• @raspa Très intéressant. Après pour moi, ce qui est pointé, c’est la différence entre une posture morale (parce que c’est « bien », parce qu’on veut des cookies) et une réelle posture militante (qui peut prendre plein de formes, mais qui engage une réflexion sur soi et ses pratiques, une recherche de cohérence, qui ne sera jamais atteinte à 100%, mais c’est pas pour autant qu’on cherche pas à faire mieux). C’est exactement à cette posture réflexive et pas seulement « savoirs froids + belles actions » que Floréal Sotto invite avec son anti-discrimachine : http://leszegaux.fr/notre-action/lengagement-contre-les-discriminations
      Sur l’écologie, effectivement, j’aurai 1 milliard d’exemples (cette blogueuse qui faisait la leçon sur l’importance d’utiliser des crèmes de soin bio pour préserver la santé et la planète pour nos enfants... tout en prenant l’avion en famille au moins une fois par mois pour ses loisirs... Misère). Et le mécanisme demanderait vraiment à être creusé pour voir comment on peut le contourner. Parce que même avec notre meilleure volonté militante et réflexive, les réflexes discriminatoires par exemple sont quand même très ancrés. Les miens me font régulièrement peur...

    • Pour moi ça va plus loin (même si c’est très lié à cette question de cohérence militante). Ca ressemble à un biais psychologique, inconscient, lié aux identités collectives. Ce n’est pas anodin que ça vienne du Québec, où j’ai entendu plusieurs fosi (et c’est souvent rapporté) qu’on prend l’argument que le Québec serait ouvert et accueillant pour, justement, refuser des droits notamment aux migrants / étrangers ou sortir des paroles terriblement racistes. Un peu comme la France, qui s’identifie comme « pays des droits de l’homme », devient étrangement aveugle aux violations des droits humains dont son gouvernement se rend coupable. Ou d’un pays faiseur de guerre comme les USA qui a l’étrange sentiment que tout le monde les déteste.

      Je prends beaucoup d’exemple lié aux identités nationales mais c’est vrai aussi au niveau individuel. Illustration :

      https://twitter.com/Melusine_2/status/1102959315521077248

      Où sous prétexte qu’on fait un article sur les inflexions féministes dans certaines grosses productions hollywoodiennes, on se permet grassement de caser tous les clichés sexistes connus.

  • @raspa Je prends enfin le temps de lire les numéros de la revue Timult que j’ai acheté au printemps. https://timult.poivron.org
    Dans le n°10, dernier en date, il y a une discussion sur les questions de transformation sociale, avec ces 2 illustrations que je trouve très éclairantes : un vrai guide pour l’action pour les mouvements militants, d’autant que cette image de tabouret vite bancal sans ses 3 pieds est particulièrement frappante !

    Par ailleurs :
    – Ça me rassure sur le fait de penser que mettre en place des alternatives sans arrière-fond politique, c’est bien pour soi mais clairement insuffisant (oups, je vais encore taper sur les Colibris)
    – Pour autant, on peut avoir un mouvement équilibré où tout le monde ne fait pas tout : parce qu’on peut pas tout faire, qu’on n’est pas à l’aise dans tout, qu’on n’a pas envie... Franchement, je comprends qu’après des années épuisantes de rapport de force, certain.e.s aient seulement envie de construire des alternatives positives, déléguant la « lutte » plus directe à d’autres. S’il y a communication et soutien mutuel entre les 3 pieds d’une même organisation / d’une même mouvance, ça tient la route en fait.
    – Ça renforce ma conviction qu’il faut agir pour une diversité sociale réelle dans les mouvements que je fréquente. Partir des savoirs des gens qu’on veut toucher/intégrer paraît une très bonne piste (déjà, ça oblige à supposer qu’ils ont des savoirs, et qu’ils sont capables de nous les transmettre... et pas qu’on doit leur délivrer la bonne parole ou qu’ils vont voler nos livres si tu vois ce que je veux dire... Un excellent garde-fou ! :-) )

    J’ai presque envie d’en faire des grandes affiches pour ton boulot et pour les locaux associatifs que je fréquente !

    https://lh3.googleusercontent.com/DxhPxhtxpfL1hh_oeEk_eqPT8zznWpPbK2CrBFqoUKs0kz2Awl-3om3cSPrR_

    https://lh3.googleusercontent.com/D5HLlkbgV2GwNcOn2CYgzr58F08LErMhTXbfY70-8uXfYyPxQGlEl8ZsbZrLd

    • @raspa Tiens, pile sur ce sujet-là, dans une très chouette interview d’Emma sur Ballast :

      Le seul truc que je ne considère pas comme étant du militantisme, ce sont les groupes Facebook entre personnes averties, où tu te prends 30 commentaires sur la tronche si tu n’emploies pas les bons termes, où on développe un purisme militant en pointant constamment le vocabulaire à ne pas utiliser. Autant j’utilise l’écriture inclusive par principe, autant je n’ai pas envie de me couper de tous mes outils linguistiques du jour au lendemain. Ce sont des groupes à « bons points », avec une certaine attitude à avoir, des groupes qui affirment défendre des projets collectifs et une société bienveillante mais avec des méthodes hyper nocives. Créer ce genre d’espaces, c’est uniquement aménager des endroits dans lesquels tu reproduis les rapports de pouvoir que tu n’as pas à l’extérieur. Et je peux comprendre pourquoi : en tant que femme plutôt effacée, au boulot et dans la vie, on ne m’a jamais trop laissée parler. Lorsque je me suis fait une place sur les groupes Facebook, je pouvais parler et j’avais une supériorité écrite : j’écrivais vite, sans faire trop de fautes, mes idées se mettaient en place rapidement et j’ai pu utiliser ça, au début, pour écraser les autres car je n’avais pas l’occasion de le faire à l’extérieur… C’est toxique ! C’est classiste et ça n’est pas du militantisme. Je préfère parler avec les gens, même si parfois je m’énerve.

      https://www.revue-ballast.fr/emma-faire-peter-le-patriarcat-en-meme-temps-que-le-capitalisme

  • @georgia Ca peut ressembler à du « Not All Men » mais je pense que la démarche est sincère.

    https://www.nouveau-magazine-litteraire.com/idees/modele-de-drague-virilite-nous-n-en-voulons-plus

    Je crois qu’on s’est plusieurs fois retrouvés en contradiction sur la solidarité masculine : toi affirmant qu’elle existe (et que c’est un pilier du patriarcat) moi affirmant que non (et que le patriarcat s’en passe). Je pense que ce passage éclair ce que je pense :

    Ce modèle de « drague » ou de « virilité », nous n’en voulons plus. La glorification du collectionneur de conquêtes, l’imposition de certaines normes physiques qu’il fallait faire semblant d’adopter, l’imposition d’un certain langage insultant à l’égard des femmes qu’on devait adopter. Les signataires de la tribune ne savent visiblement pas ce que cela signifie de ne pas être un mâle alpha. On nous intimait de parler comme il fallait (avec des expressions dégradantes à l’égard des femmes), de taire ce qui fâchait (avec l’impossibilité de dire qu’on n’aime pas forcément entendre le mot « pute » ou « salope »), et ceux qui refusaient de se plier à de telles injonctions étaient regardés comme des traîtres (et stigmatisés avec des insultes sexistes et homophobes : « femmelette, couille molle, pédé, tu la défends parce que tu veux te la faire »). Nous aussi subissons ce modèle masculin imposé par quelques-uns. Cette forme d’oppression, sans commune mesure avec ce que subissent les femmes, nous ne souhaitons pas particulièrement la conserver. Merci, mais non merci. Au contraire nous ne pouvons que remercier toutes celles qui, par leur courage, ont réussi à faire vaciller ce modèle de virilité qui nous est imposé et que nous n’avons jamais pu, peut-être jamais voulu faire vaciller.

    • Nous aussi n’en pouvons plus de la toute-puissance du vieux mâle qui collectionne le pouvoir et les femmes. Nous subissons son pouvoir, son mépris, parfois aussi ses insultes et ses coups lorsque nous sommes homosexuels. Nous avons tous en tête un ou plusieurs exemples où ce porc de mâle alpha a insulté, rabaissé ou méprisé devant un groupe de potes ou des collègues de bureau, une mère, une sœur, une amie ou une amoureuse et il fallait se taire, voire faire semblant de rire, pour faire partie du groupe. Prions pour que la libération de la parole des femmes puisse nous débarrasser de celui-là.

    S’il y a un effet de solidarité entre mecs, celle-ci n’est certainement pas inconditionnelle ni gratuite, ni destinée à tous les mecs. Elle est à double tranchant, et globalement, ceux qui ne jouent pas le jeu sont punis, parfois violemment. Ce n’est pas tant de la solidarité que de la discipline, sans doute la même chose qu’on trouve dans le milieu militaire.

    Tu devrais vraiment lire Pinar Selek.

