’hebdomadaire économique britannique.
    L’économiste El Mouhoub Mouhoud démontre de son côté que le « régime d’immigration » hérité du colonialisme en France est peu compétitif internationalement. Une étude du Center for Global Development, parue en 2021, indiquait que le déficit de main-d’œuvre se situerait à environ 44 millions d’actifs en Europe, dont 3,6 millions au Royaume-Uni, 3,9 millions en France et 7 millions en Allemagne. On ne peut que constater les ravages croissants du populisme et la progression des idées d’extrême droite, mais aussi la confusion entretenue entre demande d’asile et autres formes de migration. La Commission européenne, chargée d’organiser la solidarité, montre son impuissance depuis 2015.
    Après la victoire de Geert Wilders aux élections législatives néerlandaises, les observations du politiste Cas Mudde confirment une situation inquiétante en Europe. L’élection a été orchestrée par les partis en lice en termes « racialisés » et le niveau de vie et le problème du logement sont présentés aux électeurs en matière d’immigration. Ce sont les partis de gouvernement qui sont à l’origine d’un alignement sur le cadre idéologique de l’extrême droite.
    Le parallèle ici est frappant avec ce qui se passe en France, où les partis, et non les sondages, imposent leurs thèmes. A cet égard, la recherche illustre le caractère fragile des études concernant les opinions relatives à l’immigration et le danger puissant de leur possible manipulation : la simple mention répétée des faits d’immigration modifie les opinions.En ce qui concerne le Danemark et la Norvège, l’idée de réserver aux nationaux les bienfaits de la protection sociale généreuse est apparue il y a trente ans chez les partis d’extrême droite. Ces partis ont ainsi inventé le « chauvinisme du welfare [Etat-providence] ». Au Danemark, des politiques ouvertement anti-immigrés ont émergé en 2002 avec le centre droit, puis se sont poursuivies avec l’arrivée au pouvoir du parti social-démocrate de Mette Frederiksen, en 2019.
    Le gouvernement danois a été jusqu’à reprendre le programme de l’extrême droite, avec comme but une politique de « zéro réfugié » et a lancé l’idée d’expatrier les candidats à l’asile au Rwanda. Au cas par cas, le Danemark négocie toutefois des exceptions pour ses difficultés de recrutement. Le point-clé danois reste la cohésion culturelle du pays.
    Au Royaume-Uni, le gouvernement de Rishi Sunak travaille sur le transfert des demandeurs d’asile au Rwanda, mais les conservateurs au pouvoir sont très divisés sur le texte et le Parti travailliste y est opposé. Le Labour a cependant révisé sa politique d’immigration, y compris avec des mesures strictes, notamment contre les passeurs. Il n’a surtout pas l’intention d’ouvrir les frontières. L’obtention d’un visa dans le pays est d’ailleurs conditionnée à un salaire plancher, ce qui correspond à une immigration « choisie ».
    Si la « solution » préconisée par M. Sunak n’a aucune chance d’advenir en France, du fait de la Convention européenne des droits de l’homme, le plus grand contraste règne en Europe, particulièrement entre la France et l’Allemagne. Le nombre d’immigrés ukrainiens dépasse le million en Allemagne alors qu’il n’est que de 60 000 en France. La législation allemande permet aux demandeurs d’asile de travailler et une procédure dite « de tolérance » protège certains travailleurs qui n’ont pas le statut de réfugié. Par rapport à celles de la France, les performances d’apprentissage de la langue allemande, malgré ses difficultés, sont sans comparaison !
    En Allemagne, l’immigration et l’asile se situent, proportionnellement à la population, à des niveaux beaucoup plus élevés qu’en France. Certes l’Allemagne a des besoins de recrutement supérieurs à ceux de l’Hexagone, mais le patronat français, comme le fait remarquer El Mouhoub Mouhoud, préfère s’arranger avec l’immigration irrégulière. Il se contente d’agir en cachette, alors que les pénuries de main-d’œuvre sont criantes, notamment s’agissant des chaudronniers dans le secteur du nucléaire.
    Le patronat allemand appuie publiquement, et de façon responsable, les projets du gouvernement relatifs à l’immigration qui promeuvent l’immigration de travailleurs extra-européens. Mieux encore, les hauts responsables du patronat allemand combattent les idées du parti d’extrême droite Alternative für Deutschland (AfD).Certes, la menace pèse lourd sur la coalition du Parti social-démocrate (SPD), des Verts et du Parti libéral-démocrate (FDP) d’une part, et sur l’Union chrétienne-démocrate (CDU) d’autre part, face à la montée en puissance de l’AfD. Pour autant, aussi bien le patronat allemand que les partis de gouvernement ont une position explicite contre l’extrême droite alors qu’en France la « normalisation » du Rassemblement national, elle, s’accélère.
    Une certaine démocratie sociale fonctionne encore en Allemagne face à la menace de la partie de l’extrême droite contaminée par le nazisme. On pourrait s’inspirer de cet exemple plutôt que de s’enfoncer dans un pacte toxique qui enferme le macronisme dans l’ombre du Rassemblement national.
    Jean-Claude Barbier est sociologue auprès du Centre national de recherche scientifique du Centre d’économie de la Sorbonne.

    #Covid-19#migration#migrant#france#immigration#populisme#extremedroite#politiquemigratoire#democratie

  • [Historias Minimas] Queen and Paul McCartney & Wings 1973
    https://www.radiopanik.org/emissions/historias-minimas/queen-and-paul-mccartney-wings-1973

    keep yourself alive; doing all right; my fairy king; liar; modern times #rock ’n roll; jesus; seven seas of rhye; nand on the run; jet; mrs. vandebilt; let me roll it; no words; picasso’s last word (drink to me); nineteen hundred and eighty-five; live and let die

    #pop #heavymetal #pop,rock,heavymetal
    https://www.radiopanik.org/media/sounds/historias-minimas/queen-and-paul-mccartney-wings-1973_17119__1.mp3

  • "Le #populisme sordide de #Macron

    Pour justifier sa loi immigration, le #président de la #République en appelle soudainement aux sondages et aux « Français ». Piétinant des valeurs fondamentales, il surfe sur un invariant humain : la #peur de l’autre qui, dans sa version ultime, s’appelle le #racisme. (...)"



    #politique #France #confusion #déliquescence #démagogie #spéculation #langue_de_bois #double_langage #société #seenthis #vangauguin

    https://www.politis.fr/articles/2023/12/le-populisme-sordide-de-macron

  • [Historias Minimas] Eurythmics
    https://www.radiopanik.org/emissions/historias-minimas/eurythmics

    never gonna cry again; the walk; this city never sleeps; love is a stranger; I love you like a ball and chain; I need a man; you have placed a chill in my heart; it’s alright (baby’s coming back); I saved the world today; who’s that girl?; there must be an angel (playing with my heart); the miracle of love; thorn in my side; when tomorrow comes; here comes the rain again; when the day goes down; missionary man; would I lie to you?; sisters are doin’ it for themselves; sweet dreams (are made of this); sexcrime (1984).

    #pop #rock ; #pop,rock ;
    https://www.radiopanik.org/media/sounds/historias-minimas/eurythmics_17031__1.mp3

  • L’inquiétante étrangeté du président Milei
    https://laviedesidees.fr/L-inquietante-etrangete-du-president-Milei

    Étrange et inquiétant, le nouveau président argentin l’est à coup sûr, par les extravagances de son spiritualisme et de son #libertarianisme. Mais tout cela n’est pas si nouveau.

    #International #populisme #Argentine
    https://laviedesidees.fr/IMG/docx/20231212_milei.docx
    https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/20231212_milei.pdf

  • « En sociologie, la prise en compte du ressenti peut aider à identifier les inégalités les plus critiques », Nicolas Duvoux
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/11/20/en-sociologie-la-prise-en-compte-du-ressenti-peut-aider-a-identifier-les-ine

    La sociologie ne peut prétendre à la neutralité, puisqu’elle est une science étudiant la société au sein de laquelle elle émerge. Elle est prise dans les divisions et conflits sociaux, elle met au jour des formes de contrainte et de domination auxquelles elle ne peut rester indifférente. De quel côté penchons-nous ?, demandait à ses pairs le sociologue américain Howard Becker, dans un texte majeur (« Whose Side Are We on ? », Social Problems, 1967). Cependant, cette discipline n’a pas vocation à se substituer à la politique et aux choix collectifs qui relèvent du débat public. La contribution qu’elle peut apporter est de formuler un diagnostic aussi précis que possible sur les dynamiques sociales et la différenciation de leurs effets selon les groupes sociaux.

    L’inflation et la hausse des prix alimentaires très forte depuis l’année 2022 affectent beaucoup plus durement les ménages modestes. Ceux-ci consacrent en effet une part plus importante de leurs revenus à ce poste de consommation. Le relever revient à formuler un constat objectif. De même, la hausse des taux d’intérêt immobiliers exclut davantage de l’accès à la propriété les ménages sans apport (plutôt jeunes et de milieux populaires) que les autres. Il y va ainsi des évolutions de courte durée, mais aussi de celles de longue durée : le chômage touche plus fortement les moins qualifiés, les ouvriers et employés, même s’il n’épargne pas les cadres, notamment vieillissants ; la pauvreté touche davantage les jeunes, même si elle n’épargne pas les retraités.
    Formuler un diagnostic suppose d’éviter deux écueils qui se répondent et saturent un débat public fait d’oppositions, voire de polarisation, au détriment d’une compréhension de l’état de la société. La littérature du XIXe siècle – comme les sciences sociales avec lesquelles elle a alors partie liée – a souvent oscillé entre d’un côté une représentation misérabiliste du peuple, en soulignant la proximité des classes laborieuses et des classes dangereuses, et de l’autre une vision populiste qui exalte les vertus des classes populaires. Claude Grignon et Jean-Claude Passeron l’ont montré dans un livre qui a fait date (Le Savant et le Populaire, Gallimard, 1989). De la même manière, le débat public semble aujourd’hui osciller entre un optimisme propre aux populations favorisées économiquement et un catastrophisme des élites culturelles.

    Cruel paradoxe

    Pouvoir envisager l’avenir de manière conquérante vous place du côté des classes aisées ou en ascension. Cette thèse a un enjeu politique évident : le rapport subjectif à l’avenir nous informe sur la position sociale occupée par un individu et non sur sa représentation de la société. Pour ne prendre qu’un exemple, sur la fracture entre les groupes d’âge, on n’est guère surpris qu’en pleine période inflationniste le regain de confiance en son avenir individuel soit le privilège quasi exclusif [d’un %] des seniors. Il faut être déjà âgé pour penser que l’on a un avenir, cruel paradoxe d’une société qui fait porter à sa jeunesse le poids de la pauvreté et de la précarité de l’emploi, au risque de susciter une révolte de masse.
    Peut-être est-ce un signe de l’intensité des tensions sociales, nombre d’essais soulignent le décalage entre la réalité d’une société où les inégalités sont relativement contenues et le pessimisme de la population. Les dépenses de protection sociale sont parmi les plus élevées du monde, sinon les plus élevées. En conséquence de ces dépenses, les Français jouissent d’un niveau d’éducation, d’égalité et d’une sécurité sociale presque sans équivalent. Ces faits sont avérés.

    Mais le diagnostic ne se borne pas à ce rappel : les données objectives qui dressent le portrait d’une France en « paradis » sont, dans un second temps, confrontées à l’enfer du « ressenti », du mal-être, du pessimisme radical exprimé par les Français, souvent dans des sondages. Ainsi, dans « L’état de la France vu par les Français 2023 » de l’institut Ipsos, il apparaît que « 70 % des Français se déclarent pessimistes quant à l’avenir de la France ». Les tenants de la vision « optimiste », qui se fondent sur une critique du ressenti, tendent à disqualifier les revendications de redistribution et d’égalité.

    Or l’écart entre le « ressenti » et la réalité objective des inégalités peut être interprété de manière moins triviale et surtout moins conservatrice. Cet écart peut être travaillé et mis au service d’un diagnostic affiné de la situation sociale, un diagnostic qui conserve l’objectivité de la mesure tout en se rapprochant du ressenti.

    Une autre mesure de la pauvreté

    La notion de « dépenses contraintes » en porte la marque : ce sont les dépenses préengagées, qui plombent les capacités d’arbitrage des ménages, notamment populaires, du fait de la charge du logement. Entre 2001 et 2017, ces dépenses préengagées occupent une part croissante du budget, passant de 27 % à 32 %, selon France Stratégie. « Le poids des dépenses préengagées dans la dépense totale dépend d’abord du niveau de vie. Il est plus lourd dans la dépense totale des ménages pauvres que dans celle des ménages aisés, et l’écart a beaucoup augmenté entre 2001 (6 points d’écart) et 2017 (13 points d’écart). »
    Cette évolution et le renforcement des écarts placent de nombreux ménages – même s’ils ne sont pas statistiquement pauvres – en difficulté. La volonté de rapprocher « mesure objective » et « ressenti » permet de prendre une tout autre mesure de la pauvreté, qui double si l’on prend en compte le niveau de vie « arbitrable » , soit le revenu disponible après prise en compte des dépenses préengagées.

    De ce point de vue, l’équivalent du taux de pauvreté, c’est-à-dire la part des personnes dont le revenu arbitrable par unité de consommation est inférieur à 60 % du niveau de vie arbitrable médian, s’établissait à 23 % en 2011, selon des travaux réalisés par Michèle Lelièvre et Nathan Rémila pour la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques. Ce chiffre atteint même 27 % si l’on prend en compte les dépenses peu compressibles, comme l’alimentation. Comparativement, le taux de pauvreté tel qu’on le définit traditionnellement se fixait en 2011 à 14,3 %. L’augmentation de la fréquentation des structures d’aide alimentaire témoigne des difficultés croissantes d’une part conséquente de la population.

    Le parti du catastrophisme

    L’optimisme empêche de penser les réalités dans toute leur violence et d’identifier les remèdes qui conviennent le mieux à ces maux. Le catastrophisme doit également être évité. Il a tendance à accuser exclusivement les super-riches dans la genèse des maux sociaux, en mettant en avant une explosion des inégalités démentie par les faits, si l’on exclut le patrimoine et la forte augmentation de la pauvreté dans la période post-Covid-19. En prenant le parti du catastrophisme, la sociologie, et avec elle la société, s’exonérerait d’un travail de fond.
    Un certain nombre de points soulignés par ceux qui critiquent le pessimisme restent vrais. La société française a connu une relative mais réelle démocratisation de l’accès à des positions privilégiées. Les postes d’encadrement n’ont cessé d’augmenter en proportion de la structure des emplois, une partie non négligeable de la population – y compris au sein des catégories populaires – a pu avoir accès à la propriété de sa résidence principale, a pu bénéficier ou anticipe une augmentation de son patrimoine. Les discours sur la précarisation ou l’appauvrissement généralisés masquent la pénalité spécifique subie par les groupes (jeunes, non ou peu qualifiés, membres des minorités discriminées, femmes soumises à des temps partiels subis, familles monoparentales) qui sont les plus affectés et qui servent, de fait, de variable d’ajustement au monde économique. Le catastrophisme ignore ou feint d’ignorer les ressources que les classes moyennes tirent du système éducatif public par exemple.

    Le catastrophisme nourrit, comme l’optimisme, une vision du monde social homogène, inapte à saisir les inégalités les plus critiques et les points de tension les plus saillants, ceux-là mêmes sur lesquels il faudrait, en priorité, porter l’action. La prise en compte du ressenti peut aider à les identifier et à guider le débat et les décideurs publics, à condition de ne pas entretenir de confusion sur le statut des informations produites, qui ne se substituent pas aux mesures objectives, mais peuvent aider à les rapprocher du sens vécu par les populations et ainsi à faire de la science un instrument de l’action.

    Nicolas Duvoux est professeur de sociologie à l’université Paris-VIII, auteur de L’Avenir confisqué. Inégalités de temps vécu, classes sociales et patrimoine (PUF, 272 pages, 23 euros).

    voir cette lecture des ressorts du vote populaire RN depuis les années 2000
    https://seenthis.net/messages/1027569

    #sociologie #inflation #alimentation #aide_alimentaire #dépenses_contraintes #revenu_arbitrable #revenu #pauvreté #chômage #jeunesse #femmes #mères_isolées #précarité #taux_de_pauvreté #patrimoine #inégalités #riches #classes_populaires

    • « Les inégalités sont perçues comme une agression, une forme de mépris », François Dubet - Propos recueillis par Gérard Courtois, publié le 12 mars 2019
      https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/03/12/francois-dubet-les-inegalites-sont-percues-comme-une-agression-une-forme-de-

      Entretien. Le sociologue François Dubet, professeur émérite à l’université Bordeaux-II et directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), vient de publier Le Temps des passions tristes. Inégalités et populisme (Seuil, 112 p., 11,80 €).

      Reprenant l’expression de Spinoza, vous estimez que la société est dominée par les « passions tristes ». Quelles sont-elles et comment se sont-elles imposées ?

      Comme beaucoup, je suis sensible à un air du temps porté sur la dénonciation, la haine, le #ressentiment, le sentiment d’être méprisé et la capacité de mépriser à son tour. Ce ne sont pas là seulement des #émotions personnelles : il s’agit aussi d’un #style_politique qui semble se répandre un peu partout. On peut sans doute expliquer ce climat dangereux de plusieurs manières, mais il me semble que la question des #inégalités y joue un rôle essentiel.

      Voulez-vous parler du creusement des inégalités ?

      Bien sûr. On observe une croissance des inégalités sociales, notamment une envolée des hyper riches qui pose des problèmes de maîtrise économique et fiscale essentiels. Mais je ne pense pas que l’ampleur des inégalités explique tout : je fais plutôt l’hypothèse que l’expérience des inégalités a profondément changé de nature. Pour le dire vite, tant que nous vivions dans une société industrielle relativement intégrée, les inégalités semblaient structurées par les #classes sociales : celles-ci offraient une représentation stable des inégalités, elles forgeaient des identités collectives et elles aspiraient à une réduction des écarts entre les classes [et, gare à la revanche ! à leur suppression]– c’est ce qu’on appelait le progrès social. Ce système organisait aussi les mouvements sociaux et plus encore la vie politique : la #gauche et la #droite représentaient grossièrement les classes sociales.

      Aujourd’hui, avec les mutations du capitalisme, les inégalités se transforment et se multiplient : chacun de nous est traversé par plusieurs inégalités qui ne se recouvrent pas forcément. Nous sommes inégaux « en tant que » – salariés ou précaires, diplômés ou non diplômés, femmes ou hommes, vivant en ville ou ailleurs, seul ou en famille, en fonction de nos origines… Alors que les plus riches et les plus pauvres concentrent et agrègent toutes les inégalités, la plupart des individus articulent des inégalités plus ou moins cohérentes et convergentes. Le thème de l’#exploitation de classe cède d’ailleurs progressivement le pas devant celui des #discriminations, qui ciblent des inégalités spécifiques.

      Pourquoi les inégalités multiples et individualisées sont-elles vécues plus difficilement que les inégalités de classes ?

      Dans les inégalités de classes, l’appartenance collective protégeait les individus d’un sentiment de mépris et leur donnait même une forme de fierté. Mais, surtout, ces inégalités étaient politiquement représentées autour d’un conflit social et de multiples organisations et mouvements sociaux. Dans une certaine mesure, aussi injustes soient-elles, ces inégalités ne menaçaient pas la dignité des individus. Mais quand les inégalités se multiplient et s’individualisent, quand elles cessent d’être politiquement interprétées et représentées, elles mettent en cause les individus eux-mêmes : ils se sentent abandonnés et méprisés de mille manières – par le prince, bien sûr, par les médias, évidemment, mais aussi par le regard des autres.

