person:sophie agnel

  • Une part de framboisier offerte par Claes Oldenburg, mon fils Nathan, un petit film d’il y a déjà quelques étés, en janvier toujours un regard en arrière vers l’année tout juste écoulée, Andreï Roublev de Tarkovski comme fond d’écran, Asako I&II de Ryusuke Hamaguchi (que j’ai adoré), Wildlife de Paul Dans (que j’ai détesté), Maya de Mia Hansen-Love qui m’aura laissé très en colère, Extreme Night Fever, du cirque très rock’n’roll, aidez-nous à retrouver Jean-Claude, Grass de Hong Song-Soo (dont je suis fan jusqu’à la bêtise), des corrections de Le Rapport sexuel existe, en veux-tu en voilà, une partie d’échecs immortelle sur l’échiquier de poche de Marcel Duchamp (des fois on vous gâte dans le Désordre), Sophie Agnel et Nina Garcia aux Instants, une demi-heure de bonheur (des fois on vous gâte vraiment dans le Désordre), In My Room d’Ulrich Köhler, film presque parfait, mes disques de Albert Ayler à Zappa (début d’un autoportrait un peu privé), de la bande dessinée expérimentale sur les murs de Fontenay, une nouvelle balise dans la boîte à outils du Désordre, Matinée de Joe Dante, Les Confins du monde de Guillaume Nicloux, "Il paraît que cette chanson est à propos des migrants, je pensais l’avoir écrite pour mes voisins », Sourdure à La Dynamo, Cameleo Vulgaris à La Dynamo, des basses encore des basses toujours des basses, très peu de médiums, pas d’aigus, pour amateurs seulement, Christine Delphy m’aura ravi toute la semaine sur France Culture, Pascal Battus et Fred Marty aux Instants, Les Lieux d’une ruse de Georges Perec, dans Penser/classer pour un ami, Louis Sclavis invite Magic Malik et ça claque la chatte, Habka qui joue au bas de chez moi (ça y est je suis mort et je suis au paradis des Phil, c’est ça ?), Lindy Lou, jurée #2 _de Florent Vassault, l’envers (réaliste) du décor de _Twelve Angry Men de Sidney Lumet, The Rider de Chloé Zhaou, western chinois (dans le sens où c’est assez complexe), des traces accidentelles de Joan Mitchell, L’Ordre des médecins épouvantable mélo, bien coupable, Gegenlight de Dominique Pifarély, Jonas Mekas est mort hier, une très belle oeuvre de Peter Tscherkassky que je retrouve par sérendipidité, le premier jet pour l’affiche de L’Etreinte à Louvain la Neuve, ce qu’il me reste d’un cours de perspective de première année des Arts Déco, la très belle exposition de Patrick New à l’abbaye de Maubuisson, une tarte à la citrouille de B., un peu de récursivité ne peut pas faire de mal, l’urne qu’Isa a céramiquée pour moi, pour plus tard, en 2065, un de ces nombreux extraits du Dossier M. de Grégoire Bouillier qui fait se hérisser les poils de mes bras, il paraît qu’on n’a pas le droit de jouer avec l’image du gamin président, il paraît, il n’est pas beau (et coloré) le mois de janvier ?

    http://desordre.net/bloc/vie/reprise/2019/201901.htm

  • Histoire de rassurer @reka sur mon état de santé, je reprends, peu à peu, le chemin mélomane des concerts (deux fois cette semaine, c’est un bon début), et donc une petite rubrique #les_oreilles_qui_trainent

    Mardi soir c’était aux Instants, Sophie Agnel y jouait en trio avec Michael Watcher (ancien 4walls- et Joke Lanz aux platines et à la casquette de cycliste des années septante), et c’était hyper bien.

    http://desordre.net/photographie/numerique/divers/videos/20181113_instants.mp4

    Sophie Agnel à la tête d’un autre trio, cette fois avec John Edwards à la contrebasse et l’immense Steve Noble à la batterie, sort un nouveau disque Aqisseq dont voici un extrait, je crois que le disque sort bientôt, il est très beau (et je suis hyper fier de vous dire qu’il y a un petit poème de ma composition dans le dépliant du disque et c’est très drôle parce que ce n’était pas un très bon poème et mon amie Catherine Mazodier qui passait par là l’a traduit en anglais et en anglais ça claque, mais d’une force, on a donc gardé le poème en anglais)

    Bref c’est ici pour en écouter un extrait

    https://soundcloud.com/onj_records/sets/sophie-agnel-john-edwards

    Et sinon hier soir, une toute autre farine, pas du tout la même limonade, mais le trio composé par Sarah Murcia à jardin, Kamilya Jubran et Werner Hasler à cour jouait à la Dynamo le projet Wasl dont voici un extrait filmé avec une caméra qui fait aussi téléphone et qui donc ne rend pas bien compte du côté assez intense de ce concert

    http://desordre.net/photographie/numerique/divers/videos/20181117_wasl.mp4

    Et sinon un extrait correctement enregistré.

    https://soundcloud.com/jazz-musiques-productions/linamdi-wasl-kamilya-jubran-sarah-murcia-werner-hasler

    Pour la bonne cause, je pingue @reka, @odilon, @ericw

  • Pas le début de la queue
    D’un moindre rêve
    Inconscient au repos depuis séance d’hier

    Je souris en imaginant déjà
    La fin de Faire du mur avec McEnroe
    Non pas déjà. Pas encore fini avec McEnroe

    Je m’octroie
    Une grasse matinée
    De baleine échouée

    J’envoie un petit mot à Sophie
    La décrivant de dos avec les deux autres musiciennes
    Et la liberté et la force qui se dégageaient d’elles

    Je l’amuse en écrivant
    Avoir échoué
    De me transformer en souris au Tracé

    Réponse forcément décalée de Sophie
    Angelica Castello
    Mexicaine parlant français avec l’accent québécois

    Du coup envie
    De musique improvisée
    Pour aller avec mon café

    http://desordre.net/bloc/ursula/2017/sons/agnel_minton.mp3

    Sophie Agnel
    Donc &
    Phil Minton

    Un peu de lecture
    Lundi matin papier
    L’affaire de Tarnac

    http://desordre.net/bloc/ursula/2017/images/sophie/sons/the_world_aint_square_001.mp3

    Du coup je passe
    A disque de Phil Minton 4Walls
    The Anarchist’s Anthem

    Un vent de liberté souffle sur moi
    Je pars au BDP, plaisir d’un café
    Et de corriger Frôlé par un V1, afflux

    Retour maison
    Penne aux sardines écrasées
    Un peu d’abondance, café

    Anguille de sieste
    La pochette du futur disque
    Du trio aperçu hier

    Les trois musiciennes
    Bariolées, faut voir comme
    Assises sur un télésiège autrichien

    Un café et je me mets au travail
    J’écris une énième autobiographie imaginaire
    Je n’aurais fait que cela de ma vie

    Je suis bien lancé
    Quand soudain
    Le traitement de texte

    Le traitement de texte devient fou
    Avale les dernières modifications
    Et les éparpille partout dans le texte

    D’abord j’enrage
    Puis comme chaque fois
    Me demande si ce n’est pas un don du ciel

    Si Dieu existe, après tout, pourquoi pas ?
    Il est logé dans le cœur de nos ordinateurs
    Et c’est quand ça plante qu’il donne la mesure de son talent

    http://www.desordre.net/musique/waits.mp3

    The Devil does not exist
    It’s only God
    When he’s drunk
    (Tom Waits)

    Je pars retrouver
    Michele et Raffaella
    Pour un concert à Beaubourg

    Codec error
    Alexander Schubert
    Et un stroboscope

    Des avertissements à propos de ce concert
    Le spectacle est déconseillé
    Aux épileptiques

    Je trouve que c’est un peu court
    Il est également déconseillé
    Aux cardiaques, aux personnes avec rage de dents

    En fait il devrait être déconseillé
    A toute personne qui ne serait pas masochiste
    Qui tiendrait (bêtement) à l’intégrité de ses oreilles

    Déconseillé
    A toute personne qui aurait éduqué son regard
    A toute personne qui n’a pas le goût de la violence

    Sur scène des jeunes gens contents d’eux
    Ont sans doute le sentiment de dominer le public
    Parce qu’ils sont du bon côté du manche

    De jeunes fascistes
    Jouissent du pouvoir d’emmerder
    Leur prochain pendant trois quarts d’heure

    La musique est moins plaisante
    Que d’avoir les oreilles frôlées
    Par une scie électrique

    Quant à la dimension visuelle
    Regarder en pleine face un flash
    Répéter plusieurs fois

    Dans un monde juste
    Le public devrait avoir le droit
    De gifler les abrutis derrière cette affaire

    Deuxième partie
    Chronostasis
    Frank Vigroux et Antoine Schmitt

    Regarder une heure durant
    La modélisation d’une boule à facettes
    Se rapprocher, s’éloigner, se démultiplier

    Spectacle pas très captivant
    Accompagné par de la musique de robots
    Cela a l’air de leur donner du contentement

    Tandis que je comprends immédiatement
    Qu’il n’y aura que cela à voir pendant une heure
    Je tente de me rappeler quelques chefs d’œuvres du musée

    Après pareil déluge
    Je remercie chaleureusement Michele
    D’une telle invitation : nous éclatons de rire

    Longue attente de ma rame
    De Réseau Express Régional
    En lisant les Monarques

    #mon_oiseau_bleu

  • Je suis semé en voiture par Clément
    Mais Madeleine de la NASA
    Me vient en aide

    Et à vrai dire entre Madeleine de la NASA
    Et moi ça colle drôlement
    Son corps a la densité du mercure

    http://desordre.net/bloc/ursula/2017/sons/dans_les_arbres.mp3

    Café
    Regard lointain
    Back To The Trees !

