Si on utilise le même mot pour 12000 trucs différents, on ne s’en sort pas. Le travail, dans le langage courant c’est depuis déjà fort longtemps le travail capitaliste précisément : du temps de dépense d’énergie humaine contre un salaire (Marx dit "une dépense de cervelle, de muscle, de chair").
Dans tous les cas l’humain s’active, seul et à plusieurs, transforme son environnement, etc. Mais ne "travaille" pas obligatoirement. Le travail c’est une activité sociale propre au capitalisme, et appliquer cette vue à des sociétés du passé est un biais anthropologique. L’utilisation de ce mot avant le capitalisme n’avait aucunement le même sens et ne recouvrait pas du tout les mêmes activités sociales (et donc le fait d’utiliser le même mot ne veut pas dire qu’on parle de la même chose).
Par ailleurs les robots ne créent pas de "richesses", mais le mot est un peu vague encore une fois. Les robots créent des marchandises (objets ou services), mais ne créent aucune valeur. Seul la dépense de travail humain génère de la valeur. D’où l’obligation de créer de l’argent totalement virtuel par le crédit, puisque normalement c’est la création de valeur qui aboutit à de l’argent.
La fin du travail n’est pas une expression criminelle, c’est la description factuelle du capitalisme qui s’auto-dissout puisqu’il réduit chaque année un peu plus ce qui fait sa propre substance : l’automatisation réduit le travail humain, et donc réduit la création de valeur : ça va dans le mur. Il faut arrêter de défendre ça, déjà passer par une étape intellectuelle de prise de conscience de ça, et s’activer à construire des relations sociales débarrassées du travail, de la marchandise, de la valeur. Un monde libéré du travail a donc tout à fait un sens, et c’est un monde débarrassé du capitalisme.
Voir : Le groupe Krisis/Exit et son fameux "Manifeste contre le travail", #Robert_Kurz, #Roswitha_Scholz, #Anselm_Jappe, Lohoff&Trenkle, André Gorz… (suivre les tags, pas mal de sources référencées ici)
Sur le fait que le travail n’est pas transhistorique, entretien récent d’Anselm Jappe pour La société autophage
►http://www.hors-serie.net/Dans-le-Texte/2017-12-16/La-societe-autophage-id278
Et l’entretien avec Harribey
▻https://seenthis.net/messages/655411
►http://www.palim-psao.fr/2017/12/fetichisme-et-dynamique-autodestructrice-du-capitalisme-entretien-d-ansel
Bien sûr, une précision « sémantique » s’impose : le travail dont nous mettons en doute le caractère universellement humain ne peut pas être identique à ce que Marx appelle « le métabolisme avec la nature » ou aux activités productives en général. Ici, nous ne discutons que de la forme sociale qu’ont prise historiquement ces activités. Dire que la forme sociale capitaliste du métabolisme avec la nature n’est qu’une forme spécifique de la nécessité éternelle d’assurer ce métabolisme est un truisme vide de sens : c’est comme dire que l’agriculture capitaliste est un développement de la nécessité humaine d’avoir un apport journalier en calories. C’est indubitablement vrai, mais ne signifie rien. Cette base commune à toute existence humaine n’a aucun pouvoir spécifique d’explication.
La question n’est donc pas de savoir si, dans toute société humaine, les êtres s’affairent pour tirer de la nature ce dont ils ont besoin, mais s’ils ont toujours opéré à l’intérieur de leurs activités une coupure entre le « travail » d’un côté et le reste (jeu, aventure, reproduction domestique, rituel, guerre, etc.). Et je pense qu’on peut dire « non ».
Extrait de l’entretien publié en guise de présentation du livre de Kurz, « Vies et mort du capitalisme. Chroniques de la crise »
►http://www.palim-psao.fr/article-theorie-de-marx-crise-et-depassement-du-capitalisme-a-propos-de-l
Traditionnellement, la critique du capitalisme se faisait au nom du travail. Or vous, Robert Kurz, vous n’opposez pas le capital au travail. Vous considérez au contraire le capitalisme comme société de travail. Pourquoi rejetez-vous le travail ?
