• Projet de loi « immigration » : les députés rétablissent l’aide médicale d’Etat
    https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/11/29/projet-de-loi-immigration-les-deputes-retablissent-l-aide-medicale-d-etat_62

    Projet de loi « immigration » : les députés rétablissent l’aide médicale d’Etat
    Gérald Darmanin, qui porte le projet de loi, a qualifié la suppression de l’AME par une majorité de sénateurs de « cavalier législatif évident ».
    Le Monde avec AFP
    Les députés ont supprimé, mercredi 29 novembre, à une très grande majorité, un article introduit par les sénateurs qui entendait transformer l’aide médicale d’Etat (AME) en une simple aide médicale d’urgence (AMU), dans le projet de loi « immigration ».
    « La commission des lois de l’Assemblée nationale vient de rétablir l’aide médicale d’Etat. C’était indispensable. C’est une position juste et forte pour un dispositif indispensable, efficace et évalué de santé publique », a réagi le ministre de la santé, Aurélien Rousseau, sur le réseau social X.
    Le rapporteur général du projet de loi, Florent Boudié (Renaissance), a souligné qu’il s’agissait d’une question relevant de la « santé des individus », mais aussi d’une « question de santé collective ». Il ne s’agit cependant pas de « fermer le débat ». Un rapport sur le sujet, rédigé par Patrick Stefanini et Claude Evin, doit être remis le 4 décembre. Ce rejet n’est pas une surprise, la majorité ayant dès le départ dit qu’elle ne conserverait pas cette disposition qui transformait l’AME en AMU. Il s’agit d’un « cavalier législatif évident », a réaffirmé mercredi le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, c’est-à-dire une disposition n’ayant pas de lien direct avec le texte et susceptible, à ce titre, d’être rejetée par le Conseil constitutionnel.Président du groupe Horizons à l’Assemblée, Laurent Marcangeli a lui aussi estimé que la mesure n’avait pas sa place dans le cadre du texte immigration, et a demandé que, « rapidement, la première ministre fixe les conditions de ce débat, pourquoi pas à l’occasion d’une loi de finances rectificative ».
    La gauche a unanimement dénoncé la mesure. Supprimer l’aide médicale d’Etat serait « dangereux médicalement, absurde économiquement, indigne moralement », a estimé le président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, Boris Vallaud. Le budget de l’AME représente « 0,5 % du budget de la Sécu », une « goutte d’eau dans l’océan », a de son côté affirmé Benjamin Lucas, du groupe écologiste. Seuls Les Républicains (LR) et le Rassemblement national (RN) étaient favorables à cette suppression, proposée par Marine Le Pen depuis « de très nombreuses années », comme l’a rappelé le député RN Yoann Gillet. Le Sénat avait approuvé en première lecture, début novembre, le remplacement de l’aide médicale d’Etat par une aide médicale d’urgence, avec un panier de soins réduit et recentré sur la prise en charge des soins urgents, des maladies graves, des douleurs aiguës, des soins liés à la grossesse ou encore des vaccinations.

    #Covid-19#migrant#migration#france#loimigration#AME#debatparlementaire#sante#santepublique#immigration#migrationirreguliere

  • Le #Niger défie l’Europe sur la question migratoire

    En abrogeant une #loi de 2015 réprimant le trafic illicite de migrants, la junte au pouvoir à Niamey met un terme à la coopération avec l’Union européenne en matière de contrôles aux frontières.

    En abrogeant une loi de 2015 réprimant le trafic illicite de migrants, la junte au pouvoir à Niamey met un terme à la coopération avec l’Union européenne en matière de contrôles aux frontières.

    L’épreuve de force est engagée entre le Niger et l’Union européenne (UE) sur la question migratoire. La junte issue du coup d’Etat de juillet à Niamey a fait monter les enchères, lundi 27 novembre, en abrogeant une loi datant de 2015, pénalisant le #trafic_illicite_de_migrants.

    Ce dispositif répressif, un des grands acquis de la coopération de Bruxelles avec des Etats africains, visant à endiguer les flux migratoires vers la Méditerannée, est aujourd’hui dénoncé par le pouvoir nigérien comme ayant été adopté « sous l’influence de certaines puissances étrangères » et au détriment des « intérêts du Niger et de ses citoyens ».

    L’annonce promet d’avoir d’autant plus d’écho à Bruxelles que le pays sahélien occupe une place stratégique sur les routes migratoires du continent africain en sa qualité de couloir de transit privilégié vers la Libye, plate-forme de projection – avec la Tunisie – vers l’Italie. Elle intervient au plus mauvais moment pour les Européens, alors qu’ils peinent à unifier leurs positions face à la nouvelle vague d’arrivées qui touche l’Italie. Du 1er janvier au 26 novembre, le nombre de migrants et réfugiés ayant débarqué sur le littoral de la Péninsule s’est élevé à 151 312, soit une augmentation de 61 % par rapport à la même période en 2022. La poussée est sans précédent depuis la crise migratoire de 2015-2016.

    Inquiétude à Bruxelles

    La commissaire européenne aux affaires intérieures, la Suédoise Ylva Johansson, s’est dite mardi « très préoccupée » par la volte-face nigérienne. La décision semble répondre au récent durcissement de l’UE à l’égard des putschistes. Le 23 novembre, le Parlement de Strasbourg avait « fermement condamné » le coup d’Etat à Niamey, un mois après l’adoption par le Conseil européen d’un « cadre de mesures restrictives », ouvrant la voie à de futures sanctions.

