on ne dissout pas une pensée qui fâche, par les éditions La Fabrique – Libération

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  • On ne dissout pas un soulèvement. 40 voix pour les Soulèvements de la Terre

    On ne dissout pas un dérèglement planétaire. On n’efface pas par décret les constats scientifiques ni le refus d’un capitalisme radicalisé fonçant dans le mur. Loin des procès en « écoterrorisme », ce qui se joue autour des mouvements comme les Soulèvements de la Terren’est rien d’autre que la bataille de ce siècle.


    https://www.seuil.com/ouvrage/on-ne-dissout-pas-un-soulevement-40-voix-pour-les-soulevements-de-la-terre-collectif/9782021547269

    #livre #SdlT

    • Livre « Comment saboter un pipeline » : on ne dissout pas une pensée qui fâche, par les éditions La Fabrique

      Pour la maison d’édition qui a publié le livre d’Andreas Malm « Comment saboter un pipeline », présent dans le décret de dissolution des Soulèvements de la Terre, le gouvernement empêche un débat démocratique de la plus grande urgence sur l’utilisation des ressources communes dans l’intérêt général.

      Les idées deviennent des armes quand elles s’emparent des masses. On n’attendait pas pareille concession à l’adversaire de la part de Macron et de son ministre de l’Intérieur mais c’est bien cet indémodable adage de Marx qui semble aujourd’hui gouverner leur politique répressive. Las de chasser les manifestants dans les rues, poursuivons donc les idées avant qu’elles ne s’emparent des masses.

      Les idées, plus particulièrement celles qui contreviennent au capitalisme et à son monde, à l’air ambiant qu’il nous fait respirer, c’est un peu notre fonds de commerce à la Fabrique depuis vingt-cinq ans, comme à tous nos collègues qui font vivre avec leurs livres les pensées critiques et le débat démocratique.
      Un pouvoir qui a perdu la bataille des idées

      Mais les idées qui s’emparent des masses ne sortent pas de nulle part, elles émergent des contradictions du système, là où des mouvements lui résistent. Il se trouve qu’un mouvement de résistance a surgi de la catastrophe écologique en cours, un mouvement intelligent, puissant et déterminé : les Soulèvement de la Terre. Il se trouve aussi que nous avons échafaudé avec eux un projet de livre qui donnerait à voir tant la créativité pratique que l’élaboration théorique et politique des luttes écologistes contemporaines. A la suite de quelques actions spectaculaires, parmi tant d’autres initiatives de reprises de terres et d’expérimentations agroécologiques, on a voulu faire passer les Soulèvements pour une bande de saboteurs sans foi ni loi. Mais la centaine de milliers de personnes qui s’en revendiquent, chaque jour plus nombreuses, sont animées par une idée dont la justesse ne trouve déjà plus beaucoup de détracteurs honnêtes : nous allons dans le mur, propulsés par une clique irresponsable qui trouve encore son intérêt au désastre ; on ne peut pas les laisser faire.

      On comprend que ça ne plaise ni à Gérald Darmanin ni à la FNSEA. Dans un réflexe typique d’un pouvoir qui a perdu la bataille des idées, les apprentis chimistes du ministère de l’Intérieur se sont ainsi mis en tête de dissoudre cette pensée qui fâche.
      Mettre des livres à l’index

      Et voilà que ceux qu’on entend jurer par Voltaire et Camus veulent mettre des livres à l’index, non par les procédures légales qui encadrent la liberté d’expression, de la presse et de l’édition, mais par le coup de force et l’intimidation. Le décret de dissolution des Soulèvements de la Terre tourne à la paranoïa quand il croit trouver dans le livre d’un géographe suédois, Andreas Malm, publié à la Fabrique il y a plus de trois ans, le bréviaire d’un écoterrorisme fantasmé en France. Que dit ce livre ? Entre autres, que si les Etats persistent à laisser prospérer les activités industrielles qui menacent les conditions mêmes de la vie sur Terre, il faut s’attendre à ce que des mouvements de masse prennent le problème à bras-le-corps. C’est peu dire que le gouvernement actuel souffle sur les braises d’un scénario redoutable. L’acte de dissolution des Soulèvements de la Terre est injuste et sa justification effarante marque une escalade autoritaire particulièrement inquiétante. La répression tous azimuts des luttes écologistes, l’arrestation arbitraire de leurs militants avec les moyens de l’antiterrorisme, et maintenant la censure et la criminalisation des mots d’ordre, des prises de parole, des livres et de celles et ceux qui les lisent sont inacceptables.

      En adoptant une rhétorique méprisante et belliqueuse Pour connaître nos conseils et la marche à suivre, ainsi que l’adresse à laquelle nous envoyer vos propositions, rendez-vous dans la section « Proposer une tribune » en bas de cette page.de urgence sur l’utilisation des ressources communes dans l’intérêt général, et prépare un soulèvement d’une autre ampleur. Qui sait quelles idées pourraient s’emparer des générations qui voient leur avenir à ce point assombri ?

      https://www.liberation.fr/idees-et-debats/tribunes/on-ne-dissout-pas-une-pensee-qui-fache-par-les-editions-la-fabrique-20230

  • « Pour donner l’impression que Les Soulèvements de la Terre est en réalité un groupement de dangereux terroristes, l’Etat français a dû inventer un gourou », Andreas Malm, activiste et théoricien
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/06/22/andreas-malm-auteur-de-comment-saboter-un-pipeline-mon-propos-est-d-ouvrir-u

    Honnêtement, je ne sais pas si je dois rire ou pleurer, ou les deux en même temps.
    Il apparaît qu’au milieu d’une vague de répression instiguée par l’Etat français à l’encontre des militants écologistes (qui s’inscrit dans une escalade autoritaire beaucoup plus vaste menée par le président Macron et ses alliés), mon livre Comment saboter un pipeline (La Fabrique, 2020) a été cité dans un décret de dissolution : il serait à l’origine de tous les « désordres » attribués aux luttes environnementales dans la période récente.