    Je fais mes lignes d’écriture
    Comme d’autres font leur longueur de piscine
    Je devrais faire plus de piscine et moins écrire

    Phil, c’est « vingt lignes par jour
    Génie ou pas », et non « 10.000 mots par jour
    Sans génie » !

    Et
    Il retourne
    Dans ses rêves

    Et je perds toute contenance
    J’envoie un mail à Sophie, JLG et Fred Frith
    Pour leur parler de mon rêve de trio de la veille

    Le mail envoyé
    Je redoute plus que tout
    Leurs réponses

    N’empêche
    Cela aurait de la gueule
    Pareil trio

    Sophie Agnel
    Fred Frith
    Jean-Luc Guionnet

    Dans mon rêve
    Le Bösendorfer du Tracé
    Prenait cher

    Jean-Luc
    Jetait des notes
    Dans le piano ouvert

    Et Sophie
    Prêtait ses e-bows
    A Fred Frith, les rêves de fois

    Sophie se marre
    Fred s’interroge
    Jean-Luc se dit pourquoi pas ?

    Qui après cela
    Pour tenter de minimiser
    La portée des rêves ?

    Je file à l’anniversaire d’Adrien
    Décor de rêve, petits plats dans les grands
    Epatants jeunes gens tous très intelligents

    Margaux me présente sa collocataire iranienne
    Je tente de mettre à profit mes connaissances
    Héritées de mon amitié avec Maryam

    La jeune femme comprend mieux l’anglais
    Et elle parle avec un accent très familier
    Elle est, en fait, née à Southampton !

    Du coup on parle de Portmouth
    Beaucoup plus que de Bandar-Abbâs
    De fish & chips que de curry !

    Longs échanges avec Mathieu
    Il me redit sa confiance dans Raffut
    Je suis aux anges

    Avec Tiffanie
    Je me réjouis déjà
    De coller des étiquettes de SP

    On me complimente une fois de plus
    Sur le gâteau de châtaignes
    Je raconte la longue histoire de sa recette

    Tiffanie
    Me soupçonne, je le vois bien
    De bien savoir raconter les histoires

    Adrien insiste pour que je danse
    Non Adrien, tu peux me faire jouer
    De la guitare devant 100 personnes, mais pas danser

    C’est vraiment une très belle fête
    Dont je suis l’aîné
    Et c’est très chouette

    N’empêche c’est bête
    Vieux loup des steppes
    De ne pas danser

    Retour anxieux
    Mais pourquoi ?
    Piques au cœur

    Coucher anxieux
    Oppression thoracique
    Insomnie, mais pourquoi ?

    #mon_oiseau_bleu

  • Un chef de renom
    Accommode les restes
    D’une fête à Bibracte

    Il rallonge une mayonnaise figée
    En ajoutant d’une huile délicieuse
    Et brasse à la main, proprement

    Il redonne quelque fraîcheur
    À des fruits de mer
    Et cuit des flans au caramel

    Emile me donne bien de la difficulté
    Se resservant sans cesse
    Sans comprendre que tout est payant, et cher

    Le Tracé provisoire
    Me donne carte blanche
    Pour organiser un concert de trio

    Sophie Agnel, piano
    Fred Frith, guitare
    Jean-Luc Guionnet, saxophone alto

    Heureusement que Zoé est là
    C’est elle qui me réveille
    Il était temps d’ailleurs

    On traverse un bois de Vincennes
    Étonnamment désert
    Et encore sous la neige, moins féérique

    J’arrive en open space
    L’autoradio ne m’a pas mis en rogne
    Je suis prêt à en découdre

    Je bute pas mal à mettre
    Le rêve de mayonnaise
    En forme. Sensations trop visuelles

    Par malheur l’open space
    Se peuple de bonne heure
    De collègues craignant la neige

    Réunion
    Réunion
    Réunions

    Entre mes deux cheffes
    Ça va
    Je ne fais pas trop le malin

    Réunion mensuelle de production
    Je repars avec des devoirs
    Ça devrait m’aider contre le laisser-aller

    Je passe chercher l’affiche de L’Étreinte au labo
    Je déjeune d’un délicieux lahmacun, œuf épinards
    Et d’un très bon fourré aux dates

    La neige tombe un peu plus dru
    (Accent québécois) nul doute nous allons avoir droit
    À une très divertissante apocalypse française

    Réfrigérateur expérience du vide
    Temple de consommation vendredi
    Expérience du trop-plein

    Chez l’ophtalmologue
    Où j’accompagne Sarah
    Je guette anxieux le déclin de sa vue

    Ça va
    Elle n’a perdu
    Qu’une demi-optrie

    Rentré à la maison
    Je trouve Zoé qui passe le balai
    Facétieuse : « je ne te félicite pas, quel désordre ! »

    En chemin pour le théâtre
    Je lui explique ma journée au travail
    EdB, Cahier des charges, maquette, prototype, tout le toutim

    Facétieuse :
    « Mais tu ne préfères pas
    Quand tu travailles avec Monsieur Genoudet ? »

    Soupe chinoise aux raviolis
    C’est bien, je me soigne
    La bouche en feu, j’adore

    Toutes clarinettes dehors
    Deux clarinettes en si bé
    Posées sur deux sièges

    Jacques DiDonato
    Xavier Charles
    Quel voyage !

    La musique c’est aussi ça
    Deux types qui soufflent
    Dans leurs tuyaux percés, doucement

    http://desordre.net/bloc/ursula/2017/sons/dans_les_arbres.mp3

    Par moments
    Je pense à Back To The Trees !
    Evidemment, Xavier Charles

    Se joint un troisième souffleur de si bé
    Ça alourdit un peu le truc
    Mais c’est beau quand même

    La blague habituelle de Jacques :
    « Des questions ? »
    Nombreux enfants lèvent la main

    Réponses bienveillantes
    Des musiciens, oui, on sait aussi jouer
    Comme on t’apprend au conservatoire !

    Et joignant le geste à la parole
    Jacques, une très belle gamme ascendante
    Le troisième souffleur même gamme. Rires

    Xavier Charles :
    « Mais ce qu’on joue
    Ça reste de la clarinette ! » Rires

    Bref échange avec Jacques
    Qui me présente Xavier Charles
    Qui découvre un fan de Back To The Trees !

    Retour autoradio
    Marie Richeux et des lycéens
    Interrogent Catherine Hiegel

    Je déteste l’expression de passeur ou passeuse
    Je trouve que cela fait tare à souhait
    J. en sait quelque chose

    Marie Richeux
    Est à la radio ce qu’Alain Fabiani était au volley
    Une passeuse de génie

    Quelques pages de Cadiot
    Avant le dodo
    Deux éclats de rire. Masque

    #mon_oiseau_bleu

  • Hier matin je n’avais pas rêvé
    Ce matin, si. Je suis toujours
    Soulagé quand cette machine est réparée

    Rêve d’un héritage immérité
    Court-circuitant des héritières disparues
    Mortes noyées. Je suis soupçonné. À tort

    Ma cheffe : « depuis ton retour de vacances
    Tu arrives avec un peu de retard. ? Cela me prend du temps
    de noter mes rêves le matin ». Tête de ma cheffe

    http://www.desordre.net/musique/lloyd.mp3

    John Abercrombie est mort
    Je l’écoute avec Charles Lloyd
    En fait il est n’est pas mort, il est vivant

    En fait
    Il est toujours
    Vivant

    John Abercrombie
    Charles Lloyd, Brad Mehldau
    Billy Higgins et Larry Grenadier

    Qu’as-tu fait de tes talents ?
    Je préférerais qu’on ne me pose pas
    Cette question quand je suis au bureau

    Et si tu te déchaussais
    Dans l’ open space
    Comme dans les Cévennes ?

    Parfois dans la journée
    Tu penses à elle et cela ne te fait pas mal
    D’autres fois…

    Au BDP où tu t’absentes subrepticement
    Tu croises Hélène Gaudy
    On discute un peu boutique, une vraie réunion

    En plus
    Chaleureux
    Plus amical

    N’empêche ces rencontres conviviales
    Dans le quartier de ton open space
    Sont des récréations rassurantes

    Il est admirable que les tomettes patinées
    Du BDP soient, à ce point, un remède
    Contre la moquette rase de l’open space

    Et c’est dingue, vraiment dingue
    Ce que cela déclenche en toi
    De petits poèmes

    Petits poèmes
    Que tu rédiges ensuite
    Depuis l’ open space

    Mona
    C’est à toi
    Que je pense !

    L’odeur des cornichons
    À la table voisine
    Te distrait de tes poèmes

    Mona
    Ce n’est plus à toi
    Que je pense !

    Travailleurs détachés
    Les avancées
    De Macron

    François Bayrou estime que « l’opinion »
    ne perçoit pas « la direction » prise par le gouvernement

    Bayrou dyslexique mal latéralisé ?