      Ce n’est donc pas simplement l’ampleur des inégalités sociales qui aurait changé, mais leur nature et leur perception ?
      Les inégalités multiples et individualisées deviennent une expérience intime qui est souvent vécue comme une remise en cause de soi, de sa valeur et de son identité : elles sont perçues comme une agression, une forme de #mépris. Dans une société qui fait de l’#égalité_des_chances et de l’#autonomie_individuelles ses valeurs cardinales, elles peuvent être vécues comme des échecs scolaires, professionnels, familiaux, dont on peut se sentir plus ou moins responsable.

      Dans ce régime des inégalités multiples, nous sommes conduits à nous comparer au plus près de nous, dans la consommation, le système scolaire, l’accès aux services… Ces jeux de comparaison invitent alors à accuser les plus riches, bien sûr, mais aussi les plus pauvres ou les étrangers qui « abuseraient » des aides sociales et ne « mériteraient » pas l’égalité. L’électorat de Donald Trump et de quelques autres ne pense pas autre chose.

      Internet favorise, dites-vous, ces passions tristes. De quelle manière ?

      Parce qu’Internet élargit l’accès à la parole publique, il constitue un progrès démocratique. Mais Internet transforme chacun d’entre nous en un mouvement social, qui est capable de témoigner pour lui-même de ses souffrances et de ses colères. Alors que les syndicats et les mouvements sociaux « refroidissaient » les colères pour les transformer en actions collectives organisées, #Internet abolit ces médiations. Les émotions et les opinions deviennent directement publiques : les colères, les solidarités, les haines et les paranoïas se déploient de la même manière. Les #indignations peuvent donc rester des indignations et ne jamais se transformer en revendications et en programmes politiques.

      La démultiplication des inégalités devrait renforcer les partis favorables à l’égalité sociale, qui sont historiquement les partis de gauche. Or, en France comme ailleurs, ce sont les populismes qui ont le vent en poupe. Comment expliquez-vous ce « transfert » ?

      La force de ce qu’on appelle les populismes consiste à construire des « banques de colères », agrégeant des problèmes et des expériences multiples derrière un appel nostalgique au #peuple unique, aux travailleurs, à la nation et à la souveraineté démocratique. Chacun peut y retrouver ses indignations. Mais il y a loin de cette capacité symbolique à une offre politique, car, une fois débarrassé de « l’oligarchie », le peuple n’est ni composé d’égaux ni dénué de conflits. D’ailleurs, aujourd’hui, les politiques populistes se déploient sur tout l’éventail des politiques économiques.

      Vous avez terminé « Le Temps des passions tristes » au moment où émergeait le mouvement des « gilets jaunes ». En quoi confirme-t-il ou modifie-t-il votre analyse ?

      Si j’ai anticipé la tonalité de ce mouvement, je n’en avais prévu ni la forme ni la durée. Il montre, pour l’essentiel, que les inégalités multiples engendrent une somme de colères individuelles et de sentiments de mépris qui ne trouvent pas d’expression #politique homogène, en dépit de beaucoup de démagogie. Dire que les « gilets jaunes » sont une nouvelle classe sociale ou qu’ils sont le peuple à eux tout seuls ne nous aide guère. Il faudra du temps, en France et ailleurs, pour qu’une offre idéologique et politique réponde à ces demandes de justice dispersées. Il faudra aussi beaucoup de courage et de constance pour comprendre les passions tristes sans se laisser envahir par elles.

      #populisme

  • Jacques Toubon, ancien Défenseur des droits : « A un référendum sur l’immigration, la réponse ne peut être que populiste »
    https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/11/17/jacques-toubon-a-un-referendum-sur-l-immigration-la-reponse-ne-peut-etre-que

    acques Toubon, ancien Défenseur des droits : « A un référendum sur l’immigration, la réponse ne peut être que populiste »
    Dans un entretien au « Monde », l’ancien ministre de la justice de Jacques Chirac et ex-Défenseur des droits s’élève contre l’idée d’étendre le champ du référendum aux questions de société, proposée par la droite et reprise par Emmanuel Macron.
    Propos recueillis par Nathalie Segaunes
    A la veille d’une nouvelle rencontre d’Emmanuel Macron à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) avec des chefs de parti, la première ministre et les présidents des deux assemblées, lors de laquelle doit être discuté « l’élargissement du champ du référendum afin de permettre à nos concitoyens de se prononcer sur les grandes questions », selon l’Elysée, l’ancien ministre de la justice de Jacques Chirac et ancien Défenseur des droits Jacques Toubon appelle le pouvoir exécutif « à ne pas déraper » en « ouvrant les vannes ».
    Emmanuel Macron réunit à nouveau, vendredi 17 novembre, à Saint-Denis, plusieurs chefs des partis politiques représentés au Parlement. Que vous inspirent ces rencontres de Saint-Denis ?
    Elles ont un caractère ambigu : elles ont à la fois un caractère privé, fermé, qui normalement permet de tout dire, et un caractère public, puisqu’elles ont lieu pour pouvoir ensuite en parler. Le véritable problème qui est posé, c’est de réunir les représentants des partis politiques. Qui y a-t-il encore aujourd’hui dans les partis ? On voit bien, sur l’ensemble de l’échiquier, qu’ils sont réduits à leur plus simple expression. Les structures politiques sont faibles et les personnes qui parlent au nom de ces structures ne sont pas éminentes. Je crois que la difficulté dans la vie politique française, c’est cette sorte d’évanescence institutionnelle.
    Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Rencontre de Saint-Denis : Emmanuel Macron subit des défections en série
    Si les « représentants » ne représentent plus, n’est-il pas logique de recourir au référendum sur les questions de société, comme le propose le président de la République ?
    Non, car ce serait le dérapage incontrôlé. A l’heure actuelle, la Constitution permet de recourir au référendum dans des conditions strictes, bien encadrées par les articles 11 et 89, mais qui ne peuvent pas porter sur les questions de société. Faute d’avoir des gens capables d’exprimer ce que les Français veulent, on propose de leur demander : « Est-ce que vous préférez les tomates rouges ou les tomates vertes ? » Mais si on ouvre aux questions de société, on change de régime politique. On voit bien que le pouvoir du Parlement, et de manière générale des corps intermédiaires, y compris des élus locaux, va être annihilé par ces capacités qu’il y aura de recourir au référendum sur tous les sujets.
    La deuxième conséquence, c’est que sur ce type de question, la réponse ne peut être que populiste. Elle va être constituée par un mouvement d’opinion, qui va se traduire par un vote majoritaire à l’occasion du référendum. C’est une position « oui ou non », « Est-ce que vous êtes pour ou contre ? ». Ce que réclame Eric Ciotti [président du parti Les Républicains] aujourd’hui, ce n’est pas un référendum demandant : « Approuvez-vous le projet de loi sur l’immigration ? », mais un référendum demandant : « Est-ce que vous êtes pour ou contre l’entrée des étrangers en France ? » Mais quand on ouvre le référendum dans ces conditions, que se passe-t-il après, si les Français répondent « contre » ?
    Supposons que demain, on ait un référendum dont la question serait : « Faut-il supprimer le droit d’asile ? » Si la réponse est oui, que fait-on, on sort de toutes les conventions internationales, de tous les échanges ? On ne tient pas compte des prescriptions de la convention de Genève, de Strasbourg, de Luxembourg, et on fait la France forteresse, comme certains veulent faire l’Europe forteresse ? Et imaginons qu’on ne passe pas aux actes ensuite : on va créer encore plus de défiance, de la frustration, et la frustration est un puissant moteur de révolte.
    Le chef de l’Etat juge nécessaire de redonner la parole aux Français entre deux élections présidentielles…
    On va avoir une opinion qui se sera exprimée, le peuple considérera « j’ai dit ce que j’avais à dire », mais les institutions ne pourront rien faire. Et si une majorité de Français est favorable à ce qu’on revienne sur l’autorisation de l’interruption volontaire de grossesse, que fait le président de la République ? Que font les institutions ? Que font les médecins ? Idem avec l’aide médicale d’Etat [AME]. Imaginons que les Français disent, par référendum, qu’il faut la supprimer. Moi, docteur Durand, je vais continuer à pratiquer l’AME. Que va-t-il m’arriver ? Je vais passer devant le conseil de l’ordre ? Devant le tribunal administratif ? On voit bien qu’il y a là l’organisation d’une sorte de chaos, ou pour le moins d’une incertitude institutionnelle, qui n’est pas possible. Il faut maintenir les dispositions actuelles sur le référendum.
    Vous êtes donc contre l’élargissement du champ du référendum aux questions de société ?
    Bien sûr. Si on lâche, quelqu’un proposera un jour qu’on puisse faire des référendums sur la politique étrangère. Et on aura demain une question comme « Etes-vous pour Gaza ? » ou « Etes-vous pour Israël ? » A partir du moment où on ouvre les vannes, on peut faire un référendum sur la force de frappe : « Faut-il supprimer l’arme nucléaire ? » Les questions climatiques, écologiques, peuvent également être envisagées avec les conséquences les plus extravagantes. Il ne faut pas déraper.
    Oui, et je pense que mon ancienne famille politique se trompe. Aujourd’hui, sur l’immigration, il faut mettre en place, par les débats parlementaires entre les deux Chambres, une loi qui soit conforme à nos principes. Je pense d’ailleurs qu’il y a un certain nombre de dispositions, ajoutées dans le projet de loi sur l’immigration, qui ne passeront pas au Conseil constitutionnel. La suppression de l’AME, par exemple : il y a un droit fondamental à la santé dans notre pays. On dit que l’AME attire les gens dans notre pays et coûte la peau du dos. Les deux points sont faux. Mais sur ces bases-là, hardi petit ! on propose de la supprimer ! C’est le type même de l’irresponsabilité. Ou bien on laisse le populisme triompher dans notre pays ou bien on s’en tient à ce que la Constitution prévoit en matière de référendum.
    Si Macron dit vendredi « nous ouvrons le référendum aux questions de société », la question sera encore débattue dans trois ans, au moment de l’élection présidentielle. On ne sera pas passé aux actes. Et si on fait l’élection présidentielle là-dessus, il est clair qu’on donne une prime massive aux populistes.
    On reproche à Emmanuel Macron de tout décider seul depuis 2017. Le référendum n’est-il pas une réponse à la concentration du pouvoir ?
    Non, faisons plutôt fonctionner le Parlement. Si l’institution parlementaire fonctionne, les partis politiques reprendront du poil de la bête, parce que c’est leur boulot : ils désignent des candidats pour avoir des élus. Soyons lucides, réfléchissons : quelles sont les conséquences de ces positions, très séduisantes, que prendra peut-être le président ? Etre populaire, au détriment des institutions, au détriment de la représentation politique, est-ce que c’est bien ? Est-ce que ce n’est pas une popularité qui risque de se retourner contre l’intérêt général ? Quand on aboutit, par le biais du référendum, à une réponse qui est complètement contraire à l’intérêt général, au bon sens, on ne passe jamais à l’acte. On l’a vu en 2005 avec le traité européen. Le référendum peut être utilisé comme l’outil de l’irresponsabilité politique. Or, ce dont on a besoin aujourd’hui, c’est de davantage de responsabilité et de sagesse. J’espère que vendredi, le président de la République remettra l’église au milieu du village et la mairie au cœur de la ville.

    #Covid-19#migrant#migration#france#immigration#politiquemigratoire#referendum#populisme

  • A l’incinérateur d’Ivry-Paris XIII, les dioxines ne sont pas contrôlées « 24 h sur 24 et 365 jours par an »
    https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/11/13/a-l-incinerateur-d-ivry-paris-xiii-les-dioxines-ne-sont-pas-controlees-24-h-


    Cheminée de l’incinérateur de déchets d’Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne), le 14 septembre 2021. RAFAEL YAGHOBZADEH POUR « LE MONDE »

    les émissions de ces polluants très toxiques n’auraient pas été mesurées pendant près de sept mille heures entre 2020 et 2021.
    Par Stéphane Mandard

    Lorsqu’une étude avait révélé en février 2022 des niveaux élevés de dioxines autour de l’incinérateur d’Ivry-Paris XIII, le gestionnaire de l’installation, l’agence métropolitaine des déchets ménagers (#Syctom) avait écarté toute responsabilité, expliquant que les niveaux mesurés dans les deux cheminées du plus grand #incinérateur d’Europe étaient « systématiquement inférieurs et très inférieurs » aux normes et faisaient l’objet de « contrôles en continu 24 h sur 24 et 365 jours par an », selon les mots de son directeur général, Denis Penouel, sur BFM-TV. La question reste pourtant posée : l’appareil de mesure des dioxines n’aurait pas fonctionné pendant près de sept mille heures sur la période 2020-2021, selon un nouveau rapport auquel Le Monde a eu accès.
    A l’instar de celle de février, l’étude a été réalisée par la fondation ToxicoWatch, une ONG néerlandaise constituée de chercheurs, qui fait référence dans l’analyse toxicologique des polluants émis par les incinérateurs et en particulier des dioxines. Aussi toxiques que persistantes dans l’environnement, les dioxines figurent sur la liste noire des composés chimiques les plus préoccupants de l’Organisation mondiale de la santé. Elles sont classées cancérogènes pour l’homme par le Centre international de recherche sur le #cancer. Dangereuses même à des doses infimes, elles s’accumulent dans la chaîne alimentaire.
    L’étude de biosurveillance de février 2022 avait mis en évidence des teneurs importantes de #dioxines dans des œufs de poules élevés en plein air autour de l’incinérateur, sur les communes d’Ivry-Seine, d’Alfortville (Val-de-Marne) et de #Paris. Depuis, l’agence régionale de santé (ARS) a réalisé ses propres prélèvements et recommande de ne plus consommer d’œufs issus de poulaillers domestiques à l’échelle de toute l’Ile-de-France. Plusieurs fois annoncé, un rapport de l’#ARS censé éclairer les sources de pollution est toujours en attente de publication.

    https://archive.ph/AD4KW

    • La contamination des œufs révèle la pollution généralisée de la région parisienne aux dioxines et aux « polluants éternels »
      https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/11/20/la-contamination-des-ufs-revele-la-pollution-generalisee-de-la-region-parisi

      L’agence régionale de santé d’Ile-de-France maintient sa recommandation de ne pas consommer d’œufs de poulaillers domestiques après la confirmation de niveaux élevés de contamination.

      [...]

      Des prélèvements ont été effectués dans 25 poulaillers répartis dans Paris et sa petite couronne. Tous sont contaminés. Pour les œufs, 23 des 25 échantillons, soit plus de 90 %, mettent en évidence des dépassements des valeurs réglementaires applicables pour leur commercialisation. L’ARS a tenté d’identifier les sources potentielles d’émissions à l’origine de cette pollution diffuse. Pour les dioxines et les furanes, le rapport évoque des sources fixes telles que les incinérateurs d’ordures ménagères (rejets anciens et/ou actuels), ponctuelles (brûlage de déchets à l’air libre) et diffuses (la circulation routière). Pour les PCB, les sources suggérées sont plus diverses et incluent des résidus de déchets industriels présents dans les remblais ou « dans les revêtements toujours en place qui se désagrègent avec le temps et que l’on peut retrouver dans les #sols superficiels après ruissellement ».

      Niveaux de contamination préoccupants

      Pour tous les polluants recherchés, le lien est généralement fort entre la contamination locale des sols et celle des œufs produits sur les différents sites. Mais d’autres facteurs sont également soulignés par l’étude : les conditions d’élevage des volailles, leur accès à l’extérieur, leur alimentation, etc.
      La nouveauté de l’étude commanditée par l’ARS est la recherche des fameux PFAS. Dans près de la moitié des cas, le seuil réglementaire européen (1,7 microgramme par kilogramme, µg/kg) pour la somme des quatre principaux PFAS (PFOS, PFOA, PFNA, PFHxS) est dépassé. Et parfois très largement. Les concentrations s’échelonnent de 0,22 µg/kg à 9,7 µg/kg et sont jusqu’à sept à dix fois supérieures à la limite réglementaire pour le seul PFOS. Sur la base de cette étude, l’ARS n’est pas en mesure d’identifier une « source dominante dans l’espace urbain » parisien pour expliquer ces niveaux de concentration. L’agence évoque une « multitude de sources liées à nos modes de vie » : « Les PFAS se retrouvent dans les matériaux et les produits de consommation de tous les jours, conduisant à une contamination diffuse de l’environnement. »

      https://archive.ph/tBHdw

      #dioxine #pfas #furanes #PCB #polluants_organiques_persistants #POP #pollution

  • Alexander King : Die Linke ist alleine nicht mehr in der Lage, das linke Wählerpotenzial abzudecken
    https://www.berliner-zeitung.de/open-source/alexander-king-die-linke-ist-alleine-nicht-mehr-in-der-lage-das-lin
    Le parti Wagenknecht acceuille. surtout des politiciens professionnels pragmatiques qui optent pour une ligne modérée de gauche qu’ils appellent « populiste ». Ils reprochent au direction du parti Die Linke d’être désorganisé et incapable de comprendre les problèmes des gens. Ils ressemblent à un mouvement de gilets jaunes lancé par une organisation professionnelle. Cependant ils courent le même danger qui a mené au déclin de Die Linke : Ils constituent un groupe de politiciens professionnels sans racines dans le peuple, le prolétariat. Ils auront sans doute un succès relatif avant de perdre le soutien de celles et ceux qu’ils n’auront pas libérés de leur situation d’exploités et de laissés pour compte.

    27.10.2023 von Ramon Schack - Der Berliner Abgeordnete tritt aus der Linken aus, um Sahra Wagenknecht zu folgen. Im Interview erklärt er die Gründe, die ihn zu dieser Entscheidung geführt haben.

    Alexander King, Sie haben heute Ihren Austritt aus der Partei die Linke erklärt, nach über 25 Jahren Mitgliedschaft. War dieser Schritt von langer Hand geplant, oder erfolgte dieser spontan, initiiert von dem Austritt der Bundestagsabgeordneten um Sahra Wagenknecht?

    Weder noch. Er ist das Ergebnis eines Prozesses. Letztlich hat den Ausschlag gegeben, dass die Parteiführung der Linken keinerlei Nachdenken über die Ursachen für die schwachen Wahlergebnisse erkennen ließ und stattdessen die Schuld ausschließlich woanders suchte. Diese Unfähigkeit zur Selbstkritik ist gefährlich. Die politische Entwicklung in Deutschland steht nämlich Spitz auf Knopf.

    Sahra Wagenknechts Überlegungen sind richtig, für Menschen, die von keiner Partei mehr angesprochen werden, aber für linke Politik zu gewinnen wären, ein notwendiges politisches Angebot zu schaffen.

    Wird dieser Austritt begleitet, von einem Eintritt in das Bündnis Sahra Wagenknecht (BSW)?

    Ja, ich bin Mitglied im Verein Bündnis Sahra Wagenknecht.

    Die Linke hatte noch nie etwas dagegen, wenn Mandatsträger anderer Parteien mitsamt ihrem Mandat zu ihr wechselten.

    Für politische Beobachter ist es sicherlich keine Überraschung, dass Sie dem Wagenknecht-Lager zuzurechnen sind. Sie sind einer der Organisatoren der Friedensdemonstration am Brandenburger Tor im Februar dieses Jahres, Frau Wagenknecht, wie auch Frau Mohamed Ali, haben Sie öfter öffentlich unterstützt, bei Ihren Büroeröffnungen und im Wahlkampf beispielsweise. Befürchten Sie aber nicht trotzdem, eine Aufspaltung des linken Wählerpotenzials?