    « Les dirigeants à Niamey sont dans une grande opération de #chantage envers l’UE, commente un diplomate occidental familier du Niger. Ils savent que le sujet migratoire est source de crispation au sein de l’UE et veulent ouvrir une brèche dans la position européenne, alors qu’ils sont asphyxiés par les #sanctions_économiques décidées par la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest [Cedeao]. Il ne leur a pas échappé que l’Italie est encline à plus de souplesse à leur égard, précisément à cause de cette question migratoire. »
    Mais le #défi lancé par la junte aux pays européens pourrait être plus radical encore, jusqu’à s’approcher du point de rupture. « La décision des dirigeants de Niamey montre qu’ils ont tout simplement abandonné toute idée de négocier avec l’UE à l’avenir, souligne une autre source diplomatique occidentale. Car un retour en arrière serait extrêmement difficile après l’abrogation de la loi. Ils montrent qu’ils ont choisi leur camp. Ils vont désormais nous tourner le dos, comme l’ont fait les Maliens. Ils ont abandonné leur principal point de pression avec l’UE. »

    Si l’inquiétude monte à Bruxelles face à un verrou migratoire en train de sauter, c’est le soulagement qui prévaut au Niger, où les rigueurs de la loi de 2015 avaient été mal vécues. Des réactions de satisfaction ont été enregistrées à Agadez, la grande ville du nord et « capitale » touareg, carrefour historique des migrants se préparant à la traversée du Sahara. « Les gens affichent leur #joie, rapporte Ahmadou Atafa, rédacteur au journal en ligne Aïr Info, installé à Agadez. Ils pensent qu’ils vont pouvoir redémarrer leurs activités liées à la migration. »

    Les autorités locales, elles aussi, se réjouissent de cette perspective. « Nous ne pouvons que saluer cette abrogation, se félicite Mohamed Anako, le président du conseil régional d’#Agadez. Depuis l’adoption de la loi, l’#économie_régionale s’était fortement dégradée. »

    Il aura donc fallu huit ans pour que le paradigme des relations entre l’UE et le Niger change du tout au tout. Le #sommet_de_La_Valette, capitale de Malte, en novembre 2015, dominé par la crise migratoire à laquelle le Vieux Continent faisait alors face dans des proportions inédites, avait accéléré la politique d’externalisation des contrôles aux frontières de l’Europe. Les Etats méditerranéens et sahéliens étaient plus que jamais pressés de s’y associer. Le Niger s’était alors illustré comme un « bon élève » de l’Europe en mettant en œuvre toute une série de mesures visant à freiner l’accès à sa frontière septentrionale avec la Libye.

    Satisfaction à Agadez

    A cette fin, le grand architecte de ce plan d’endiguement, le ministre de l’intérieur de l’époque – #Mohamed_Bazoum, devenu chef d’Etat en 2021 avant d’être renversé le 26 juillet – avait décidé de mettre en œuvre, avec la plus grande sévérité, une loi de mai 2015 réprimant le trafic illicite de migrants. Du jour au lendemain, les ressortissants du Sénégal, de Côte d’Ivoire, du Mali ou du Nigeria ont fait l’objet d’entraves administratives – le plus souvent en contradiction avec les règles de #libre_circulation prévues au sein de la Cedeao – dans leurs tentatives de rallier Agadez par bus en provenance de Niamey.
    Dans la grande ville du Nord nigérien, le gouvernement s’était attaqué aux réseaux de passeurs, au risque de fragiliser les équilibres socio-économiques. L’oasis d’Agadez, par où avaient transité en 2016 près de 333 000 migrants vers l’Algérie et la Libye, a longtemps profité de ces passages. Ultime porte d’accès au désert, la ville fourmillait de prestataires de « services migratoires » – criminalisés du jour au lendemain –, guidant, logeant, nourrissant, équipant et transportant les migrants.

    Avec la loi de 2015, « l’ensemble de la chaîne de ces services à la migration s’est écroulé », se souvient M. Anako. Le coup a été d’autant plus dur pour les populations locales que, dans les années 2010, la floraison de ces activités était venue opportunément compenser l’effondrement du tourisme, victime des rébellions touareg (1990-1997 et 2007-2009), puis du djihadisme. A partir de 2017, Agadez n’était plus que l’ombre d’elle-même. Certains notables locaux se plaignaient ouvertement que l’Europe avait réussi à « imposer sa frontière méridionale à Agadez ».

    Aussi, l’abrogation de la loi de 2015 permet à la junte de Niamey de faire d’une pierre deux coups. Outre la riposte à l’Europe, elle rouvre des perspectives économiques dans une région où les partisans du président déchu, M. Bazoum, espéraient recruter des soutiens. « Il y a à l’évidence un “deal” pour que les Touareg d’Agadez prêtent allégeance à la junte », relève le diplomate occidental.

    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/11/28/le-niger-defie-l-europe-sur-la-question-migratoire_6202814_3212.html
    #externalisation #asile #migrations #réfugiés #abrogation #contrôles_frontaliers #coopération #arrêt #UE #EU #Union_européenne #économie #coup_d'Etat #loi_2015-36 #2015-36

    ping @karine4

    • Sur la route de l’exil, le Niger ne fera plus le « #sale_boulot » de l’Europe

      La junte au pouvoir à Niamey a annoncé l’abrogation d’une loi de 2015 qui criminalisait l’aide aux personnes migrantes. Un coup dur pour l’Union européenne, qui avait fait du Niger un partenaire central dans sa politique d’externalisation des frontières. Mais une décision saluée dans le pays.

      DepuisDepuis le coup d’État du 26 juillet au Niger, au cours duquel l’armée a arraché le pouvoir des mains de Mohamed Bazoum, qu’elle retient toujours au secret, c’était la grande crainte des responsables de l’Union européenne. Les fonctionnaires de Bruxelles attendaient avec angoisse le moment où Niamey mettrait fin à l’une des coopérations les plus avancées en matière d’externalisation des contrôles aux frontières.

      C’est désormais devenu une réalité : le 25 novembre, le régime issu du putsch a publié une ordonnance qui abroge la loi n° 2015-36 relative au « trafic illicite de migrants » et qui annule toutes les condamnations prononcées dans le cadre de cette loi.

      Le gouvernement de transition a justifié cette décision par le fait que ce texte avait été adopté en mai 2015 « sous l’influence de certaines puissances étrangères » et au détriment des « intérêts du Niger et de ses citoyens », et qu’il entrait « en contradiction flagrante » avec les règles communautaires de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao).