    • @raspa
      Je trouve pas ça mansplaining du tout, je trouve que c’est un beau texte d’alliés en réponse à un texte à la con (et pas en réaction directe à MeToo pour tirer la couverture à soi), avec de vraies réflexions intéressantes.
      J’aime bien ce mot discipline. Qu’on peut dire de classe sociale ou autre. J’y retrouve le côté « défense des intérêts communs » que je mets derrière solidarité, mais ça montre les coûts (qui dit discipline dit indiscipline et donc sanction).
      Ça me fait penser à un système mafieux : respecter la discipline te procure des avantages indéniables (protection, gains financiers), mais induit aussi des coûts. Et l’indiscipline engendre des coûts encore pires, où tu risques en plus de perdre ta place dans la société.

      Et oui je lirai Pinar Selek. Toi tu peux lire Stoltenberg et Léo Tiers Vidal sur les coûts du patriarcat pour les hommes :-D

    • @raspa C’est en effet super intéressant :

      Etre déconstruit devient donc une façon de se démarquer de la masse « construite », et d’effectuer un travail personnel pour minimiser les coercitions que l’on peut exercer sur autrui. Comme pour le mouvement Colibri, il s’agit d’adopter des gestes, des habitudes, des comportements moins coercitifs et plus respectueux des dominés. Le « safe », langage inclusif, la bienveillance, le respect du ressenti, la non-contradiction de la parole d’un premier concerné etc. Bref, une multitude de codes que chacun doit respecter. L’antiracisme ne devient ainsi plus une lutte politique, mais un changement personnel, un style de vie. Il y a des gens qui mangent bio pour « sauver la planète », et d’autres qui « check leurs privilèges » pour lutter contre le racisme.

      Ma question c’est : comment on articule les deux, càd combat politique collectif et pratiques individuelles ? Comment on fait prendre conscience aux colibristes de l’importance de la lutte politique ? Ok, c’est incohérent de lutter pour sauver la planète ou abolir le racisme en continuant de rouler en 4x4 en ville ou en faisant des blagues racistes. Mais dans mon esprit, ces actions doivent être l’application à l’échelle individuelle d’un engagement politique et militant ("je milite dans une organisation anti-raciste, ça me paraît cohérent de réfléchir à mon humour et de faire évoluer celui-ci"), participant d’une recherche de cohérence. Et je parle bien d’une recherche, et pas de cohérence totale, qui serait invivable socialement.

      Malheureusement, comme le décrit très bien l’article, les comportements individuels deviennent les seuls actes d’engagement en faveur d’une cause. Ce qui est d’autant plus dommage que l’aller-retour entre les deux est super intéressant pour nourrir la lutte politique : si d’un côté tu milites contre le changement climatique, par exemple en soutenant des campagnes de désinvestissement des énergies fossiles, que de l’autre tu te dis « ah tiens ça serait bien que ma propre épargne ne finance pas non plus ces projets », et que tu te rends compte que c’est galère de trouver un compte d’épargne fossilfree, dans l’idéal ça devient aussi une revendication politique. Demander aux banques qu’elles n’investissent plus dans les fossiles, mais aussi qu’elles garantissent à leurs clients des produits d’épargne (quel affreux mot !) qui n’y investissent pas non plus. Je crois aussi que les actes individuels peuvent être un bon point de départ à l’élaboration d’une pensée (puis, on l’espère, d’une action) politique. C’est la méthode de conscientisation de Paolo Freire : je suis un paysan pauvre analphabète du Chili ; je me rends compte que mes voisins sont aussi des paysans pauvres analphabètes (prise de conscience qu’on n’est pas seul) ; on se pose ensemble la question de pourquoi on est tous des paysans pauvres analphabètes ; et on finit par devenir de dangereux gauchistes révolutionnaires qui savent lire :-D (ok, c’est une description extrêmement caricaturale de Freire, qui doit se retourner dans sa tombe, le pauvre. En même temps, si ses écrits étaient plus accessibles, je le lirai pour de vrai...).

      Car le vrai problème de la déconstruction c’est qu’elle est tout aussi impossible à réaliser totalement (sur soi) qu’inefficace (contre le pouvoir blanc). Elle exige des individus une chose inconcevable : lutter contre sa socialisation, se dépouiller de toutes les normes incorporées jusqu’ici, se défaire de tout ce qui a fait son identité, et intégrer de nouvelles valeurs, qui sont à contre-courant des institutions. Autrement dit, on demande à l’individu d’être plus fort que les institutions, que la société, d’être au dessus de tous les déterminismes sociaux. Un tel surhumain n’existe pas.

      Autant de questions auxquelles il n’est pas possible de répondre car ce concept de « déconstruction » n’est qu’une idéologie et non un outil théorique, un concept scientifique. Mais plus que cela, c’est une idéologie inopérante.

      Ces passages sont fabuleux, et super justes. On retrouve vraiment la question de la si désastreuse pureté militante (cf « cohérence » versus « recherche de cohérence »). Il m’évoque les plus belles heures de « Fais ton autocritique camarade » (c’est la punchline d’un des résistants communistes d’Un village français, le plus borné).

      Je note d’autres passages pour les garder sous le coude :

      Je rajouterais, dans notre cas, qu’il ne faut pas attendre d’eux qu’ils aient la capacité sur-humaine de se dépouiller de la totalité de leurs déterminismes sociaux, qu’ils soient déjà tous libérés de l’idéologie de la Modernité occidentale, car personne ne l’est. Il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs, il ne faut pas attendre les résultats de nos combats, avant même de les mener et de les gagner.

      Le racisme est une question de pouvoir, de rapport de force, pas de bonne volonté, ni de position morale. C’est ce que soulignait Kwamé Turé (Stokely Carmichael), lorsqu’il disait « Si un homme blanc veut me lyncher c’est son problème. S’il a le pouvoir de me lyncher, c’est mon problème. Le racisme n’est pas une question d’attitude, c’est une question de pouvoir ».

      Ce passage-là rejoint parfaitement la vidéo qu’on a diffusé l’autre jour sur l’action non-violente. Il y a dans mon souvenir un passage sur la lutte anti-apartheid en Afrique du Sud, avec un boycott de magasins blancs. Le mouvement a obtenu ce qu’il voulait, à savoir rallier les commerçants à l’opposition au gouvernement pro-apartheid pour demander une évolution de la loi. Il n’exige pas que ces commerçants deviennent anti-racistes magiquement, du jour au lendemain. Il y a un côté pragmatique à garder en tête je trouve.

    • @raspa (et je t’avais envoyé ça par mail il y a quelques mois aussi : https://pr0z3.wordpress.com/2017/06/07/a-propos-de-la-deconstruction
      Le texte parle pas mal de pureté militante et de l’usage du « bon vocabulaire » :

      Je remarque aussi que la déconstruction est souvent bien plus une affaire de « bon vocabulaire » que de « bonnes idées ». On ne réfléchit plus aux usages des termes, aux contextes dans lesquels on les utilise, à l’histoire des luttes ou à l’évolution des idées.

      Pour citer quelques exemples, qui me frappent par leur absurdité : il ne faut plus dire « couple de même sexe » mais « couple de même genre », parce que le sexe ce serait « les organes génitaux ». [...]. Si tu es trans et que tu utilises le terme « transsexuel-le », tu es obligatoirement dans l’erreur, voire tu es transphobe toi-même, et ceci indépendamment du fait que le terme était en vigueur dans les milieux LGBT jusqu’à il n’y a pas si longtemps. Il y aurait en soi des mots « oppressifs » et des mots « inclusifs ». [...] On pose convention après convention, sans les interroger, et on ignore sciemment la polysémie de nombre de termes qu’on emploie. [...] On ne laisse pas le bénéfice du doute. Dès lors qu’un « mauvais mot » est utilisé, on ne cherchera pas à savoir quelles sont les idées qui sont placées derrière.

      )

  • @georgia histoire de donner le change, voici une petite interview de Titiou Lecocq par Maïa Mazaurette (de bons ingrédients, donc).
    http://www.gqmagazine.fr/sexactu/articles/liberees-linterview-sexe-de-titiou-lecoq/59015
    Morceaux choisis :

    Notre génération a grandi dans le mythe de l’égalité déjà là ce qui rend insupportable de se découvrir à 35 ans dans le rôle de maîtresse de maison.

    En lisant ce passage, cette évidence m’a un peu sauté aux yeux, concernant l’apparition d’une nouvelle génération féministe et de sa nouvelle génération d’analyses, d’arguments et de revendications.

    le sexe est une pulsion vitale qui arrive toujours à se frayer un chemin en érotisant de nouvelles représentations. On le voit déjà sur la paternité.