    Im Gegenteil. Die Linke ist alleine nicht mehr in der Lage, das linke Wählerpotenzial abzudecken. Die Landtagswahlen in Hessen haben das noch mal gezeigt. Insofern halte ich das BSW für eine notwendige Ergänzung, um wirklich wieder alle zu erreichen, die mit der herrschenden Politik unzufrieden sind und sich eine sozialere, wirtschaftlich und außenpolitisch vernünftigere Politik wünschen. Erste Umfragen zeigen ja, dass dem BSW das gelingen könnte.

    Nach den Austritten der Gruppe um Wagenknecht im Bundestag – hat Parteichef Martin Schirdewan die zehn ausgetretenen Bundestagsabgeordneten erneut dazu aufgerufenen, „ihre durch die Linke errungenen Mandate“ zurückzugeben. Andernfalls wäre dies ein „höchst unmoralischer Diebstahl“. Fühlen Sie sich auch als „Dieb“, da Sie ja jetzt das Gleiche im Abgeordnetenhaus vollzogen haben?

    Ich kann diese Reaktion emotional gut verstehen. Sie ist aber nicht ehrlich. Die Linke hatte noch nie etwas dagegen, wenn Mandatsträger anderer Parteien mitsamt ihrem Mandat zu ihr wechselten. In der Berliner Bezirkspolitik kam das zuletzt vor. Übertritte wurden sogar mit Posten belohnt. Früher gab es das hier und da auch auf Landesebene. Übrigens gilt dasselbe natürlich auch für alle anderen Parteien. Mir scheint, auch mit Blick auf den wenig beachteten Fraktionswechsel des MdB Lutze von der Bundestagsfraktion der Linken zur SPD, dass hier mit zweierlei Maß gemessen wird.

    Das freie Mandat ist grundgesetzlich geschützt. Es ist allerdings trotzdem durchaus möglich, dass ich mein Mandat im nächsten Jahr aufgebe. Ich mache das aber nicht von den Forderungen der Linken abhängig, sondern davon, ob ich auch als fraktionsloser Abgeordneter mein Mandat im Sinne meiner Kandidatur und im Interesse der Wähler ausfüllen kann.

    Wird es weitere Austritte aus der Linken – beispielsweise auf der BVV-Ebene – in ihrem Bezirk Tempelhof-Schöneberg geben?

    Das kann ich nicht vorwegnehmen. Ich weiß, dass sehr viele Mitglieder im Bezirksverband die Positionen von Sahra Wagenknecht unterstützen. Wie viele davon jetzt austreten und sich einer neuen Partei anschließen werden, kann ich natürlich nicht voraussagen. Auf unserer letzten Mitgliederversammlung gab es dazu unterschiedliche Aussagen. Ich rechne damit, dass es durchaus einige sein werden. Über die BVV-Ebene entscheidet die Fraktion in Abstimmung mit dem Bezirksvorstand.

    Ich habe keinen Groll gegen Die Linke.
    Alexander King

    Was dürfen Ihre Wählerinnen und Wähler im Bezirk Tempelhof-Schöneberg von Ihnen zukünftig erwarten? Werden Sie versuchen, auch andere Milieus zu erreichen, beispielsweise durch eine veränderte Programmatik?

    Ich war über 20 Jahre Mitglied des Bezirksverbands Die Linke Tempelhof-Schöneberg, davon zwölf Jahre im Bezirksvorstand, davon fünf Jahre als Vorsitzender. Zweimal habe ich als Direktkandidat den Bundestagswahlkampf im Bezirk angeführt. Das heißt, die Politik der Linken im Bezirk trug in den letzten Jahren schon deutlich meine Handschrift. Die politische Ansprache der Linken in unserem Bezirk legte schon von jeher den Schwerpunkt auf soziale Fragen und Friedenspolitik.

    Ich werde den Schwerpunkt meiner Wahlkreisarbeit weiter in den Süden des Bezirks verlagern. In Marienfelde habe ich mein Wahlkreisbüro, in Lichtenrade unterstütze ich zudem einige lokale Projekte. Ich strebe dabei an, weiterhin mit der Linksfraktion in der BVV zusammenzuarbeiten. Rund um das Thema Meinungsvielfalt habe ich außerdem in der Zeit der Pandemie und dann anlässlich der Debatte um den Krieg in der Ukraine einen kritischen Gesprächskreis in Tempelhof etabliert. Mir ist wichtig, das Feld für freie Debatten wieder zu öffnen. Ich habe darüber auch in der Berliner Zeitung geschrieben. Diese Arbeit werde ich fortsetzen. Sie entspricht einem wesentlichen Anliegen des BSW.

    Die Lücke im Parteiensystem. Sollte Sahra Wagenknecht eine neue Partei gründen?

    Demoskopen und Politologen attestieren der entstehenden Partei, wie immer diese auch heißen mag, ein beachtliches Wählerpotenzial. Teilen Sie diese Einschätzungen und wenn ja, wie wird sich dieses auf die politische Landschaft in Berlin zukünftig auswirken?

    Ich bin kein Demoskop. Ich lese die Umfragen und bekomme viele Rückmeldungen aus dem persönlichen Umfeld. Diese deuten darauf hin, dass in der Tat viele Menschen auf eine Wagenknecht-Partei gewartet haben. Wenn ich an meinen Bezirk denke, hoffe ich, dass wir mit der neuen Partei diejenigen erreichen, die zuletzt gar nicht mehr oder aus Protest, aber ohne innere Überzeugung leider rechts gewählt haben, gerade in den Großwohnsiedlungen, wo viele Menschen mit den bestehenden Verhältnissen zu Recht unzufrieden sind.

    Betrachten Sie Ihren Austritt auch als eine Art persönliche Befreiung?

    Nein. Ich habe keinen Groll gegen Die Linke, schon gar nicht gegen Personen in der Linken. Meine politischen Überlegungen habe ich dargelegt. Persönliche Befindlichkeiten spielen keine Rolle bei diesem Schritt.

    Vielen Dank, Herr King.

    #Allemagne #polirique #gauche #populisme

  • Un cas d’école de génocide | Raz Segal
    https://cabrioles.substack.com/p/un-cas-decole-de-genocide-raz-segal

    · Note de Cabrioles : Nous aurions aimé ces denières semaines trouver les forces nécessaires pour visibiliser la situation palestinienne tout en réalisant un dossier sur la pandémie dans le contexte colonial palestinien.

    Nous aurions sûrement traduit des articles de The Pandemic and #Palestine_, le numéro du _Journal of Palestine Studies de 2020 dédié à la #pandémie. Peut-être des extraits de l’interview que sa coordinatrice Danya Qato avait donné à nos camarades de Death Panel. Fouiller dans les articles de Nadia Naser-Najjab qui a donné une conférence The Darkest Side of #Covid-19 in Palestine et publiera en 2024 un livre intitulé Covid-19 in Palestine, The Settler Colonial Context. Enfin nous vous aurions invité à relire l’interview de Danya Cato traduite en 2020 dans À l’encontre et cet article d’ACTA paru en avril 2020 : Le peuple palestinien entre pandémie, harcèlement colonial et autodéfense sanitaire.

    Mais ces forces nous font pour le moment défaut. Pour autant nous ne pouvons nous taire sur ce qui se passe au Moyen Orient ces dernières semaines. Notre voix est faible, mais dans ces moments d’effondrement général il semblerait que chaque voix compte. La pandémie de Covid-19 nous a mis face à deux phénomènes majeurs : la production industrielle de l’insensibilisation à la mort de masse et la complaisance abyssale de la #gauche avec l’#antisémitisme.

    Le premier a de multiples racines dont les principales sont le #colonialisme et le #racisme meurtrier qui structurent le #capitalisme_racial et ses ressorts eugénistes. Racisme, #validisme et #eugénisme sont historiquement inextricables. Les plus de 300 morts par jour de novembre 2020 à avril 2021, et les dizaines de milliers qui ont précédées et suivies, ont pu être d’autant plus facilement acceptées et oubliées qu’elles touchaient d’abord les #classes_populaires racisées, et que depuis des années nous avions été habitué·es au décompte des morts dans la #méditerranée de personnes en exil. En les déshumanisant, en en faisant un rebut.

    Le second phénomène, l’antisémitisme au sein de la gauche, nourrit les rapprochements et dangers les plus corrosifs à force d’être nié par celle-ci. Nous avons vu de larges pans de la gauche et des mouvements #révolutionnaires défilés aux côté d’antisémites assumés, prendre leur défense, relativiser le génocide des Juifves d’Europe. Nous avons vu nombres de camarades se rapprocher de formations fascisantes en suivant cette voie. À travers l’antisémitisme la #déshumanisation des Juifves opère en en faisant non un rebut mais un groupe prétendument homogène qui détiendrait le pouvoir, suscitant des affects de haine d’autant plus féroces.

    Ces deux phénomènes ont explosé ces dernières semaines. À l’#animalisation des palestinien·nes en vue de leur #nettoyage_ethnique est venue répondre la culpabisation par association de toute la #population_israélienne, si ce n’est de tous les Juifves de la terre, aux massacres perpétués par le gouvernement d’#extrême-droite de l’État d’#Israël et les forces capitaliste occidentales.

    La projet de #colonisation de la Palestine est né des menées impérialistes de l’#occident capitaliste et de l’antisémitisme meurtrier de l’#Europe. Ils ne pourront être affrontés séparément. Les forces fascisantes internationales qui prétendent désormais sauver le capitalisme des désastres qu’il a produit par un #nationalisme et un #suprémacisme débridé, se nourrissent de l’intensification de tous les racismes - #islamophobie, antisémitisme, #négrophobie, #antitsiganisme, #sinophobie…- en vue de capturer les colères et de désigner comme surplus sacrifiables des parts de plus en plus larges de la population.

    En #France l’extrême-droite joue habilement de l’islamophobie et de l’antisémitisme structurels, présents jusque dans les rangs de la gauche radical, en potentialisant leurs effets par un jeu de miroirs explosif.

    Face à cela il nous faut un front uni qui refuse la déshumanisations des morts et des #otages israelien·nes tout en attaquant le #système_colonial qui domine et massacrent les palestinien·nes. Il nous faudra également comprendre l’instrumentalisation historique des Juifves et de l’antisémitisme par l’#impérialisme_occidental dans la mise en place de ce système.

    Nous n’avons pas trouvé les forces pour faire ce dossier. Nous republions donc ce texte important de l’historien israélien Raz Segal paru il y a maintenant deux semaines dans la revue Jewish Current. Deux semaines qui semblent aujourd’hui une éternité. Il nous faut nous organiser pour combattre de front la montée incendiaire de l’antisémitisme et de l’islamophobie. Et faire entendre haut et fort :

    Un #génocide est en cours en Palestine.
    Tout doit être fait pour y mettre un terme.

  • La #destruction de #Gaza vue du ciel

    La CNN a publié une série d’images satellites (https://edition.cnn.com/2023/10/25/middleeast/satellite-images-gaza-destruction/index.html) avant et après les bombardements sur Gaza. Les images post-destructions, très choquantes, montrent l’#anéantissement presque complet de nombreux quartiers d’habitations de Gaza. Des milliers de tonnes d’explosifs se sont abattus sur des immeubles et des lotissements, détruisant tout et tuant des habitants par milliers. Et les #photos_satellites datent déjà du 21 octobre. Depuis, #Israël a encore intensifié ses frappes. À cette date, 11.000 #bâtiments à Gaza avaient déjà été détruits. Selon l’ONU, environ 45% des habitations de la bande de Gaza ont été endommagées depuis le 7 octobre !

    Cela n’a rien évidemment à voir avec une prétendue « opération anti-terroriste » comme le répètent tous les médias occidentaux pour manipuler l’opinion. Et les frappes n’ont rien de ciblées, elles ne cherchent même pas à l’être. C’est une opération d’#élimination d’une #population_civile, de ses #infrastructures et de ses lieux de vie, par un régime fasciste. Certains dirigeants d’extrême droite israéliens l’assument ouvertement, il s’agit de #raser_Gaza.

    Un tel niveau de #destruction_urbaine comporte aussi d’importants risques de #contaminations, de #pollutions, de nouvelles explosions. Les millions de tonnes de #décombres comportent des matériaux dangereux pour la santé, des restes de munitions défectueuses… Et la population de Gaza n’a rien pour y faire face.

    Regardez bien ces photos. Voilà à quoi servent les armes que nous vendons à Israël. Voilà à quoi le gouvernement français apporte son « soutien inconditionnel ». Voilà ce qui est fait au nom de la France, de l’Europe, des USA.


    https://contre-attaque.net/2023/10/27/la-destruction-de-gaza-vue-du-ciel
    #bombardements #images #visualisation #images_satellites #images_satellitaires #imagerie #Palestine

    voir aussi :
    https://seenthis.net/messages/1023504

  • Extrême-droite et misère de position

    (proposition d’interprétation)

    Dans le dernier lundimatin on trouve un résumé des observations intéressantes de Pablo Stefanoni à partir de son livre La Rébellion est-elle passée à droite ?

    On en sort un peu avec le tournis, les anciennes catégories politiques n’étant plus tellement opérantes pour définir l’extrême droite, qui part (en apparence du moins) un peu dans tous les sens. L’insurrection en elle-même peut très bien être d’extrême-droite, de même que la critique de l’Etat, puisque l’extrême-droite peut tout à fait critiquer cette autorité-là, pour mieux lui opposer d’autres formes d’autorités (notamment celle de l’efficacité du capitalisme, celle d’une identité culturelle), avec finalement différents courants fascistes qui peuvent être opposés entre eux. Dès lors, qu’est-ce qui définit l’extrême-droite, on ne sait plus très bien.

    Il faut dire que ces observations ne sont pas assorties d’une grille d’interprétation.

    La misère de position

    La misère sociale que P. Bourdieu veut décrire n’est pas forcément (ou pas seulement) une « misère de condition », liée à l’insuffisance de ressources et à la pauvreté matérielle. Il s’agit ici plutôt de dévoiler une forme plus moderne de misère, une « misère de position », dans laquelle les aspirations légitimes de tout individu au bonheur et à l’épanouissement personnel, se heurtent sans cesse à des contraintes et des lois qui lui échappent (...)

    Le concept de misère de position de Bourdieu, en le détournant sans doute quelque peu, pourrait être éclairant pour relier toutes les formes politiques éparses, qu’on peut appeler néo-fascistes, en ce qu’elles naissent d’un sentiment d’être dominé dans des univers sociaux trop vastes pour qu’il y ait une quelconque chance de "réussir" socialement.
    En même temps, cette misère de position n’est pas assortie d’une véritable critique des règles sociales (fondamentalement de compétition). C’est donc moins le jeu qui est critiqué que les chances de gagner.
    Il est logique d’essentialiser les identités (culturelles ou autres) pour stabiliser et restreindre les univers sociaux, pour qu’il restent à l’intérieur de limites fixes dans le temps.

    Cela peut expliquer que les formes nouvelles de fascismes paraissent à la fois conservatrices tout en faisant l’apologie de différents dispositifs porteurs de changement sociaux brutaux (le capitalisme, la technologie, etc), ou tout du moins en les préservant de toute critique, le plus important étant toujours d’affirmer, d’essentialiser, de conserver, explicitement ou non, des identités permettant de clôturer des univers sociaux homogènes.

    A mon avis, l’essentialisation des identités n’apporte qu’une défense existentielle illusoire, dans la mesure où elle contribue à homogénéiser les sociétés, et c’est ce dont le capitalisme se sert pour se déployer (songeons à la construction culturelle des Etats-nation comme ayant permis la construction des économies nationales).

    Il me semble que la revue Stoff dans son article Populisme parlait plutôt de populisme, justement, pour désigner ce que l’on appelle ici néo-fascisme. A relire ou lire...

    "Des insurrections sans lumières"
    https://lundi.am/Des-insurrections-sans-lumieres

    « La Misère du monde »
    https://www.cairn.info/pierre-bourdieu--9782912601780-page-66.htm

    Populisme. Une trajectoire politique de l’humanité superflue
    https://www.stoff.fr/article/populisme

    #extême-droite #populisme #néo-fascisme #Bourdieu

    • entretien avec Verónica Gago, l’une des animatrices du mouvement Ni Una Menos à Buenos Aires, sur la riposte en cours depuis le camp féministe (Ludovic Lamant - 16 septembre 2023)

      https://www.mediapart.fr/journal/international/160923/en-argentine-le-candidat-ultra-liberal-su-capter-l-angoisse-de-certains-je

      Dans une tribune [1] après la victoire de Milei, vous écrivez : « En tant que féministes, nous ne pouvons pas nous reposer sur des étiquettes faciles et condamner le fascisme de manière abstraite. » Que voulez-vous dire ?

      Il faut garder en tête la multiplicité des raisons qui amènent des électeurs à voter Milei. Dire qu’ils et elles sont des fascistes est simpliste. Cela revient à faire l’impasse sur les difficultés vécues par cette jeunesse. Plutôt que de se demander s’ils sont fascistes, mieux vaut essayer de comprendre leurs angoisses et incertitudes, dans une période de déstabilisation très forte des hiérarchies, qu’a produite le féminisme. Dire qu’ils sont fascistes, cela revient à dire qu’il n’y a pas d’autres manières de canaliser leur insécurité qu’à travers le vote Milei – ce qui est faux. Bien sûr, cette entreprise est difficile. Une discussion voit le jour en Argentine, au sein des collectifs militants, sur ce que ces nouvelles masculinités pourraient être. Mais cette élaboration s’inscrit dans un temps long.

      Par ailleurs, ce débat intervient aussi sur fond d’une crise économique brutale. Celle-ci nourrit d’autres incertitudes,très présentes au quotidien : combien coûtera la nourriture demain ? Vais-je trouver du travail ? Au-delà de son discours et de son idéologie, Milei a su capter ce rejet généralisé de l’état actuel des choses : la précarité, l’angoisse économique.

      En résumé, cette convergence entre la déstabilisation des hiérarchies provoquée par le féminisme, et l’intensification de la crise économique, permet de comprendre pourquoi Milei a séduit le vote des jeunes hommes.

      [1] https://www.tiempoar.com.ar/generos/paso-2023-un-analisis-feminista-del-rugido-del-leon

    • Une journée particulière à Buenos Aires
      Carnet #1
      Jérémy Rubenstein
      paru dans lundimatin#410, le 8 janvier 2024

      Nous avons déjà publié de nombreux articles sur Javier Milei [1], cette figure improbable de « premier président liberal libertarien » argentin. Par-delà l’excentricité du personnage et la stupéfaction quant à son élection, reste la question de savoir s’il parviendra à « réformer » le pays par une cure d’hyper austérité et de représsion. Alors qu’il a déjà promulgué un « mégadécret » qui abroge ou modifie plus de 300 articles et transmis au congrès un projet de loi de 183 pages, la dernière inconnue reste l’opposition de la rue malgré des mesures repressives inédites (3 ans et demi de prison ferme en cas de blocage de la circulation, suspension des aides sociales pour celles et ceux qui manifestent, proposition de faire payer la charge du maintien de l’ordre aux organisateurs, etc.) Pour y voir plus clair et appréhender le temps long, Jérémy Rubenstein [2] nous propose de tenir, depuis Buenos Aires, un carnet régulier qui racontera le quotidien argentin. En voici le premier volet.

      https://lundi.am/Une-journee-particuliere-a-Buenos-Aires

  • The Burning Man Fiasco Is the Ultimate Tech Culture Clash | WIRED
    https://www.wired.com/story/burning-man-diplo-chris-rock-social-media-culture-clash

    “Light weights.” That was the reply when Diplo posted a video of himself, Chris Rock, and several others escaping this year’s Burning Man after heavy rains left thousands of other Burners stranded and unable to leave. It was a small thing, but also encapsulated a growing divide between long-term attendees and those who show up expecting a weeklong Coachella in the Nevada desert.