      La commissaire européenne aux affaires intérieures, la Suédoise Ylva Johansson, s’est dite « très préoccupée » par cette décision qui intervient alors que les relations entre l’Europe et le Niger sont tendues : le 23 octobre, le Conseil européen avait adopté un « cadre de mesures restrictives » ouvrant la voie à de possibles sanctions contre le régime putschiste, et le 23 novembre, le Parlement européen a « fermement » condamné le coup d’État.

      Pour l’UE et sa politique antimigratoire, c’est une très mauvaise nouvelle, d’autant que les arrivées en provenance du continent africain ont, selon l’agence Frontex, sensiblement augmenté en 2023. La loi 2015-36 et la coopération avec le Niger étaient au cœur de la stratégie mise en œuvre depuis plusieurs années pour endiguer les arrivées d’exilé·es sur le sol européen.

      Mais au Niger, l’abrogation a été très bien accueillie. « C’est une mesure populaire, indique depuis Niamey un activiste de la société civile qui a tenu à rester anonyme. Cette loi n’a jamais été acceptée par la population, qui ne comprenait pas pourquoi le gouvernement nigérien devait faire le sale boulot à la place des Européens. »
      Satisfaction à Agadez

      À Agadez, grande ville du Nord qui a été la plus touchée par la loi de 2015, le soulagement est grand. « Ici, c’est la joie, témoigne Musa, un habitant de la ville qui a un temps transporté des migrant·es. Les gens sont très contents. Beaucoup de monde vivait de cette activité, et beaucoup m’ont dit qu’ils allaient reprendre du service. Moi aussi peut-être, je ne sais pas encore. »

      Un élu de la municipalité d’Agadez indique lui aussi être « pleinement satisfait ». Il rappelle que c’était une revendication des élus locaux et qu’ils ont mené un intense lobbying ces dernières semaines à Niamey. Le président du conseil régional d’Agadez, Mohamed Anacko, a quant à lui salué « cette initiative très bénéfique pour [sa] région ».

      Satisfaction aussi au sein de l’ONG Alarme Phone Sahara, qui a pour mission de venir en aide aux migrant·es dans le désert. « Cette abrogation est une nouvelle surprenante et plaisante », indique Moctar Dan Yaye, un des cadres de l’ONG. Depuis plusieurs années, Alarme Phone Sahara militait en sa faveur. En 2022, elle a déposé une plainte contre l’État du Niger auprès de la Cour de justice de la Cedeao, dénonçant l’atteinte à la liberté de circulation de ses ressortissant·es. Mais elle pointe aussi les conséquences sur l’économie d’Agadez, « qui a toujours vécu des transports et de la mobilité », et surtout sur la sécurité des migrant·es, « qui ont été contraints de se cacher et de prendre des routes plus dangereuses alors qu’avant, les convois étaient sécurisés ».
      Avant que la loi ne soit appliquée en 2016 (à l’initiative de Mohamed Bazoum, alors ministre de l’intérieur), tout se passait dans la transparence. Chaque lundi, un convoi de plusieurs dizaines de véhicules chargés de personnes désireuses de rejoindre la Libye, escortés par l’armée, s’ébranlait depuis la gare routière d’Agadez.

      « Toute la ville en vivait, soulignait en 2019 Mahaman Sanoussi, un acteur de la société civile. La migration était licite. Les agences de transporteurs avaient pignon sur rue. Ils payaient leurs taxes comme tout entrepreneur. » En 2016, selon une étude de l’ONG Small Arms Survey, près de 400 000 migrant·es seraient passé·es par Agadez avant de rejoindre la Libye ou l’Algérie, puis, pour certain·es, de tenter la traversée de la Méditerranée.
      Le coup de frein de Bruxelles

      À Bruxelles, en 2015, on décide donc que c’est dans cette ville qu’il faut stopper les flux. Cette année-là, l’UE élabore l’Agenda européen sur la migration et organise le sommet de La Valette (Malte) dans le but de freiner les arrivées. Des sommes colossales (plus de 2 milliards d’euros) sont promises aux États du Sud afin de les pousser à lutter contre la migration. Un Fonds fiduciaire d’urgence de l’UE pour l’Afrique (EUTF) est mis en place. Et le Niger est au cœur de cette stratégie : entre 2016 et 2019, l’EUTF lui a alloué 266,2 millions d’euros – plus qu’à tout autre pays (et 28 millions supplémentaires entre 2019 et 2022).

      Ce fonds a notamment financé la création d’une unité d’élite en matière de lutte contre les migrations. Mais tout cela n’aurait pas été possible sans une loi criminalisant ceux qui aident, d’une manière ou d’une autre, les migrant·es. À Niamey, le pouvoir en place ne s’en cachait pas à l’époque : c’est sous la pression de l’UE, et avec la promesse d’une aide financière substantielle, qu’il a fait adopter la loi 2015-36 .

      Avec ce texte, celui qui permettait à une personne en exil d’entrer ou de sortir illégalement du territoire risquait de 5 à 10 ans de prison, et une amende pouvant aller jusqu’à 5 millions de francs CFA (7 630 euros). Celui qui l’aidait durant son séjour, en la logeant ou la nourrissant, encourait une peine de 2 à 5 ans.

      Après sa mise en œuvre, plus de 300 personnes ont été incarcérées, des passeurs pour la plupart, des centaines de véhicules ont été immobilisés et des milliers d’emplois ont été perdus. Selon plusieurs études, plus de la moitié des ménages d’Agadez vivaient de la migration, qui représentait en 2015 près de 6 000 emplois directs : passeurs, coxers (ou intermédiaires), propriétaires de « ghettos » (le nom donné sur place aux lieux d’hébergement), chauffeurs, mais aussi cuisinières, commerçant·es, etc. Ainsi la loi 2015-36 a-t-elle été perçue par nombre d’habitant·es comme « une loi contre Agadez ». « Vraiment, ça nous a fait mal, indique Mahamane Alkassoum, un ancien passeur. Du jour au lendemain, on n’a plus eu de source de revenu. Moi-même, je suis toujours au chômage à l’heure où je vous parle. »

      Cette loi a eu des effets : selon l’UE, les arrivées en Italie ont chuté de 85 % entre 2016 et 2019. Mais elle a aussi fragilisé les migrant·es. « Avant, dans les convois, quand il y avait un problème, les gens étaient secourus. Avec la loi, les passeurs prenaient des routes plus dangereuses, la nuit, et ils étaient isolés. En cas de problème, les gens étaient livrés à eux-mêmes dans le désert. Il y a eu beaucoup de morts », souligne Moctar Dan Yaye, sans pouvoir donner de chiffres précis.