    Écrire
    Te distrait
    D’elle, alors écris !

    Penser à elle
    T’empêche
    D’écrire, ce n’est pas gagné

    Je rêve d’un poème écrit
    À trente-six mains
    J’en ai un dans mes mails

    Vite-invite
    Le truc
    Le temps d’un café

    Sans se faire de mal
    Adèle et Achille
    Des pommes

    Cosidor tu dors ?
    Prick up your ears
    Des nouvelles du Ryôan-Ji

    De l’art et la manière de déménager un piano
    L’hérésie pèle, la caravane passe
    Notules dominicales de culture domestique

    La psychanalyse comme dans un rêve
    Supplique contre un supplice
    CRP dans les clous

    CS6 de crisse
    John Abercrombie
    Gary Cooper

    Après
    Les objets
    Les auteurs

    Isa Bordat
    L.L. de Mars
    Hélène Gaudy

    Sarah Cillaire
    Marie Richeux
    Julien Pauthe

    Archiloque
    Tiffanie Gabu
    L.L. de Mars

    Sophie Agnel
    Catherine Mazodier
    Philippe Didion

    J.
    Elle
    Dr L.

    Martin Bruneau
    Dominique Pifarély
    Sarah Cillaire

    Et il y a bien quelques
    Re :
    Pas tous joués par Dominique ou Sophie

    Merci
    Les
    Amis

    Tu vois
    Quand
    Tu veux !

    Dans le métropolitain
    Tu relis une dernière fois, à l’envers
    Élever des chèvres en open space

    Tu passes par Saint-Lazare
    Pour la première fois depuis des lustres
    Ton frère était avec toi la dernière fois, sûr

    Tu peines à retrouver ton train
    Dans un hall de gare tellement familier
    Mais défiguré.

    Ton frère, Alain
    Ton petit frère Alain
    Aurait cinquante ans

    Et c’est à Saint-Lazare
    Que tu fêtes, seul
    Cet anniversaire

    Tu as joué de la guitare, mal
    Avec ton frère dans ce hall de gare
    Pour des clopes pas nettes

    Tu as fracturé, sans succès
    Un distributeur de billets de train
    Avec ton frère à Saint-Lazare

    Tu as fumé
    Tu as bu avec ton frère
    À Saint-Lazare

    Mais ton frère est mort
    Et Saint-Lazare est devenu
    Une galerie marchande

    Pour fêter cela, tu décides de resquiller
    T’es comme un con à Saint-Cloud
    Où il y a, désormais, des tourniquets

    C’est un anniversaire
    Triste bien sûr
    Même lui n’a pas pu venir

    Longue conversation au téléphone
    Avec Lola, j’aimerais tellement
    Qu’elle me parle d’elle, de sa vie, à elle

    Ma naïveté m’épate, je vais voir Dunkerque
    Pour le croisement entre les grande et petite histoires
    En fait, une grosse production patriotique

    Ma naïveté m’épate, je vais voir Dunkerque
    Au Keaton , je ne trouve pas de place pour me garer
    Si, une, au bas de chez elle, j’en suis tout retourné

    Mais, à vrai dire
    Après une telle journée
    De quoi souffres-tu le plus ?

    Te revient souvent
    L’expression de ton ami Julien P.
    L’inconscient à ciel ouvert

    Pronostic pour le rêve de cette nuit
    Ta mère te fait manger des patates
    Pourries, et tu as un accident de voiture

    #mon_oiseau_bleu

  • Au réveil
    Impossible de poser le pied par terre
    Je clopine jusqu’aux toilettes. Kafka

    Dans le miroir de la salle de bain
    Ma tête de cévenol
    Et le corps d’un scarabée vouté

    Un peu de lecture, mais rattrapé par
    Du sommeil lourd et sans rêve
    Julia, prévenue, monte et prend peur

    Les Moins que rien

    Pour Mon Oncle Stanley avec lequel j’ai passé l’une des nuits les plus étranges de ma vie et pour la docteure D. qui m’a bien soigné, ma gratitude à tous les deux

    Fontenay-sous-Bois, le 10 août 2017

    Chère Docteure

    Je ne sais pas comment vous remercier. Déjà, pour commencer, cela vous fera plaisir d’entendre que je vais mieux, grâce à vous, grâce à votre équipe. Les heures que j’ai passées aux urgences de lundi à mardi comptent parmi les plus riches de mon existence, qui compte déjà quelques trésors.

    Quand vous êtes entrée dans notre chambre à l’Oncle Stanley et moi, je dois vous dire que je n’en menais pas large et le désespoir guettait. Et j’ai repris espoir en vous voyant beurrer les biscottes de l’Oncle Stanley, je me suis cette toubib qui beurre les tartines du vieux Mr Lawson, je peux d’emblée lui faire confiance.

    Vous ne connaissez peut-être pas un photographe helvético-états-unien qui s’appelle Robert Frank et que j’ai étudié il y a une trentaine d’années. Robert Frank a photographié son voisin d’hôpital à Halifax en Nouvelle Écosse au Canada et dans la gélatine il a écrit sa tendresse pour ce Mr Lawson, l’Oncle Stanley. Et c’est à cette série d’images que j’ai tout de suite pensé quand j’ai fait la connaissance du vieux monsieur avec qui j’ai partagé ma chambre.

    Vous faites un travail admirable. Vous êtes manifestement compétente, mais vous êtes aussi tellement dévouée et attentionnée, je ne sais pas si en haut-lieu on vous le dit de temps en temps, les hauts-lieux sont parfois ingrats, comme nous allons le voir, en tout cas, moi, je vous le dis. Cela ne changera pas grand-chose à pas grand-chose, cela vous fera peut-être plaisir de l’entendre.

    Il y a un peu plus d’un mois, le petit morveux que les veaux de Français ont été guidés d’élire pour président a eu cette parole remarquablement révélatrice, il a parlé des anonymes, en disant « des gens qui ne sont riens ». Vous n’imaginez pas à quel point cela m’a mis en colère. J’ai eu une envie irrépressible de le gifler comme on ne devrait pas gifler un adolescent présomptueux qui vous manque de respect.

    Depuis, je prends note de toutes sortes de situations dans lesquelles des moins que rien étalent des richesses insoupçonnées, surtout d’humanité et, cette nuit, dans votre service, j’ai été servi de très copieuses rations de pareils trésors. Vous, votre confrère infectiologue, Kevin, les infirmiers, les aides-soignantes et Mon (inénarrable) Oncle Stanley. À toutes et tous, merci, du fond du cœur, j’ai l’intuition qu’on ne doit pas vous le dire assez. Vous êtes à la fois des sentinelles et des remparts de ce qu’il y a et doit rester de meilleur en nous.

    Pour vous remercier, toutes et tous, je vous envoie un extrait d’un texte en cours que je suis en train d’écrire. Cela s’intitule Mon Oiseau bleu , ce sont des poèmes très brefs en trois vers librement écrits sans bien suivre des règles japonaises ancestrales eux appellent cela des haïkus , je ne suis pas très sûr que mes petits poèmes en soient de très bons et surtout de très authentiques, mais au moins ils vous raconteront comment un patient vit les choses dans votre service, dans lequel, je dois vous le dire, on dort très mal !

    Avec mon respect, mon amitié et mes remerciements

    Philippe De Jonckheere

    PS : je joins à cet envoi, un exemplaire de mon roman Une Fuite en Égypte pour la bibliothèque du CE (vous pouvez être la première à le lire avant de le verser à la bibliothèque !). Mon prochain livre sorte en 2018, il s’intitulera Raffut et il parle de rugby et de handicap mental, vous pourrez l’offrir à votre mari !

    Aux urgences de Bry-sur-Marne
    Dans la salle d’attente
    Une belle variété de personnes

    Un téléviseur allumé
    Longtemps que je n’en avais vu un
    En fait tout va bien dans le monde

    En fait tout va bien dans le monde
    Macron a déjà tout réparé
    Encore un peu de terrorisme qui fait chier

    Encore un peu de terrorisme qui fait chier
    Mais dans l’ensemble tout va
    Dormez braves gens

    Dormez braves gens
    Et, de fait, personne ne regarde
    Le téléviseur muet

    Le téléviseur muet
    Suis-je le seul à le remarquer ?
    Tous plongés dans leur téléphone

    Une très chouette infirmière
    Me demande si je suis belge
    Son compagnon s’appelle comme moi

    Profession ?
    J’ose (pour rire)
    Écrivain !

    Ah ? dans nos fichiers
    Vous êtes connu comme informaticien
    J’emmerde l’informatique !

    Une chouette docteure
    Se frotte les mains avec intérêt
    Pour mes rougeurs pas ragoûtantes

    Je lui propose de la cartographie expérimentale
    Elle dessine au stylo-bille
    Les contours de mes rougeurs

    Je suis aux urgences
    Et je pense aux cartographes
    De mon Facebook®©™ bio

    Je grelote
    En plein mois d’août
    Autour de moi les gens sont en nage

    On me propose la nuitée
    Je ne refuse jamais
    De dormir ailleurs

    Mon hôte s’appelle Kevin
    Un chouette infirmier
    Qui me parle comme à un vieillard

    Kevin me propose un plateau-repas, j’accepte
    Mais je préviens Kevin que je n’ai pas mangé
    Depuis trois jours, je vais picorer, au mieux

    Kevin, le chouette infirmier
    Me fait remarquer que cela ne le changera
    Pas des autres patients, tous très âgés

    Et, de fait, on amène mon compagnon de la nuit
    Un très vieux monsieur qui me fait penser
    Immédiatement à Mr Lawson de Robert Frank

    Mon Mr Lawson,
    Mon Oncle Stanley à moi
    S’appelle Roger

    Mon Oncle Stanley ne tient plus sur ses jambes
    Ne maîtrise plus ni mains ni sphincters
    Mais il a une bouille. Et un sourire édenté !