    “Old-timers like myself tend to relish in the chaos,” says Eddie Codel, the San Francisco–based videographer who called Diplo and Rock lightweights on X, the social network formerly known as Twitter. “It allows us to lean into the principle of radical self-reliance a bit more.” Codel is on his 15th burn, he’s been coming since 1997, and Diplo wasn’t the only escaping Burner he called out. When someone else posted a video of RVs stuck in waterlogged sand, he posted, “They were warned.”

    ’Twas ever thus. Burning Man may have started as a gathering of San Francisco counterculture types, but in recent years it has morphed into a confab of tech bros, celebs, and influencers—many of whom fly in and spend the event’s crushingly hot days in RVs or air-conditioned tents, powered by generators. The Playa, as it’s known, is still orchestrated by the Burning Man Organization, otherwise known as “the Org,” and its core principles—gifting, self-reliance, decommodification (no commercial sponsorships)—remain in place.

    But increasingly the Burning Man tenet of “leave no trace” has found itself butting heads with growing piles of debris scattered in the desert following the bacchanal, which can draw more than 70,000 people every year. It’s an ideological minefield, one laid atop a 4-square-mile half-circle of tents and Dune-inspired art installations where everyone has a carbon footprint that’s two-thirds of a ton.

    A lot of this came to a head before rain turned Black Rock Desert into a freshly spun clay bowl. Last week, as festivalgoers were driving into Black Rock City, activists from groups like Rave Revolution, Extinction Rebellion, and Scientist Rebellion tried to halt their entry, demanding that the event cease allowing private jets, single-use plastics, and unlimited generator and propane use. They were met by attendees who said they could “go fuck themselves,” and ultimately the protest was shut down by the Pyramid Lake Paiute tribal police. (The route to the event passes through Pyramid Lake Paiute Reservation.)

    Last Sunday, as news began to spread about the Burners trapped by the rain, reactions grew more pointed. In one popular TikTok, since deleted, Alex Pearlman, who posts using the handle @pearlmania500, lambasted Burners for contributing to climate change while “building a temporary city in the middle of nowhere while we’re in the middle of an unhoused fucking homeless problem.” Reached by email, Pearlman said that TikTok took down the video, claiming it was mass reported for content violations. The creator challenged that, and it got reinstated—then it was removed again. “My reaction was, ‘I guess the community guideline enforcement manager hitched a ride with Diplo and Chris Rock out of Burning Man,’” Pearlman says.

    This sort of thing—a rant, about tech industry types at Burning Man, posted on a social media site, then shared on other social media sites—is essentially the rub, the irony of Burning Man in 2023. For years, the event was, and is, the playground of tech utopian types, the place where they got to unplug and get enlightened. Larry Page and Sergey Brin chose Eric Schmidt as Google’s CEO in part because of his Burner cred. But as mobile data on the Playa has gotten better—in 2016, new cell towers connected the desert like never before—more real-time information has come out of Burning Man as it’s happening, for better or worse.

    This year, that led to more than a little misinformation, says Matthew Reyes, who has, since 2013, volunteered to run Burning Man’s official live webcast. He didn’t go to the event this year but has been helping from his home near Dayton, Ohio. He says he’s had to file several Digital Millennium Copyright Act takedown notices to try to get fake Burning Man streams removed. It’s part of a larger trend of misinformation coming out of the festival, like the debunked rumor that there was an Ebola outbreak at the festival this year—one spread by blue-check X users. The tools so often used by attendees to share their adventures are now also the tools making the event look like a quagmire.

    “All of social media, it’s all about money, about serving custom ads or whatever the monetization scheme is,” Reyes says, adding that he believes internet discourse has hyped up what happened at this year’s event and that oftentimes things that are jokes on the Playa may get misunderstood on platforms. Reyes argues that many media outlets are further distorting the view of what’s happening on the Playa by reporting on what they see rise to the top of those very same social media platforms.

    For Reyes, what happened at this year’s Burning Man is actually proof that, for the most part, the festival’s tenets worked. People shared resources; they got out. And, as Codel put it, he had “the time of [his] life.” Climate change, and Burning Man’s potential impacts on it, are part of a crisis happening worldwide—though, as University of Pennsylvania environmental science professor Michael Mann told WIRED this week, “what took place at Burning Man speaks profoundly to the message of the climate protesters who were shouted down by Burning Man only days earlier.” (Burning Man aims to be carbon-negative by 2030, but some speculate the event won’t hit that target.)

    But even if the tenets of Burning Man worked, that doesn’t mean they were always followed—like, say, that decommodification one. Over the Labor Day weekend, when Burning Man attendees were stuck in the muck and unsure when they’d get out, a TikTokker posting on the handle @burningmanfashion told followers that her crew was safe and they had “enough tuna for a week.” The camp’s structures had fallen down, but they’d be OK. “The news is saying it’s pretty bad out here—it is,” she said. “Thank goodness we have a ModVan, so we’re safe inside of that. Sorry about the plug, I know we’re not supposed to talk about commercial things.”

    #Burning_man #Climat #Pop_culture

  • La Fondation Soros quitte l’Europe RRN Staff

    Une organisation controversée faisant la propagande des « valeurs modernes » arrête ses activités dans l’UE.

    L’Open Society Foundation (OSF), fondée par le milliardaire George Soros, retire une grande partie de ses activités de l’Europe. L’OSF, dirigé depuis juin dernier par son fils Alexander, a annoncé une « nouvelle orientation stratégique » et une volonté de « se concentrer sur d’autres parties du monde ».

    De nombreuses organisations non gouvernementales de défense des droits de l’homme sont préoccupées, tandis que d’autres se réjouissent.


    La nouvelle direction est chargée de mettre en œuvre les « changements structurels profonds » déjà prévus par Soros-père. La décision de mettre fin à une grande partie des activités de l’OSF dans l’Union européenne est la première déclaration faite par le fils d’un milliardaire.

    Alex Soros a annoncé le licenciement de 40 % de son effectif mondial. Le continent européen sera le plus durement touché : 80 % des 180 salariés du siège de l’OSF à Berlin seront licenciés. Il en va de même pour les bureaux à Bruxelles et la succursale à Barcelone, qui seront fermés. En Europe de l’Est, seules 3 des 7 succursales existantes seront conservées : au Kirghizistan, en Ukraine et en Moldavie. 

    L’annonce de ce « changement » par Alexander intervient également à un moment où les partis de droite gagnent du terrain en Europe.


    George Soros et son fils Alexander
    « La décision de l’OSF de réduire ses initiatives dans l’Union européenne n’aurait pas pu arriver à un pire moment pour l’UE et sa société civile. Ainsi, cela peut entraîner de nombreuses conséquences imprévues », écrit Alberto Alemanno, avocat italien et ancien « jeune leader » du Forum économique mondial, sur son X.

    Le vrai nom du milliardaire est György Schwartz, et il a émigré de la Hongrie aux États-Unis après la Seconde Guerre mondiale.

    En 1992, il est devenu multimilliardaire en vendant à découvert des livres sterling. Il a créé l’Open Society Foundation en 1979.

    L’objectif principal de cette organisation est de lutter contre la discrimination, de protéger les droits des minorités et le droit à l’éducation. Mais d’une manière générale, le projet de Soros est un soutien financier international à « la liberté individuelle, l’État de droit et la démocratie, le pluralisme et le libéralisme ». Sous la forme sous laquelle Soros les comprend.

    Dans son pays natal, le milliardaire n’a pas été accueilli depuis 2018 : à l’époque, la branche de Budapest de l’OSF a été transférée à Berlin sous la pression du Premier ministre Viktor Orban. Ce dernier a critiqué à plusieurs reprises son « premier adversaire », le considérant comme une « figure de l’ombre très influente », cherchant à détruire les fondements européens à travers le soutien aux migrants.

    « Nous avons entendu parler de l’empire Soros. Lorsqu’il s’agit de ces questions, nous, Hongrois, avons notre propre compréhension historique : nous croyons sincèrement que les forces d’occupation ne quitteront le continent que lorsque le dernier soldat Soros s’enfuira de l’Europe et de la Hongrie », a écrit le conseiller politique du Premier ministre dans son X Balazs Orban (homonyme).


    2018, affiches en Hongrie contre l’ingérence de Soros dans les affaires publiques

    En Europe centrale, de nombreux gouvernements ont accusé George Soros de « s’ingérer » par l’intermédiaire de l’OSF.

    Il a lui-même dit que sa fondation avait joué un « rôle important » entre 2013 et 2014 dans les événements d’Euromaïdan, des manifestations en Ukraine hostiles au président légitimement élu Viktor Ianoukovytch. Grâce à son travail, le pays s’est retrouvé au bord du désastre.

    Le milliardaire a également été critiqué aux États-Unis, où beaucoup l’accusent de financer des politiques libérales controversées et de soutenir les émeutes à grande échelle qui ont eu lieu après le meurtre de George Floyd en 2020 – ce sont bien eux qui ont aidé Joe Biden à vaincre Donald Trump aux élections.

    Soros est l’un des plus grands donateurs du Parti démocrate en Amérique – avec des acteurs scandaleux comme la société BlackRock.

    La distribution de drogues légales, la popularisation des LGBT, les nombreux partis verts – l’OSF est prête à donner de l’argent pour tout cela.

    ¨Depuis près de deux ans de confrontation entre l’Occident et la Russie en Ukraine, la situation a radicalement changé. Beaucoup espèrent que la puissance de Soros dans le monde a enfin commencé à décliner. _

    #Europe #Alexanderfilsfondation #open_society #OSF #soros #Union_européenne #ue #lobby #Conspirationnisme #idéologie #populisme #ennemis_du_peuple

    Source : https://rrn.media/fr/la-fondation-soros-quitte-leurope

  • Opinion | Mary Gabriel : Happy Birthday, Madonna - The New York Times
    https://www.nytimes.com/2023/08/15/opinion/madonna-career.html

    Un beau papier pour fêter les 65 ans de Madonna.

    At that crucial moment, she forced mainstream society — globally — to see gay men as she did, with admiration, not scorn. Madonna also helped gay men view themselves differently, with pride. In the years since, her embrace of and by the queer community is undiminished. As the journalist Anderson Cooper said in 2019: “No single ally has been a better friend or had a bigger impact on acceptance for the L.G.B.T.Q. community than Madonna. It’s that simple.”

    In the 1980s, when Madonna was in her late 20s, the press began musing aloud about when she might retire. Women in pop music had a use-by date, and hers was seen as fast approaching. With each decade, the same question persisted with varying degrees of cruelty. During a 2017 interview with the writer Roxane Gay (now a contributing Opinion writer for The Times), Madonna called it out for what it is: sexist. “Does somebody ask Steven Spielberg why he’s still making movies? Hasn’t he had enough success?” she said. She added: “Did somebody go to Pablo Picasso and say, ‘OK, you’re 80 years old. Haven’t you painted enough paintings?’ No.”

    Madonna isn’t finished. The battle against bigotry that she has fought throughout her career is far from over, and she has something to say about it. As she prepares to begin her “Celebration” tour in October, that’s great news for us. If her past is any indication, we can expect to be shocked, inspired, challenged and entertained. We will also be enlightened.

    So happy birthday, Madonna, and thank you.

    #Madonna #Pop_culture #Musique #Sida

  • Mario Tronti : I am defeated | communists in situ
    https://cominsitu.wordpress.com/2015/03/08/mario-tronti-i-am-defeated

    Nostalgia for revolutions?
    No, if anything the twentieth century was the century of revolutions. But not only that. Where are the grand ideas, the great literature, the grand politics or the great art? I don’t seen anything like what the first half of the twentieth century produced.

    When did the explosion of creativity end ?
    In the 60s.

    Your golden years ?
    That’s the irony of history. There was a great twentieth century, and a small twentieth century built out of an awareness that it is no longer able to reflect on itself.

    Is this a farewell to the idea of progress ?
    These days Progressivism is the thing furthest from myself. I reject the idea that whatever is new is always better and more advanced than what was there before.

    It was one of the inviolable creeds of Marxism .
    It was the false security of thinking that the defeat was only an episode. Because meanwhile, we thought, history was on our side.

    And now ?
    We saw how it went, didn’t we ?

    Do you feel like you’ve been defeated, or you’ve failed ?
    I am defeated, not a victor. The victories are never final. But we have lost – not a battle – but the war of the twentieth century.

    And who has triumphed ?
    Capitalism. But without class struggle, without an adversary, it has lost its vitality. It has become something of a monstrosity.

    Do you recognise in yourself a certain amount of intellectual pride ?
    I recognise it, but it’s not such a bad thing. Pride offers clarity, distance, it gives you the force to intervene in things. Better anyway than the renunciation of thought. In all this chaos I would like to protect the ‘point of view’.

    The ‘point of view’ ?
    Yes, I cannot position myself on the level of general interest. I was and remain a partisan thinker.

    When did you discover your party ?
    I was very young. Some people attribute to my Operaismo in the 60s. I think it was during my time as a student that my path was fixed.

    In a book about you by Franco Milanesi – unsurprisingly titled In the Twentieth Century – he describes your thought. When was it born ?
    Even before Operaismo I was a communist. A Stalinist father, a large family, the wealthier suburbs of the city. These are my roots.

    In what area of Rome were you born ?
    Ostiense, which was a bit of Testaccio. I remember the market. The cassisti who worked there. They weren’t working class, but common [popolo]. I was part of that story. Then came intellectual reflection.

    What were the points of references? What opened your eyes ?
    I say it often: we are a generation without masters [maestri].

    #Mario_Tronti #marxisme #opéraïsme

    • You’re alluding to the 70s?

      They started the small twentieth century. This is where the drift started.

      It was a great misinterpretation?

      Let’s face it: it was a generational thing, anti-patriarchal and libertarian. I’ve never been a libertarian.

      Ça fait partie des grands malentendus. Un peu comme Lou Reed qui conchie les punks anglais.

    • je savais pas pour Lou Reed (que j’aime beaucoup, dont j’ignorais qu’il avait cette position et dont je ne sais rien des arguments)

      pour Tronti, c’est là because il est mort
      https://seenthis.net/messages/1012583

      Et lui, c’est tout autre chose !
      Tronti a longtemps exalté une figure ouvrière distincte du prolétariat et de ses révoltes, une figure productive centrale qui depuis ce rôle productif était mise en avant comme plus apte à en finir avec la production et non plus à se la réapproprier (≠ socialisme). Comme chez SouB, la critique du socialisme réel est passée par l’opéraïsme.
      C’était avant de devenir le « révolutionnaire conservateur », mémoriel, ce mélancolique du « grand siècle » (≠Hosbawm, non pas depuis sa durée sur laquelle il aurait pu être d’accord mais sur sa radicalité quant aux enjeux communistes), de la « grande politique ». Lui philosophait à coup de marteau, loin de la mélasse des nietzschéens actuels.

      c’était vrai là, et diablement puissant ( c’est un pdf, zapper la préface des 2 marxologues, et lâcher les a priori sur le Moulier d’hier, ou pire, d’aujourd’hui), dans Ouvriers et capital
      https://entremonde.net/IMG/pdf/entremonde-ouvriers_et_capital-tronti-livre-2-2.pdf

      ce livre, dont La ligne de conduite et L’usine et la société [ou Lutte contre le travail https://www.cip-idf.org/spip.php?article8094 ], pour ma part, oui, ça a été décisif, sans que la suite y soit subordonnée, du moins en fut-elle informée.

      et, bien plus tard, là
      http://www.lyber-eclat.net/auteurs/mario-tronti

      florilège de citations au hasard du net
      https://www.babelio.com/auteur/Mario-Tronti/442068/citations

      il est par ailleurs revenu régulièrement sur sa manière de parler (mal) de l’après cadlo autunno, en particulier à propos du mouvement des femmes. pas de l’autonomie ou des autonomes en revanche, ne rechignant pourtant pas ces dernières années à intervenir devant ce qui aujourd’hui en tient lieu à France ( fortement teinté d’appellisme).

      bref, à propos de Tronti, la question, malgré le « retour » au PCI de la fin des 60’s, elle est pas vite répondue.

    • Marx avait prévu une prolétarisation croissante. Nous avons connu une bourgeoisification croissante. Ce ne fut pas une erreur scientifique, ce fut une erreur politique. Marx cherchait une force, non pas pour contester le capitalisme, encore moins pour l’améliorer, mais pour l’abattre. Il la voyait dans la multitude prolétaire, dont l’industrialisation aurait fait grossir les rangs, la transformant, après avoir neutralisé l’armée de réserve, en une classe organisée, hégémonique/dominante. La Révolution industrielle – l’industrialisation accélérée – crée l’illusion d’optique de conditions toujours plus proches de la révolution politique. Dans les années soixante du vingtième siècle, notre opéraïsme a commis la même erreur politique. Mais ce sont des erreurs bénéfiques, parce qu’elles mobilisent l’intelligence des événements pour comprendre politiquement les processus structurels. Ensuite, l’analyse scientifique peut repartir, non pas comme froide analyse de cas, mais comme découverte des nouvelles conditions du conflit.

      Il nous a été donné de vivre le passage de l’ouvrier-masse au bourgeois-masse. J’insiste sur ce point, au risque de répéter ce que j’ai déjà dit. Nous sommes face à une composition sociale formée de petits, moyens et grands bourgeois, avec une tendance, venant du haut et du bas, vers le milieu, avec des zones de marginalisation et d’exclusion, minoritaires en Occident, majoritaires dans le reste du monde. Mais avec une forte propension, de masse, à s’inclure plutôt qu’à se disloquer contre le dehors. Voilà ce que nous dit l’approche réaliste, non idéologique. Le processus trouve encore ici devant lui le chemin tout tracé de l’absence d’opposition politique, qui dénonce l’état de choses, décrit la situation réelle, identifie l’ennemi à combattre et élabore les moyens, les formes pour le vaincre. Exactement ce que faisait Marx. En l’absence de cela, la condition domine la personne.

      Voyons alors ce qui s’est passé. Ce qui s’est passé, c’est que le bourgeois a dévoré le citoyen, le privé a dévoré le public, l’économie a dévoré la politique, la finance a dévoré l’économie, et donc l’argent a dévoré l’État, la monnaie a dévoré l’Europe, la mondialisation dévore le monde. Je propose la formule suivante, et j’invite quiconque à la démentir : les démocraties occidentales sont aujourd’hui les plus parfaites dictatures de l’argent. Tel est le point, délicat et stratégique, où la bataille des idées devient – peut devenir – une lutte politique.
      L’esprit libre, Mario Tronti

      [aux couleurs d’une imaginaire gauche du parti démocrate, ex PCI]

      edit

      Le tout dernier Tronti n’a pas toujours échappé au risque de ces conjurations consolatrices, notamment dans un ouvrage comme De l’esprit libre[3], où le recours à des figures mythologiques et à des expressions chiffrées devient parfois vertigineux. Mais il a su éviter de réduire son discours au pur ésotérisme grâce à son sens aigu des réalités politiques et sociales, qui a chez lui des racines à la fois marxistes et chrétiennes. L’esprit libre trontien ne saurait faire l’économie de toute incarnation.
      https://www.contretemps.eu/mario-tronti-operaisme-italie-marxisme-trajectoire-politique

    • La politique au crépuscule, Mario Tronti (pdf en ligne)
      http://www.lyber-eclat.net/lyber/tronti/politique_au_crepuscule.html

      On ne veut pas clarifier, « illuminer », on veut comprendre, « saisir ». Ce temps est un temps politique sans connaissance de soi : une stèle posée sur la tombe du passé, et comme futur, celui, seulement, que le présent t’accorde. Impossible pour nous.