      En outre, les « ghettos » sont devenus clandestins et les prix ont doublé, voire triplé… « Le manque de clarté de la loi et sa mise en œuvre en tant que mesure répressive – au lieu d’une mesure de protection – ont abouti à la criminalisation de toutes les migrations et ont poussé les migrants à se cacher, ce qui les rend plus vulnérables aux abus et aux violations des droits de l’homme », constatait en octobre 2018 le rapporteur des Nations unies sur les droits de l’homme des migrants, Felipe González Morales.

      Dans un rapport publié la même année, le think tank Clingendeal notait que « l’UE a contribué à perturber l’économie locale sans fournir d’alternative viable », ce qui « a créé frustration et déception au sein de la population ». L’UE a bien financé un programme de réinsertion pour les anciens acteurs de la migration. Mais très peu en ont bénéficié : 1 080 personnes sur 6 564 identifiées.

      Et encore, cette aide était jugée dérisoire : 1,5 million de francs CFA, « cela ne permet pas de repartir de zéro », dénonce Bachir Amma, un ancien passeur qui a essayé d’organiser le secteur. « L’Europe n’a pas tenu ses promesses, elle nous a trahis, renchérit Mahamane Alkassoum. Alors oui, si je peux, je reprendrai cette activité. Ce n’est pas par plaisir. Si on pouvait faire autre chose, on le ferait. Mais ici, il n’y a rien. »

      L’Europe doit-elle pour autant s’attendre à une nouvelle vague d’arrivées en provenance du Niger, comme le craint Bruxelles ? Si nombre d’anciens passeurs assurent qu’ils reprendront du service dès que possible, rien ne dit que les candidat·es à l’exil, de leur côté, retrouveront la route d’Agadez. « La situation a changé, souligne Moctar Dan Yaye. La frontière avec l’Algérie est quasi fermée et la situation en Libye a évolué. Beaucoup de véhicules ont été saisis aussi. » En outre, la plupart des États de la Cedeao d’où viennent les candidat·es à l’exil ont fermé leur frontière avec le Niger après le coup d’État.

      https://www.mediapart.fr/journal/international/021223/sur-la-route-de-l-exil-le-niger-ne-fera-plus-le-sale-boulot-de-l-europe

    • Au Niger, la loi du 26 mai 2015 n’est plus un obstacle pour les migrants de l’Afrique subsaharienne

      Le Président du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP), le Général Abdourahamane Tiani, a signé le 25 novembre 2023, une ordonnance portant abrogation de la loi du 26 mai 2015 relative au trafic des migrants. La loi abrogée prescrivait des peines d’emprisonnement allant d’un (1) à trente (30) ans et des amendes de trois (3) à 30 millions de francs CFA. Elle avait permis de démanteler des réseaux de passeurs dans le nord du Niger, favorisant ainsi le recours des migrants à d’autres réseaux encore plus dangereux qui les exposent davantage aux traitements inhumains et au péril dans le désert. Dans les zones où transitent les migrants, cette loi avait conduit au chômage plusieurs milliers d’acteurs de la filière, au détriment de l’économie locale et la quiétude dans le nord nigérien. La décision du CNSP est favorablement accueillie non seulement dans les localités de transit des migrants, mais aussi au niveau des Organisations de la société civile qui qualifiaient la loi incriminant le trafic des migrants d’instrument de violation de droits humains et du principe de libre circulation des personnes. Par ailleurs, une partie de l’opinion considère l’abrogation de la loi du 26 mai 2015 comme une réplique à l’attitude de plus en plus irritante de l’Union Européenne (UE) vis-à-vis des nouvelles autorités nigériennes. Néanmoins, certains observateurs voient en cette décision du CNSP, des perspectives de gestion plus équilibrée de la migration au Niger.

      Une réponse du berger à la bergère ?

      L’abrogation de la loi du 26 mai 2015 intervient au lendemain du vote par le parlement européen d’une résolution condamnant le coup d’état du 26 juillet 2023 et appelant à la restauration du régime déchu. Ainsi, d’aucuns estiment que cette décision des autorités nigériennes est une réplique à l’attitude de l’UE envers le nouveau régime du Niger. En effet, depuis l’avènement du CNSP au pouvoir, l’Union Européenne, principale bénéficiaire de la loi du 26 Mai 2015, dénie toute légitimité aux nouveaux dirigeants nigériens. Ce déni s’est traduit par la réduction de la coopération entre l’UE et le Niger à l’appui humanitaire, une série de sanctions ciblant les nouvelles autorités nigériennes et la récente résolution du parlement européen, entre autres. Selon le Président du Réseau National de Défense de Droits Humains (RNDDH), M. Kani Abdoulaye, cette décision du CNSP peut être considérée comme une réponse ou une réplique à la position de l’Union européenne vis-à-vis des nouveaux dirigeants du Niger. « De ce point de vue, la loi sur la migration constitue une arme redoutable pour les autorités actuelles du Niger », a estimé M. Kani Abdoulaye.

      Une loi inadaptée initiée sous l’influence de l’Union Européenne

      Dans un communiqué relatif à l’abrogation de la loi du 26 Mai 2015, le Gouvernement nigérien a rappelé que ladite loi a été adoptée en 2015 sous l’influence de certaines puissances étrangères, et qu’elle érigeait et incriminait en trafic illicite certaines activités par nature régulières. Selon le Président du RNDDH, Il y avait des accords politiques entre le Niger et l’Union Européenne et un moment l’Union Européenne a octroyé des financements au Niger dans le cadre de la lutte contre le trafic des migrants.