    Il n’entend plus très bien
    Du coup il parle
    Très très très, très, très fort

    Et aussi, et ça j’aime
    À un point ! il rit
    Très très très, très, très fort

    Et, le pauvre !
    Il a mal partout
    Dans n’importe quelle position

    Mais il rit
    Il a l’œil
    Qui pétille

    Je comprends mal
    Ce qu’il me dit
    Mais on se comprend bien

    Kevin est un peu las des nombreuses demandes
    De changements de positions de Mon Oncle Stanley
    Alors j’apprends à me servir des commandes du lit

    Mon Oncle Stanley et moi
    On trouve des positions
    Pas toutes dans le manuel

    Et ça le fait rire
    Mais rire
    Très très très, très, très fort

    Je ne vais pas tarder
    À découvrir que Mon Oncle Stanley
    A d’autres talents

    Julia s’égare
    Pour me rapporter mes affaires
    Fine psychologue, sans sens de l’orientation

    Elle a oublié mon respirateur
    On rit très très très, très, très fort
    Fine psychologue, tête en l’air

    Je m’endors
    Je me réveille, Julia a branché mon respirateur
    Et me tend le masque, m’embrasse, s’en va, je dors

    Choses entendues et choses vues
    La nuit sera longue aux urgences
    Et les nerfs de tous très éprouvés

    Des hommes sombres (pompiers ?)
    Poussent un brancard sur lequel
    Git un homme sans vie

    Mais trouvez-nous quelqu’un
    Elle est en train de se maculer
    Avec ses selles !

    Voix de Kevin, paniqué
    Mais Madame où est-ce que
    Vous allez, vous ne pouvez pas marcher ?

    Chute (bruyante)
    Kevin hurle (bruyamment)
    Un numéro codé

    Des collègues rappliquent
    Saint-Lazare à 8 heures serait
    Plus tranquille pour dormir

    Kevin, lampe de poche dans la bouche
    Soulève mon bras, prend mes constantes
    Et répond au téléphone, il est trois heures

    Mais pourquoi ils nous l’amènent
    Il ne va pas passer six heures ?
    Je ne dors plus, je ne veux plus

    Aux toilettes je découvre
    Que les rougeurs ont fraudé les frontières
    Et sont désormais dans l’aine. J’ai peur

    Je prends mon téléphone de poche
    Et je tâche de prendre en note
    Mes poèmes de ma nuit aux urgences

    http://www.desordre.net/bloc/ursula/2017/sons/agnel_minton.mp3

    J’ai passé la nuit
    Avec Phil Minton
    Et Sophie Agnel

    Le vieux monsieur à côté de moi
    A un très étonnant répertoire
    De raclements de gorge

    Et avec la tringlerie de son lit
    Il produit une grande variété sonore
    Nuit aux urgences

    (Tête de Sophie Agnel
    Quand elle a reçu
    Ces neuf lignes !)

    Arrivée de l’équipe du matin, soupirs
    Des aides-soignantes qui doivent passer la wassingue
    Sur les scènes de guerre de la nuit

    La vieille dame qui ne peut plus marcher
    Fait une nouvelle tentative d’évasion
    J’ai de l’admiration pour son opiniâtreté

    Quant à la dame qui fait du Gasiorowski
    Elle a, apparemment
    De nouvelles idées

    Mon Oncle Stanley à moi
    A des accidents de pistolet
    C’est comme ça qu’on dit

    Bref, c’est la foire
    La visite de la docteure
    Arrive avec le petit-déjeuner, tard

    Mon Oncle Stanley à moi
    N’a plus aucune maîtrise de ses mains
    Mais il tente de se débrouiller

    Un jour, peut-être
    Je me battrais avec la cellophane
    D’un duo de biscottes

    La docteure est chouette
    Elle vient en aide à l’Oncle Stanley
    Elle lui beurre ses biscottes

    La docteure est chouette
    Elle beurre les biscottes, pendant que cela
    Continue d’être la guerre pour les aides-soignantes

    La docteure est chouette
    Elle prend beaucoup de précautions
    Pour ménager l’Oncle Stanley

    Elle note deux ou trois trucs
    Mesure une plaie avec un petit décimètre
    D’écolière, bonne élève, débrouillarde (et souple)

    Elle voit que les aides-soignantes sont au clip
    Aide l’Oncle Stanley avec son jus d’orange
    Et d’un très beau sourire, s’excuse

    Vous êtes Monsieur De Jonckheere
    Vous êtes arrivé hier à 1800 avec épisodes fébriles
    Vous avez un érysipèle, dites-moi

    Elle est chouette,
    Elle écoute tout attentivement
    Elle me fait préciser des trucs

    Elle regarde attentivement la cartographie expérimentale
    Les rouges gagnent du terrain, mais reculent pas endroits
    Elle est rassurante, pas d’amputation ? Non pas encore !

    Elle est chouette,
    Elle me rassure
    Ce n’est pas moche, dit-elle

    Elle est chouette
    Elle promet de revenir avec un confrère
    Infectiologue, pour être sûre, dit-elle

    J’échange quelques messages avec Julia
    Avec Clément, je rassure mon monde
    Mais quelle nuit !

    On emmène Mon Oncle Stanley
    À la radiographie, ça l’amuse beaucoup
    Il rit très très très, très, très fort

    http://www.desordre.net/musique/zappa_illinois_ennema_bandit.mp3

    Où je découvre que, par je ne sais quel miracle
    J’ai dû faire un test, que sais-je ? sur mon téléphone
    Se trouve tout Bongo Fury de Frank Zappa

    Je profite de l’absence de Mon Oncle Stanley
    Pour écouter Zappa au téléphone
    Comme Proust écoutait du théâtre

    Sophie Agnel me répond
    Je suis devenu ami avec elle
    On rigole à propos de Phil Minton

    Je lis Les Beaux jours d’Aranjuez
    De Peter Handke, splendide
    Aux antipodes du navet de Wenders

    Dans le couloir j’entends
    La chouette toubib parler de moi
    C’est un Monsieur, la soixantaine

    Arrive l’infectiologue
    Je ne savais pas qu’un jour
    Je serais content d’en voir un

    La chouette toubib lui dit que ma CPS
    Était à 220, je corrige, 227
    C’est bon, j’ai leur attention

    L’infectiologue étudie la cartographie expérimentale
    Inspecte mes pieds, trouve à redire
    Un mois dans les Cévennes, des pieds de Cévenol

    Il montre une région de la carte
    Où il décèle le recul des Rouges
    Je suis confiant, dit-il

    La chouette toubib me sourit
    Cette docteure aime ce qu’elle fait
    Elle est complètement du côté de la vie

    Je vais tout de suite signer
    Vos papiers de sortie
    Appelez votre fils

    Huit heures plus tôt
    Je considérais la vie
    Amputé

    Arrivent Mon Oncle Stanley et son plateau
    Pas d’aide soignante, je lui propose de l’aider
    Je lui coupe sa viande et lui donne une bouchée

    Il a un sourire extraordinaire
    Elle est bonne exulte-t-il
    Cet homme a encore du plaisir

    Il rate une bouchée
    On rit très très très, très, très fort
    Je voudrais l’embrasser

    L’aide-soignante me voit catastrophée
    Je la rassure, j’aime ce que je fais
    Tellement plus que l’ open space , pense-je

    Et je pense justement que si mes collègues
    Me voyaient et m’entendaient
    Rire très très très, très, très fort…

    Avec l’aide-soignante qui a repris les commandes
    Pendant qu’elle donne à manger à Mon Oncle Stanley
    On parle des citronniers de son enfance, en Algérie

    Clément arrive, quand je sors
    La guerre est finie
    Mme Gasiorowski est passée à autre chose

    La chouette toubib me signe les papiers
    Elle me donne des prescriptions
    Et des conseils, elle rayonne

    Elle me demande comment je me sens ?
    Je réponds soulagé, mais très fatigué
    Je n’entrerai pas dans une mêlée, dis-je

    Ah je me disais aussi
    Vous êtes comme mon mari
    Un faux sauvage, un rugbyman

    Je la remercie, j’ai tellement d’admiration
    Pour cette docteure qui beurre les tartines
    De Mon Oncle Stanley, elle est solaire

    Je fais mes adieux à Mon Oncle Stanley
    Je suis obligé de guider sa main dans la mienne
    Cet homme m’a redonné de l’espoir, pour longtemps

    Et quand je pars finalement
    Il dit très très très, très, très fort
    Au revoir mon petit gars !

    Je pourrais pleurer
    D’être le petit gars
    De Mon Oncle Stanley

    Arrivés à la maison
    Clément m’aide
    Je n’ai toujours pas faim

    Je tente de grappiller
    Quelques heures de sommeil
    En pensant à Mon Oncle Stanley

    Cela faisait longtemps
    Que je n’avais pas vécu
    Une telle aventure !