      Si, depuis la fin du vingtième siècle, tu regardes le temps de la politique que tu as traversé, il t’apparaît comme une faillite historique. Les prétentions n’étaient pas trop élevées, mais c’étaient les instruments qui étaient inadéquats, comme étaient pauvres les idées, les sujets faibles, médiocres les protagonistes. Et à un certain moment l’histoire n’était plus là : ne restait plus qu’une chronique. Pas d’époque : des jours, et puis encore des jours. Le misérabilisme de l’adversaire a refermé le cercle. Il n’y a pas de grande politique sans grandeur de ton adversaire.

      Aujourd’hui le critère du politique fait peur. Mais l’ami/ennemi ne doit pas être supprimé, il doit être civilisé. Civilisation/culture dans le conflit. Lutte politique sans la guerre : noblesse de l’esprit humain. Il y a donc un message. Dans la bouteille de cette allusive symphonie de psaumes.

      7 octobre 1998.

    • La politique et le destin
      https://legrandcontinent.eu/fr/2022/04/11/la-politique-et-le-destin
      #politique

      Nous publions les bonnes feuilles de l’essai séminal de Mario Tronti « Politique et destin » traduit en français dans l’ouvrage consacré à ce fondateur de l’opéraïsme aux éditions Amsterdam : Le démon de la politique.

      Politique et destin deviennent ici la même chose que liberté et destin. D’où une déclinaison de la politique comme liberté à l’égard de l’histoire, politique qui est certes conditionnée, déterminée, soumise à la nécessité par l’histoire, mais qui ne se remet pas, ne se rend pas, ni à cette déterminité4 ni à ces conditionnements. La politique ne reflète rien, mais produit, elle ne décrit rien, mais crée, et elle produit et crée depuis la cage d’acier de l’histoire, de ce qui est et de ce qui a été. C’est cela, la grandeur, dirais-je, la beauté de la politique, quand elle s’élève, quand elle est contrainte de s’élever, jusqu’à la grande histoire.

      edit

      il faudra arracher Tronti non seulement à la frivolité des salons mondains et des colloques universitaires, mais aussi à la fausse profondeur des chapelles gnostiques cultivant en serre les mythes de la révolte ou de la contemplation, de l’« autonomie » ou de la « destitution », en évitant ainsi le supplément d’âme « radical » que peut toujours fournir le recours à des symboles évocateurs et à des terminologies allusives. [...]

      Un bon exemple de cet usage du dernier Tronti est l’article de Gerardo Muñoz « Un aventurier révolutionnaire dans l’interrègne. Mario Tronti (1931-2023) » de paru sur le site Le Grand Continent le 8 août 2023, qui mobilise presque toutes les catégories de la #droite « gnostique » : l’élite, la communauté, l’aventurier, le salut intérieur par le retrait contemplatif. Ce vocabulaire allusif, qui rappelle le kitsch ineffable dont Ernst Jünger est le maître absolu, a circulé en Italie dans les années 1980, lorsque des anciens proches de Tronti, tels que Massimo Cacciari, ont entrepris une légitimation de la « haute » culture de droite afin de l’incorporer à l’aggiornamento de la vision du monde du PCI.
      https://www.contretemps.eu/mario-tronti-operaisme-italie-marxisme-trajectoire-politique

    • introduction

      la ligne de conduite

      Prévenons le lecteur : avec ce livre nous n’en sommes qu’à un « prologue dans les nuages ». Il ne s’agit pas de présenter une recherche achevée. Laissons les systèmes aux grands improvisateurs et les analyses fignolées et aveugles aux pédants.
      Ne nous intéresse nous que ce qui possède en soi la force de grandir et de se développer, et par conséquent d’affirmer qu’aujourd’hui cette force est presque exclusivement l’apanage de la pensée ouvrière. Presque exclusivement, car la décadence actuelle du point de vue des capitalistes sur leur propre société ne signifie pas encore la mort de la pensée bourgeoise. Des lueurs de sagesse pratique nous arrivent, nous arriveront encore de ce long coucher de soleil auquel est condamnée la science des patrons. Plus le point de vue ouvrier progressera, et pour son propre compte, plus cette condamnation historique sera rapidement réalisée. L’une de nos tâches politiques aujourd’hui c’est donc de partir des traces ouvertes par les expériences et les découvertes de la recherche pour frayer une nouvelle direction et une nouvelle forme de chemin. Et de donner à ce chemin l’allure d’un processus. Ce n’est pas le concept de science, mais celui du développement de la science que l’adversaire capitaliste doit bientôt ne plus être capable de maîtriser. Du seul fait qu’elle déclenche son propre mécanisme de croissance, la pensée de l’un des partenaires, c’est-à-dire d’une seule classe, ne laisse plus de place au développement d’un autre point de vue scientifique, quel qu’il soit ; elle le condamne à se répéter lui-même et ne lui laisse pour seule perspective que de contempler les dogmes de sa propre tradition.

      C’est ce qui s’est produit historiquement quand, après Marx, les théories du capital ont repris le dessus : les marges offertes au développement de la pensée ouvrière se sont réduites au minimum et ont presque disparu. Il a fallu l’initiative léniniste de rupture pratique en un point, pour remettre aux mains des révolutionnaires la maîtrise théorique du monde contemporain. Cela n’a duré qu’un moment. Tout le monde sait que, par la suite, seul le capital a été à même de recueillir la portée scientifique de la révolution d’Octobre. D’où la longue léthargie dans laquelle est tombée notre pensée. Le rapport entre les deux classes est tel que le vainqueur est celui qui a l’initiative. Sur le terrain de la science comme sur celui de la pratique, la force des deux parties est inversement proportionnelle : si l’une croît et se développe, l’autre stagne et donc recule. La renaissance théorique du point de vue ouvrier, ce sont les nécessités mêmes de la lutte qui l’imposent aujourd’hui. Recommencer à marcher, cela veut dire immobiliser l’adversaire pour mieux le frapper. Désormais la classe ouvrière est arrivée à un tel degré de maturité que, sur le terrain de l’affrontement matériel, elle n’accepte pas l’aventure politique ; cela par principe et dans les faits. En revanche sur le terrain de la lutte théorique, toutes les conditions semblent opportunément réunies pour lui insuffler un esprit nouveau, aventureux et avide de décou- vertes. Face à la vieillesse de la pensée bourgeoise émoussée, le point de vue ouvrier peut, sans doute, vivre maintenant l’époque féconde de sa robuste jeunesse. Pour cela, il lui faut rompre violemment avec son propre passé immédiat, refuser le rôle traditionnel qui lui est attribué officiellement, surprendre l’ennemi de classe par l’initiative d’un développement théorique improvisé, imprévu et non contrôlé. Cela vaut la peine de contribuer personnellement à ce nouveau genre et à cette forme moderne de travail politique.

      Si l’on nous demande à juste titre : par quel biais ? avec quels moyens ? nous refuserons cependant un discours méthodologique. Essayons de ne donner à personne l’occasion d’éviter les durs contenus pratiques de la recherche ouvrière, pour se tourner vers les belles formes de la méthodologie des sciences sociales. Le rapport à établir avec ces dernières n’est pas différent de celui qu’on peut entretenir avec le monde unitaire du savoir humain accumulé jusqu’ici, et qui se résume pour nous à la somme des connaissances techniquement nécessaires pour posséder le fonctionnement objectif de la société actuelle. Nous le faisons déjà, chacun pour notre compte ; mais c’est tous ensemble que nous devons parvenir à utiliser ce qu’on appelle la culture, comme on se sert d’un clou et d’un marteau pour fixer un tableau au mur. Certes les grandes choses se font par sauts brusques. Et les découvertes qui comptent coupent toujours le fil de la continuité. Et on les reconnaît à ce trait : idées d’hommes simples, elles semblent folies pour les savants. En ce sens, la place de Marx n’a pas été pleinement évaluée, même dans le domaine où cela était le plus facile, c’est-à-dire sur le simple terrain de la pensée théorique. Aujourd’hui, on entend parler de révolution copernicienne à propos de gens qui se sont contentés de déplacer leur table de travail d’un angle à l’autre d’une même pièce. Mais de Marx, qui a bouleversé un savoir social qui durait depuis des millénaires, on s’est borné à dire : il a renversé la dialectique hégélienne. Pourtant, à son époque, ce ne sont pas les exemples qui manquaient d’un retournement analogue, purement critique, du point de vue d’une science millénaire. Est-il possible que tout doive se réduire à l’addition banale du niveau d’un cours élémentaire, entre le matérialisme de Feuerbach et l’histoire de Hegel ? Et la découverte de la géométrie non euclidienne, par Gauss, Lobatchevsky, Bolyai et Riemann, qui fait de l’unicité de l’axiome rien moins qu’une pluralité d’hypothèses ? Et celle du concept de champ dans l’électromagnétique, qui, à partir de Faraday, Maxwell et Hertz, envoie promener toute la physique mécaniste ? Tout cela ne semble-t-il pas plus proche du sens, de l’esprit et de la portée de la découverte de Marx ? Le nouveau cadre de l’espace et du temps introduit par la relativité ne naît-il pas de cette théorie révolutionnaire, de la même façon que l’Octobre léniniste fraye sa route à partir des pages du Capital ? D’ailleurs vous le savez bien. Tout intellectuel qui a lu plus d’une dizaine de livres, outre ceux qu’on lui a fait acheter à l’école, est prêt à considérer Lénine comme un chien crevé dans le domaine de la science. Pourtant quiconque veut prêter attention à la société et comprendre ses lois ne peut pas plus le faire sans Lénine, que qui- conque veut étudier la nature et comprendre ses processus, ne peut le faire sans Einstein. En cela, il n’y a rien d’étonnant. Il ne s’agit pas de l’unicité de l’esprit humain qui progresserait de la même façon dans tous les domaines, mais d’une affaire plus sérieuse. Il s’agit du pouvoir unifiant qui donne aux structures du capital la maîtrise du monde entier, et qui peut être, à son tour, maîtrisé par le seul travail ouvrier. Marx attribuait à Benjamin Franklin, cet homme du nouveau monde, la première analyse consciente de la valeur d’échange comme temps de travail, et donc la première réduction délibérée de la valeur au travail. Et c’est ce même homme qui avait conçu les phénomènes électriques comme provoqués par une seule substance très subtile qui animerait l’univers entier. Avant que son camp ne se soit transformé en classe sous la pression ouvrière, le cerveau bourgeois a plus d’une fois trouvé en lui-même la force d’unifier sous un seul concept la multiplicité des données de l’expérience. Ensuite, les besoins immédiats de la lutte se sont mis précisément à commander la production même des idées. L’époque de l’analyse, l’âge de la division sociale du travail intellectuel avaient commencé. Et personne ne sait plus rien sur la totalité. Demandons-nous si une nouvelle synthèse est possible, et si elle est nécessaire.
      La science bourgeoise porte en son sein l’idéologie, comme le rapport de production capitaliste porte en lui la lutte de classe. Du point de vue de l’intérêt du capital c’est l’idéologie qui a fondé la science : c’est pour cette raison qu’il l’a fondée comme science sociale générale. Ce qui n’était d’abord que discours sur l’homme, sur le monde humain, c’est-à-dire sur la société et l’État, avec la croissance des niveaux de lutte, est devenu de plus en plus mécanisme de fonctionnement objectif de la machine économique. La science sociale d’aujourd’hui est semblable à l’appareil productif de la société moderne : tous y sont impliqués et en font usage, mais seuls les patrons en tirent profit.

      Ouvriers et capital, recueil de textes paru en 1966.

      Reppublica, RIP, etc
      https://seenthis.net/messages/1012583

    • Superbe compilation !

      L‘association entre Lou Reed et Tronti s’est imposée à moi quand j’ai lu son commentaire désabusé sur le mouvement autonome des années 70 (dont j’ai été contemporain).

      Dans les deux cas, on affaire à de fortes personnalités qui ont chacune inspiré une forme de continuité ou de filiation dans lesquelles elles ne se reconnaissaient pas en totalité, voir pas du tout, pour des raisons différentes, bien entendu.

      Là s’arrête la comparaison, totalement anecdotique.

    • La trajectoire théorique et politique de Mario Tronti, Davide Gallo Lassere (2018)
      http://revueperiode.net/la-trajectoire-theorique-et-politique-de-mario-tronti

      Pour Mario Tronti en guerre avec le monde, Gigi Roggero (2023)
      https://tousdehors.net/Pour-Mario-Tronti-en-guerre-avec-le-monde

      Et, quelqu’un disait, les chemins politiques ne se déroulent jamais dans la régularité de la perspective Nevski. Il y a des courbes mystérieuses et des lignes droites à suivre. Nous le savons. Nous pouvons discuter de ses virages et différents cheminements, notamment dans certains passages tragiques et cruciaux. Dans une certaine mesure, nous devons en discuter, bien sûr. Ajoutons que ce n’est pas que cela n’ait pas été fait. Ce qui, pour nous, ne peut être discuté, c’est la fermeté de son point de vue, de sa volonté de marcher sur cette foutue ligne droite. Ceux qui regardent de l’extérieur, c’est-à-dire du tribunal de l’idéologie (qui est toujours un tribunal bourgeois), verront beaucoup de contradictions, des contradictions retentissantes, cinglantes. Ceux qui replacent ces contradictions dans son histoire seront en mesure de les comprendre non pas pour justifier, mais aussi pour évaluer les égarements politiques. Là-dessus, Mario ne s’est jamais caché ni dérobé. Il a revendiqué chaque pas et chaque erreur, il ne s’est repenti de rien.

      Mario Tronti, itinéraire d’un intellectuel organique, Julien Allavena (2023)
      https://laviedesidees.fr/Mario-Tronti-itineraire-d-un-intellectuel-organique

      Au début des années 1970, cette réflexion, enrichie par un travail plus classique sur l’histoire de la philosophie, aboutit à un nouveau paradigme qui ne cesse de modeler les propositions trontiennes futures : celui de l’« autonomie du politique ». Au fond, comme le relève Jamila Mascat, ce paradigme constitue une forme de retour aux sources, à ceci près que Tronti se place cette fois du côté opposé à celui qu’il occupait quand il formulait pour la première fois le principe fondateur de l’opéraïsme : le parti est assurément autonome vis-à-vis de la classe, mais cela équivaut à une chance quand la classe n’est pas parvenue à prendre le pouvoir – car peut-être alors le parti le peut-il encore.

      Ce qui a tout d’un pacte faustien dans le domaine de la théorie va de pair avec une incarnation pratique. En parallèle de ces développements théoriques, le communiste en exil a en effet été admis à retourner en sa terre natale : Tronti peut reprendre la carte du PCI en 1972. Il y évolue dès lors entre l’aile gauche historique de Pietro Ingrao et la majorité menée par Berlinguer, pouvant accéder au comité central du parti à partir de 1983 et au secrétariat de la fédération romaine en 1985. Autrement dit, trente ans après ses débuts en politique, Tronti est enfin devenu ce qu’il était (...).

      Après la chute des formations épigones du #PCI, contraintes (Tronti avec) de s’associer au centre pour gouverner (et à terme de voter le « Jobs Act » de Matteo Renzi), c’est cette « ligne de conduite » quelque peu brisée qui pousse enfin le Tronti le plus tardif dans les bras des horizons théologico-politiques, de saint Paul à Ratzinger en passant par les Pères du désert, à la recherche de derniers éclairages sur ce qu’il analysait alors comme sa propre défaite autant que celle de tout un camp, voire de la politique même.

      #autonomie_du_politique

    • Mario Tronti, un intellectuel et sa conjoncture, Andrea Cavazzini
      https://www.contretemps.eu/mario-tronti-operaisme-italie-marxisme-trajectoire-politique

      La trajectoire de Mario Tronti, que la mort vient arrêter au terme d’une longue vie le 7 juillet dernier, n’est pas facile à interpréter de manière univoque. Le goût douteux de l’époque pour les appréciations émotionnelles et hâtives rend d’autant plus nécessaire de dresser un bilan d’une œuvre et d’une activité qui ont rencontré certains des moments politiques les plus incandescents de la deuxième moitié du 20e siècle. Non pas pour noyer les prises de position dans l’océan de la « complexité ». Mais, bien au contraire, parce que, comme Mario Tronti l’aurait rappelé, la prise de position, la « décision », pour parler comme Carl Schmitt, ou la confrontation au « cas décisif » (Ernstfall, qui veut dire littéralement « le cas sérieux »), pour parler comme le théologien catholique Hans Urs von Balthasar, sont des gestes difficiles, qui demandent une rigueur et une discipline rares, refusant toute complaisance à l’égard des approximations vagues et des jugements précipités.

      De ce bilan, nous ne pourrons pas nous acquitter ici ; il s’agira uniquement de rappeler certains jalons d’un trajet singulier qui pourraient marquer autant de points critiques, sur lesquels donc des questionnements devraient être ouverts ou réouverts. Dans une intervention qui a suivi la mort de Tronti, Sergio Bologna, un autre vétéran de l’opéraïsme, dont le parcours a été assez éloigné de celui de l’auteur d’Ouvriers et capital, a rappelé que le risque principal pour un mort aujourd’hui est de recevoir des applaudissements lors de son enterrement, comme un chanteur pop ou une vedette de la télévision[1], et que Tronti a eu le chance d’être salué dans le silence.

      [...]

      il convient d’accueillir l’invitation de Sergio Bologna https://centroriformastato.it/strappiamo-tronti-dalle-grinfie-dei-salotti-buoni à ne pas oublier la « scène originaire » de l’activité de Tronti, celle des #luttes_ouvrières du début des années 1960, dans le « triangle industriel » de l’Italie du Nord, à Milan, à Turin, à Gênes. Tronti ne devient pas Tronti en étudiant les classiques de la pensée politique, ni en auscultant les signes des temps ou les Nouvelles Révélations de l’Être et ce, bien qu’il ait pu céder lui-même à la tentation d’effacer sa propre généalogie, en rattachant fréquemment l’essor et le développement de sa réflexion à la seule irruption tellurique de l’insubordination ouvrière.

      edit

      Le différend ne porte pas uniquement sur les « outils » au sens organisationnel du terme, Panzieri et son groupe refusant de définir une seule forme idéale d’expression politique des luttes et donc une seule ligne à adopter vis-à-vis des organisations politiques et syndicales historiques ; l’enjeu de la rupture touche aussi à la vision des luttes ouvrières et de la classe. Pour Panzieri, en effet, la radicalisation de la conflictualité ouvrière à Fiat « n’autorise guère à croire que la lutte de classe telle qu’elle se développe chez Fiat est généralisable de manière immédiate »[13]. Comme les rapports aux organisations ne peuvent être unifiés immédiatement par un modèle dominant, les expériences de la lutte ouvrière restent plurielles et à apprécier chacune dans son contexte, ses limites et ses possibilités concrètes de généralisation. En revanche, malgré le primat affiché de l’expérience des luttes, la démarche de classe operaia et notamment de Tronti procède de manière axiomatique, en faisant de la description d’une dynamique locale la garantie immédiate d’une nécessité théorique :

      Cette classe ouvrière est déjà un fait social, une masse sociale ; lorsque nous parlons de son caractère politique, nous visons d’emblée cette socialisation, ce fait global au niveau social de la classe, de cette absence totale de divisions au sein de la classe, par laquelle les ouvriers naissent tous avec les mêmes intérêts[14].