    Le gouvernement français veut dissoudre Les Soulèvements de la Terre, qui ont joué un rôle déterminant dans plusieurs grandes mobilisations écologistes ces dernières années, et tout dernièrement contre le projet insensé et funeste de mégabassines à Sainte-Soline (Deux-Sèvres), dans l’ouest de la France. Pour donner l’impression que ce réseau militant est en réalité un groupement de dangereux terroristes, l’Etat français a dû inventer un gourou, un maître à penser qui aurait par avance théorisé leur passage à l’acte. De façon flatteuse mais grotesque, il semblerait que le pouvoir ait jeté son dévolu sur un universitaire suédois qui, contrairement à Ted Kaczynski, ne vit pas dans une cabane isolée pour fabriquer des bombes artisanales. Voilà qui manque cruellement d’imagination…

    Tactique plus ambitieuse

    Tout observateur raisonnable pourra juger combien cette démarche est maladroite et grossière. Tout d’abord, mon livre a été publié en France il y a trois ans. Il a été traduit en dix langues et a récemment inspiré un thriller hollywoodien (Sabotage, par Daniel Goldhaber). Je suis venu à plusieurs reprises discuter du livre en France autour d’événements de lancement, d’interviews, etc. Dans cette période, ni moi ni mon éditeur n’avons été soupçonnés ou accusés de quoi que ce soit d’illégal. Si le livre était si provocateur et dangereux que le décret le laisse entendre, les services de police auraient donc mis trois ans pour lire et assimiler ses quelque 200 pages (en petit format) ?

    Par ailleurs, si je respecte et admire Les Soulèvements de la Terre – comme je respecte, par exemple, les militants allemands d’Ende Gelände –, nous ne sommes pas particulièrement liés et nous ne sommes même pas d’accord sur de nombreux points d’analyse ou de perspectives. Ces camarades seraient les premiers à dire qu’ils rejettent mon orientation trotskiste old school, mon étatisme, mon hostilité à l’anarchisme, et ainsi de suite. L’idée que mon livre serait une bible pour eux est donc, pour être très honnête, une ânerie et une marque de mépris.
    Comment saboter un pipeline est une contribution à un débat plus large au sein du mouvement écologiste, qui a été amené à se poser des questions difficiles sur ce qu’il est urgent de faire dans une situation où les effets du changement climatique s’intensifient et s’accélèrent, mais où les Etats hégémoniques sont déterminés à agir de façon minimale ou à ne pas agir du tout. Je fais valoir que tous les mouvements ayant provoqué des changements sociaux de grande ampleur – des suffragettes et des mouvements anticoloniaux jusqu’au mouvement des droits civiques dans les années 1960 et au-delà – ont, dans certaines circonstances, eu à mettre en place des tactiques plus ambitieuses, et que cela a souvent été couronné de succès.

    « Désarmer » le capitalisme fossile

    Mon propos est simplement d’ouvrir un débat exigeant sur la légitimité d’actions de désobéissance, notamment sur des sites-clés de l’infrastructure et de la logisitique du capitalisme fossile. Et soyons clairs ici, je parle de propriété, d’objets matériels, pas de personnes – je n’ai jamais prôné la violence contre des individus ou des groupes. On peut rejeter ou critiquer les raisonnements du livre, mais il est proprement stupéfiant que ces propositions relativement modestes soient maintenant qualifiées de « terrorisme intellectuel » ou d’« actions extrêmes allant jusqu’à la confrontation avec les forces de l’ordre » par le ministre français de l’intérieur, Gérald Darmanin.

    En réalité, le livre n’est pas très original : il existe aujourd’hui de très nombreux ouvrages qui analysent les catastrophes à venir liées au changement climatique et au désastre écologique. Dans ce contexte, je suis loin d’être le seul auteur à soutenir que nous devons désactiver rapidement et de manière décisive l’infrastructure des combustibles fossiles. Mais il est vrai que Comment saboter un pipeline met en évidence quelque chose qui glace le sang des tenants de l’ordre existant : s’ils entendent laisser intact le système en place, il y a toutes les raisons d’imaginer que les mouvements de masse prendront eux-mêmes en charge le « désarmement » du capitalisme fossile – ce qui n’est rien d’autre qu’un geste d’autopréservation de grande ampleur.

    Le capitalisme fossile nous conduit à toute vitesse vers le précipice. Quelqu’un doit tirer le frein d’urgence. Si les gouvernements ne le font pas, le reste d’entre nous le fera.

    Andreas Malm est maître de conférences en géographie humaine en Suède. Il est l’auteur, aux éditions La Fabrique, de L’Anthropocène contre l’histoire (2017), Comment saboter un pipeline (2020), La Chauve-Souris et le Capital (2020), Fascisme fossile (avec le Zetkin Collective, 2020) et Avis de tempête (à paraître en octobre).