    Le reste de la journée
    Est évidemment
    Très morne

    Cela ne peut pas être
    Urgences à Bry-sur-Marne
    Tous les jours !

    #mon_oiseau_bleu

  • J – 19 : C’est dimanche soir dans le monde, une lumière orgiaque de fin de journée dessine de très belles lumières sur le haut des immeubles de la place de la mairie. Sophie Agnel traverse devant moi sans s’en rendre compte, je me porte à sa hauteur, descend mon carreau et fait mine de lui demander le chemin du cinéma, tête de Sophie Agnel qui reprend rapidement ses esprits, un certain talent pour l’improvisation sans doute, et qui me renseigne, le cinéma c’est plus loin. Seul à la maison en ce dimanche soir, j’ai eu envie d’aller voir un film, le seul pas encore vu, et qui faisait un peu envie, sorte de cinéma du dimanche soir, c’était le dernier film d’Arnaud des Pallières, Orpheline .

    Film laborieux. Film prétentieux. Film ennuyeux.

    Laborieux, il faut quasiment une heure à Arnaud des Pallières pour installer véritablement son intrigue - est-ce qu’il n’essaierait pas de nous faire faussement croire à une inexistante complexité de son récit, je suis sans doute bien soupçonneux, peut-être est-il juste pas très fort pour raconter un récit ? -, il faut dire il lui aura fallu beaucoup de temps pour détacher son regard (et le nôtre) des poitrines de ses trois jolies actrices sensées incarner le personnage de Karine/Sandra/Renée, puisque finalement c’est à se demander si ce n’est pas à cela que lui sert ce recours à trois actrices différentes pour interpréter la même femme aux âges de 15, 20 et 30 ans (Solène Bigot, Adèle Exarchopoulos, et Adèle Haenel). On aurait un peu envie de lui offrir une copie téléchargée de La Vie d’Adèle d’Abdellatif Kechiche pour lui montrer que dans ce trio d’actrices, il y en a une qui a déjà fait cela, la traversée des âges, très bien - mais une telle leçon de cinéma ne serait pas très charitable. Quant à l’enchâssement des flashbacks , c’est une véritable montagne qui accouche d’une souris, d’une toute petite souris de rien du tout : une petite fille de sept ou huit ans est témoin, plus ou moins tenue à distance, de la disparition de deux autres enfants disparus lors d’une partie de cache-cache, ses parents immatures ne sauront pas la protéger de cet épisode, la mère abandonnera le foyer, sans doute pour se soustraire à l’alcoolisme et à la violence de son compagnon, la petite fille va grandir, apparemment à l’adolescence cela va être très tumultueux - étonnant non ? -, le début de la jeunesse hyper rock’n’roll - les surprises de la vie sans doute -, au point que, plus tard, elle ne parviendra pas vraiment à se ranger des voitures, poursuivie, et rattrapée, qu’elle sera par une affaire ancienne. Et c’est à peu près aussi complexe que cela, alors vous dire pourquoi cela doit prendre deux heures, je ne saurais pas vous dire, pas plus que de vous expliquer pourquoi pour les personnages masculins on peut n’employer qu’un seul acteur pour plusieurs périodes, mais pas pour le personnage féminin aux si jolies poitrines - je m’excuse pour ce bilan un peu comptable, mais dans le film on pourra voir, en pleine lumière, les poitrines des trois jeunes femmes interprétant le rôle principal, plus celle du personnage de Tara, et sans compter celle de la doublure d’Adèle Haenel, les fesses nues d’Adèle Exarchopoulos, et par deux fois Solène Rigot aura l’immense honneur, une distinction sans doute dans une carrière de comédienne, de mimer une fellation, la contrepartie comptable masculine est plus maigre, un demi-fessier et un entrejambe éclair dans une pénombre à couper au couteau.

    Prétentieux, non content d’accoucher narrativement d’une souris, toute petite souris de rien du tout, Orpheline est un film esthétisant, dont tous les plans et leurs lumières sont léchés, avec force bourrage dans les côtes, vous avez vu comme on est forts, et tel effet de faible profondeur de champ, et telle composition de cadrage, et tel effet de contrejour difracté, une véritable panoplie, par ailleurs coupable de glamorisation des bas-fonds, de la violence aussi, si possible envers les femmes parce que quand même c’est nettement plus photogénique - un parieur endetté reçoit la visite d’un de ses créanciers mafieux, et ce n’est qu’affaire de regards, la jeune femme aux prises avec le même homme s’en prend deux en plein visage (et naturellement elle en redemande et tout aussi naturellement se rue sur la braguette de l’homme qui vient de la frapper deux fois au visage, les femmes, c’est bien connu, aiment, par-dessus tout, qu’on les frappe, ça les rend folles, après vous en faites ce que vous voulez). Naturellement, il y a foison de gros plans avec cadrages à l’avenant, notamment sur les poitrines des jeunes actrices. Je présume que l’emploi des trois actrices pour le même personnage, quatre avec la petite fille, mais là, tout de même, on peut comprendre le recours à une véritable enfant de six-sept ans, a la volonté de nous montrer à quel point les différentes périodes d’une existence sont autant de moi aux formes méconnaissables - j’ai lu quelque part une critique cinématographique officielle qui, sur ce point, prêtait à Arnaud des Pallières des intentions proustiennes, rien que cela, Arnaud des Pallières ne doit plus se sentir, cela aura eu le mérite de me faire pouffer, en ce moment ce n’est pas tous les jours que je pouffe à la lecture de la presse, Marcel Proust et Arnaud des Pallières, les deux grands conteurs du récit interne, François Mauriac lui-même ne s’y serait pas trompé, les critiques officielles des fois.

    Ennuyeux au point de me pousser à regarder ma montre de temps en temps, c’est comme cela que j’ai compris qu’il avait fallu un peu plus d’une heure à Arnaud des Pallières d’installer son intrigue, et d’en faire, finalement, si peu : une femme en proie à des sentiments abandonniques, dont on peut raisonnablement penser qu’ils sont dus à la désertion du foyer par sa mère, à l’âge de six-sept ans, reconduit cette logique d’abandon, heureusement qu’il y a des réalisateurs d’avant-garde comme Arnaud des Pallières pour nous fournir des œuvres de vulgarisation freudienne, sans ça c’est sûr, on comprendrait mal, c’est, j’imagine, pour cette raison aussi que de nombreux passages du récit sont soulignés trois fois en rouge pour être sûr qu’on capte bien, qu’on repère bien les signes avant-coureurs de ce récit tellement maigre au point d’être famélique.

    Et je m’excuse d’en remettre une couche, mais, quand même, est-ce normal que tous les personnages de femmes, les trois âges adultes notamment du personnage principal, soient entièrement dépendantes des hommes et qu’elles soient aussi systématiquement contraintes à faire commerce de leurs corps et de leurs caresses pour pouvoir passer à t’étape suivante de l’existence ? Non, parce que je demande cela dans le but de tenter de faire la différence entre ce film-là et un film érotique des années septante, dans lequel on voit bien que la psychologie des personnages n’a pas été aussi fouillée que les recherches formelles sur le galbe des poitrines des actrices. Et, à vrai dire, j’ai bien du mal à opérer un distinguo.

    Film laborieux. Film prétentieux. Film ennuyeux et, donc, vaguement pornographique. Un enchantement. Vraiment. Si j’osais je dirais que c’est bien un film de dimanche soir que je suis allé voir, mais de deuxième partie de soirée.

    #qui_ca

  • http://www.desordre.net/bloc/ursula/2017/images/sophie/sons/bill_evans_i_fall_in_love_too_easily.mp3

    J – 20 : Une bonne partie du week-end passée à lire le manuscrit de mon ami Daniel jusqu’à rêver d’aires d’autoroute la nuit, c’est qu’elles ont leur importance ces dernières dans ce relevé géographique fictif contemporain. Lecture studieuse dans le but de donner quelques éléments de recul à Daniel. Lecture interrompue sans vergogne dimanche après-midi par A. venue boire un ristretto . Lecture ponctuée par l’écoute de quelques disques magnifiques, Polka Dots And Moonbeans de Bill Evans, John Coltrane avec Duke Ellington, A Love Supreme de John Coltrane - une éternité que je ne l’avais plus écouté et on ne devrait jamais rester aussi longtemps sans l’écouter - , Capcizing moments de Sophie Agnel, Mysterioso de Thelonious Monk, Non-Bias organic de Jean-Luc Guionnet, The Montreal Tapes de Charlie Haden (Gonzalo Rubbalcaba au piano et Paul Motian derrière les futs) et Abbey Road des Beatles. Du café comme s’il en pleuvait pendant ces deux jours au soleil radieux. Et la musique toutes fenêtres ouvertes très rarement abimée par le passage extrêmement rare de quelques voitures, le quartier est désert, la fin du monde pourrait avoir ses avantages si l’on dispose encore d’électricité pour jouer ses disques ou encore de musiciens pour nous jouer de la musique, débarrassés, les musiciens de la chambre d’écho que doit représenter pour eux un enregistrement.

