• Subprime Attention crisis : la publicité ciblée ne fonctionne pas
    https://www.ladn.eu/tech-a-suivre/data-big-et-smart/publicite-ciblee-moteur-economique-web-arnaque

    Dans son livre Le grand krach de l’attention, Tim Hwang explique que la publicité ciblée, le moteur économique d’une grande partie du web, est survalorisée et à l’origine d’une bulle financière qui pourrait mettre en péril l’économie. Interview.

    Cette interview a initialement été publiée le 21 octobre 2020, date de la publication de Subprime Attention Crisis, puis mise à jour le 25 février 2022 à l’occasion de la publication de sa version française Le grand krach de l’attention (C&F Éditions).

    #Tim_Hwang #Attention #Publicité

  • Qui sont les étudiants qui gagnent de l’argent en vendant leurs données ?
    https://www.ladn.eu/tech-a-suivre/data-big-et-smart/etudiant-vendre-donnees-tadata-weward

    De jeunes étudiants et étudiantes téléchargent des applications comme TaData, WeWard et SweatCoin. Elles leur permettent de gagner un maigre butin en échange de leurs données personnelles.

    Fini le dog-sitting et la tonte de pelouse : pour gagner de l’argent de poche certains GenZers préfèrent monnayer leurs données personnelles. Ce nouveau petit boulot du web peu cher payé se fait via des applications comme TaData, WeWard, Vazee ou encore SweatCoin.

    Lise (les prénoms ont été modifiés), 21 ans, étudiante en master à Sciences Po, utilise TaData, une plateforme spécialement ciblée pour les (très) jeunes : 15-25 ans. Depuis deux mois, elle se connecte régulièrement à l’appli pour répondre à des formulaires marketing. « Il s’agit la plupart du temps de questionnaires sur nos préférences de consommation (types de musique que j’aime écouter, quel électroménager je souhaite acheter…). Je reçois une notification dès qu’un nouveau questionnaire est en ligne, et je le fais, ça prend moins de 5 minutes », explique-t-elle. Bilan des courses ? Une quinzaine d’euros, pas de quoi remplir le frigo, mais la somme « n’est pas négligeable », « surtout quand on est étudiant », estime Lise.

    #Données_personnelles #TaData #Arnaque_attentionnelle #Boulots_de_merde #Neolibéralisme #Libertarianisme

  • Christopher Wylie : interview du lanceur d’alerte de Cambridge Analytica
    https://www.ladn.eu/tech-a-suivre/data-big-et-smart/christopher-wylie-cambridge-analytica-menaces-democraties

    Une parole publique confisquée

    Hyper-segmentation, profilage psychologique, exploitation des biais cognitifs des individus pour activer les recoins les plus sombres de la psyché. Les techniques imaginées et mises en œuvre par Cambridge Analytica continuent d’être appliquées, autant par des entreprises que des gouvernements. Pour Christopher Wylie, elles ont très largement contribué à fragmenter durablement les groupes sociaux. « Ces méthodes sont essentiellement de la ségrégation. Les individus deviennent incapables d’éprouver le sentiment de cohésion, d’identité commune partagée qui est le propre de toute nation », prévient-il. À moins de cinquante jours de la prochaine élection présidentielle américaine, et alors que d’autres élections majeures se déroulent en Bolivie, au Chili ou au Burkina Faso cet automne, le lanceur d’alerte estime que les menaces qui pèsent sur les démocraties sont importantes.

    Plus encore, cette affaire a permis de révéler le phénomène très inquiétant de la privatisation du discours politique et de la parole publique. Lorsqu’une entreprise est capable de s’immiscer dans la vie quotidienne des gens, en agrégeant des centaines de kilos octets de données à leur sujet, et qu’elle est aussi en mesure de les écouter en temps réel via la somme d’objets connectés qui compose désormais notre environnement quotidien, alors le débat public perd de sa vigueur pour ne devenir qu’une somme de conversations privées. « La parole et le débat public sont des piliers des démocraties », rappelle le lanceur d’alerte. Mais on le voit aujourd’hui : la majorité des discussions qui ont trait à des sujets publics, comme la gestion de la pandémie, se tiennent sur des plateformes privées comme Facebook. « A-t-on vraiment envie de confier la gestion de la parole publique à un milliardaire de la Silicon Valley ? A-t-on vraiment envie de faire de Mark Zuckerberg le seul arbitre de nos prises de décision politiques, et donc in fine de notre processus électoral ? La fonction publique est trop importante pour qu’on la confie à une entreprise privée. »

    Ethique : aucun standard pour les ingénieurs

    Pour résoudre l’équation qui consiste à encadrer les GAFAM, sans renoncer pour autant aux produits et services qu’ils proposent, Christopher Wylie propose de renverser la perspective. Plutôt que de s’attaquer à la structure, il propose de repartir des produits, et de ceux qui les conçoivent. « Les produits Facebook sont conçus par des ingénieurs, des designers-produit, des data scientist. Or, à l’inverse de leurs collègues d’autres secteurs, comme l’aéronautique ou la construction, ces derniers n’ont aucun cadre éthique auquel se référer. La construction d’un avion ou d’un bâtiment repose sur des cahiers des charges précis, il doit en être de même pour les produits des plateformes digitales ».