    Je trouve ça hyper intéressant de constater que les attributs de la virilité et de la féminité, les clichés érotiques et les objets de désir évoluent vers des représentations (potentiellement) moins nocives, qu’on puisse consciemment orienter voire contrôler ces évolutions, au niveau collectif comme individuel. C’est loin d’être évident, y compris pour certain.e.s militant.e.s féministes que j’ai pu croiser.

    La grève du sexe a souvent été évoquée par les féministes comme un moyen de pression. Mais ça pose problème aussi. D’une certaine manière, le sexe devient une récompense pour les hommes qui font bien. C’est pas top en terme d’égalité.

    Oui, et... cela renforce le cliché selon lequel le sexe serait un « besoin vital » pour les hommes et un « service rendu » pour les femmes.
    Pour autant, la grève du sexe a été utilisée dans des luttes pas forcément féministes à la base : http://www.lemonde.fr/afrique/article/2012/08/28/greve-du-sexe-au-togo-un-procede-deja-teste-avec-plus-ou-moins-de-reussite_1
    Mais on en revient toujours au même problème : c’est un mode d’action qui présuppose que les femmes n’ont de pouvoir politique qu’à travers la pression qu’elles mettent sur leurs maris. C’est triste.

    il est clair que le nombre de rapports sexuels mensuels devient une moyenne qu’on essaie de tenir, comme de bonnes élèves. On se dit même quand notre moyenne est en baisse qu’on va se rattraper (donc faire un effort). Il y a vraiment une charge mentale de la sexualité du couple (ce qui est dingue quand on y pense).

    Oui, c’est dingue... et difficile à croire à la base, que dans un couple traditionnel il repose sur la femme de s’assurer qu’on couche à échéances régulières. Ce n’est en tout cas pas le cliché habituel (je n’ai pas fait d’étude statistique sur le sujet).
    En revanche, cela en dit sans doute sur « pourquoi les femmes en couple couchent ».

    si les femmes se demandaient plus souvent « de quoi ai-je vraiment envie ? » les maisons seraient nettement moins bien rangées

    Et... et ? Serait-ce vraiment si grave ?
    Le patriarcat induit que la valeur d’une femme en tant que personne dépend de la bonne tenue de son foyer. Si on veut abattre le patriarcat, ne faut-il pas remettre en cause cette valeur morale de l’ordre et du rangement (et pas seulement la répartition du travail qui permet d’y répondre) ?
    Je suis curieux de lire le livre de Titiou Lecocq pour voir quelle réponse elle donne à cette question. On se l’arpente ?

    • Première réponse à chaud, sur l’érotisation de nouveaux objets de désirs : dans mon milieu écolo, le père attentif qui porte son bébé en écharpe ou porte-bébé physiologique est au même niveau de sexitude que Brad Pitt au mieux de sa forme (et c’est pas du second degré).
      La suite plus tard, après lecture de tout l’interview et de tes commentaires

    • dans mon milieu écolo, le père attentif qui porte son bébé en écharpe ou porte-bébé physiologique est au même niveau de sexitude que Brad Pitt au mieux de sa forme (et c’est pas du second degré).

      Ca me semble pas nouveau, c’est du même ressort que la survalorisation des hommes qui « aident » leur compagne.

      Le ménage c’est assez convenu de dire que c’est chiant, mais au moins quant tu as fini tu as un peu de satisfaction. Le sexe c’est tellement chargé de contraintes, sachant qu’une femme sur 5 a subit des violences sexuelles avant ses 15 ans ce qui laisse des traumatismes important chez beaucoup d’entre elles, que la plus part des jeunes femmes prennent une contraception qui limite leur libido, que le principale agresseur sexuel (statistiquement) des femmes c’est leur conjoint, que l’imaginaire sexuel est envahie de représentations pornographiques gravement inégalitaires et humiliantes pour les femmes, et qu’en plus tu risque une grossesse qui va faire explosé la charge mentale, les corvées, contraintes et injonctions, qui a de fortes chances de limité ta carrière pro et affecté souvent ta santé. Sachant tout ca je me demande comment il est possible de parler de sexualité hétéro de manière positive, enviable du point de vue féministe. J’ai l’impression que l’obligation de l’expression d’une sexualité épanouie et heureuse est bien plus forte que celle d’avoir une maison rangée et propre.

      Sur le fait que la sexualité peut ne pas être un rapport de domination ou que la domination dans le sexualité ne serais pas comparable à celle du couple dans les autres domaine de leur existence je suis aussi assez septique. Pendant longtemps je me disait que l’idée que la pénétration était liée à la domination à cause (ou depuis) la culture Grecque antique (ou de la bible). Mais ce comportement de domination par la pénétration sexuel on le trouve chez beaucoup de mammifères y compris chez des femelles dominantes. Les hyènes par exemple pratiquent beaucoup et j’ai le souvenir de la chienne d’un ami qui était très dominante et qui cherchait toujours la moindre occasion de monter sur les gens. C’est possible que ce soit un comportement acquis. Quand une hyène ou une chienne prennent la position dite « active » elles ne se reproduisent pas, elles utilisent la sexualité à une autre fin, celle de la hiérarchisation de leur groupe. J’ai l’impression que chez les sapiens sapiens le conditionnement des femmes à ne pas être dominantes sexuellement est très fort, (bien plus que chez les Hyènes et les chiennes en tout cas). Il y a peu j’étais tombé sur une discutions au sujet du BDSM et des difficultés extrêmes que les hommes hétéros soumis rencontraient pour trouvé des femmes dominantes. La rareté des femmes dominantes sexuellement contraindrait ces hommes à les trouvé dans la prostitution. C’est pas une info fiable, mais j’ai quant même jamais eu l’occasion de rencontré des femmes hétéro qui se revendiquent de pratiques de domination sexuelles avec leur conjoint.

      Si les pratiques de domination-soumission dans la sexualité humaine ne sont pas symétriques à ceux de la société patriarcale (ce dont je doute) alors il y a pas de raison à ce que les hommes ne soient pas autant pénétrés par les femmes que l’inverse. Et je pense que c’est là qu’il y a des choses à faire bouger. C’est pas une grève du sexe qu’il faudra, c’est une grève de la pénétration des femmes. On peu brûler la serpillière mais le mieux c’est de l’échanger contre un gode ceinture. On peu faire des formations à l’autodéfense féministe, mais ca serait pas mal d’avoir aussi des ateliers dominatrices pour les femmes hétéros et soumission pour les hommes hétéros. Car si le sexe c’est si bien et que tout le monde dit qu’ille adore et que sois disant ca ne reproduit pas les hiérarchisations culturelles et sociales, il y a pas de raison a ce que les hommes n’adorent pas être soumis et pénétrés au lieu de contraindre les femmes à cela.

      J’y travail de mon coté avec mes trucs de #mégèrisme et peut être que je ferais un jour des stage de « devenir hyènes » ou de « chiennerie ». Ca me semble aussi lié aux histoires de femmes plus petites que les hommes (Priscille Touraille) et de beauté féminine associé à la faiblesse (cf le blog d’Antisexisme) et donc masculine associé à la force. Je me dit qu’il faudrait érotisé la faiblesse et la petitesse masculine ainsi que la puissance et le contrôle du coté des femmes.

    • @raspa On parlait l’autre jour de la question de l’anticipation (rappel rapide : les femmes anticipent plus que les hommes, parce qu’elles gèrent la logistique, qui demande de l’anticipation) : je me rends compte que ça fait vraiment système avec ce qui est décrit là :

      - Je pense par exemple à la logistique de la sexualité quand tu fais partie des femmes qui s’épilent : la sexualité + sa préparation c’est double de temps ?
      – Exactement. Tu ne vas pas te dire « tiens, j’ai envie de niquer ». Mais « ça fait trop longtemps, donc ce soir il faut qu’on nique. Du coup, il faut que je trouve le temps de m’épiler, je vais aussi me mettre de la crème hydratante pour avoir la peau douce » etc. La capacité des femmes à se rajouter des corvées est incroyable. Alors certes, de temps en temps, se préparer pour une folle nuit de sexe ça peut ajouter à l’excitation, mais il ne faut pas que ça devienne un impératif qui alourdit tout. Je me souviens d’une amie à moi qui avait très envie de coucher avec un homme, l’occasion se présente, c’est parfait, mais elle a finalement dit non parce qu’elle n’était pas épilée et qu’elle avait peur que ça le dégoûte. C’est affreux. Elle a fait passer un impératif « social » avant son envie.