      Panzieri et son groupe semblent plus sensibles aux surdéterminations et aux sous-déterminations tant des formes d’organisation que de la composition sociologique et politique des ouvriers. Ils sont conscients du fait que les processus politiquement féconds, ainsi que les synthèses théoriques, ne surgissent pas comme des fulgurations événementielles, mais présupposent un travail long et patient de construction, déconstruction et reconstruction, dans lequel il s’agit de recommencer à chaque fois le travail de dépassement de la passivité ouvrière, de blocage de la reproduction de l’idéologie, de mise à l’épreuve des mots d’ordre et des analyses toujours situés et partiels, de tissage de liens et de contacts entre expériences, langages et histoires profondément hétérogènes… C’est le travail de l’intervention comme analyse interminable, plutôt que comme irruption et comme rupture immédiatement décisives.

      #Raniero_Panzieri (mort en 1964)

      edit
      « L’histoire, c’est eux. Nous, c’est la politique ». Entretien avec Mario Tronti
      https://www.contretemps.eu/mario-tronti-marxisme-operaisme

      Mario Tronti, Michel Valensi
      https://www.cairn.info/revue-lignes-2013-2-page-143.htm

      L’AUTONOMIE DU POLITIQUE CHEZ TRONTI, Toni Negri
      http://www.euronomade.info/?p=11938

      addendum le texte de Sergio Bologna dont l’url est cité plus haut par Cavazzini a été traduit en français

      Arrachons Tronti des griffes des salons mondains !
      https://www.contretemps.eu/mario-tronti-operaisme-bologna-classe-ouvriere

      ... quand on parle d’opéraïsme, donc forcément de lui, ce ne sont pas les chaires universitaires, les séminaires, les colloques, les tables rondes, les auditeurs sagement assis ou les revues qui viennent à l’esprit, mais les assemblées ouvrières, les piquets de grève, les bousculades même entre camarades, les chants de joie, les inculpations, les emprisonnements, les veillées nocturnes devant des feux improvisés, les discussions passionnées, la production d’idées. Il me vient à l’esprit que quelqu’un veut toujours nous mettre à genoux pour qu’on fasse et qu’on vive comme qu’il le dit. On pense au désir de liberté, au refus de baisser la tête.

    • MARIO TRONTI, IN MEMORIAM
      La politique au crépuscule
      https://lundi.am/Mario-Tronti-In-Memoriam

      Le 7 août dernier disparaissait Mario Tronti (Rome, 1931), dont il a quelquefois été question dans ces pages et qui fut, avec quelques autres, l’inventeur de l’opéraïsme italien, tout en restant toutefois et malgré tout pour la gauche italienne une ‘énigme’ (Negri) qu’il faudra encore bien des années pour la pouvoir résoudre. N’est-ce pas lui qui, en 2017, prononça au Sénat italien (dont il était membre) un discours sur la révolution d’octobre, qui commençait en évoquant un mot de Chou En Lai à qui l’on demandait ce qu’il pensait de la révolution française de 1789 et qui répondit : « il est encore trop tôt pour se prononcer ».

      Espérons toutefois que le temps viendra plus vite où l’on pourra se prononcer sur les apports théoriques de Tronti dans leur globalité et complexité, depuis Ouvriers et capital (1966) jusqu’à la Sagesse de la lutte (2021), que nous avions fait paraître en français l’année dernière « dans le silence le plus tendu ». Nous avons appris la mort de Tronti, alors que nous devions envoyer à l’imprimeur la réédition dans L’éclat/poche de La politique au crépuscule, paru une première fois dans la collection « Premier secours », en septembre 2000. La traduction était de Michel Valensi. Tronti avait été ravi de cette réédition « vingt ans après » et l’attendait d’autant que l’édition italienne chez Einaudi était épuisée et que l’éditeur n’avait pas l’intention de la republier. Elle paraîtra augmentée d’une Note de l’éditeur, que nous avions envoyée à Tronti et sur laquelle il n’a pas pu nous répondre, mais des amis communs nous ont confirmé son nihil obstat. Lundimatin a bien voulu la publier ici en "bonnes feuilles" d’un livre à paraître à la toute fin du mois de septembre. La couverture fleurie de Patricia Farazzi s’était imposée aussi pour donner à ce titre tous ses sens possibles.

      à mario tronti, in memoriam

      Dans un récent entretien accordé à un magazine italien, Mario Tronti (1931-2023) évoque « une extraordinaire page de Lukács dans la préface de 1962 à sa Théorie du roman, écrite en 1914-1915 : La voici : “Dans la mesure où, à cette époque, je tentais de porter à un plus haut niveau de conscience mes prises de position émotionnelles, j’en étais arrivé à la conclusion suivante : les empires du centre l’emporteront probablement sur la Russie, ce qui devrait conduire à l’écroulement du tsarisme et cela me convient parfaitement. Reste aussi la possibilité que l’Occident l’emporte sur l’Allemagne, ce qui entraînera la chute des Hohenzollern et des Habsbourg, et cela me convient tout aussi parfaitement. Mais, parvenu à ce point, demeure la question : Qui nous sauvera de la civilisation occidentale ?” ».

      Et Tronti poursuit : « À y repenser, je ne peux ajouter à cela que cette seule observation : cette question impertinente que l’on pouvait encore poser librement aux débuts de l’obscur vingtième siècle, peut-on encore la poser tout aussi librement aux débuts de ce brillant vingt et unième siècle sans se faire crucifier ? »

      edit Mario Tronti et l’opéraïsme politique des années soixante, Michele Filippini
      https://journals.openedition.org/grm/227

      .... noyau dur dans la pensée comme dans l’action du groupe né dans les Quaderni Rossi et passé ensuite dans classe operaia (...) la tentative de concevoir un radicalisme qui serait à l’opposé de tout velléitarisme...

    • La sagesse de la lutte suivi de «Peuple», Mario Tronti
      http://www.lyber-eclat.net/livres/la-sagesse-de-la-lutte

      À l’occasion de son quatre-vingt-dixième anniversaire, Mario Tronti livre ici, avec son style “scandé, ciselé, combatif, constant, agressif et lucide”, un profil auto­biographique, dans lequel il reparcourt les étapes les plus importantes de sa formation politique et théorique. À travers l’évocation de tant de camarades qui ont partagé avec lui ces années de combat, Tronti donne sa propre interprétation du vingtième siècle et des conditions de la politique et de l’histoire qui l’ont traversé. En s’appuyant sur les auteurs qui ont été ses maîtres de vie et de pensée, Tronti s’interroge sur cette sagesse de la lutte, les aventures de son surgissement, les formes de son déclin, la possibilité de sa résurgence.

      Le texte est suivi d’un essai sur la notion de ‘peuple’ et sur le populisme actuel qui hante la politique européenne, depuis — c’est son analyse — “qu’il n’y a plus de peuple”.

      #politique #théorie #lutte #populisme #peuple #livre

  • Racisme et #domination des Etats méditerranéens

    Le #racisme en #Tunisie, loin d’être un #fait_culturel, est la conséquence de #politiques_frontalières

    La #violence contre les personnes noires en situation irrégulière en Tunisie reflète une manie de domination et un jeu de pouvoir lâche d’un petit État en crise. Mais elle est aussi le résultat d’un récit populiste et d’une approche gouvernementale cruelle à l’égard des indésirables, typique de tous les États méditerranéens.

    En 1982, le célèbre intellectuel tunisien Albert Memmi écrivait un essai intitulé Racisme, dans lequel on trouve sa fameuse définition du phénomène qui donne son titre au livre : “l’exploitation généralisée et définitive des différences, réelles ou imaginaires, au profit de l’accusateur et au détriment de la victime, pour justifier une agression”. A l’époque de Memmi, né à Tunis d’une mère d’origine juive berbère et d’un père d’origine tunisienne italienne, la Tunisie était un protectorat français et sa population était beaucoup plus hétérogène qu’aujourd’hui, avec des Français, des Italiens, des Maltais et une présence juive bimillénaire. Dans les années 1950, le racisme des colons français à l’égard de la population majoritairement arabo-musulmane justifiait l’occupation du pays. Aujourd’hui, cent ans après la naissance de Memmi, le racisme de la majorité arabo-musulmane à l’égard des minorités et des étrangers noirs justifie la répression de ces derniers. Fondé sur un récit nationaliste très homogénéisant, le racisme en Tunisie, comme dans le reste de l’Afrique du Nord, est une réalité difficile à éradiquer parce qu’elle est omniprésente dans la politique et la culture, et parce qu’elle joue sur des problèmes réels.

    Le racisme anti-noir en Tunisie, s’il est une réalité presente depuis des années 1, a explosé ces derniers mois depuis le discours du Président Kaïs Saïed du 21 février contre les personnes subsahariennes en situation d’irrégularité. La Tunisie a été choquée par une violence raciste sans précédent. En représailles au meurtre d’un citoyen Tunisien par un homme d’origine de l’Afrique dite Subsaharienne, des hordes d’hommes armés de couteaux et de bâtons ont attaqué les maisons de familles innocentes. Cette violence a été précédée, légitimée et suivie par une répression organisée de l’État contre les personnes noires sans papiers : au cours des deux dernières semaines, des centaines d’arrestations et d’expulsions ont été dénombrées à la frontière, au milieu du désert 2. Beaucoup de Tunisiens sont consternés par le comportement de leurs concitoyens et la brutalité de leur Etat. Et beaucoup voudraient être solidaires, offrir un logement et une assistance aux expulsés et aux déportés, mais toute tentative de solidarité est empêchée, bloquée ou déjouée par une police omniprésente et capillaire.

    Et dans un état de non-droit comme la Tunisie, où la loi se négocie avec l’arbitraire des policiers, parmi les victimes les plus malheureuses se trouvent précisément ceux que les politiciens Italiens appellent les migrants, qui fuient les guerres, les persécutions et la pauvreté et que le gouvernement italien continue à renvoyer en Afrique du Nord, en finançant les garde-côtes tunisiens pour qu’ils empêchent à tout prix leur départ. Ce sont ces mêmes personnes qui, arrivées en Europe, deviennent des réfugiés : Soudanais, Erythréens, Ethiopiens, Nigérians, ou qui deviennent des clandestins enfermés dans les Centres de Rétention Administratives Italiens, renvoyés dans leur pays, relégués dans la misère. Migrants, réfugiés ou sans-papiers, la différence n’est pas grande si vous avez la peau noire en Tunisie, puisque la violence – d’Etat – est exercée sans distinction. D’ailleurs, parmi les personnes amenées dans le désert ces derniers jours, il y aurait aussi des étudiants et des personnes ayant des documents de séjour valides, ainsi que des réfugiés et des demandeurs d’asile. Et dans l’Union européenne, voulons-nous encore croire que nous pouvons créer des plateformes de débarquement 3 en Afrique du Nord pour décider qui est un vrai réfugié – qui peut venir chez nous ! – et qui est un migrant économique – qui doit rester là-bas ? Et pendant ce temps, des centaines de personnes dans les rues, battues ou abandonnées dans le désert.

    À l’origine des événements récents, il y a les politiques économiques et militaires des frontières. Fondamentalement, les gens ne quitteraient pas leur pays si leurs perspectives de vie n’étaient pas menacées par la famine, la guerre et la pauvreté. Et pour soutenir la poursuite des conflits au Mali, au Niger, en Libye ou en Ukraine, ou la pauvreté au Tchad, en Tunisie ou en Côte d’Ivoire, ce sont les armées et les politiques extractives néocoloniales françaises, italiennes, britanniques, allemandes, américaines, auxquelles s’ajoutent celles des nouvelles grandes puissances, comme la Chine et la Turquie, qui sont en cause. A leur arrivée en Tunisie, la fermeture des frontières méditerranéennes est un mur qui empêche ces “déplacés en quête de vie” de partir. Ne pouvant plus repartir, ils restent bloqués dans un pays pauvre, un petit Etat en crise économique, sans ressources massives, avec peu d’industries et un tourisme en déclin, et un passé récent perturbé par la révolution. Un pays qui doit pourtant compter avec ses voisins arrogants et puissants : Italie, France, Allemagne, Pays-Bas, Union européenne. Des voisins qui veulent à tout prix arrêter ces personnes en transit, et qui paient des millions à la Tunisie pour le faire 4. Et s’il n’y avait pas de frontières, s’il n’y avait pas la militarisation de la Méditerranée, ces personnes seraient déjà en Italie : problème résolu.

    Aujourd’hui, la Tunisie en a assez de jouer ce rôle infâme et coûteux. Dans un contexte de crise économique écrasante et déprimante, d’inflation massive et de chômage endémique, l’arrivée de milliers de personnes s’installant dans les grandes villes tunisiennes compromet encore davantage la capacité de l’État à subvenir aux besoins de sa population. D’autant plus que cet État ne s’est jamais montré disposé à le faire. La colère monte chez un peuple affamé et frustré de voir s’installer dans ses villes des “Africains“, comme on appelle paradoxalement les Noirs subsahariens. La xénophobie sévit dans toutes les couches de la société, mais surtout parmi les plus démunis et les plus touchés par la crise. Les mêmes personnes qui ont peu de perspectives d’avenir, qui se sentent emprisonnés dans un pays qui les piétine et les écrase avec sa police, un pays où tout – travailler dignement, ouvrir un commerce, étudier, recevoir des soins médicaux de qualité – est difficile, nié, empêché. Un peuple écrasé par les frontières, un peuple qui n’a qu’un seul espoir : partir. Un espoir qui lui est refusé par la difficulté d’obtenir un visa et qui est criminalisé par les politiques euro-tunisiennes de lutte contre l’immigration irrégulière. Un peuple qui se souvient bien de l’époque prérévolutionnaire, où au moins il n’y avait qu’un seul voleur. Aujourd’hui, tout le monde est voleur (interview avec un chauffeur de taxi à Sfax). L’anarchie est généralisée, la méfiance règne, la colère monte.

    “Faddina”, (nous en avont assez) depuis des années, disent les Tunisiens. Assez de la corruption du parti islamiste el Nahda, assez de vendre du sel à la France pour une somme dérisoire, selon une convention qui remonte à l’époque coloniale 5. Alors, quand Kais Saied, un honnête professeur de droit, a fait nettoyage général 6 en 2019, de larges pans de ce peuple se sont réjouis. Mais au fil des années, sans une politique économique forte pour relever le pays, le professeur perd de sa popularité. Et donc aujourd’hui, ce dictateur incompétent – on dit qu’au moins l’autre était intelligent (interview avec un étudiant à Tunis) – s’accroche de toutes ses forces au peu qu’il a pour affirmer sa souveraineté. Il a d’abord jeté en pâture à la foule des députés corrompus, puis des islamistes ; il a ensuite inventé des complots contre l’État, des journalistes-espions et des organisations financées par l’Europe pour faire tomber le pays. Aujourd’hui, sa dernière carte est aussi la plus en vogue. La méthode la plus rapide, la plus facile et la plus indolore pour revenir dans les bonnes grâces de son peuple est de mener une lutte sans merci contre les personnes noires sans papiers. Cette lutte sert aussi bien la politique extérieure que la politique intérieure : d’une part, gagner en crédibilité (et attirer l’attention et donc des fonds) auprès des partenaires européens dans la lutte contre l’immigration irrégulière, d’autre part, renforcer la légitimité du gouvernement. Et ce, en éliminant ceux qui ne correspondent pas à la définition de l’identité nationale.
    Pouvoir raciste, pouvoir populiste

    La Tunisie, qui dispose d’un État-providence très pauvre, où il n’y a pas de protection économique et sociale des citoyens, où le pouvoir est concentré dans les mains des oligarques de la classe dirigeante, est la “démocratie du mécontentement”. Tout le monde se plaint, personne ne fait confiance à l’État. Beaucoup se souviennent de l’époque de Ben Ali, où au moins il y avait lui, un homme fort qui affirmait sa position. Aujourd’hui, l’homme fort Kais Saied tente de se créer une hégémonie, au sens gramscien (voir pour ce concept Gherib Baccar, 2017), c’est-à-dire une légitimation populaire et incontestée de son pouvoir, de son autorité, basée sur la répression des indésirables, les personnes irrégulières noires.

    Premier objectif du racisme de Saied : jouer les durs avec l’Europe. Ce n’est certes pas la première fois que les corps des migrants sont utilisés comme une arme de politique internationale : voir la Turquie en 2016 dans les négociations avec l’Europe, l’Italie et la Grèce au cours de la dernière décennie dans les négociations avec d’autres États européens. Au contraire, nous pouvons identifier des approches anti-migrants communes à toutes les politiques méditerranéennes. La lutte contre les migrants irréguliers par tous les moyens – rejets aux frontières, réadmission dans le pays d’origine, détention, marginalisation – est la variable commune de la politique régionale dans et autour de la mer Méditerranée, de l’Europe du Nord à l’Afrique subsaharienne. A travers cette lutte sans merci, les Etats forgent une part de leur souveraineté, alors que le thème des migrations est aujourd’hui au cœur des débats dans de nombreux pays européens. Gouverner les mouvements humains est donc une façon d’être et de fonctionner de l’État méditerranéen, une forme de gouvernement méditerranéenbasée sur le nationalisme populiste et le racisme. Ces derniers, héritiers du passé colonial et frères de toutes les occupations autour de cette mer, des colonies israéliennes illégales sur les terres palestiniennes, à l’occupation du Sahara occidental par le gouvernement marocain.

    Le racisme et le populisme sont en effet les cartes avec lesquelles se joue ce jeu impitoyable. Par le passé, les puissances coloniales européennes ont tenté de justifier leur domination et de légitimer leur occupation par des arguments scientifiques et rationnels. Les écrivains européens – principalement français et anglais – du XVIIIe siècle, tels que Voltaire, Goethe, Chateaubriand, Renan, ont contribué à la création d’un “savoir orientaliste” (Said, 1978) qui caractérisait les Arabes musulmans comme arriérés et légitimait ainsi l’intervention occidentale. Le racisme, c’est-à-dire la valorisation des différences, réelles ou imaginaires (Memmi, 1982), est l’outil approprié pour soutenir ce type de discours. Selon la définition de Memmi, le racisme est un instrument d’agression qui utilise les différences entre les hommes : “Quelle que soit la voie empruntée, le but du racisme est la domination. […] Comme au billard, où l’on vise une boule pour en mettre une autre dans le trou, on accuse sous divers prétextes, mais toujours pour rejeter, spolier, opprimer. […] Le racisme illustre et symbolise l’oppression”. Le racisme, c’est donc le mépris et le sentiment de supériorité du colonialiste qui a justifié l’invasion de la Tunisie ou de l’Algérie ; c’est aussi l’antisémitisme qui a conduit à l’extermination des juifs pendant la Seconde Guerre mondiale ; c’est encore les récents événements de Sfax, où des hordes de bandits armés de machettes ont attaqué des familles d’immigrés subsahariens. Tout comme l’action odieuse des forces de sécurité tunisiennes qui ont emmené de force ces mêmes familles dans le désert, à la frontière libyenne, sans eau ni nourriture. Derrière tous ces événements se cache une volonté de domination et de pouvoir. “L’action raciste n’est jamais désintéressée, même si la nature du profit n’est pas immédiatement claire”. (Memmi, 1982).