    Qu’est-ce qu’un code sûr et respectueux des utilisateurs ? Quels sont les standards minimums de sécurité ? Quel encadrement éthique pour les architectes de ces plateformes ? Autant de questions qui ne trouvent pas de traduction dans les chartes d’entreprise des géants du numérique. « Si un ou une employé·e se rend compte que son employeur lui demande de construire un produit qui n’est pas conforme aux standards éthiques, son droit d’opposition doit être sanctuarisé », rajoute le lanceur d’alerte, qui a lui-même du ferrailler contre Cambridge Analytica dans les premiers moments de son parcours de lanceur d’alerte. « Les décideurs et les ingénieurs des grandes entreprises du numérique étant majoritairement blancs et privilégiés, il est indispensable d’avoir des équipes les plus diverses possible pour réfléchir à ce cadre éthique. L’inclusivité permet d’envisager les risques et les failles sous des perspectives plus riches et complémentaires ».

    #Cambridge_analytica #Christopher_Wylie #Industrie_influence #Facebook

  • Le Web a 30 ans. Et non, il n’était pas forcément mieux avant
    30 ans du Web : le revenge porn et les cyber-attaques ne sont pas nouveaux
    https://www.ladn.eu/tech-a-suivre/data-big-et-smart/meilleur-comme-pire-30-ans-web

    Le Web fête ses trente ans. Son anniversaire fait resurgir l’idée que le Web utopique du départ aurait glissé vers une version cauchemardesque. Cette conviction doit être relativisée. L’historienne Valérie Schafer rappelle que les conduites criminelles existent depuis les débuts, tout comme les initiatives visant à en faire un espace où règne créativité et égalité.

    Cela ne vous aura pas sans doute pas échappé, le Web fête ses trente ans aujourd’hui. Un anniversaire célébré en demi-teinte. Beaucoup de publications dénoncent ce que le Web est devenu : un espace perverti par la haine et une forme de capitalisme de surveillance. Dans une tribune Medium, l’un de ses créateurs, l’informaticien Tim Berners-Lee, estime que le Web souffre d’importants dysfonctionnements et qu’il convient de le sauver.
    Non le Web, c’était pas forcément mieux avant

    Si la haine sur les réseaux nous semble particulièrement prégnante aujourd’hui, l’idée d’un Web utopique à ses débuts devenu cauchemardesque doit être relativisée. « Le cyberharcèlement, les spams… existent déjà sur Internet, dans les mails, les forums, avant même le Web. Les premiers spams apparaissent dans les années 1970 », explique l’historienne Valérie Schafer.

    « Quand le Web se développe en France, il est accompagné au milieu des années 1990 d’une vague de procès, avec les premières plaintes de l’Union des étudiants juifs de France et de la Licra pour incitation à la haine raciale, mais aussi des affaires touchant à des contenus à caractère pédophile, ou encore la circulation d’une recette de fabrication de bombe sur Internet », raconte la spécialiste de l’histoire du numérique. France 2 consacrera même un reportage à cette recette de bombe en août 1995.
    Premier cas de revenge porn dans les 90s

    Même les premiers cas de « revenge porn » apparaissent dans années 1990. « Le Tribunal de Grande Instance de Privas se prononce en 1997 sur le cas d’un étudiant en informatique, qui a diffusé sur Internet des photographies à caractère pornographique de son ex petite amie accompagnées d’un commentaire sur "les mœurs" de celle-ci », précise Valérie Schafer.

    La violence sur les réseaux existe donc déjà depuis la création du Web. Dans une tribune Médium, Tim Berners-Lee convient lui-même qu’il sera difficile d’éradiquer ces comportements, même s’il est possible de les minimiser à l’aide de lois. Mais l’informaticien se montre sceptique vis-à-vis des projets législatifs visant à réguler les échanges sur les réseaux comme le règlement antiterroriste. Il estime, dans une interview au Monde, qu’ils pourraient conduire à la mise en place d’outils de censure massive. Et c’est l’un des paradoxes : faire d’Internet un endroit meilleur, plus apaisé, tout en évitant de trop le réguler.

    Le créateur du Web estime toutefois qu’il est possible de le « sauver » en jouant sur d’autres dysfonctionnements. Le fait que le Web repose en grande partie sur la publicité et la vente de données, notamment. Il encourage la population mondiale à se réunir autour d’un « contrat pour le Web » pour « discuter de ce dont nous avons besoin pour en faire un endroit meilleur et plus ouvert », explique-t-il au Monde. Mais peu d’actions très concrètes ressortent de son discours. Si ce n’est donner la possibilité aux gens de contrôler et de se servir de leurs données.
    Wikipedia, symbole d’un Web du partage

    La volonté de construire un cyberespace respectueux, libre et pas uniquement basé sur des échanges commerciaux n’est pas nouvelle. « Fondé sur l’ouverture, la gratuité, la participation, Wikipedia, qui démarre en 2001, incarne bien des valeurs d’un Web de l’information et du partage », évoque Valérie Schafer.

    Un certain nombre d’associations cherchent à préserver les valeurs d’Internet et du Web depuis sa création. A l’image de « l’Electronic frontier foundation créée dès les années 1990 », précise Valérie Schafer. Ou « Framasoft créée en 2001 et dont les outils proposent des alternatives à ceux des GAFAM en proposant de "Dégoogliser" Internet » et en promouvant le logiciel libre. »

    De multiples exemples montrent qu’égalité et créativité sont bien vivants sur le Web. Mais les préserver demande, selon Valérie Schafer, « une prise de conscience et des choix, de la part des internautes, des politiques en passant par les acteurs techniques et économiques. »

    #Histoire_numérique #Web #Valérie_Schafer