      La logistique que demande la réponse aux impératifs sociaux (rien que pour la sexualité : maintenir la moyenne mensuelle, avoir une sexualité épanouie, se conformer aux canons de beauté, mais aussi gérer sa contraception) est dingue quand on y pense.
      Ça participe de cette stratégie de saturation de l’emploi du temps, dont il est bien difficile de sortir. Mais c’est diablement efficace pour freiner les envies, cf l’exemple décrit là.
      J’avais lu un bouquin sur les journaux intimes de jeunes filles françaises au XIXe. Les stratégies pour les contrôler socialement y étaient super bien décrites, et notamment cette saturation de l’emploi du temps (y compris dans la bourgeoisie où les femmes n’avaient pas de métier/emploi/travail, salarié ou indépendant), qui passait notamment par la saturation des mains. On apprenait aux filles, dès petites, à avoir toujours quelque chose dans les mains : tâches ménagères, broderie... Et comme malheureusement, occuper les mains ne suffit pas toujours à occuper l’esprit (typiquement pour les travaux de couture /broderie : des fois il faut sacrément réfléchir, mais il y a plein de moments où c’est très mécanique, surtout avant la machine à coudre), pour éviter les pensées vagabondes ou les conversations intimes, on faisait la lecture à voix haute (de choses édifiantes, bien sûr).

      - La première conséquence directe de cette surcharge de boulot pour les femmes c’est qu’elles sont fatiguées. Et quand je dis fatiguées, c’est plutôt épuisées. Sachant qu’il n’y a pas d’arrêt de maison comme les arrêts de travail et que même pendant les vacances, on conserve la charge de la maison. C’est un boulot sans fin.

      Ça aussi, c’est un vrai sujet. Avec parfois des réponses incroyables de la part des conjoints « mais repose toi si tu es fatiguée », sans qu’ils en fassent plus, comme si ça allait résoudre magiquement la cuisine, la vaisselle et emmener les enfants au parc. Dans le genre injonction horrible...
      A ce propos, cette conversation Twitter l’autre jour, parfaite illustration de ce que dit Titiou Lecoq : https://twitter.com/MarionCanneval/status/943142885251272704
      Et en forme de révolte, cette chanson d’Anne Sylvestre que j’adore <3 https://www.youtube.com/watch?v=2Ao4jhrMGfY


      Sérieux, une grève des tâches ménagères me semblerait plus pertinente qu’une grêve du sexe, mais plus compliquée à mettre en place (faut bien nourrir ceux et celles qui ne sont pas autonomes : enfants, personnes dépendantes...)

    • @raspa Ça aborde le sujet de notre discussion par un angle totalement autre, c’est intéressant.
      1- Sur les règles autoritaires absurdes et anti-pédagogiques, ça a fait bondir mon petit cœur de professionnelle, tu imagines bien (genre, sérieux, tu perds des points si tu fais répéter la consigne ? C’est odieux pour les mômes, c’est hyper arrogant de la part des profs de penser que le monde entier va comprendre tout de suite à partir d’une unique formulation de consignes... Si les publicitaires font plusieurs pubs via plusieurs canaux avec plusieurs façons d’aborder le même message / slogan, c’est pas pour rien !
      Et après, on doit rassurer les gens en animation, leur dire qu’on peut répéter / reformuler autant de fois que nécessaire tant que c’est pas clair. Juste, ça fait partie du job. Mais les gens ont énormément besoin de se sentir légitimes, autorisés à nous demander ça : ce « droit » est loin d’être une évidence. Encore ce matin ça a pas loupé, dans un contexte pourtant hyper safe, sympa, convivial...). Et l’injonction à la participation, boudiou...
      Surtout, l’article a mis en lumière des choses (mal) vécues mais pas analysées quand je bossais en école maternelle.

      2- Le côté étiquette qu’on retrouve dans toutes les formes de « minorité », discriminée ou non. Les mômes sont fatigué.e.s et dissipé.e.s à 17h30 => c’est parce que ce sont des hauts potentiels, sur le même schéma de rattachement à l’identité (réelle ou supposée) que tous les clichés/préjugés habituels, « t’aimes le beurre c’est parce que t’es Breton », « tu es Noire alors t’as le rythme dans la peau », « t’as la peau douce c’est normal t’es une meuf ». Alors que juste, non, rien à voir.

      Et sur le comment on colle ces étiquettes : que la détection se fait dans les classes aisées et pas dans les autres ; que la valorisation des talents ne se fait pas pareil.
      Apparemment, dans « Ouvrir la voix », ça parle à un moment de la sous-détection de la dépression chez les femmes noires (hâte de le voir !). Si dans le lot d’étiquettes qui colle à ta « boîte sociale » il n’y pas la bonne étiquette, ben ça reste invisible. Dans cet exemple c’est l’étiquette « diagnostic de dépression » pour la boîte « femmes noires en France », ou « enfant haut potentiel » pour la boîte « enfant de famille de classe populaire » qui n’existe pas (alors que si ça se trouve, à l’inverse, il y a beaucoup trop d’étiquettes « enfant haut potentiel » dans les classes blanches aisées par rapport à la réalité).
      C’est très médicaux comme exemples, parce que ma prise de conscience de ça est liée à ma lecture déjà ancienne de cet excellent article dans le n°4 de la revue XXI : http://www.revue21.fr/tous_les_numeros/#n-04_maladies-a-vendre

  • @georgia http://contre-attaques.org/l-oeil-de/article/il-est-temps-d
    Au début j’ai été assez sceptique sur le message. Je trouvais qu’il pignait pour rien et qu’il avait visiblement une vision un peu gentillette du militantisme, comme si la transformation sociale devait aller de soi et que l’éducation populaire pouvait être une promenade de santé. Développer des idées à contre-courant, lutter contre l’inertie de nos sociétés, contre les préjugés et les biais, contre des institutions sociales et culturelles qui ont plusieurs siècles, évidemment que c’est long, difficile, peu ou pas rémunérateur (ne parlons même pas de validation sociale), et qu’on voit rarement les effets de nos actions en direct. Changer la société, travailler pour plus de justice et de respect, éduquer les êtres humains, c’est pas une sinécure, on n’a pas attendu les militants politiques pour le découvrir, n’importe quel instit’ le sait.

    S’il était facile de parler de racisme avec les Blancs, ça ferait longtemps que le racisme systémique aurait disparu. C’est comme si le fait de ne pas avoir de satisfaction à peu près immédiate dans son engagement rendait cet engagement inutile et inintéressant. Donc sur le moment, j’ai pas trouvé ça très fin.

    Ceci dit, la fin de l’article est bien plus intéressante (il fait l’effort de proposer après avoir critiqué).

    • @raspa On en revient à la question de la pédagogie. Je trouve sa fin très juste :

      Il est grand temps que nous, femmes et hommes noir-e-s, commencions à prendre soin de nous - avant tout. Et si cela implique de nous désengager totalement de l’Amérique blanche, qu’il en soit ainsi.

      Je pense que c’est éminemment important et vrai pour toute personne discriminée et engagée dans la lutte contre l’oppression qu’elle subie, à un niveau individuel déjà, et aussi à un niveau collectif / militant (avoir des gens autour de soi avec qui se tenir chaud, se réconforter, se soutenir : prendre soin de soi collectivement). Mais ça repose clairement la question d’une organisation pédagogique collective, tournante, menée avec les vrai⋅e⋅s allié⋅e⋅s, pour maintenir le dialogue, former celles et ceux qui lisent silencieusement les réponses aux trolls, sans que ça soit absolument éreintant pour celles et ceux qui maintiennent ce dialogue, et sans pomper trop sur les ressources militantes (= garder de l’énergie pour d’autres actions). Parce que ce qu’il décrit au début de l’article, les gens à qui tu réponds et qui de toutes façons n’en ont rien à foutre, que ça te prend le chou et que ça finit par te plomber le moral, c’est un fait réel et à prendre en compte.
      L’avantage de faire ça collectivement, c’est de moins prendre les « échecs » (ou ce qui est ressenti comme tel) personnellement, et aussi d’avoir une organisation stratégique : ne pas chercher à convaincre absolument par exemple. Présenter les faits, les chiffres, dénoncer les mythes et les contre-vérités... et si la personne en face est un troll en mode « en boucle », laisser tomber, en sachant quand laisser tomber (lignes de conduite), sans le vivre comme un échec personnel (puisque ça n’en est certainement pas un).
      Bon, j’ai un peu l’impression d’être en contradiction avec ce qu’il dit là sur le fait de « mieux militer », alors que par ailleurs je trouve sa remarque juste :

      S’il y a bien une chose que la décision du joueur Colin Kaepernick - qui, pour protester contre l’injustice sociale, est resté assis pendant la diffusion de l’hymne national - a montré, c’est que nos méthodes de protestation dérangent davantage l’Amérique blanche que les injustices mêmes contre lesquelles nous protestons. Chassons donc de nos têtes l’idée selon laquelle si nous militions mieux ou différemment, les Blancs seraient miraculeusement plus réceptifs à notre message et moins dédaigneux face à notre audace de parler ouvertement.