    Traversant dans les clous,
    Pieds nus
    J’ai eu envie d’écouter Abbey Road

    Bill Evans
    Thelonious Monk
    Sophie Agnel

    Février 2005 – suite. 50 km/h. Sortir de Strasbourg. La conduite de Gisse, une mélodie souple, soyeuse. En direction de Reims. 350 kilomètres environ. Sur autoroute. A4. La voiture est lancée, vitesse de croisière, un concentré de paysages aboutés. Un besoin de voix, pour nettoyer les substrats mélancoliques.
    - Yves ?
    - Oui.
    - Parle-moi de toi.

    Elle double, sereine, une suite de semi-remorques. Se rabat. Les panneaux : Sarrebourg, Haguenau, Wissembourg.

    - J’ai passé mes années lycée à Troyes. Trois ans. Le lycée était excentré en périphérie, entre un LEP et un IUT. Suis sorti par la petite porte. Sans mon baccalauréat. A défaut de pouvoir prendre le train des études supérieures, je mesuis dirigé vers l’arrêt de bus. Un bus s’est arrêté, je suis monté et me suis retrouvé au centre-ville. Un appart avec un copain. Le théâtre. Une place dans une librairie de livres anciens. Des liens tissés dès la seconde année de lycée. Dès la fin de la seconde, viré de l’internat. Sur le bulletin : Trop asocial pour s’assumer en collectivité. Je n’en tire aucune gloriole. Je ne savais même pas ce que c’était l’asociabilité. Autour de moi, ce qui avait teneur de liens, de gens, c’était de la subjectivité broyée. Je n’avais ni les moyens ni le temps de faire une
    introspection pour savoir ce qu’il y avait de périmé, de périssable en moi. Supposes que je revois certains profs aujourd’hui, je ne vais pas leur bouffer la trogne. J’ai laissé filer. Ils ont laissé filer. D’autres chats à fouetter. A partir de la première, quelqu’un du village m’emmenait le matin. Il travaillait dans un garage. Trente kilomètres en voiture. Mesure concise d’une nationale dans un décor de champs, de villages. Le soir je rentrais en stop, une fantastique galerie de portraits de la France de l’époque. Deux soirs par semaine, des cours de théâtre. Le matin, ce quelqu’un du village me déposait à un arrêt de bus. Direction le lycée. Dans le bus, parmi les passagers, des lycéens, des lycéennes. Un transport commun de tics, de cartables. De regards. Ses yeux, mes yeux. Des regards qui se croisent. Des attirances. J’étais en terminal, elle en première. Dans la classe d’un copain. Les heures de permanence, certaines pauses après le déjeuner, on les passait dans un bar, à quelques rues du lycée. Elle était longue, haute, d’apparence filandreuse. Yeux sombres, cheveux noirs. Issue de la bourgeoisie locale. Elle était avec ce copain. J’ai parlé. Littérature, musique, philosophie. Ce copain s’embarquait pour les Beaux-arts, laissant des croquis partout derrière lui. Nous en étions à partager à l’époque ce qui tenait lieu d’avant-garde musicale entre jeunes. Un rock des confins, industriel, froid. Un fort écho des lézardes en cours dans le champ industriel de l’époque. Par notes et voix interposées. Les délocalisations, la mise au pilori de centaines et de centaines d’emplois. L’industrie textile locale opérant un virage sous forme de ventes directes en usines plantées comme des décors dans des marques avenues. Les vraies usines démontées, pièces par pièces. Remontées en Tunisie, en Turquie. Optimiser les profits, réduire les conflits. Elle était issue de cette bourgeoisie textile. Je me disais souvent que si elle avait été d’un milieu modeste, elle aurait été quelconque. Quoi que sans doute avec toujours ce fond abrasif, délirant. Elle me plaisait. Une beauté décalée. Des échanges convulsifs et posés. Plus grande que moi. Je n’avais que mon bagou, une gueule attirante.

    Double file. Se déporter. Un camion en double un autre. Voie de gauche. Les voitures derrières qui ralentissent. Gisse se rabat. Appels de phare. Elle n’en a cure. Une conduite assumée.

    Extrait de Les Oscillations incertaines des échelles de temps de Daniel Van de Velde

    #qui_ca

  • J – 47 : Ce dimanche j’ai décidé une mauvaise fois pour toutes de venir à bout d’un certain nombre de pensums dont il deviendrait dangereux de les remettre plus longtemps à une date ultérieure. Conscient qu’un dimanche matin je risque surtout de me laisser aller à mes instincts premiers, descendre dans le garage avec un café dès que je suis levé pour aller augmenter le Désordre , qui n’en a sans doute pas tant besoin que cela, mais n’est-ce pas là justement une activité qui justement se satisfait très bien d’un travail, voire d’un acharnement, qui n’a pas d’urgence et qui, de ce fait, attise, le désir, j’imaginais bien que de temps à autre il devient impératif qu’un toit et des murs garantissent le lieu même du désir et que ces derniers réclament un entretien que l’on en peut sans cesse reporter à des périodes de moindre désir, aussi pour barrer le chemin du désir et canaliser celui de la raison, j’ai échafaudé un plan, une liste des items dont je devais absolument m’acquitter lors de cette belle journée de dimanche, une dizaine de pensums en regard de laquelle j’ai construit une petit pile de disques, dix disques aussi, m’enjoignant de faire correspondre à chaque disque une des tâches en retard.

    La liste des disques en question. Tous écoutés.
    Spiral inputs , Sophie Agnel, Andrea Nauman et Bertrand Gauguet
    The clearing et Three Days In Fucking Paradise de Fred Frith
    Duke Ellington, Piano In The Foreground , trio avec Sam Woodward et Aaron Bell
    Canopée de Dans les arbres.
    Le château de Barbe bleue de Béla Bartók
    In Nomine de Ciro Longobardi, Michele Rabbia et Daniele Roccato
    The last train de Otomo Yoshihide et Roger Turner
    Sheik yerbouti de Frank Zappa
    Les partitas pour violon de Jean-Sébastien Bach

    La liste des tâches dont je me suis effectivement acquitté
    Réparation du tiroir de la cuisine (Sophie Agnel et consorts)
    Plier et ranger le linge (Duke Ellington et Dans les arbres)
    Faire le ménage (Otomo Yoshihide et Roger Turner)

    Ben oui, il en manque, je voudrais vous y voir à ma place.

    #qui_ca

  • J – 64 : Nous n’avons pas vu le retable du jugement dernier de Rogier Van der Weyden — puisque nous avons trouvé portes closes à Beaune —, mais nous avons fait le tour d’un petit lac dont les romains se servaient pour alimenter en eau la ville d’Autun.

    Nous n’avons pas mangé de cette côte de bœuf — puisque je ne mange plus de viande ? dont j’aimais régaler mes amis quand je viens à Autun, mais Martin a cuit excellemment nos maquereaux sur la braise.

    Nous n’avons pas fait de photographies des dernières réalisations d’Isa, mais j’ai pris presque 600 photographies pendant le week-end à Autun — alors que je ne prends presque plus de photographie.

    Nous n’avons pas regardé Toni Erdman sur l’écran géant du hangar, là-même où j’avais projeté les images d’ Apnées et celles du spectacle avec Brâhma , mais nous avons discuté de Carl André.

    Nous n’avons pas mangé de la sole, mais du cabillaud.

    Nous ne nous sommes pas quittés comme souvent peu de temps après le déjeuner du dimanche midi parce que chaque fois je dois prendre toutes les précautions nécessaires pour être rentré et accueillir les enfants, et de ce fait nous avons pu aller nous promener en forêt, une merveilleuse forêt aux immenses mélèzes et aux jeunes chênes.

    Nous n’avons pas bu de bourgogne blanc mais du Gamay et cela allait très bien avec les bulots et le cabillaud.

    Je n’ai pas pu écouter le disque offert par Sophie Agnel en trio, parce qu’il était en quatuor avec un drone, le moteur vrombissant de mon automobile, du coup j’ai écouté des variétés internationales, Frank Zappa.

    Je n’ai pas vu les éoliennes nuitamment sur le chemin du retour, mais j’ai deviné leurs grandes ombres à bâbord, dans la nuit.

    #qui_ca

  • http://www.desordre.net/bloc/ursula/2017/sons/dans_les_arbres.mp3

    Dans les arbres, le seul gropupe de musique improvisée avec trois Norvégiens et un Français

    Et pour clore cette semaine fort musicale, quand on y pense trois concerts dans la même semaine, il doit être possible pour un mélomane de passer des semaines plus arides, je suis invité par Sophie Agnel (qui a bien aimé ma chornique de son concert avec Phil Minton, du coup on s’écrit un peu) au concert de la formation Dans les arbres à l’Atelier du tampon .

    Dans les arbres , d’habitude ils sont quatre, un Dromois égaré à la clarinette pas prête parmi trois musiciens norvégiens, au piano préparé, guitare préparée et aux percussions en cours de préparation. Et d’habitude Christian Wallumrød joue du piano préparé et non du synthétiseur hérissé de fiches, et donc il sont quatre, il y a Ivar Grydeland à la guitare préparée qui ce soir s’est fait porter pâle comme on dit au rugby, mais sans doute pas dans le milieu de la musique contemporaine improvisée qui n’a sans doute pas les mêmes codes.