R. Kurz : Le concept marxien manifestement critique et négatif de travail abstrait peut être défini comme synonyme de la catégorie moderne de « travail ». Dans des conditions prémodernes, cette abstraction universelle soit n’existait pas, soit était déterminée négativement d’une autre façon : en tant qu’activité d’individus dépendants et soumis (esclaves). Le « travail » n’est pas identique avec la production tout court ou avec « le métabolisme entre l’homme et la nature » (Marx), même si, à ce propos, la terminologie de Marx reste imprécise. Le capitalisme a généralisé pour la première fois la catégorie négative de « travail ». Il l’a idéologisée positivement, entraînant ainsi une inflation du concept de travail. Au centre de cette généralisation et de cette fausse ontologisation du travail, il y a la réduction historiquement nouvelle du processus de production à une dépense complètement indifférente par rapport à son contenu d’énergie humaine abstraite ou de « cerveau, de nerf, de muscle » (Marx). Socialement, les produits ne « valent » pas en tant que biens d’Usage, mais en ce qu’ils représentent du travail abstrait passé. Leur expression générale est l’argent. C’est en ce sens que, chez Marx, le travail abstrait (ou l’énergie humaine abstraite) est la « substance » du capital. La fin en soi fétichiste de la valorisation, qui consiste à faire d’un euro deux euros, est fondée sur cette autre fin en soi qui est d’accroître à l’infini la dépense de travail abstrait sans tenir compte des besoins. Mais cet impératif absurde est en contradiction avec l’augmentation permanente de la productivité, imposée par la concurrence. Critiquer le capitalisme du point de vue du travail est une impossibilité logique, car on ne peut critiquer le capital du point de vue de sa propre substance. Une critique du capitalisme doit remettre en cause cette substance même et donc libérer l’humanité de sa soumission à la contrainte du travail abstrait. C’est seulement alors que l’on pourra supprimer l’indifférence par rapport au contenu de la reproduction et prendre au sérieux ce contenu lui-même. Lorsqu’on comprend le capital au sens étroit comme capital-argent et capital physique (« capital constant » chez Marx), il y a certes une contradiction fonctionnelle entre le capital et le travail. Ce sont des intérêts capitalistes différents au sein d’un même système de référence. Mais lorsqu’on comprend le capital au sens plus large de Marx, alors le travail n’est que l’autre composante du capital.
Sur la théorie de la crise, le crédit, la dévalorisation du capital qui s’auto-détruit (en détruisant le monde du coup) : La Grande Dévalorisation, de Lohoff et Trenkle
►https://www.post-editions.fr/LA-GRANDE-DEVALORISATION.html
Qu’est-ce que la valeur ?
►http://www.palim-psao.fr/article-35929096.html
Contrairement à un produit, la marchandise se définit par le fait qu’elle peut s’échanger contre une autre marchandise. La marchandise, un marteau par exemple, n’a donc pas seulement la qualité d’être faite de bois et d’acier et de permettre d’enfoncer des clous dans le mur. En tant que marchandise, le marteau possède la « qualité » d’être échangeable. Qu’est ce que ça signifie ?
Pour garder cet exemple, comment échanger un marteau contre une bouteille de bière ? Bière et marteau sont deux objets totalement différents qui ne servent pas à satisfaire le même besoin. Leur différence peut être d’importance pour celui qui veut boire une bière ou celui qui veut planter un clou dans un mur. Mais pour l’échange, en tant qu’opération logique, leur utilité concrète n’est pas pertinente. Dans l’acte d’échange, il s’agit d’échanger des choses égales ou des équivalents. Si ce n’était pas le cas, on échangerait sans hésiter un morceau de beurre contre une voiture. Mais tout enfant sait qu’une voiture a plus de valeur. Manifestement ce n’est donc pas l’attribut qualitatif d’une marchandise (sa nature concrète ou sensible) qui rend l’échange possible. Bière, marteau et voiture doivent donc posséder quelque chose qui les rend semblables et ainsi comparables.
@ktche :)