      Mais en fait, je ne sais pas si c’est militer mieux ou différemment, ou si c’est juste militer en prenant soin de soi aussi. Et si j’applique tout ça à la question du féminisme que je connais mieux, je me dis qu’un système organisé, où on se protège aussi en ne s’exposant pas via un compte Twitter perso par exemple, donc en limitant les risques de cyber-harcèlement avec divulgation de ton nom, adresse... ça pourrait aussi permettre à d’autres personnes de rejoindre les rangs militants des réseaux sociaux, personnes qui aujourd’hui n’osent pas franchir le pas, vu les paquets de merde que se prennent celles qui, courageusement, osent.

    • @raspa Super article, où l’on retrouve Juliette Rousseau, pas étonnant !
      Ce passage :

      Comme l’a montré récemment la lutte des Amérindiens de Standing Rock contre le pipeline Dakota Access, elle dénonce la surexposition des populations pauvres et racisées aux nuisances environnementales, qualifiée de « racisme environnemental ».

      avec le concept de racisme environnemental, ouvre de sacrés perspectives d’action commune, dont j’avais pas forcément pris conscience en voyant Rise, alors que c’est pourtant évident : le NIMBY ou lutte contre les GPII des classes moyennes ou supérieures blanches étant bien plus efficaces (= entendues des décideurs) que les mobilisations des populations racisées / autochtones / pauvres, c’est près de chez elles qu’on met les pipe-lines polluants, les usines SEVESO, les poubelles nucléaires ou les autoroutes. Et c’est clairement sur la dénonciation de cet état de fait qu’il y a moyen de créer des ponts.
      Je me souviens d’une chercheuse nantaise sur les questions de développement durable, Hélène Combe, qui affirmait très franchement que si le quartier Malakoff avait été autre chose qu’un quartier populaire à fort taux de population étrangère, la grosse voie sur berge aurait disparue au moment de la rénovation du quartier, au profit d’une voie « mobilité douce et voitures dans un petit coin », et que le pont Tabarly n’aurait pas existé sous cette forme...

    • @raspa Et pour poursuivre sur le sujet...
      Ghassan Hage : « Les réfugiés sont traités comme des déchets non recyclables » - Page 1 | Mediapart
      https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/231017/ghassan-hage-les-refugies-sont-traites-comme-des-dechets-non-recyclables?o

      C’est dans cette continuité mais avec une autre approche, nourrie de l’anthropologie de Philippe Descola et d’Eduardo Viveiros de Castro, que le chercheur libano-australien Ghassan Hage écrit aujourd’hui qu’« on ne peut pas être antiraciste sans être écologiste, et inversement ». Dans un livre très original et sans doute fondateur, il tente de démontrer que le racisme a des conséquences écologiques désastreuses. Le racisme est-il une menace environnementale ? demande le titre de son ouvrage en anglais. En français, les éditions Wildproject ont préféré l’intituler Le Loup et le musulman pour insister sur la forme spécifique de racisme qu’est l’islamophobie étudiée par Ghassan Hage.

      « Le racisme n’est pas une menace écologique uniquement parce qu’il a ici ou là un impact sur la crise environnementale de l’extérieur, ce qui est le cas, mais aussi parce qu’il l’intensifie de l’intérieur », écrit-il. Dans sa lumineuse postface, le philosophe Baptiste Morizot résume ainsi le livre de Hage : « Ce ne sont pas les autres qui font problème (les étrangers, les vivants), ce n’est pas nous par essence (nous serions méchants, malades, déchus), ce sont les relations de nous à eux, l’entre : ce sont les modes cristallisés par l’histoire qui sont le point du problème. De là, les convergences des luttes deviennent limpides. » Ces convergences, dans le concret des luttes, ne sont en réalité pas si simples à établir. Ce pourrait être un programme de travail pour la reconstruction des écologies politiques.

    • @raspa Toujours dans le même esprit... Sous le béton du Grand Paris, les pauvres qu’on expulse plus loin :
      Grand Paris : à Aubervilliers, « on va nous remplacer par des gravats » - Page 2 | Mediapart
      https://www.mediapart.fr/journal/france/311017/grand-paris-aubervilliers-va-nous-remplacer-par-des-gravats?onglet=full

      Mais ces territoires de conquête de la promotion immobilière ne sont pas vides. Leurs habitants vivent de revenus modestes, parfois presque inexistants, dans les communes pauvres de la périphérie parisienne. Bénéficieront-ils de ce déversement de béton et d’argent ? Ou seront-ils forcés de quitter leurs quartiers au fur et à mesure qu’ils s’améliorent ? La question paraît caricaturale. L’expérience des expulsés du métro d’Aubervilliers est cependant brutale. « Je compare ça à perdre son boulot, décrit une habitante de l’immeuble qui doit être détruit. C’est le même désarroi. Il est hors de question qu’on recule plus loin dans la métropole. C’est un choix de vie. Je bosse ici, j’ai fait toute ma vie ici. On vit depuis cinq ans avec les travaux de la ligne 12 du métro, ils ont des conséquences sur notre vie quotidienne. En 2025, on passera devant ce qui aura été construit à la place de notre immeuble. On regardera qui habitera là. Et nous, on sera où ? »

      Expliqué par les joies des montages financiers public-privé, de la rentabilité de projets au coût exorbitant :

      Sur le fond, toutefois, l’établissement public de l’État à caractère industriel et commercial, créé en 2010 par la loi sur le Grand Paris, dispose de prérogatives extraordinaires. En plus de la maîtrise d’ouvrage des lignes et des gares, il peut exercer des compétences d’aménageur dans un rayon de 400 mètres autour des futures stations de métro. Concrètement, il peut ainsi racheter, exproprier, démolir et revendre du foncier aux opérateurs immobiliers, sous la forme de droits à construire. Les parcelles sont revendues à un prix correspondant à la valeur acquise grâce aux nouvelles infrastructures, soit nettement au-dessus de ce qu’elles valaient précédemment. La culbute financière va fournir à la SGP des moyens supplémentaires pour payer des opérations très coûteuses, pouvant atteindre 35 milliards d’euros pour l’ensemble des lignes.
      [...] À Aubervilliers, « on pourrait construire la gare sans développer de projets immobiliers connexes, les financements ne sont pas les mêmes », assure Anne Bonjour. Mais pour Anthony Daguet, premier adjoint à la maire communiste d’Aubervilliers, Meriem Derkaoui : « C’est le modèle économique de la SGP. Ils équilibrent une partie de leur budget avec la construction de logements. »

      Alors qu’évidemment et comme toujours, il y avait moyen de faire autrement :

      Avant que la SGP ne devienne maître d’ouvrage, le Stif avait proposé un autre schéma pour le Grand Paris, avec des gares plus modestes, souvent souterraines. « Il n’y avait aucun esprit de grands gestes architecturaux. Ce n’était pas du tout la même logique », décrit l’élu. À Aubervilliers, dans cet ancien projet, l’immeuble de la rue Ferragus était conservé.

      Mais bon, nos ami⋅e⋅s dirigeant⋅e⋅s et géants du BTP ne vont pas renoncer au plaisir de gentrifier hein...

    • @georgia je n’ai pas lu la totalité des articles que tu cites, juste les parties citées.

      On passe de l’anti-racisme et de l’environnementalisme... à l’urbanisme ! mais évidemment, tout est lié. J’ai parfois eu des discussions avec des étudiants en urbanisme et cette dimension sociale et politique était très présente dans leur tête (bon après, c’était quand même des gens du milieu associatif / solidaire / ESS et comme souvent, je pense que les gens intelligents se font damer le pion par les gens âpres au gain, dans ce milieu comme ailleurs). En tous les cas, dans la façon dont les villes sont imaginées et aménagées, on peut retrouver le racisme des institutions politiques.

      Le point commun entre le racisme, le sexisme, le capitalisme, la destruction de l’environnement... on en revient toujours à la notion d’exploitation. C’est très fermement ancré dans notre culture (on en trouve des traces dan les textes religieux) cette idée que la Terre a été donnée au bon homme blanc pour qu’il en tire sa subsistance, sa prospérité. Ce « droit » a été étendu à l’exploitation de tout ce qui n’est pas un bon homme blanc. Comme c’est dit dans ton premier extrait, il y a un problème dans la « relation », la façon dont cet archétype dominant interagit avec tout ce qui l’entoure - sur un mode essentiellement de prédation et d’exploitation.

      Un autre élément sur le racisme environnemental et le colonialisme au sens « faire chez les autres ce qu’on n’a pas le droit de faire chez nous » : le fait qu’un certain nombre de pays pauvres sont les poubelles de recyclage de l’Occident, y compris de matériaux toxiques ou radioactifs. L’environnement des pays pauvres, la santé de leur population, leur équilibre écologique, la protection de leur patrimoine naturel... n’est pas jugé comme aussi important que les mêmes questions concernant les pays riches - à l’exception peut-être de la protection de la nature, parce qu’il faut bien des photos de pandas et de bébés tigres pour attendrir le coeur de nos têtes blondes... cf le safari, le reste du monde comme terrain de jeu et de découverte). Et encore dans ce cas-là, les « protecteurs de la nature » peuvent faire preuve d’un racisme et d’un colonialisme incroyable.