      Pour sa part, M. Hamadou Boulama Tcherno de l’Association Alternative Espaces Citoyens (AEC), a laissé entendre que cette loi a été écrite par le gouvernement et adoptée par le parlement sous une avalanche de pressions politique et diplomatique des pays occidentaux. « En atteste le ballet ininterrompu des dirigeants européens pour encourager les autorités de l’époque à endosser la sous-traitance de la gestion des flux migratoires », a-t-il rappelé. Le responsable de l’AEC a également estimé que l’élaboration de cette loi a largement été inspirée, sinon dictée par des experts de l’UE et que son adoption est une réponse positive à l’agenda de l’UE visant à stopper les arrivées des migrants, notamment africains aux frontières de l’espace Schengen. « En effet, au fil des ans, l’UE a réussi le tour de magie de ramener ses frontières juridiques au Niger, d’abord à Agadez, et ensuite à Zinder. Depuis lors, nos Forces de Défense et de Sécurité (FDS) travaillent en étroite collaboration avec des policiers européens pour la surveillance des flux migratoires aux frontières terrestres et aériennes de notre pays », a-t-il déploré. « Cette collaboration a permis à l’Agence Frontex dont on connait le bilan accablant de la surveillance des frontières européennes, de poser ses cartons dans notre pays, à EUCAP SAHEL d’avoir un mandat étendu à la gestion des migrations », a ajouté M. Hamadou Boulama Tcherno.

      Une loi impopulaire farouchement combattue pour ses conséquences néfastes

      L’adoption de la loi du 26 Mai 2015 a eu d’importants impacts négatifs sur les migrants et les demandeurs d’asile. Aussi, sans mesures alternatives conséquentes à l’économie de migration, elle a mis fin de façon brutale aux activités de plusieurs milliers de professionnels de la migration dans les différentes localités de transit. Depuis son adoption, des associations et acteurs locaux appelaient à l’abrogation ou la révision de cette loi afin d’atténuer son impact sur l’économie locale. Selon M. Hamadou Boulama Tcherno, l’application rigide de loi contre la migration a conduit des milliers de ménages dans une situation de pauvreté. Il a rapporté qu’environ 6.500 personnes vivaient de manière directe ou indirecte des revenus liés à la migration, d’après le Conseil régional d’Agadez. « Avec la criminalisation de la loi, la majorité d’entre elles s’est retrouvée au chômage », a-t-il déploré.

      « A Alternative Espaces Citoyens, nous avons combattu cette loi avant même son adoption par le parlement nigérien », a rappelé M. Hamadou Boulama Tcherno de l’Association Alternative Espaces Citoyens. Selon lui, AEC n’a jamais fait mystère de sa farouche opposition à cette loi criminalisant la mobilité. « Avec la modestie requise, je peux dire qu’au Niger, l’association a été à la pointe du combat citoyen pour discréditer cette loi, en dénonçant régulièrement ses effets néfastes sur les économies des villes de transit et sur les droits humains », a affirmé le responsable de AEC. Dans le même ordre d’idée, depuis 2015, l’Association Alternative Espaces Citoyens a mené des actions multiformes de sensibilisation sur les droits humains des migrants, de mobilisation sociale et de plaidoyer en faveur du droit à la mobilité, selon M. Hamadou Boulama Tcherno.

      La loi du 26 Mai 2015, un instrument de violation des droits humains et du principe de libre circulation des personnes

      Dans son communiqué, le Gouvernement nigérien a notifié que la loi abrogée a été prise « en contradiction flagrante avec nos règles communautaires et ne prenait pas en compte les intérêts du Niger et de ses citoyens ». Ainsi, selon le document, « c’est en considération de tous les effets néfastes et du caractère attentatoire aux libertés publiques de cette loi que le Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie a décidé de l’abroger ». De son côté, le Président du RNDDH a rappelé que lors de l’adoption de ladite loi, d’un point de vue communautaire, les Organisations de la société civile ont relevé que l’Etat du Niger a failli à ses obligations en matière de libre circulation des personnes et des biens, un principe fondamental du protocole de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). En effet, « on arrêtait les ressortissants des pays de la CEDEAO en supposant qu’ils vont aller en Europe, donc, de notre point de vue, cela faisait du Niger la première frontière de l’Union Européenne en Afrique », a expliqué M. Kani Abdoulaye. Ainsi, « nous avons toujours estimé que cela constituait pour le Niger un manquement à ses obligations au niveau de la CEDEAO », a-t-il poursuivi. Le Président du RNDDH a également estimé que l’adoption de la loi du 26 mai 2015 est une violation grave de droits de l’homme en ce que depuis la nuit des temps, les populations se déplacent. « Le Niger est aussi signataire de la Convention des Nations-Unies qui protège tous les travailleurs migrants et leurs familles », a ajouté M. Kani Abdoulaye.

      Selon M. Hamadou Boulama Tcherno, la mise en œuvre de cette loi s’est soldée par des abus des droits et une augmentation des morts dans le désert. « Décidés à poursuivre leur parcours migratoire, les migrants empruntent des routes de contournement des postes de contrôle. Malheureusement, parmi eux, certains perdent la vie, faute d’eau, après généralement la panne du véhicule de transport ou leur abandon dans le désert par des conducteurs sans foi, ni loi », a-t-il indiqué. Se basant sur des rapports élaborés par AEC, M. Hamadou Boulama Tcherno a relevé que durant les huit (8) ans de mise en œuvre de cette loi sur la migration, les personnes migrantes ont connu une violation de leurs droits et une situation de vulnérabilité sans précédent. « Cette loi adoptée officiellement dit-on pour protéger les droits des migrants a été utilisée dans la réalité comme un outil de répression des acteurs de l’économie de la migration et des migrants. Les moins chanceux ont été victimes d’arrestations arbitraires et d’emprisonnement, sans possibilités de recours », a-t-il dénoncé. De même, le responsable de AEC a affirmé que la loi du 26 Mai 2015 a favorisé l’encasernement des migrants dans les centres de transit de l’OIM et a porté un coup rude à la liberté de circulation communautaire avec les refoulements des citoyens de la CEDEAO aux portes d’entrée du Niger. Elle a même permis d’interner des nigériens dans leur propre pays, selon M. Hamadou Boulama Tcherno.

