marielle 🐱

« vivere vuol dire essere partigiani » Antonio Gramsci

  • La guerre des mots - Selim Derkaoui, Nicolas Framont, Antoine Glorieux -
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    Dans un petit livre presque rouge, les auteurs appellent Ă  la rĂ©volution. La prise de conscience suffit-elle Ă  renverser la tendance ? Cet ouvrage tantĂŽt militant, tantĂŽt caustique, adopte un point de vue sans nuances, mais assurĂ©ment contemporain.
    RĂ©sumĂ© : Les auteurs rĂ©habilitent la lutte des classes Ă  travers la bataille du vocabulaire. Avec des exemples concrets, ils Ă©tablissent les contours d’une domination politico-mĂ©diatique visant Ă  asseoir leur pouvoir.
    Critique : Prendre la parole est en soi une forme de lutte, de revendication, d’incarnation. Le choix des mots revĂȘt un sens particulier pour soutenir la pensĂ©e que l’on exprime. C’est ce que l’on appelle l’idĂ©ologie. Avec ce petit livre simple et rapide Ă  lire, les auteurs cherchent Ă  rĂ©tablir un Ă©quilibre : face aux expressions trop lisses et par lĂ  mĂȘme Ă©loignĂ©es de la rĂ©alitĂ©, ils dĂ©noncent ces mots qui ont envahi les discours et qui offrent, selon eux, une vision dĂ©formĂ©e. Appeler un riche un riche et un pauvre un pauvre ne change rien Ă  leur condition intrinsĂšque, mais cette dĂ©nomination tĂ©moigne d’une vision plus brute de la rĂ©alitĂ©, prĂ©fĂ©rable, selon les auteurs, Ă  une partition entre l’"entrepreneur qui a pris des risques" par rapport Ă  celui "qui n’en prend pas".
    Les « lunettes » que nous proposent les auteurs, selon la mĂ©taphore employĂ©e par le couple Pinçon-Charlot dans la prĂ©face – rĂ©fĂ©rence Ă  l’excellent film de Carpenter Invasion Los Angeles – cherchent Ă  convaincre, mais la dĂ©monstration ne parviendra pas Ă  sĂ©duire ceux qui ne le sont pas dĂ©jĂ . Nous sommes donc face Ă  un argumentaire, davantage destinĂ© Ă  aiguiser la conscience de ceux qui partagent le point de vue des auteurs qu’à dĂ©montrer scientifiquement l’omniprĂ©sence du vocabulaire bourgeois.

    Le livre ne fait pas dans la nuance
    L’ouvrage dĂ©nonce la classe « politico-mĂ©diatique », qui serait forcĂ©ment Ă  la botte du nĂ©olibĂ©ralisme. Les auteurs reviennent aussi sur des termes employĂ©s aujourd’hui qui leur paraissent dĂ©voyĂ©s (on ne parle plus de « salariĂ©s » mais de « collaborateurs »). Par ailleurs, ils reprennent des concepts chers Ă  Bourdieu, par exemple les catĂ©gories socio-professionnelles, en analysant comment elles se dĂ©terminent et pourquoi cette approche demeure pertinente. Enfin, l’ouvrage Ă©voque la dĂ©valorisation monĂ©taire du travail manuel, la question de la « rĂ©silience » qui, selon les auteurs, constitue une forme de violence pour culpabiliser les individus.
    Mais le texte tend aussi vers une subversion qui lĂ©gitime le recours Ă  la violence, ce qui peut sembler contradictoire, lorsqu’on appelle Ă  prendre le pouvoir par les mots. (« C’est en ce sens que la lutte des classes est nĂ©cessairement violente » (p.226). Enfin, le dernier chapitre se consacre Ă  la gauche, d’oĂč elle vient, ce qu’elle devrait incarner.

    Le livre est bien Ă©videmment un manifeste politique, militant, et l’on regrette qu’il ait renoncĂ© Ă  l’humour, ce qui aurait permis de retenir l’attention des non convaincus. La guerre des mots est donc Ă  dĂ©couvrir si l’on veut aiguiser son esprit critique, rĂ©futer un argumentaire ou y adhĂ©rer, rĂ©flĂ©chir aux concepts contemporains de nos sociĂ©tĂ©s. AprĂšs la lecture, on porte une attention plus forte aux discours mĂ©diatiques. Mais corriger notre langage suffit-il Ă  changer les pensĂ©es ? Les auteurs veulent y croire