      Maintenant, ce qui peut paraître difficile, c’est de faire le lien entre ces réflexions globales (ou ces luttes locales qui se déroulent dans des contextes radicalement différents d’ici, comme à Standing Rock) et la réalité du racisme institutionnel aujourd’hui en France. On en revient à l’urbanisme et de façon générale, à la politique de la ville. Mais dans tous les cas il n’est pas possible d’avoir une compréhension des enjeux écologiques et de leur intrication avec les enjeux sociaux et raciaux sans vivre là où ces enjeux se cristallisent : l’exemple de l’ouverture des bouches d’égout en été (et de la perception qu’en a eu le militant écolo lambda) le montre bien.

      Bref. Il faut multiplier les occasions pour que le mouvement environnemental-climatique-écolo-sauveur-de-pingouins puisse entendre la situation des quartiers populaires et les analyses des personnes racisées sur les enjeux climatiques.

  • @georgia en prévision (ou pas) de Rise : quelque chose sur l’identité métisse au Québec. Et en tirant un peu sur les fils, je me dis que ce qui est décrit là-dedans, c’est finalement pas si loin de notre sujet principal en ce moment : l’intrusion problématique des privilégié.e.s dans une lutte des opprimé.e.s, mais à l’échelle d’un pays entier et non plus d’un groupe ou une réunion militante.

    https://trahir.wordpress.com/2017/10/09/chagnon-leroux

    • @raspa Bon. J’ai pas tout tout compris à la première lecture (je pense qu’il y a des évidences québécoises que je n’ai pas pour tout décoder), mais cette histoire de « on était des gentils colons donc on a le droit à l’étiquette autochtone » (et aux quelques privilèges qui vont avec, sans les paquets d’emmerdements quotidiens des « vrais » Autochtones) est proprement ahurissante.
      Et si, ça prépare Rise : la réalisatrice est Metis et pas métisse, ce qui 1- change tout, 2- me montre que j’avais rien compris et qu’il faut apprendre à lire les mots tel qu’ils sont et pas tel qu’on croit qu’ils sont avec nos petites lunettes culturelles étroites et bornées (c’est bien marqué Metis dans le programme)

    • @raspa Jamais entendu parler... Wikipedia a rendu l’histoire moins brumeuse mais la critique donne bien envie de le voir.
      J’allais dire « Pourquoi tous les films néo-zélandais parlent des violences de genre ? » avec en tête La Leçon de piano et la série Top of the Lake avant de réaliser (grâce à Wikipedia, encore), que le tout était de Jane Campion, qui est décidément très forte pour parler sexisme. En même temps, en tant que seule femme à avoir eu une Palme d’Or, elle est bien placée pour témoigner...

    • @raspa Fort fort fort intéressant.
      Ça repose cette question de l’organisation pour faire de la pédagogie dans les rangs des privilégié⋅e⋅s, dont on parlait l’autre jour.
      Ça montre aussi cette nécessité d’organiser les allié⋅e⋅s, en leur proposant un vrai cadre (charte + temps non-mixtes) pour qu’ils⋅elles restent à leur place, en étant de vrais soutiens sans gêner les oppressé⋅e⋅s.
      Et puis je trouve là une réponse concrète à ce fameux pamphlet contre les « mauvais alliés » que tu m’avais fait lire, qui disait « arrêtez de vous sentir coupables, ça sert à rien », et qui m’avait laissé sur ma faim, en mode « ouais, ok, mais on propose quoi à la place ? » :

      Cette position abolitionniste ne va néanmoins pas sans tensions, comme l’indique la volonté de construire « une identité blanche radicale », temporaire, réflexive et politique, car « la culpabilité et la honte ne sont pas suffisantes[11]. » Comme le dit Cameron, fondateur d’AWARE :
      « Je ne me sens pas responsable de l’histoire de la suprématie blanche mais j’ai une responsabilité dans ses effets et la façon dont j’en bénéficie. Je reconnais la façon dont mes privilèges me protègent et m’empêchent de voir ces réalités [la domination raciale]. Je ne pense pas qu’on veuille arrêter de se sentir coupable ou honteux … ce n’est pas le but. Mais ce n’est pas quelque chose qui me tire et qui guide dans mes engagements. Je dois trouver cela à l’intérieur de moi-même en tant qu’anti-raciste blanc. L’essentiel pour moi c’est que j’ai également intérêt – comme tous les blancs – à l’abolition de la suprématie blanche[12]. »

      Un peu plus loin l’article parle de « brave space », en écho aux « safe space », et je trouve cette idée super intéressante, dans ce que ça veut dire de « bah ouais, nous aussi faut qu’on se coltine notre part du boulot, même si c’est pas marrant tous les jours. Mais on va assumer notre (grosse) part du taf ».

      Il y a ça qui m’a interpellé :

      Ce n’est que plusieurs décennies plus tard, dans la foulée des manifestations contre l’OMC à Seattle et la naissance du mouvement altermondialiste que cette question ressurgit aux États-Unis. Certain.e.s activistes de couleur critiquent notamment les pratiques paternalistes voire l’aveuglement aux enjeux raciaux associés à la lutte contre le néo-libéralisme des militants blancs[7]. C’est ainsi que des groupes commencent à se former localement, à l’image de Catalyst à San Francisco ou AWARE à Los Angeles, créé en 2003.

      J’ai tellement l’impression que pour les mouvements altermondialistes de chez nous, la question du racisme est loin, extérieure, présente seulement comme une des composantes du gros paquet « défense des droits humains », mais pas pensée à l’intérieur des mouvements (et vue la blanchité de nos orga...)

      Et ça :

      Comme souvent dans les groupes militants d’extrême-gauche aux États-Unis, le premier tour de table invite également chacun à énoncer son nom, mais aussi son « pronom genré préféré », « he, she or they », le groupe prenant en compte le caractère construit des identités de genre et la volonté de dépasser les oppositions binaires traditionnelles.

      L’écriture non-sexiste commence tout juste à devenir une norme dans certains milieux militants non centré sur le genre et le féministe (et dont la moyenne d’âge n’est pas trop élevé...), on n’en est pas encore là en France... sans que j’ai jamais vu une seule personne trans dans les espaces militants que je fréquente, ce qui en dit long aussi.
      Mais ça ouvre des perspectives !

      De même que ça :

      AWARE est membre depuis 2007 d’une organisation anti-raciste blanche nationale, Showing Up for Racial Justice (SURJ), qui défend la théorie du « fruit le plus proche » [« lowest hanging fruit »]. [...] Plutôt que de chercher à convaincre des gens très éloignés socialement – probablement plus difficiles à influencer – il est préférable de cibler d’abord des sympathisants, des proches, sensibles à la thématique mais jusqu’alors inactifs.

      C’est intéressant de théoriser un peu ça. Pour ma belle-sœur qui se lance à héberger des migrants chez elle, c’est exactement ça qui s’est produit. Je pense que c’est nécessaire mais pas forcément suffisant sur le plan stratégique global, mais que c’est aussi une bonne porte d’entrée militante pour les nouvelles recrues du mouvement, pour se lancer à convaincre des nouveaux, rôder son discours et s’approprier les arguments.
      Et puis ça évite l’écueil des gentil⋅le⋅s militant⋅e⋅s blancs de classe moyenne sup qui vont expliquer aux blancs des classes populaires quoi penser / voter... Parce que comme dit l’auteur :

      La voie est donc étroite entre des mouvements anti-racistes qui soit parlent à la place des premiers concernés, soit esquivent les enjeux de classe, et des mouvements de gauche qui refusent de reconnaître l’intersectionnalité des formes de domination. Il n’est pas dit pourtant que l’histoire soit vouée à se reproduire. Les convergences qui se construisent aujourd’hui autour de l’anti-racisme politique, notamment sur la question des violences policières, indiquent des formes de coalition qui, à défaut d’être des mouvements de masse, rassemblent des fractions de l’extrême-gauche qui se sont pendant longtemps ignorées.