      L’abrogation de la loi du 26 Mai 2015, une ébauche de politique migratoire basée sur les droits fondamentaux ?

      Pour le responsable de AEC, l’abrogation de cette loi est une bonne nouvelle pour tous les défenseurs des droits des personnes migrantes. « C’est aussi un ouf de soulagement pour les autorités locales et les populations des régions, Agadez et Zinder en tête de peloton, fortement impactées par la lutte contre les migrations dites irrégulières », a-t-il ajouté. Aussi, « nous saluons cette abrogation, car elle offre une occasion inespérée de sortir du piège mortel de l’externalisation du contrôle de la mobilité humaine », a annoncé M. Hamadou Boulama Tcherno. Il a également espéré que l’abrogation de la loi du 26 Mai 2015 va ouvrir des perspectives heureuses pour les citoyens, notamment un changement de cap dans la gouvernance des migrations. « Notre souhait est de voir le Niger prendre l’option de se doter d’une politique migratoire centrée sur les droits fondamentaux, la solidarité et l’hospitalité africaine », a formulé le responsable de AEC.

      Quant au Président de la Plate-Forme ‘’Le Défenseur des Droits’’, M. Almoustapha Moussa, il a souligné la nécessité de convoquer des Etats généraux avec l’ensemble des parties prenantes sur le plan national et international, avec les ONG qui ont lutté pour l’abrogation de cette loi ou sa révision, pour que des mesures immédiates puissent être prises afin d’organiser une gestion équilibrée de la migration sur le territoire du Niger. En effet, tout en soulignant que le Niger ne doit pas être à la solde de l’Union Européenne, M. Almoustapha Moussa a estimé qu’en même temps, le Niger ne doit pas occulter les trafics qui se font sur son territoire, les trafics qui utilisent son territoire comme zone de transit. « Il y a des réseaux qui viennent du Nigéria, du Cameroun, du Soudan, du Tchad etc… le fait que cette loi soit abrogée ne doit pas donner l’espace pour que le trafic illicite des migrants et éventuellement la traite des êtres humains puissent se faire sur le territoire du Niger », a-t-il expliqué. « A cet effet, une loi doit être rapidement adoptée et pour cela, les différents acteurs doivent être convoqués afin qu’ils fournissent des informations utiles à l’élaboration d’une prochaine loi », a conclu le Président de la Plate-Forme ‘’Le Défenseur des Droits’’.

      Selon un document de l’Institut d’Etude de Sécurité ISS Africa, les migrations humaines depuis l’Afrique vers l’Europe sont de plus en plus présentées comme une menace pour la sécurité des États et des sociétés. D’après des estimations évoquées dans le document, un tiers des migrants qui transitent par Agadez, ville située sur l’un des principaux itinéraires migratoires reliant l’Afrique de l’Ouest, le Sahel et le Maghreb, finissent par embarquer sur la côte méditerranéenne, à bord de bateaux pneumatiques à destination de l’Europe. C’est pourquoi depuis 2015, l’Union Européenne se base sur cette ville considérée comme la porte du désert nigérien pour endiguer les migrations de l’Afrique subsaharienne vers l’Europe. Les mécanismes de contrôle qui résultent de la loi du 26 Mai 2015 ont abouti à une diminution de 75 % des flux migratoires vers le Nord via Agadez en 2017, contribuant ainsi à la baisse globale des arrivées de migrants en Europe par les différents itinéraires méditerranéens. En 2018, l’Europe a enregistré une baisse de 89% des arrivées de migrants par rapport à 2015. En 2019, la Commission européenne a annoncé la fin de la crise migratoire. Mais suite à l’abrogation de la loi sur la migration, les ressortissants de l’Afrique subsaharienne sont désormais libres de transiter par le Niger. Dans ce contexte, l’Union Européenne dispose-t-elle d’alternative pour s’éviter une reprise de la ‘’bousculades des migrants’’ à ses portes ?

      https://lematinal-niger.com/index.php/politique/item/124-migration-au-niger-la-loi-du-26-mai-2015-n-est-plus-un-obstacle

    • À Agadez, sur la route de l’exil, le « business » des migrants n’est plus un crime

      Au Niger, les militaires au pouvoir ont abrogé une loi qui criminalisait le trafic des migrants depuis 2015, fin novembre. À Agadez, aux portes du Sahara, devenue un carrefour migratoire pour des milliers de Subsahariens vers l’Europe, les habitants espèrent voir se relancer le marché de l’exil.

      Depuis un peu plus d’un mois, le Niger est redevenu la plaque tournante légale des migrants vers l’Europe. Fin novembre, la junte qui a pris le pouvoir après un coup d’État a abrogé une loi criminalisant le trafic des exilés africains à la frontière, dénonçant un texte « voté sous l’influence de puissance étrangères ».

      Adoptée en 2015, sous pression de l’Union européenne, la loi prévoyait jusqu’à trente ans de prison pour les passeurs. À Agadez, la ville du nord du Niger aux portes du Sahara, les habitants sont ravis et espèrent voir repartir le « business » d’antan.

      Reportage à Agadez, de notre correspondante Sophie Douce.

      À l’autogare d’Agadez, les pickups du désert défilent. À l’arrière, ils sont des dizaines entassés, accrochés avec un bout de bois pour ne pas tomber.

      Halilou Boubacar : « Là, présentement, nous avons plus de Nigériens, des Ghanéens, des Camerounais. On les met dans des pick up qui peuvent prendre 35 à 40 personnes, ils sont concentrés comme des sardines. »

      Lunettes noires, turban, manteau et gants. Destination : la Libye, puis l’Europe, pour les plus chanceux.