    Le concert était en deux parties à la fois semblables et très différentes, dans la première partie j’ai aimé la seconde partie et dans la seconde partie j’ai aimé la seconde partie, moins la première partie de la seconde partie et moins encore la première partie de la première partie. Dit comme ça cela ne vous dit pas grand chose mais j’ai été très surpris qu’échangeant avec Sophie Agnel , elle pensait pareil à propos des parties et des sous parties qu’elle appelait aussi des parties et des premières et secondes parties des parties, un peu comme on fait au rugby finalement en parlant de la première et de la deuxième partie de la première mi-temps et de la première et de la deuxième partie de la seconde mi-temps, la seconde partie de la seconde mi-temps, on appelle cela aussi money time , qui est généralement suivi de la troisième mi-temps, c’est là qu’on prend l’avantage sur les musiciens de musique contemporaine improvisée. Encore que. Pas sûr.

    La première partie de la première partie m’a fait redouter que Dans les arbres soit une formation de musique qui mise beaucoup sur la répétition, parce qu’ils ont été un peu longs à installer ce qu’ils voulaient mettre en place et là je ne suis pas nécessairement un très bon juge de savoir si c’était suffisamment bien installé ou pas assez quand ils se sont vraiment mis à jouer ce qu’ils jouent et que je trouve vraiment très beau.

    Dans Dans les arbres , il y a d’abord ce très beau set de percussions, un immense tome sur la membrane duquel Ingar Zach s’évertue à produire de toutes petites sonorités, minuscules pour un tel instrument, puis petit à petit ajoute des éléments à même cette membrane, tandis que Christian Wallumrød installe lui aussi des touches très ténues de synthétiseur, mais un peu a contrario de ce que l’on demande habituellement à cet instrument maléable de produire, des nappes et des grooves que sais-je encore, non, Christian Wallumrød produit plutôt de petites allusions, percussives presque, tandis que ces deux Norvégiens-là laissent la ponctuation au clarinettiste qui serait bien du genre à tout faire pour s’étrangler avec sa clarinette sans que cette dernière ne rende la moindre note, une manière de clarinette paradoxale.

    L’ensemble joué par ces trois admirables musiciens paraît admirablement fragile et pourtant brique à brique il semble bien que ce soit non pas un simple mur que l’on monte mais bien une de ces merveilleuses petites chapelles gothiques au milieu d’une lande battue par les vents. C’est une musique à la fois enveloppante et envoûtante qui ne semble exister qu’en songe, qu’elle cesse à la fin de la première partie ou à la fin de la seconde partie, et elle disparaît entièrement et nous rend à nos rumeurs et au bruit de la ville, mais alors rumeurs et bruit deviennent étrangement supportables, Dans les arbres c’est une sorte de yoga sonore, on ne pourrait pas mettre le doigt dessus mais après on se sent mieux, terriblement mieux, entièrement délassé et maître de soi.

    Et j’ai été bien heureux de pouvoir échanger avec Sophie Agnel à propos de son très beau concert avec Phil Minton et Audrey Chen. Je peine à croire que ce dernier concert, de Dans les arbres , était une manière de bonus sur la longue liste de dates que j’avais repérées en janvier dernier, Fred Van Rohe avec Roger Turner, être mon préféré, Jonas Kocher avec Joke Lanz et le magnifique travail spectacle de Johanny Melloul avec Ogrob et Annie Lam, Phil Minton avec Sophie Agnel, Jean-Luc Guionnet avec Seijiro Murayama et Olivier Benoit, Fred Frith et Dans les arbres . Et encore j’ai manqué deux dates, Phil Minton avec Isabelle Duthoit et Mark Charig, Michel Pilz, Quentin Rollet, Marcio Mattos et Jean-Noël Cognard, mais je n’avais plus de crédits pour ma téléporteuse.

    #qui_ca

  • Il y a deux semaines j’avais écrit une petit chronique à propos du concert de Phil Minton avec Sophie Agnel et Audrey Chen https://seenthis.net/messages/567952 ). Sophie Agnel vient de refaire son site internet qui est assez généreux de toutes sortes de ressources, notamment sonores, cela va sans dite.

    https://www.sophieagnel.com

  • http://www.desordre.net/bloc/ursula/2017/videos/054.htm

    http://www.desordre.net/bloc/ursula/2017/sons/agnel_minton.mp3

    J – 89 : Une jolie dame brune, habillée comme toutes les jolies dames en hiver, un loden sombre sur les épaules sur lesquelles est accroché un sac de dame, sorte de grande fourre-tout, dans lequel les dames puisent, souvent en aveugle, les accessoires qui font d’elles des dames, beaucoup plus rarement de ces sacs elles tirent des balles de ping-pong, du fil de fer, des baguettes de bois, une mailloche, une enclume, un vibrato électrique — habituellement l’apanage des guitaristes électriques —, quelques objets contondants, un peigne, une enclume de secours, dingue tout ce que l’on peut sortir dans le sac d’une dame et que cette dernière, et quelle dame ! dispose sur les côtés du Bösendorfer des Instants Chavirés qui doit trembler en se demandant ce qu’il va prendre à nouveau et qu’est-ce qu’on va encore essayer de tirer de lui ce soir ? et, les outils de la dame étant disposés sur les flancs du piano, elle se penche sous le capot comme le fait un garagiste, et effectivement tel un garagiste triture avec science un ou deux câbles, putain c’est encore la tête de delco qui fuit, rebouchonne le merdier, remet le contact, la la la la, oui, c’est bon ça sonne, sourire amusé de cette jolie dame, Sophie Agnel, merveilleuse pianiste qui remet son manteau pour ressortir aller en griller une et qu’on l’appelle quand on aura besoin d’elle.

    Ce qui finit par se produire quand Phil Minton, délicieux vieux monsieur anglais, finit par s’installer sur son siège haut de bar face à un microphone auquel il va raconter des histoires à dormir debout tout en chuintements, sifflements, raclements de gorge, soupirs, respirations exaltées, reniflements, percussion des cordes vocales, vocalises, fredonnements, chant, chuchotements, paroles inaudibles, charabia, tachycardie, imitations, appeaux vocaux, expectorations, claquements de la langue, claquements des dents, grincement des dents, percussion de la langue contre les dents, léchage sonore des babines, mimiques diverses pas toutes sonores, paroles qui lui passent par la tête, imitation, très drôle, de Donald Duck, roucoulements, amples respirations, expirations modulées, vibrations diverses de la gorge, tapes sur les joues, enfoncement de la langue dans les joues, grattements de la barbe très amplifiés, fermeture très outrée des lèvres, clapotements d’on ne sait pas d’où ils viennent, rythmes de gorge divers, circulation bruyante de la salive dans les bajoues, hésitations puis de nouveau, murmures et conciliabules, sifflements de comptines et de Nursery Rhymes, bref un arsenal assez exhaustif de ventriloquie bouche ouverte.

    Le délicieux vieux monsieur anglais et la belle dame ont l’air de très bien s’entendre que c’en est fusionnel entre eux, ils se relancent sans cesse, s’interrogent en commun, tentent, essayent, ratent, essayent encore, ratent encore, ratent mieux, divaguent et digressent, reviennent au carré un, recommencent, sautent des passages, improvisent et inventent, dialoguent, ne sont pas d’accord sur tout, mais s’entendent sur l’essentiel, démarrent au car de Tours, ou manquent de concert le train pour Caen, essayent des nouveaux trucs, cherchent à étonner, séduire désarçonner l’autre, hésitent, ne peuvent plus avancer mais avancent, se jettent dans le vide ensemble mais ne tombent pas, se relèvent, partent en croisière sans quitter le port, partent à la pêche au gros et trouvent des champignons, partent à la chasse et gardent leur place, échangent des points de vue, pèsent et soupèsent, trient ou mélangent c’est selon, assemblent et construisent, puis démolissent avec de grands gestes empressés ou au contraire sabotent en silence, échangent de place sans bouger ? ce qui n’est pas le plus piètre de leurs tours, quand on ne sait plus bien qui produit quelle sonorité ? se disputent et se rabibochent, s’aiment et s’admirent même, se sourient, rient sous cape, ont peur, n’ont plus peur, affrontent les grandes décisions, partent mais ne bougent pas. Rideau.

    C’est ensuite une jeune femme qui se joint au vieux monsieur anglais, Audrey Chen, et là pareil, mais à deux et sans piano, amples respirations, expirations modulées, appeaux vocaux, chant, charabia, chuchotements, chuintements, circulation bruyante de la salive dans les bajoues, clapotements d’on ne sait pas d’où ils viennent, claquements de la langue, claquements des dents, enfoncement de la langue dans les joues, expectorations, fermeture très outrée des lèvres, fredonnements, grattements de la barbe très amplifiés, grincement des dents, hésitations puis de nouveau, imitation, très drôle, de grimaces de Donald Trump, imitations, léchage sonore des babines, mimiques diverses pas toutes sonores, murmures et conciliabules, paroles inaudibles, paroles qui lui passent par la tête, percussion de la langue contre les dents, percussion des cordes vocales, raclements de gorge, reniflements, respirations exaltées, roucoulements, rythmes de gorge divers, sifflements de comptines et de Haïkus de Ryôkan, sifflements, soupirs, tachycardie, tapes sur les joues, vibrations diverses de la gorge, vocalises, essais et débats à propos de la ventriloquie en milieu ouvert, on dira que la jeune femme a plus de capacités, notamment purement sonore, mais elle n’a pas encore l’imagination débridée du vieux monsieur.