    • Je sais pas mais ça me saoule ce genre de réflexions qui tournent en boucle pour aboutir au fait que finalement on se retrouve dans un contexte de luttes anti raciales à parler encore et toujours des blancs, à s’interroger sur le nom qu’il faut leur donner dans ce contexte, à savoir comment les ménager, comment il faut qu’ils s’organisent bla bla bla… Pour les blancs parler de leur place et tout ce qui va avec c’est juste pouvoir rester au centre des discussions, une hégémonie qui ne veut pas lâcher le terrain en quelque sorte.
      De l’action purée !! Pourquoi militer sinon pour agir ? En ce moment la régression sociale et raciale est très violente, il y a beaucoup à faire et si peu de fait parce que le discours nous noie.
      Donc arrêtez l’égocentrisme et juste retroussez vos manches. Soit le groupe est non mixte racialement donc le problème ne se pose pas, soit il ne l’est pas et dans ce cas l’important est surtout d’acter que les tâches de direction et représentation médiatique sont faites par les premiers concernés. Après faut juste taffer et ça c’est valable pour les blancs, les noirs, les arabes et tous les autres !
      (précision importante : je suis blanche)

    • Ce qui m’intrigue dans ces rites de passage, c’est qu’au-delà de la souffrance purement physique et des questions de santé personnelle et publique que certaines pratiques posent c’est : pour nous Occidentaux, certaines pratiques sont totalement immorales et socialement sanctionnables selon nos codes (exemple ici, on met vite les mots abus sexuels, pédophilie etc) ; est-ce que du fait que ce sont des pratiques ritualisées, codifiées, avec un objectif précis (ici, devenir un homme, un vrai), on ne constate pas les mêmes traumatismes/conséquences chez ces enfants baruyas dans ce contexte que chez un enfant d’un autre groupe culturel qui subirait les mêmes acte dans un contexte d’agression (ou même chez un enfant baruya qui subirait ça aussi hors du contexte « rite de passage ») ?
      Sachant qu’un observateur qui chercherait ça aurait forcément en tête que ce genre de pratiques, dans d’autres sphères culturelles, engendrent des traumatismes suite à la violence subie, donc ça ne serait pas neutre... Bref, ça a tout l’air d’une question à laquelle on ne peut pas apporter de réponse, surtout dans le contexte actuel de changements culturels profonds chez les Baruyas.

      En tout cas, cette question de l’éducation des garçons pour en faire des hommes, qui passe par « montrer qu’on n’est pas des femmes », qu’on retrouve sous des formes diverses dans différentes cultures (y compris la nôtre), c’est un sacré morceau à prendre en compte pour l’éducation non-sexiste des garçons...

    • Au Québec, en matière d’adoption, il y a eu la génération des « fillettes chinoises ». Énormément de jeunes filles asiatiques qui ont aujourd’hui entre vingt-cinq et trente-cinq ans ont grandi dans coins reculés du Québec au milieu de gens qui demandaient à leurs parents, devant elles : « et alors, vous êtes allés la chercher où ? Elle ne vous a pas coûté trop cher ? ». Parce que c’est ça, ce qu’il se passe. Les gens n’ont aucun filtre ! Donc il faut être capable de répondre et de soutenir son enfant dans ces cas-là. Il faut être prêt à accueillir un enfant d’une autre couleur, d’une autre culture…

      Ça fait tellement écho à ce que vit une copine adoptée en Inde par ses parents blancs catholiques français (et très travaillée par la question de ses origines)... à qui sa mère a sorti un jour, quand elle était ado « non mais estime-toi heureuse, si tu étais resté là-bas, tu serais déjà mariée, à assumer plein de tâches domestiques pénibles ».

    • @raspa
      Ça me rappelle une conversation trèèèèèèèès récente !

      Que peut-on faire pour la cause afroféministe quand on n’est pas femme ou pas noire ou ni l’un ni l’autre ? Comment peut-on être un-e bon-ne allié-e ?

      Amandine Gay : En conscientisant les personnes blanches sur leur propre privilège blanc. Le grand travail des allié-e-s, quels qu’ils soient, doit se faire dans leur communauté.
      [...] Pour nous, c’est très fatigant de devoir toujours faire de la pédagogie. En plus, cela nous met tout de suite dans une situation confrontationnelle : notre interlocuteur n’entend pas que son propos est problématique ou raciste mais qu’on l’a traité, lui, de raciste ! Et là, il n’y a plus de discussion possible. Alors que lorsque cela vient d’un pair, en général, la remise en question est plus facile.

      Donc pour moi, les allié-e-s, si ils et elles ont compris ce qu’il se passe, doivent faire comprendre à plus de gens qui leur ressemblent qu’il y a un problème. Parce que nous, personnes racisées, on le sait déjà et on est fatiguées de devoir faire de l’éducation gratuitement, sur notre temps libre, alors qu’on on est déjà discriminées.

    • @georgia oui :D

      J’en profite pour souligner que c’est plus facile à dire qu’à faire... quand justement il y a aussi des injonctions contraires, selon lesquels il ne faut pas prendre la place, parler au nom, attirer l’attention au détriment des premiers et premières concernées.

      Et je pense aussi que selon les situations, une parole rapportée, portée par ces fameux allié-e-s, pourra manquer de connaissance, d’authenticité, de légitimité.

      A poursuivre.

    • @raspa
      Encore et toujours sur notre sujet :

      Harvey Weinstein et les hommes qui savent. - Crêpe Georgette
      http://www.crepegeorgette.com/2017/10/13/harvey-weinstein

      La parole masculine compte dans des cas de violences sexuelles contre les femmes. Elle compte davantage que celles des femmes victimes. On ne vous dira pas que vous avez vos règles, que vous vous habillez trop court, que vous vous faites des idées, que vous cherchez les histoires, que vous avez un passé douteux, que vous êtes frustrée, que vous êtes lesbienne, que vous êtes hystérique, que vous êtes en pré ménopause, que vous mentez, que vous êtes vénale, que vous êtes trop sexy, que vous êtes trop moche, que vous vous faites un monde de rien, que vous exagérez tout, que vous n’avez pas d’humour, que vous êtes coincée, que vous devriez vivre sur une île déserte, que vous êtes une salope, que vous l’avez un peu cherché, que vous avez mal interprété, que vous êtes une pute, que vous êtes frustrée, que vous aimeriez bien que ca vous arrive.
      Vous êtes le neutre, l’objectivité, la mesure, la tempérance.

      Mais aussi :

      Les hommes ont des agendas pour savoir quand on doit parler et de quoi on doit parler. [...]
      Un agenda et une balance pour peser les crimes sexuels.

      Nous nous retrouvons, nous femmes, à la merci des hommes. De ceux qui violent et de ceux qui regardent. De ceux qui comptent les points. De ceux qui établissent des agendas avec les bonnes dates pour porter plainte. De ceux qui recensent les vraies agressions des fausses. De ceux qui analysent posément. De ceux qui feignent de s’étonner. De ceux qui protègent des agresseurs, des harceleurs, des violeurs, des voyeurs. J’aimerais dire que la parole des femmes est libératrice, qu’elle va lever la chape de plomb sur les violences sexuelles que nous subissons. Cela se fera selon un agenda décidé par des hommes. Ils nous croiront peut-être ou pas. Maintenant ou dans dix ans. Ils décideront ce qui est grave ou pas, ce qui vaut la peine ou pas.

      (Bon, évidemment, je t’invite à lire l’article en entier. Mais je trouve que ces deux extraits montrent bien le côté ambivalent de cette affaire d’engagement des privilégié⋅e⋅s).

    • @raspa
      Ça fait du lien, et en plus, c’est Nicolas Haeringer ;-)
      Ouvrir les yeux, puis nettoyer la porcherie | Le Club de Mediapart
      https://blogs.mediapart.fr/nicolas-haeringer/blog/161017/ouvrir-les-yeux-puis-nettoyer-la-porcherie

      La lecture des témoignages sous le #BalanceTonPorc (et la masse des #MeToo), par lequel des victimes de harcèlement se signalent, brisent le silence et donnent à voir le mal que les hommes cis font poser de nombreuses questions aux hommes cis qui se pensent solidaires : comment, justement, être réellement solidaire ? Comment être un allié réel ? Comment contribuer à briser notre part du silence ?

  • @georgia : voilà un autre exemple de ce que je te disais sur les injonctions contradictoires autour de la position d’allié, des hommes féministes, de qui doit faire le taff de pédagogie et de pourquoi, de toute façon, il ne semble pas y avoir de bonne solution à tout ça. Je signerais pas tout le texte, mais je me retrouve pas mal dans certains paragraphes (tout en étant loin d’avoir le même engagement concret que lui).

    http://www.nightlife.ca/2017/09/26/le-detesteur-cest-la-fin-bye

    • @raspa Je trouve sa position et sa description de son parcours super intéressantes. Ensuite bah... j’ai envie de dire que c’est comme dans tout milieu militant, les limites ne sont pas les mêmes pour chacun⋅e, et ça engendre des scuds pas toujours simple à encaisser.
      C’est pour moi du même registre que les remarques acerbes qu’on peut se prendre en tant que militant⋅e⋅s anti-aéroport ayant adopté⋅e⋅s une stratégie non-violente : plein de gens trouvent ça intéressant / utile / complémentaire / interrogeant sur leurs propres pratiques / « après tout pourquoi pas si c’est leur truc même si je ferai jamais ça » / s’en foutent / ça les saoulent un peu ou beaucoup mais bon ils tolèrent. Et puis t’as le micro-noyau des purs et durs qui veulent juste même pas en entendre parler, qui sont prêts à dire qu’on devrait même pas faire partie de la lutte...