      Boubacar Halilou est « coxer », un rôle d’intermédiaire entre les chauffeurs et les migrants : « Le prix, ça se négocie toujours, ce n’est pas un prix fixe, c’est le business comme ça. »

      Comptez entre 450 à 500 euros la place. À côté, les rabatteurs haranguent la foule au milieu des vendeurs ambulants. Un bonnet, des cigarettes…De quoi tenir les deux ou trois jours de traversée jusqu’à Sebha en Libye, dernière étape avant la Méditerranée.
      « Avant, c’était pas facile, c’est comme si on te voyait avec de la drogue »

      Plus besoin de se cacher… Une « bouffée d’oxygène » pour les habitants, dont beaucoup vivaient de ce marché depuis l’effondrement du tourisme il y a dix ans :

      Boubacar Halilou : « On revit, parce que ici, à Agadez, tout le monde trouve son compte : les locations de maison, les transporteurs, les marchés, les hôtels, les taxis, on peut prendre des passagers tranquille tu peux aller là où tu veux circuler, parce que avant c’était pas facile, c’est comme si on te voyait avec de la drogue. »

      Des dizaines de passeurs ont été libérés. Mais après huit années de clandestinité, la méfiance demeure et la fraude persiste. Dans une ruelle, des pickups débordent, sans plaque d’immatriculation.
      Un homme fait signe de déguerpir…Il faut vite ranger la caméra et le micro.

      La peur de la police… Car ici certains continuent d’embarquer dans des « gares clandestines », près des « ghettos », les maisons de migrants louées par des passeurs.

      Dans le quartier « Misrata », ils sont nombreux à s’entasser dans ces dortoirs en banco, en attendant la prochaine étape.
      Dans une cour en terre, des femmes arrivées de Sierra Leone cuisinent avec leurs enfants.

      À côté, Issouf Sako, un Ivoirien de 28 ans, rêve de travailler en France ou en Italie. Son « coxer » a organisé son exil par Whatsapp.

      Issouf Sako : « C’est mon frère qui m’a mis en contact avec lui, lui aussi est en Europe, j’ai économisé un peu un peu, je prends la route maintenant, arrivé à Tripoli, le prix du bateau, ça peut être 700 000-800 000. Bon, on vient en Europe, c’est pas pour se promener, puisqu’on souffre chez nous, il n’y a pas de travail. »

      Au total, son voyage devrait lui coûter plus de 1 500 euros. Et la route est longue, dangereuse.
      L’interdiction a poussé les conducteurs à passer par des voies à haut risque pour échapper aux contrôles.

      Alors en 2016, des habitants se sont mobilisés pour aider les migrants pris au piège dans le désert, en créant un numéro vert.

      Chéhou Azizou, le coordonnateur du projet « Alarme Phone Sahara » :"Il suffit qu’un véhicule en détresse contacte le numéro et nous donne sa localisation, on prépare la mission et on part à leur secours, on ne peut pas marcher longtemps dans le désert, la mort est certaine".

      Pour cet activiste, la politique d’externationalisation des frontières de l’Union européenne est un échec :

      « Si certaines organisations humanitaires prétendent avoir contrôlé les flux migratoires, moi ça me fait rire. Nous enregistrons des expulsions en provenance de l’Algérie à hauteur de 22 à 25 000 refoulés par année. On a empêché aux passagers de suivre les voies officielles oui, mais on n’a pas réduit les flux migratoires et ça ce sont pour les refoulés, alors combien sont enterrés dans le désert ? Dieu seul sait ».

      En attendant, l’inquiétude monte à Bruxelles, face à ce verrou migratoire en train de sauter, avec la crainte de nouveaux morts dans le désert.

      https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-reportage-de-la-redaction/a-agadez-sur-la-route-de-l-exil-le-business-des-migrants-n-est-plus-un-c

  • Cette #hospitalité_radicale que prône la philosophe #Marie-José_Mondzain

    Dans « Accueillir. Venu(e)s d’un ventre ou d’un pays », Marie-José Mondzain, 81 ans, se livre à un plaidoyer partageur. Elle oppose à la #haine d’autrui, dont nous éprouvons les ravages, l’#amour_sensible et politique de l’Autre, qu’il faudrait savoir adopter.

    En ces temps de crispations identitaires et même de haines communautaires, Marie-José Mondzain nous en conjure : choisissons, contre l’#hostilité, l’hospitalité. Une #hospitalité_créatrice, qui permette de se libérer à la fois de la loi du sang et du #patriarcat.

    Pour ce faire, il faut passer de la filiation biologique à la « #philiation » − du grec philia, « #amitié ». Mais une #amitié_politique et proactive : #abriter, #nourrir, #loger, #soigner l’Autre qui nous arrive ; ce si proche venu de si loin.

    L’hospitalité fut un objet d’étude et de réflexion de Jacques Derrida (1930-2004). Née douze ans après lui, à Alger comme lui, Marie-José Mondzain poursuit la réflexion en rompant avec « toute légitimité fondée sur la réalité ou le fantasme des origines ». Et en prônant l’#adoption comme voie de réception, de prise en charge, de #bienvenue.

    Son essai Accueillir. Venu(e)s d’un ventre ou d’un pays se voudrait programmatique en invitant à « repenser les #liens qui se constituent politiquement et poétiquement dans la #rencontre de tout sujet qu’il nous incombe d’adopter ».

    D’Abraham au film de Tarkovski Andreï Roublev, d’Ulysse à A. I. Intelligence artificielle de Spielberg en passant par Antigone, Shakespeare ou Melville, se déploie un plaidoyer radical et généreux, « phraternel », pour faire advenir l’humanité « en libérant les hommes et les femmes des chaînes qui les ont assignés à des #rapports_de_force et d’#inégalité ».

    En cette fin novembre 2023, alors que s’ajoute, à la phobie des migrants qui laboure le monde industriel, la guerre menée par Israël contre le Hamas, nous avons d’emblée voulu interroger Marie-José Mondzain sur cette violence-là.