    Les images et les vidéos des événements de Sfax, qui ont secoué la Méditerranée comme le massacre de Melilla l’avait fait en 2021, amènent à réfléchir une fois de plus sur les frontières et l’Etat-nation. En effet, ce qui unit les Etats aujourd’hui, malgré d’énormes différences dans leurs spécificités culturelles, géographiques et politiques, c’est le récit fortement identitaire et populiste avec lequel le pouvoir gouvernemental est légitimé. C’est pourquoi on les appelle des États-nations : parce que chaque État crée et entretient une identité nationale spécifique et limitée qui différencie ceux qui font partie de l’État de ceux qui n’en font pas partie. La raison de cette “nationalité” des États s’explique par la nécessité de définir le pouvoir de l’État, son monopole de la violence, comme le dit Weber. L’identité nationale sert également à définir à qui fournir des services tels que la santé, l’éducation et le travail, c’est-à-dire l’aide sociale : il est plus facile de le faire avec une division claire entre ceux qui sont inclus et ceux qui sont exclus. Enfin, elle est également utile en temps de crise, lorsqu’il faut économiser, mobiliser, faire la guerre, car il est plus facile de convaincre quelqu’un de défendre quelque chose de proche, de cher et d’intime, plutôt qu’une entité lointaine, froide et incolore. Ce caractère nationaliste de l’État est aussi son caractère raciste, comme le dirait Etienne Balibar, car les États-nations sont, par définition, des États racistes, dans lesquels l’identité nationale peut être utilisée pour justifier une agression : c’est cela le racisme d’État.

    Mais l’équation fonctionne aussi dans l’autre sens : s’il est vrai que l’identité nationale sert la violence de l’État, l’inverse est également vrai son opposé, à savoir que la violence renforce la nation. Les exemples historiques sont nombreux : l’identité nationale des puissances européennes s’est renforcée et renouvelée après les guerres mondiales ; les conflits interethniques revigorent souvent la perception des différences entre les peuples, comme ce fut le cas en Bosnie où, aujourd’hui encore, après la guerre, l’État est toujours divisé entre musulmans et catholiques. Demandons-nous donc si la Tunisie de Saïed ne cherche pas à faire la guerre, à sa manière, aux citoyens subsahariens présents sur son territoire, pour consolider la force de son gouvernement, pour renforcer l’identité nationale tunisienne. La création d’un bouc émissaire, d’un “autre” à combattre, à chasser, à tuer, n’est-elle pas une source de force pour la nation, pour l’individualité collective du citoyen qui se reconnaît dans son État et veut le protéger ?

    Et en effet, le deuxième objectif du racisme de Saïed est de calmer les foules en colère. Les criminels qui ont commis ces actes brutaux étaient eux-mêmes victimes d’un système inégalitaire, fortement touché par la crise. Cela ne justifie pas l’agressivité ou la haine raciale, mais explique comment la colère et la frustration peuvent facilement être dirigées vers les plus faibles, d’autant plus si cette violence est soutenue par l’Etat. Ce n’est pas seulement la nation qui est revigorée par le choc avec l’autre, mais aussi le narcissisme du moi collectif dans la société. Ce qui nous interroge, c’est le sens de la violence, qui est toujours dirigée vers les plus délaissés et les plus pauvres. Memmi explique que “le raciste va instinctivement contre l’opprimé : il est plus facile d’ajouter de la souffrance à ceux qui en ont déjà”. La violence ne se manifeste pas, comme il serait peut-être plus logique, à l’égard des forts, des dirigeants européens, des puissances coloniales. Le sentiment de cette violence est légitimé par le fait que “les Africains sont différents, ils ont une culture différente de la nôtre” (entretien avec un chauffeur de taxi à Sfax), oubliant par exemple les différences culturelles évidentes entre Tunisiens et Italiens. Au contraire : combien les filles et les garçons italiens sont beaux, gentils et intelligents, nos frères et nos sœurs ! Une vision influencée par les perspectives de classe et le désir d’Occident (Wael Garnaoui, 2022). Les différences, réelles ou imaginaires, sont créées et recréées dans le discours collectif et dans les perceptions individuelles. Dans une vidéo diffusée sur les médias sociaux, une femme tunisienne dit à une personne noire : “Tu dois aller dans ton pays, nous sommes un pays pauvre ici, il n’y a rien pour toi. Vous arrivez, vous vivez à 50 dans une maison, vous apportez des maladies. Il n’y a pas de place pour vous ici”. C’est le racisme des opprimés qui s’exprime, l’ignorance des personnes affamées manipulées par les “fake news” et les informations fallacieuses des médias de propagande modernes.
    Un besoin urgent d’un antiracisme d’État

    Albert Memmi affirme que “dans chacun de nous, il y a un raciste qui est ignoré. […] Le racisme est l’une des attitudes les plus partagées au monde”. Le racisme est tellement omniprésent dans la culture et la société, dans les médias et dans l’éducation, qu’il est difficile, voire impossible, de l’éliminer complètement. Comme le dit Memmi, le racisme est un fait social. Mais si le racisme à l’encontre des personnes noires est la direction “naturelle” vers laquelle se dirige la colère des personnes frustrées par la crise, les frontières et la corruption, le racisme est également un discours qui peut être utilisé, manipulé ou éliminé. Le fait que des bandes d’hommes armés aient attaqué des familles subsahariennes n’est, en soi, rien d’autre que la manifestation d’une tension sociale alimentée par la crise économique et un substrat culturel mono-identitaire, exclusif et fermé aux minorités. Ce substrat, omniprésent dans la société tunisienne, de l’éducation à la socialisation, créé par l’Etat depuis l’independence, est aujourd’hui légitimé par le discours raciste de Saïed. Il ne s’élimine pas du jour au lendemain : il faut une éducation antiraciste pour éviter que les victimes d’une crise économique et politique ne deviennent les auteurs d’un génocide. Au lieu de cela, l’État soutient et attise les sentiments racistes parce que cela l’arrange.

    Un tournant antiraciste est donc nécessaire, non seulement en Tunisie, mais aussi en Méditerranée. Tout d’abord, les lois et les tribunaux pourraient éliminer immédiatement – en condamnant les auteurs, à commencer par les chefs d’État et les ministres de l’intérieur – le racisme institutionnel des États méditerranéens, y compris la Tunisie. Pour ce motif là, l’independence du système juridique et pénal, très ménacé aujourd’hui en Tunisie, est d’importance centrale. Il faut un pouvoir independant et forte pour denoncer ce racisme vil et mesquin qui est dû à la volonté de domination dans un contexte historique et régional qui fait de la lutte contre les personnes noires en situation irrégulière le motif de l’expression de la souveraineté, intérieure et extérieure.

    Ce n’est pas seulement une question d’éthique, mais aussi d’efficacité – la propagande anti-noire de Kaïs Saïed est totalement incompétente pour résoudre – je dirais même contourner – les vrais problèmes : inflation, manque de produits de première nécessité, chômage. En déportant des innocents dans le désert, Saïed ne peut recevoir que des condamnations, internationales et internes. Memmi écrit : “Solution fallacieuse, certes, compensation vaine, mesquine et inique surtout, qui compromet les valeurs et se trompe sur elle-même, détruit la dignité de l’un pour assurer illusoirement celle de l’autre. Mais il faut admettre que c’est une sorte de solution à des problèmes réels, un tranquillisant face à des enjeux indéniables”.

    Ajoutons que l’Etat tunisien, comme d’autres Etats méditerranéens, ne persécute pas ces personnes uniquement parce qu’elles sont noires. En d’autres termes, à l’instar d’Annah Arendt (1951), les personnes persécutées par l’État sont avant tout des personnes sans droits politiques, donc des personnes déshumanisées à qui l’on refuse les droits de l’homme. Le racisme d’État est donc une répression des droits politiques que ces personnes réclament : droit à la citoyenneté, au travail, à la santé, à la scolarisation. Des droits qui ne sont accordés qu’à ceux qui possèdent la citoyenneté, tandis que ceux qui en sont exclus – sur une large base raciale – se voient non seulement refuser l’accès au système de protection sociale, mais sont classés comme “indésirables”. Si les nationalistes italiens de droite s’éloignent aujourd’hui du comportement raciste “classique” en adoptant une attitude politiquement correcte et en évitant de discriminer ouvertement sur la base de la couleur de peau, ils restent convaincus que le fait de ne pas posséder de documents de voyage ou de visa de séjour et de ne pas être éligible à la protection internationale disqualifie les personnes de la protection de l’État, c’est-à-dire de leurs droits politiques. On passe ainsi d’une droite ethno-nationaliste à une droite administrative-nationaliste, ce qui est dans l’air du temps. Mais la violence demeure : les indésirables doivent être enfermés, éloignés, éliminés, ou au mieux traités comme des victimes du jour à qui il faut offrir un minimum de charité (Agier, 2017).

    Nous concluons donc en disant que le racisme en Tunisie n’est pas un fait culturel, mais une évolution géographique, politique, historique et sociale. Aujourd’hui en Tunisie, le gouvernement méditerranéen des indésirables se double d’une expression raciste du nationalisme arabo-musulman. C’est dans une région, le Maghreb, historiquement “séparée” du reste de l’Afrique par un immense désert. L’indépendance, avec ses récits nationalistes nécessaires pour chasser l’occupant et créer une nation, a créé un terreau fertile pour une xénophobie généralisée. Aujourd’hui, les Tunisiens, attirés par l’Europe, se sentent plus de ce côté-ci de la Méditerranée que de l’autre. Les uns après les autres, les dirigeants tunisiens n’ont cessé d’alimenter ce sentiment pro-européen et anti-africain et de faire le jeu d’une Europe qui parle en faveur des pauvres, mais qui les piétine ensuite.

    Au lieu de changer l’histoire et de passer pour un illuminé, Saïed décide de suivre ses prédécesseurs. Il serait beaucoup plus honnête de dire, comme certains parlementaires et militants tunisiens l’ont fait à plusieurs reprises, que la Tunisie n’est pas un pays tiers sûr, qu’elle ne peut plus jouer le rôle de garde-frontière et qu’il n’y a pas de possibilité de loger et de travailler pour les réfugiés sur son territoire. Que l’Europe, avec tout son argent, les prenne en charge, en somme ! Mais Saïed ne le dira jamais. C’est trop tard : un accord entre l’Union européenne et la Tunisia à déjà été signé le 16 Juillet 2023.

    Il faudrait alors, à tout le moins, promouvoir une forme d’antiracisme humanitaire à l’égard des personnes bloquées dans le pays. Ce serait un discours éthique et noble que l’Europe, avec ses traités sur les droits de l’homme, serait obligée d’accepter. D’autre part, pendant la guerre d’Algérie (1967) et la guerre en Libye (2011), des milliers de familles ont accueilli, nourri et aidé des milliers de réfugiés des pays voisins. En Tunisie, beaucoup sont prêts à recommencer, car l’hospitalité et l’aide aux autres font partie intégrante de la culture du pays. Mais Saïed décide de suivre le mauvais exemple des Européens, et cela, parce que c’est plus facile, c’est moins risqué. En se fichant éperdument de l’hospitalité, il accuse les Noirs d’être responsables des problèmes du pays, en diffusant des “fake news” et en expulsons des centaines de personnes. Il semble avoir bien appris de Macron, Meloni, Minniti, Salvini et bien d’autres. Disons-le haut et fort : les choses doivent changer en Tunisie, mais pour qu’elles changent, il faut d’abord qu’elles changent chez l’Europe. Tant que l’aide sera réservée à nos voisins, nous ne résoudrons pas les crises mondiales et la violence qui secouent notre monde aujourd’hui. Ler gouvernements Européens devons permettre à ces personnes, bloquées en Afrique du Nord, de faire leur vie en Europe. Et les gouvernements du Sud devront s’efforcer de donner aux Tunisiens, aux Nigérians, aux Tchadiens, aux Soudanais… une chance et un avenir chez eux. Les deux choses doivent être faites, main dans la main. Mais pour cela, nous avons besoin de toute urgence, en Tunisie comme en Italie, d’un discours antiraciste omniprésent, fort et oppositionnel, et d’une gauche qui sache s’affirmer selon les valeurs du vrai cosmopolitisme et de l’humanisme.

    https://www.meltingpot.org/fr/2023/07/racisme-et-domination-des-etats-mediterraneens

    #populisme #racisme_anti-Noirs #nationalisme #racisme_anti-noir #Kaïs_Saïed #répression #sans-papiers #migrations #arrestations #expulsions #désert #abandon #arbitraire #transit #blocage #limbe #pays_de_transit #militarisation_des_frontières #xénophobie #hégémonie #politique_migratoire #nationalisme_populiste #Sfax #Etat-nation #identité_nationale #racisme_d'Etat #bouc_émissaire #colère #frustration #droits #citoyenneté #antiracisme_humanitaire

    ping @_kg_

  • Narendra Modi, ou la fin de la démocratie indienne
    https://laviedesidees.fr/Narendra-Modi-ou-la-fin-de-la-democratie-indienne

    À l’instar d’autres leaders populistes et autoritaires de ce début de XXIe siècle, Narendra Modi est en train de déconstruire les institutions démocratiques en #Inde. Il semble avoir solidement pris les rênes d’un pouvoir de plus en plus démesuré.

    #International #démocratie #populisme #nationalisme #violence #dictature
    https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/20230710_modi.pdf
    https://laviedesidees.fr/IMG/docx/20230710_modi.docx

  • Les échos si frappants des révoltes urbaines anglaises de l’été 2011
    https://www.mediapart.fr/journal/international/050723/les-echos-si-frappants-des-revoltes-urbaines-anglaises-de-l-ete-2011

    Ces injustices se greffaient sur un fardeau que ressentaient les séditieux d’août 2011 outre-Manche : l’inégalité sociale absolue qui exclut de tels citoyens traités en sujets. Tel est l’état d’esprit des plus jeunes – se manifeste une fracture générationnelle – issus des communautés immigrées, en particulier pakistanaises : l’impression qu’il est désormais impossible de s’en sortir. N’existe même plus, à leurs yeux, l’exception tirée vers le haut, qui justifierait la règle, c’est-à-dire l’immense majorité galérant ad vitam æternam.
    D’où cette façon de s’en prendre – ce qui contredit les accusations de simple pillage consumériste – aux institutions publiques censées promouvoir l’égalité des chances, comme les écoles ou les bibliothèques, dans un message politique criant, aussi discutable soit-il.
    La réflexion produite sur le tard replace les soulèvements d’août 2011 dans un plus large contexte : l’effondrement de l’accord keynésien d’après-guerre et les conséquences sur l’architecture socio-économique et politique de la Grande-Bretagne à partir de l’ère Thatcher. Avec de surcroît une baisse continuelle des prestations sociales, qui avait déjà précédé les événements au point de faire partie d’un faisceau de causes ayant pu les déclencher.

    Or une nouvelle diminution de ces prestations a donc été décidée par les autorités en guise de réplique punitive. Et ce, dans un renversement permanent de la culpabilité dont font montre les conservateurs britanniques à l’égard de populations précarisées à l’extrême.
    Les recherches universitaires ont étayé deux contradictions niées avec le plus grand cynisme. Primo, le gouvernement et les médias encouragent une culture de la consommation au sein de la population tout en ne lui donnant pas les moyens de l’assouvir. Secundo, l’État répond à la marginalité qu’il crée – du chômage à la toxicomanie en passant par le mal-logement et la sous-éducation – en développant jusqu’à l’étranglement le travail précaire, instable et mal rémunéré, au nom du prétendu « workfare ».
    Accuser de tous les maux des gens maintenus dans tous les maux ; pousser au crime pour ensuite dénoncer des pratiques criminelles ; blâmer des individus prédisposés aux turpitudes selon des critères moraux, voire psychologiques, en niant toute cause d’ordre économique, sociale et politique : telle apparaît l’attitude d’un gouvernement conservateur britannique persuadé que rien ne vaudra jamais une guerre civile tuée dans l’œuf pour conforter son emprise.

    Face à une gauche inexistante ou tétanisée, David Cameron, ses conseillers néolibéraux et leurs supplétifs médiatiques ont réussi à fixer dans l’inconscient collectif, en 2011, un récit et une idéologie hégémoniques recyclant les peurs classiques : classes pauvres, classes dangereuses ; colonisés d’hier, colonisateurs de demain…

    L’heure, au sommet, est au surveiller et punir. Avec cet impératif suggéré au socle national : se prémunir face aux conséquences redoutées – le chaos –, plutôt que de traiter la cause camouflée : une réalité sociale déniant toute justice comme toute égalité.
    Ainsi les classes moyennes inférieures vivent-elles dans la fièvre obsidionale, face à la menace entretenue des troubles à venir. Au point de peut-être céder un jour aux sirènes démagogiques et antidémocratiques, à la condition que celles-ci promettent une force sans doute injuste mais putativement protectrice.

    C’est arrivé en 2016, à l’anglaise, avec le Brexit puis la séquence Boris Johnson. Cela semble se profiler en France, où le pire semble parfois chez lui...
    https://justpaste.it/2bp1q

    #révolte #inégalité_sociale_absolue #populations_précarisées_à_l’extrême

    en complément de https://seenthis.net/messages/1008558

  • #Emeutes_urbaines : « Ce qu’elles révèlent, ce n’est pas tant l’échec de la #politique de la #ville que celui de toutes les #politiques_publiques »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/07/06/emeutes-urbaines-ce-qu-elles-relevent-ce-n-est-pas-tant-l-echec-de-la-politi

    Depuis le début des années 1980, les vagues émeutières embrasant les quartiers populaires s’accompagnent de controverses interprétatives enflammées dans les médias. Les explications proposées ont varié au fil du temps, mais un argument traverse les décennies qui semble faire consensus chez tous les commentateurs : l’émeute marquerait l’échec de la politique de la ville. La politique ainsi mise en cause a pourtant connu d’importantes évolutions au cours des quarante dernières années, le plus souvent à la suite d’épisodes émeutiers. Si échec de la politique de la ville il y a, ce n’est pas la même politique qui a échoué au début des années 1990, en 2005 ou aujourd’hui.

    Le jugement d’échec semble d’autant plus incontestable en 2023 que l’Etat aurait mobilisé, depuis une quinzaine d’années, des budgets considérables pour les quartiers populaires. Les annonces récurrentes d’un nouveau « plan banlieue » ont pu donner crédit à cette idée d’une politique de la ville richement dotée. Bien que ces annonces soient le plus souvent restées des annonces, elles ont ouvert la voie à la dénonciation des « milliards pour les banlieues », au profit de populations qui ne le mériteraient pas.

    Portée par des entrepreneurs de fracture sociale, cette critique a été d’autant plus ravageuse qu’elle s’est prolongée par une mise en concurrence des souffrances territoriales, opposant les quartiers défavorisés des métropoles et une « France périphérique » aux contours flous mais dont la couleur est claire. Les premiers bénéficieraient d’une discrimination positive, au détriment des villes moyennes, des espaces périurbains et des territoires ruraux, dont les populations sont pourtant durement affectées par les recompositions industrielles et la précarisation de l’emploi, les politiques d’austérité et les fermetures de services publics, ainsi que par l’augmentation du coût de la vie.

    La critique de l’inefficacité se mue alors en une mise en cause de la légitimité même de la politique de la ville, illustrée par cette formule qui fait florès à l’extrême droite : on déshabille la « France périphérique » pour habiller celle qui vit de l’autre côté du périph.