      Il pose des constats intéressants sur la gestion de ce bazar :

      Le rôle ne me revient pas de désarmer les personnes nocives, même lorsqu’elles s’en prennent à moi. Ceci concerne les féministes et rien qu’elles.

      (Ce qui pose la question de comment chaque milieu militant gère ses propres anarcho-dépressifs)

      Et ça, pour la lutte contre les discri, je trouve que c’est une sacrée ligne de conduite pour les non-concerné⋅e⋅s au premier plan :

      Je quitte pour ne pas nuire.

    • Je me souviens bien. Et c’est fort fort fort intéressant cet article, surtout sur cette confirmation du putain de filtre historique qu’on a : on voit tout le passé d’avant le XIXe à travers le filtre puissant et fort distordant du XIXe. C’est juste dingue. Et sur comment le sexisme influence la science aussi (la façon dont les archéologues ont tout mis en œuvre pour nier l’évidence que le chef viking était une meuf, est juste dingue aussi). Clairement les rôles étaient genrés, mais pas sur les mêmes critères que dans nos sociétés actuelles : ça valide totalement l’aspect social du genre, mort à l’essentialisme !

      Mais ça n’invalide pas ce que je te disais, sur le fait qu’il n’y a pas, a priori, dans l’histoire mondiale, de société matriarcale (à ne pas confondre avec matrilinéaire hein).
      Wikipedia dit "Mais « matriarcat » fut très tôt compris comme le pendant symétrique du « patriarcat », pour désigner un type de société où les femmes détiennent les mêmes rôles institutionnels que les hommes dans les sociétés patriarcales. Il n’existe pas de société humaine connue où le matriarcat, entendu dans ce sens, ait existé", mais la source associée ne marche pas :-( Il faudrait que j’aille fouiller mes cours de fac voir si j’ai une source référencée pour ça.

    • Justement... justement. Notre vision du passé est, comme tu l’as écrit, pas mal façonnée par les préjugés du XIXe siècle. Même si au niveau universitaire, le XXe a amené beaucoup de changements de méthodologie - et, donc, d’analyse - il y a toujours une marche entre cette science historique et l’histoire telle qu’elle est enseignée et médiatisée. Y’a plein de raisons à ça, notamment idéologiques, politiques et pédagogiques, mais c’est pas le propos ici.

      Les sciences sociales sont ainsi faites qu’une fois qu’une hypothèse fait consensus chez les historiens d’une époque, et même si ce consensus est nourri de préjugés et de certitudes propres à cette époque, c’est ce consensus qui fera ensuite office de « vérité historique » jusqu’à temps qu’on réussisse à prouver sa fausseté. La charge de la preuve est, en quelque sorte, inversée. C’est la raison pour laquelle on hérite encore de ces filtres du XIXe siècle.

      Tout ça pour dire... que considérant comment la vérité historique se construit, il ne serait pas surprenant que des expériences, des épisodes voire de véritables sociétés matriarcales (au plein sens du terme) soient passées totalement hors des recherches des historiens, archéologues, ethnologues... « On ne trouve que ce que l’on cherche ». Et aussi que le contexte de ces recherches - menées en général par des hommes blancs détenteurs du savoir et du pouvoir - détermine beaucoup de choses dans ce qu’on leur donne à observer. Dans bien des sociétés, hommes et femmes de niveaux sociaux différents ne se parlent que suivant des protocoles précis. Il est donc normal que ce soient plutôt des hommes puissants qui aient été les interlocuteurs de ces chercheurs blancs, et que la vision de leurs sociétés qu’ils aient partagée à ces chercheurs soit une vision d’homme.

      C’est d’autant plus fort s’il s’agit de populations qui étaient en guerre contre les colons blancs (ça représente quand même pas mal de monde) : la guerre étant en général une activité dévolue aux hommes, les chefs de guerre étaient souvent des hommes, et lorsqu’un colon blanc - même un gentil ethnologue - apparaissait, il pouvait difficilement être assimilé à autre chose qu’à un représentant d’une puissance étrangère agressive. Qui ne pouvait donc être accueilli que par un chef de guerre et non par un chef de paix (pour peu qu’il y ait besoin de chef dans la paix... cf les sociétés contre l’Etat).

      Enfin, il y a aussi, tout simplement, la loi du vainqueur : au Canada, la Loi sur les Indiens a créé des « chefs de bande » masculins auxquels l’autorité (et les moyens) étaient attribués. Ce faisant, elle a éliminé les conseils traditionnels et notamment les conseils de femmes qui étaient prééminents (d’après ce qu’on m’en a rapporté).

      En d’autres termes, il y a beaucoup de facteurs qui pourraient invisibiliser ces sociétés matriarcales aux yeux de l’histoire patriarcale blanche. Cela ne permet pas de prouver qu’une société matriarcale a forcément existé quelque part, mais on ne peut pas dire que « parce qu’on n’en a jamais vu », une telle société n’a pas existé.

      Et dans l’hypothèse inverse, il faut pouvoir expliquer pourquoi en 10 000 de civilisation, en 30 000 de sociétés humaines, il serait absolument impossible de voir apparaître une société matriarcale. Quel obstacle causal empêcherait l’émergence d’une telle société ?

    • Il faudrais voire ce qu’on appel une société matriarcale. La patriarcat est un système d’oppression des femmes par les hommes, le matriarcat devrait être une système d’oppression des hommes par les femmes. Personnellement je ne croie pas qu’il existe des culture ou les hommes sont privés d’éducation, mutilés sexuellement et violés, vendus comme du bétail et tout ces sévices infligés par les femmes au bénéfice des femmes. « matriarcat » est un mot patriarcale et misogyne.

      Les sociétés qu’on appelent « matriarcales » ne sont pas de sociétés qui oppriment les hommes. Chez les na de chine par exemple qui sont sensé etre un peuple matriarcale, les hommes ne sont pas opprimés, ils glandent, jouent et picolent. Ils n’ont aucune responsabilité et travaillent très très peu. Les femmes de leur coté se tapent tout le boulot, ménages, travail, enfants, politique, récoltes (triple journée)... je pense pas que se taper 100% du boulot et des corvées soit le signe d’une domination des femmes et d’une oppression des hommes. Je rappel que dans le patriarcat les femmes ne sont pas oisives.

      Une société dans laquelle les hommes et les femmes ne sont pas opprimés c’est pas le matriarcat, c’est une société égalitaire ou non oppressive. Ce qu’on appel matriarcat est simplement des sociétés patriarcales moins oppressives que le patriarcat habituel. C’est à dire une société dans laquelle les femmes ne sont pas des serpillières ni des sacs à foutre. Chercher des sociétés matriarcales me semble vain, chercher des sociétés égalitaires ou moins oppressives ca me semble plus interessant. Enfin appeler les sociétés égalitaires ou moins oppressives du matriarcat ca me semble sexiste, l’égalité c’est pas la domination des femmes et l’absence d’oppression c’est pas l’oppression des hommes par les femmes.

      Je vous conseil cette émission de radio sur la notion de matriarcat qui explique l’origine très misogyne de ce mot : https://www.franceculture.fr/emissions/la-fabrique-de-l-histoire/la-fabrique-de-l-histoire-jeudi-19-mai-2016

      et la super compilation de @sinehebdo qui aborde le sujet : https://seenthis.net/messages/633249

  • @georgia https://www.youtube.com/watch?v=yCDb9Cqa2oo

    Alors oui, forcément avec un titre de vidéo comme celui-ci, je ne pouvais que sauter dessus. Ca parle donc de SF, de politique, et aussi beaucoup de « changer le monde ». Même si je ne suis pas d’accord avec tout ce qui est dit (tu t’en doutes).
    Catherine Dufour a quelques punchline sympa :D (même si j’aime pas ce qu’elle dit de Dune).
    Norman Spinrad, c’est l’auteur de Bleue comme une orange, dont je t’ai déjà parlé. Il FAUT que tu lises ce bouquin. C’est aussi l’auteur de Rêve de fer, une géniale psychothérapie du nazisme par l’absurde, on en reparlera.

    • Fort intéressant. Beaucoup aimé ce qui est dit autour de l’idée que « Il suffit pas que le peuple soit informé pour que ça change » (et ce que dit Catherine Dufour en général. Elle évoque à peine Dune, t’abuses quand même, et ce qu’elle dit n’est même pas vraiment faux je trouve !).
      Et Norman Spinrad, je le lirai si tu me le prêtes ;-)

    • Super intéressant. J’avais 20 ans de retard, le terme « beurette » restant associé pour moi à ce concept paternaliste de brave fille de banlieue issue de l’immigration nord-africaine... Ce qui était déjà atroce. Pas conscience des autres connotations décrites dans l’article.
      On n’est pas sorti de l’orientalisme hein...