Fanatisme, religion et philosophie, entretien avec Philippe Granarolo

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    Il me semble entendre derrière votre question l’écho d’une formule souvent répétée : « On ne saurait mourir pour la laïcité ». Puisqu’en effet il ne saurait être question d’instaurer je ne sais quelle « #religion laïque », la question est de savoir si nous pouvons oui ou non vivre sans religion. Dans le chapitre intitulé « La fin d’une longue amnésie », je dialogue à ce propos avec Régis Debray dont les ouvrages ont toujours retenu mon attention. Ou bien le politologue a raison, il ne peut y avoir rassemblement humain sans le ciment d’une croyance fondatrice qui relie les membres du groupe, croyance sans rapport aucun avec la « vérité », comme l’affirmait initialement la Critique de la raison politique en 1981, la seule fonction et la seule efficience de la croyance fondatrice étant de transformer en corps social des individus épars. Ou bien Régis Debray se trompe : quelque chose d’autre qu’une croyance aveugle est capable de nous rassembler. C’est la thèse que je défends.
    Concrètement, comment une société réunie en dehors de la croyance peut-elle lutter contre des individus englués dans le fanatisme ? Négativement, en ne se laissant pas piégée dans l’obsession sécuritaire. La première des citations que je place en exergue de mes chapitres est une formule d’Hubert Védrine : « Le fait qu’on se soit convaincus que le terrorisme était la menace principale a fait beaucoup de mal à nos sociétés ». Tout en exigeant de l’État qu’il mette en œuvre tous les moyens dont il dispose pour nous protéger, nous devons nous faire à l’idée que sécuriser la totalité de nos territoires est mission impossible. Il nous faut apprendre à intégrer la menace terroriste dans nos vies quotidiennes. Positivement, en augmentant considérablement l’effort éducatif dans les territoires oubliés de la République. En nous exhortant à nous flageller, à pratiquer continument la repentance, certains ont fourni leurs meilleures armes aux idéologues de l’islamisme radical. Nous devons être convaincus de la qualité humaine de notre modèle culturel : au nom de quoi chercher à le transmettre et à le partager si nous-mêmes doutons de sa valeur ?