    Moins de 1 % du budget de l’Etat

    Il faut pourtant le répéter inlassablement : les quartiers qui cumulent toutes les difficultés sociales ne bénéficient pas d’un traitement de faveur. Les crédits de la politique de la ville ont toujours été limités, inférieurs à 1 % du budget de l’Etat. Comme l’ont montré de nombreux travaux de recherche et d’évaluation ainsi que plusieurs rapports de la Cour des comptes, les moyens alloués au titre de cette politique ne suffisent pas à compenser l’inégale allocation des budgets des autres politiques publiques (éducation, emploi, santé, sécurité…) qui s’opère systématiquement au détriment des quartiers dits « prioritaires » et de leurs habitants.

    Les seuls milliards dont ces quartiers ont vu la couleur sont ceux de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), qui ne proviennent que marginalement de l’Etat : sa contribution se limite à 10 % du budget de l’agence, loin derrière Action Logement (70 %) et l’Union sociale pour l’habitat (20 %). Ce sont donc les cotisations des employeurs pour le logement de leurs salariés et les contributions du monde HLM (habitation à loyer modéré) qui financent la rénovation urbaine et non les impôts des Français.

    Bien qu’infondée, la critique des « milliards pour la banlieue » n’a pas été sans effet, conduisant les gouvernants à désinvestir la politique de la ville par crainte de susciter le ressentiment d’une fraction importante de l’électorat populaire sensible aux discours du Rassemblement national sur l’abandon de la France périphérique. Cette crainte a été amplifiée par le mouvement des « gilets jaunes », à la suite duquel la politique de la ville et les quartiers qu’elle cible ont disparu de l’agenda politique.

    La « séquence banlieue » ouverte lundi 26 juin par Emmanuel Macron à Marseille visait à répondre aux maires de banlieue et aux acteurs de terrain qui, depuis l’enterrement du rapport Borloo (dont il n’est pas inutile de rappeler aujourd’hui le sous-titre : « pour une réconciliation nationale »), critiquent ce désintérêt de l’exécutif pour les quartiers populaires.

    Défiance généralisée

    Le grand débat organisé dans la cité de la Busserine devait mettre en scène un président à l’écoute, mobilisant des moyens exceptionnels pour l’égalité des chances dans des quartiers nord délaissés par les élus locaux. La séquence se prolongeait le lendemain à Grigny (Essonne), avec le lancement des célébrations des 20 ans de l’ANRU, dont les réalisations ont produit des transformations visibles du cadre de vie de centaines de quartiers, à défaut de leur situation sociale. Elle devait se conclure à Chanteloup-les-Vignes (Yvelines), avec un comité interministériel des villes (CIV) maintes fois repoussé, où allaient enfin être annoncées les mesures du plan Quartiers 2030 concocté par Olivier Klein.

    La séquence était bien préparée mais rien ne s’est passé comme prévu. S’il a permis au président de renouer avec un exercice qu’il affectionne, le grand débat a surtout révélé l’exaspération des habitants, l’épuisement des acteurs associatifs et la défiance généralisée à l’égard du pouvoir politique. L’explosion de colère qui a suivi la mort du jeune Nahel a éclipsé les images de vingt ans de rénovation urbaine, et contraint le gouvernement à rapatrier à Matignon un CIV dont les annonces ont été repoussées à une date indéterminée. Ce report peut être utile s’il amène le gouvernement à réviser sa copie, pour envisager des réformes structurelles plutôt qu’un catalogue de programmes exceptionnels et de mesures expérimentales.

    Car ce que révèlent les #émeutes, ce n’est pas tant l’échec de la #politique_de_la_ville que celui de toutes les politiques publiques qui laissent se déployer la #ségrégation, la #stigmatisation et les #discriminations, voire y contribuent. A cet égard, on ne peut que regretter l’abandon en mai dernier du plan de #mixité_scolaire envisagé par Pap Ndiaye. Mais ce que rappellent d’abord les émeutes, c’est l’état plus que dégradé des relations entre la #police et les #populations_racisées des #quartiers_populaires, et la nécessité d’une transformation profonde des #pratiques_policières. Même si elle est politiquement difficile, l’ouverture de ce chantier s’impose, tant elle conditionne la #réconciliation_nationale.

    by https://twitter.com/renaud_epstein

    • Fabien Jobard, politiste : « Le législateur a consacré l’ascendant de la police sur la jeunesse postcoloniale »
      https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/07/05/fabien-jobard-politiste-le-legislateur-a-consacre-l-ascendant-de-la-police-s

      Le spécialiste des questions policières revient, dans un entretien au « Monde », sur les spécificités françaises dans les rapports entre les forces de l’ordre et la jeunesse des quartiers populaires issue de l’immigration. Il éclaire le contexte dans lequel prennent place les émeutes ayant suivi la mort de Nahel M. à Nanterre.

      Directeur de recherche au CNRS, Fabien Jobard est politiste, chercheur au Centre de recherche sociologique sur le droit et les institutions pénales. Il est l’auteur, avec le sociologue Olivier Fillieule, de Politiques du désordre. La police des manifestations en France (Seuil, 2020), avec Daniel Schönpflug, de Politische Gewalt im urbanen Raum (« violence politique en milieu urbain », Gruyter, 2019, non traduit), avec Jérémie Gauthier, de Police : questions sensibles (Presses universitaires de France, 2018) et, avec Jacques de Maillard, de Sociologie de la police. Politiques, organisations, réformes (Presses universitaires de France, 2015). Directeur du Groupe européen de recherches sur les normativités (GERN), Fabien Jobard publie en septembre une bande dessinée réalisée avec Florent Calvez : de la création des bobbys anglais aux dystopies policières contemporaines, Global Police. La question policière à travers le monde et l’histoire (Delcourt/Encrage) interroge la nature et le devenir de nos polices.

      Les événements de Nanterre, qu’il s’agisse de la mort de Nahel M. ou des émeutes qui ont suivi, montrent à quel point les relations entre la police et les jeunes des quartiers populaires sont dégradées. S’agit-il d’une spécificité française ?

      Les événements auxquels nous avons assisté ces derniers jours ne sont pas propres à la France : on en observe de comparables aux Etats-Unis, en Belgique, aux Pays-Bas – parfois au Royaume-Uni ou en Suède. Or, Suède mise à part, ces pays ont en commun une histoire contemporaine marquée soit par la prégnance de l’esclavage des populations noires, soit par la présence d’une population issue des territoires coloniaux. Le contraste avec l’Allemagne est frappant : dans ce pays qui a été privé de ses colonies africaines par le traité de Versailles, en 1919, les tensions avec les populations minoritaires existent mais elles sont bien moins fréquentes et bien moins intenses...

      La suite #paywall

    • De quelle manière cette histoire coloniale française pèse-t-elle ?

      [Fabien Jobard ] La guerre d’Algérie et la colonisation sont à mille lieues des préoccupations des policières et policiers de notre pays : ce ne sont pas eux, individuellement, qui portent cette histoire et la font perdurer. Savoir si les policiers sont racistes ou non n’aide d’ailleurs pas vraiment à comprendre ce qui se joue. Ce qui fait que la police est un lieu de perpétuation du rapport colonial sur notre sol est la collision de deux phénomènes historiques.

      Le premier est le fait que les populations issues des territoires nord-africains ont été installées à la va-vite dans des grands ensembles de nos banlieues. Ces villes étaient sous-administrées – pas ou presque pas de police, quelques brigades de gendarmerie, des commissariats isolés. A cette époque, la police faisait avec ce qu’elle avait et, de surcroît, recrutait peu d’effectifs nouveaux. La doctrine et les chefs disponibles étaient donc ceux des années 1950-1960, ceux de la #guerre_en_métropole, lorsque la gestion des populations nord-africaines reposait sur la mise à distance, le contrôle, l’imposition d’une obligation de déférence permanente – bref, la subordination sous férule policière. Dans un tel schéma, le #contrôle_d’identité avec fouille est central : c’est l’instrument majeur d’imposition de l’autorité policière comme préalable non négociable.

      Une telle gestion des populations subalternes aurait pu s’éteindre peu à peu, silencieusement emportée par la croissance et le renouvellement des générations, tant du côté de la police que du côté de la jeunesse. Mais au milieu des années 1970, la France s’est engagée sur une voie économique singulière, celle de la #désindustrialisation – et c’est le second phénomène historique décisif. De 1975 à nos jours, plus de 2 millions d’emplois industriels se sont évaporés : la France est devenue un pays de services et cette mutation a pénalisé en tout premier lieu les jeunes hommes sortis du système scolaire sans qualification – les jeunes femmes s’en sortent mieux. Or, dans quels rangs se recrutent principalement ces jeunes hommes ? Dans ceux des familles les moins favorisées, les moins dotées – les familles immigrées.

      C’est un contraste marquant avec la trajectoire historique allemande : l’Allemagne a protégé son industrie. Lorsque les jeunes sortent du système scolaire sans qualification – le système allemand est bien plus soucieux de la formation aux métiers manuels –, une place les attend à l’usine, sur la chaîne, à l’atelier. Outre-Rhin, l’industrie parvient donc à absorber ces « jeunes à problèmes », comme on dit là-bas, comme autrefois [ces saloperies de, ndc] Renault et Citroën absorbaient nos blousons noirs.

      En France, dès le milieu des années 1970, une #population_oisive essentiellement formée des jeunes issus de l’immigration coloniale s’est constituée au pied des tours. Cette jeunesse est disponible aux tensions avec la police : de #Toumi_Djaidja, fils de harki victime, en 1983, un soir de ramadan, aux Minguettes, d’un tir policier dans le ventre alors qu’il tentait de venir en aide à un de ses amis aux prises avec un chien policier, à Nahel, à Nanterre, en 2023, les relations sont explosives. La dynamique socio-économique française a fourni à la police une clientèle, essentiellement issue des populations coloniales, qui est enfermée, avec elle, dans un face-à-face mortifère et sans issue. [une bien trop grande proximité, ndc]

      Les pratiques de la police sont encadrées par le droit. Quelle a été l’évolution des textes depuis les années 1970 ?

      Sur ce plan, il est frappant de constater que le droit, notre droit républicain, n’a pas corrigé les pratiques mais les a, au contraire, garanties. Je reprends les contrôles d’identité. Ces pratiques se développaient de manière assez sauvage : le droit positif ne les prévoyait pas. En février 1981, le gouvernement de Raymond Barre a fait adopter une loi décriée par la gauche qui a « créé » les contrôles d’identité (art. 78-2 du code de procédure pénale). En réalité, cette loi consacre ces contrôles : elle « couvre », en quelque sorte, des pratiques dont nos recherches ont démontré qu’elles visent essentiellement la jeunesse postcoloniale. Ce geste, que la gauche n’a pas abrogé, est significatif d’une dynamique qui s’est enclenchée dans d’autres domaines de l’action policière : les pratiques et les perceptions policières ont été relayées par les politiques publiques.

      Quelles étaient ces politiques publiques ?

      A partir des années 1990, une décennie marquée par des émeutes urbaines localisées engendrées par des faits policiers mortels (ou la rumeur de tels faits), deux choix ont été très explicitement arrêtés. Le premier, c’est le renforcement de l’arsenal pénal contre les #mineurs auteurs de faits de #délinquance_de_voie_publique : les circulaires de politique pénale, puis la loi elle-même, encouragent la fermeté à l’égard de ces jeunes délinquants qui se recrutent essentiellement parmi les jeunes de cité, ce qui vient rétrospectivement légitimer l’action policière à leur égard. La politique pénale est telle qu’aujourd’hui le législateur offre aux policiers la possibilité de sanctionner eux-mêmes des délits par une amende dite « délictuelle » . Or, ces délits étant ceux habituellement commis par les jeunes de cité, ce pouvoir de sanction exorbitant confié par le législateur à la police consacre son ascendant sur cette fraction de la jeunesse.

      La seconde trajectoire de politique publique est l’abandon de ce que l’on appelait, il n’y a pas si longtemps encore, les politiques d’accompagnement social de la délinquance. Pour des raisons à la fois idéologiques et budgétaires, les gouvernements successifs ont concentré la dépense publique sur les forces de l’ordre (15 milliards d’euros et 8 500 agents supplémentaires sont prévus dans la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur du 24 janvier 2023) et ont privé les communes et les départements de fonds permettant une action sociale portée par les éducateurs spécialisés, les éducateurs de rue, les travailleurs sociaux. Même les emplois précaires – les emplois-jeunes puis les emplois aidés – ont été supprimés, les premiers sous le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, les seconds sous celui d’Edouard Philippe. J’insiste sur la dimension budgétaire de ces choix : en Allemagne, les communes et l’Etat disposent encore de moyens financiers pour l’action sociale.

      La France pourrait-elle s’inspirer des politiques mises en place en Allemagne ?

      L’Allemagne a perdu ses colonies il y a un siècle, elle n’a pas fait le choix de se défaire de son industrie, elle n’a pas renoncé au social au profit du sécuritaire. Et le caractère décentralisé et régional de la police, qui était une des conditions de la sortie du nazisme en 1945-1949, a fait que « la » police existe à peine en tant qu’institution et, surtout, en tant que groupe d’intérêts. Les syndicats policiers n’y sont pas engagés dans un défi permanent lancé aux politiques et aux magistrats, facteur considérable d’apaisement des passions policières et de discipline dans les rangs. Plus qu’un modèle dont on importerait telle ou telle recette, l’Allemagne offre plutôt un horizon dans lequel s’inscrit la question policière.
      Cette question ne pourra pas être dénouée seule : libérer la police française de sa colonialité ne passe pas par je ne sais quelle réforme isolée – type « revenir-à-la-police-de-proximité » – mais par l’investissement massif dans la formation, l’emploi et l’accompagnement social d’une jeunesse que les gouvernements successifs ont bien lâchement confiée aux soins presque exclusifs de la police.

      heureusement qu’il y a une gauche qui veut libérer la police ah ah ah

    • #Didier_Fassin : en France, « la #police a gagné la #bataille_idéologique » | Mediapart
      https://www.mediapart.fr/journal/culture-et-idees/070723/didier-fassin-en-france-la-police-gagne-la-bataille-ideologique

      #post_colonialisme

      DidierDidier Fassin est professeur au Collège de France, directeur d’études à l’#EHESS, et enseigne également à l’Institute for Advanced Study de #Princeton.

      Il a publié aux éditions du Seuil La Force de l’ordre. Une anthropologie de la police des quartiers, dans lequel il étudiait des brigades anticriminalité (BAC) dont les insignes exhibaient les barres d’une cité prise dans la lunette de visée d’un fusil, des meutes de loups devant des tours d’habitation, une panthère déchirant de ses griffes un quartier plongé dans l’obscurité ou encore une araignée emprisonnant dans sa toile un ensemble d’immeubles. Il y observait des pratiques relevant souvent d’une logique « #postcoloniale ».

      Pour Mediapart, il revient sur les situations avant – et les mobilisations après – la mort de #George_Floyd aux États-Unis en 2020 et celle de #Nahel M. en 2023.

      Mediapart : Dans La Force de l’ordre. Une anthropologie de la police des quartiers, écrit à partir d’une enquête inédite menée pendant 15 mois, entre 2005 et 2007, avec une BAC de la région parisienne, vous dressiez un constat catastrophique de l’action des BAC dans les banlieues, qui relevait davantage d’un processus de chasse dans une « jungle » que d’une opération de maintien de l’ordre ou de lutte contre la délinquance. On a pu vous dire alors que cette unité n’était pas représentative de la police française : ce qui se passe aujourd’hui vous ferait-il dire qu’elle était plutôt préfigurative de tendances racistes de la police française ? 

      Didier Fassin : Je ne généraliserais pas de la sorte pour ce qui est de tous les policiers. Lorsque mon livre est sorti, on a dit en effet que j’avais dû étudier des unités très atypiques, car j’indiquais la sympathie que les agents avec lesquels je patrouillais manifestaient ouvertement à l’égard de Jean-Marie Le Pen. Six ans plus tard, en 2017, on découvrait que les deux tiers des policiers en activité avaient voté pour sa fille au premier tour de l’élection présidentielle, soit plus de trois fois plus que la population générale.

      Mais plutôt que le racisme individuel, ce qui m’intéresse, et m’inquiète, c’est le racisme institutionnel, qu’il soit celui de la police en général, dont on voit qu’elle ne sanctionne pas les pratiques violentes et discriminatoires de ses agents, ou de certains syndicats en particulier, dont on vient de lire qu’ils considéraient les jeunes des quartiers difficiles comme des « nuisibles » qu’il faut mettre « hors d’état de nuire ».

      Dans cette perspective, je pense que les choses se sont encore aggravées depuis que j’ai conduit mon enquête, et c’est largement la responsabilité des gouvernements successifs qui, d’une part, n’ont pas cessé de céder devant les exigences de l’institution et des syndicats, et, d’autre part, n’ont jamais tenté d’engager de réforme.

    • Nayra : « Vous leur avez craché dessus et vous leur demandez de se calmer ? »
      Après la mort de Nahel, tué à bout portant par un policier à Nanterre le 27 juin 2023, une partie des quartiers populaires s’embrase. Dans le fracas, des adolescents disent une réalité ancienne de ségrégation et de racisme. #Mediapart donne la parole aux #rappeuses et aux #rappeurs qui se tiennent du côté de ces #révoltes. Épisode 1 : #Nayra, rappeuse de #Saint-Denis.

    • super interview aussi d’un spécialiste (anthropologue, U. Saint-denis) qui recence les émeutes (dans une liste quasi exhaustive) partout ds le monde depuis 2007.

      #au_poste par l’excellent @davduf

      https://www.auposte.fr/le-soulevement-des-quartiers-ce-quil-dit-et-ce-quon-ne-dit-pas

      pas encore écouté ceux-là par contre :

      https://www.auposte.fr/soulevement-2023-leloge-de-lemeute-avec-jacques-deschamps-philosophe

      https://www.auposte.fr/soulevement-2023-vers-une-secession-des-quartiers-populaires-rencontre-avec-

    • De la répression coloniale aux violences policières. @survie
      https://survie.org/billets-d-afrique/2021/303-dec-2020-janv-2021/article/de-la-repression-coloniale-aux-violences-policieres

      Au moment où la France est traversée par une série de révoltes à la suite du meurtre de Nahel par la police, et pour alimenter les reflexions sur la colonialité de la police française, nous republions cet article de Florian Bobin, étudiant-chercheur en Histoire africaine, paru en janvier 2021 dans Billets d’Afrique. Il a été publié préalablement en anglais dans Africa is A Country puis dans Jacobin , et en français dans la revue Contretemps. Il retrace l’histoire de la structuration de la #police_française, au service des intérêts esclavagistes, colonialistes puis néocolonialistes. Il montre la continuité de cette histoire avec la culture et les pratiques actuelles des forces de l’ordre en France, notamment vis-à-vis des jeunes Africains et Afro-descendants, mais aussi de celles de ses anciennes colonies africaines.

    • Didier Fassin : en France, « la police a gagné la bataille idéologique »

      Pour George Floyd, toute la société s’était mobilisée, il y avait eu des manifestations dans tout le pays. Ça a été un choc majeur. Pour Nahel, seuls les quartiers populaires ont bougé. Le lendemain, on ne parlait plus que de désordres urbains et, le surlendemain, de l’incendie de la maison d’un maire.

      https://justpaste.it/9hjxo

      #police #quartiers_populaires