    Pause d’un quart qui dure une demi-heure.

    Ensuite ils ont fait un peu comme on fait au bureau, une réunion de synthèse mais ils sont cependant procédé très différemment, d’abord le patron si tant est qu’il y en est un, disons que ce soit Phil Minton, puissance invitante est resté en retrait pour bien écouter Sophie Agnel jouer avec Audrey Chen, puis quand elles étaient bien lancées sur un bon rythme de croisière pour ce qui est d’affronter les grandes décisions, assembler et construire, avoir peur, chercher à étonner, démarrer au car de Tours, désarçonner l’autre, dialoguer, digresser, divaguer, échanger de place sans bouger, échanger des points de vue, essayer des nouveaux trucs, essayer encore, essayer, hésiter, improviser, inventer, mais avancer, mais ne pas tomber, mais s’entendre sur l’essentiel, ne pas être d’accord sur tout, ne plus avoir peur, ne plus pouvoir avancer, ou au contraire saboter en silence, ou manquer de concert le train pour Caen, partir, partir à la chasse et garder sa place, partir à la pêche au gros et trouver des champignons, partir en croisière sans quitter le port, peser et soupeser, puis démolir avec de grands gestes empressés, rater encore, rater mieux, rater, recommencer, revenir au carré un, rire sous cape, s’admirer même, s’aimer, s’interroger en commun, sauter des passages, se disputer, se jeter dans le vide ensemble, se rabibocher, se relancer sans cesse, se relever, se sourire, séduire, tenter, trier ou mélanger c’est selon, il est venu progressivement ajouter son grain de sel qui ne manquait pas de sel et emmener, les trois ensemble, ce trio vers des rivages inconnus, pas tous beaux, certains oui, tous inconnus, jamais foulés. Rideau.

    Tonnerre d’applaudissements. Mérités. Je suis reparti des Instants en empochant vivement le disque de Phil Minton avec Sophie Agnel que j’écoute en boucle depuis et donc depuis je vis dans un monde infiniment décalé, un monde dans lequel les objets ne produisent pas les sonorités que l’on attend d’eux, une verre en tombant et en se brisant fait le bruit du vent qui lorsque ce dernier souffle et me décoiffe produit le son de mes doigts sur le clavier lequel me renvoie des chants d’oiseaux, lesquels en piaillant font des bruits de démarreurs poussifs un matin d’hiver, monde curieux dans lequel les uns et les autres échangent librement dans des langues de Pentecôte, des lambeaux d’affiche sur les panneaux de la ville ont tenté, un moment, sans succès d’attirer notre attention sur la nécessité de remplacer l’ancien chef par un nouveau chef, nous les ignorons tous en suivant, médusés, les mimiques du vieux monsieur anglais délicieux.

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    J – 90 : C’est souvent que je pense et repense au livre de Peter Handke, Essai sur la journée réussie , qui pour moi aura longtemps été une manière de modus vivendi, peut-être pas autant que Mon Année dans la baie de personne , mais malgré tout une référence. J’aime, par-dessus tout, cette idée qu’il faut réussir sa journée. Que c’est une manière d’œuvre. Qu’il faut pour cela déployer les mêmes moyens que ceux que l’on met en branle qui pour un texte réussi, qui pour une sculpture réussie, qui pour une image réussie, qui pour une musique réussie et dans cette forme très singulière de la réussite que l’on soit son seul juge impartial. J’ai même essayé il y a un an, quand j’avais réarrangé ma chambre après le funeste été 2015 et son invasion de punaises de lit, de laisser le livre un peu en évidence, comme je le fais d’autres livres dont j’aime bien soit la couverture en elle-même, c’est par exemple le cas de la Perte de l’image de Peter Handke avec sa photographie d’Arnaud Class, effet de décoration un peu stupide dans mon cas puisque je dispose de l’originale, je sais c’est idiot, ou encore Breakdows d’Art Spiegelman, Les Américains de Robert Frank, Mon Année dans la baie de personne de Peter Handke, naturellement le Temps retrouvé de Marcel Proust, on ne se refait pas, mais aussi Les Saisons de Maurice Pons, La Chambre claire de Roland Barthes et en fait toutes sortes d’objets aussi, parmi lesquels, en plus des œuvres au mur, une immense tête de lièvre en céramique de Martin, et des ailerons de requins dont quelques-uns en céramique, les autres en pâte à modeler et j’espérais que la simple vue du titre de ce livre en me levant agirait chaque fois comme une admonestation à une telle réussite et tout ce que cela demandais finalement d’effort.

    Mais comme l’explique si clairement Peter Handke, c’est souvent le hasard qui réussit la journée pour nous, et ce n’est pas juste une manière d’enchainements heureux, de dispositions des petits astres de notre journée selon des alignements prometteurs qui est la traduction du hasard, je pense qu’au contraire il s’agit d’une disposition d’esprit, quelque chose qui aurait à voir avec notre capacité d’accueil de la nouveauté. Là c’est moi qui extrapole, Handke est plus engagé dans des enjeux littéraires notamment des ingrédients de la journée réussie.

    Par exemple, cela fait quelques temps que j’ai décidé de me moquer éperdument du jour de la semaine, non pas l’ignorer mais décider une mauvaise fois pour toutes qu’il n’y avait pas de journées noires parce qu’elles étaient mangées par le travail en open space ou encore qu’il pouvait se produire que je ne fasse pas grand-chose d’un samedi ou d’un dimanche au cours desquels j’étais seul et sans enfants à la maison et que si cela me chantait d’écouter de la musique ou de bouquiner tout du long du week-end en buvant des hectolitres de café, be it. Il importait en revanche que je sois accueillant de ce qui viendrait qu’un lundi matin en arrivant au travail, au lieu d’être morose de me réjouir d’une joie simple d’être parvenu à me garer dans la dernière place du parking, dans le troisième sous-sol tout au fond, sans manœuvre et en roue libre tout du long. Que cela en soi était une réussite exemplaire, de noter que j’y étais parvenu en écoutant les Variations Golberg de Bach, et du coup de me connecter un peu plus vaillant que d’autres fois à mon poste de travail, après tout pourquoi pas ? en soi ce n’était pas plus idiot comme désir d’une émancipation minuscule que cet autre chantier que je conduisais par ailleurs, à savoir tout ignorer de la campagne électorale en cours, désormais certain que ce qui serait présenté comme des faits immenses seraient en fait des taupinières et qu’au contraire rien de ce qui importe ne serait abordé, juste par acquis de conscience, rassurez-moi, est-ce que le moindre des candidats à cette mascarade aborde quotidiennement le sujet des réfugiés ou encore celui de la politique carcérale ou encore de l’évasion fiscale ou bien encore de la part de la dette odieuse qui écrase els fiances publiques ? non sans doute pas. Je fais donc bien de continuer à ignorer toutes ces gesticulations et à poursuivre mes petites expériences d’émancipation minuscule.

    Et à défaut de réussir toute la journée aujourd’hui, je pense que j’aurais au moins réussi ma pause méridienne, j’ai aimé, comme chaque midi arriver dans les tout premiers et bénéficier de ce fait d »un réfectoire encore calme et non saturé par la brouhaha de discussions qui toutes ne me font pas plaisir pour le peu que j’en capte, j’ai aimé mon filet de poisson et ses carottes bicolores, j’ai aimé la salade de cœurs d’artichaut et la part d’ananas, j’ai aimé ressortir de la cantine au moment même où cette dernière allait bientôt être saturée par le vacarme collectif, j’ai aimé le tour du pâté de maison que j’ai fait, en prenant quelques photographies à l’aide du téléphone de poche offert par Clémence pour mon anniversaire, j’ai aimé m’arrêter au Bistro du Marché pour prendre un café au comptoir, j’ai aimé tomber par hasard — c’est à cet endroit précis que le hasard a frappé avec grâce — lire cet article du journal Libération qui trainait sur le comptoir et que je n’ai pas eu à ouvrir puisque l’article que j’ai lu était le portrait en dernière page de Cédric Herrou, je n’ai pas aimé la photographie mise en scène de ce portrait, l’article lui était plus neutre et meilleur, mais j’ai aimé cette petite lecture le temps d’avaler mon café, j’ai aimé boucler le tour du pâté de maison en photographiant mes premières affiches détournées de cette campagne électorale, c’est idiot mais je ne demande pas de plus grande récréation visuelle que celle de quelques affiches arrachées t les formes qu’elles produisent par hasard à la manière des travaux de Raymond Hains et Jacques Villeglé. J’ai aimé échanger quelques messages textuels avec Madeleine qui m’informe qu’elle n’a pas trop mal réussi son épreuve de bac blanc d’histoire géo, non sans redouter un hors sujet, j’ai ironisé avec elle sur le faut que l’on ne pouvait pas être hors sujet en histoire que l’histoire n’avait ni de début ni de fin, cela nous a bien fait rire.

    Et je suis remonté au travail, prendre note de tout cela. J’ai un peu réfléchi à la question du repas de ce soir, je pense que je vais faire une quiche et je me suis fait toute une joie d’aller au concert ce soir aux Instants écouter Phil Minton, qui plus est en duo avec Sophie Agnel.

    Après tout ce n’était peut-être pas que la pause méridienne qui était réussie.

    #qui_ca