    Signataire de la tribune « Vous n’aurez pas le silence des juifs de France » condamnant le pilonnage de Gaza, la philosophe est l’autrice d’un livre pionnier, adapté de sa thèse d’État qui forait dans la doctrine des Pères de l’Église concernant la représentation figurée : Image, icône, économie. Les sources byzantines de l’imaginaire contemporain (Seuil, 1996).

    Mediapart : Comment voyez-vous les images qui nous travaillent depuis le 7 octobre ?

    Marie-José Mondzain : Il y a eu d’emblée un régime d’images relevant de l’événement dans sa violence : le massacre commis par le Hamas tel qu’il fut en partie montré par Israël. À cela s’est ensuite substitué le tableau des visages et des noms des otages, devenu toile de fond iconique.

    Du côté de Gaza apparaît un champ de ruines, des maisons effondrées, des rues impraticables. Le tout depuis un aplomb qui n’est plus un regard humain mais d’oiseau ou d’aviateur, du fait de l’usage des drones. La mort est alors sans visages et sans noms.

    Face au phénomène d’identification du côté israélien s’est donc développée une rhétorique de l’invisibilité palestinienne, avec ces guerriers du Hamas se terrant dans des souterrains et que traque l’armée israélienne sans jamais donner à voir la moindre réalité humaine de cet ennemi.

    Entre le visible et l’invisible ainsi organisés, cette question de l’image apparaît donc extrêmement dissymétrique. Dissymétrie accentuée par la mise en scène des chaînes d’information en continu, qui séparent sur les écrans, avec des bandes lumineuses et colorées, les vues de Gaza en ruine et l’iconostase des otages.

    C’est avec de telles illustrations dans leur dos que les prétendus experts rassemblés en studio s’interrogent : « Comment retrouver la paix ? » Comme si la paix était suspendue à ces images et à la seule question des otages. Or, le contraire de la guerre, ce n’est pas la paix − et encore moins la trêve −, mais la justice.

    Nous assistons plutôt au triomphe de la loi du talion, dont les images deviennent un levier. Au point que visionner les vidéos des massacres horrifiques du Hamas dégénère en obligation…

    Les images deviennent en effet une mise à l’épreuve et une punition. On laisse alors supposer qu’elles font suffisamment souffrir pour que l’on fasse souffrir ceux qui ne prennent pas la souffrance suffisamment au sérieux.

    Si nous continuons à être uniquement dans une réponse émotionnelle à la souffrance, nous n’irons pas au-delà d’une gestion de la trêve. Or la question, qui est celle de la justice, s’avère résolument politique.

    Mais jamais les choses ne sont posées politiquement. On va les poser en termes d’identité, de communauté, de religion − le climat très trouble que nous vivons, avec une indéniable remontée de l’antisémitisme, pousse en ce sens.

    Les chaînes d’information en continu ne nous montrent jamais une carte de la Cisjordanie, devenue trouée de toutes parts telle une tranche d’emmental, au point d’exclure encore et toujours la présence palestinienne. Les drones ne servent jamais à filmer les colonies israéliennes dans les Territoires occupés. Ce serait pourtant une image explicite et politique…

    Vous mettez en garde contre toute « réponse émotionnelle » à propos des images, mais vous en appelez dans votre livre aux affects, dans la mesure où, écrivez-vous, « accueillir, c’est métamorphoser son regard »…

    J’avais écrit, après le 11 septembre 2001, L’#image peut-elle tuer ?, ou comment l’#instrumentalisation du #régime_émotionnel fait appel à des énergies pulsionnelles, qui mettent le sujet en situation de terreur, de crainte, ou de pitié. Il s’agit d’un usage balistique des images, qui deviennent alors des armes parmi d’autres.

    Un tel bombardement d’images qui sème l’effroi, qui nous réduit au silence ou au cri, prive de « logos » : de parole, de pensée, d’adresse aux autres. On s’en remet à la spontanéité d’une émotivité immédiate qui supprime le temps et les moyens de l’analyse, de la mise en rapport, de la mise en relation.

    Or, comme le pensait Édouard Glissant, il n’y a qu’une poétique de la relation qui peut mener à une politique de la relation, donc à une construction mentale et affective de l’accueil.

    Vous prônez un « #tout-accueil » qui semble faire écho au « Tout-monde » de Glissant…

    Oui, le lien est évident, jusqu’en ce #modèle_archipélique pensé par Glissant, c’est-à-dire le rapport entre l’insularité et la circulation en des espaces qui sont à la fois autonomes et séparables, qui forment une unité dans le respect des écarts.

    Ces écarts assument la #conflictualité et organisent le champ des rapports, des mises en relation, naviguant ainsi entre deux écueils : l’#exclusion et la #fusion.

    Comment ressentir comme un apport la vague migratoire, présentée, voire appréhendée tel un trop-plein ?

    Ce qui anime mon livre, c’est de reconnaître que celui qui arrive dans sa nudité, sa fragilité, sa misère et sa demande est l’occasion d’un accroissement de nos #ressources. Oui, le pauvre peut être porteur de quelque chose qui nous manque. Il nous faut dire merci à ceux qui arrivent. Ils deviennent une #richesse qui mérite #abri et #protection, sous le signe d’une #gratitude_partagée.

    Ils arrivent par milliers. Ils vont arriver par millions − je ne serai alors plus là, vu mon âge −, compte tenu des conditions économiques et climatiques à venir. Il nous faut donc nous y préparer culturellement, puisque l’hospitalité est pour moi un autre nom de la #culture.

    Il nous faut préméditer un monde à partager, à construire ensemble ; sur des bases qui ne soient pas la reproduction ou le prolongement de l’état de fait actuel, que déserte la prospérité et où semble s’universaliser la guerre. Cette préparation relève pour moi, plus que jamais, d’une #poétique_des_relations.

    Je travaille avec et auprès d’artistes − plasticiens, poètes, cinéastes, musiciens −, qui s’emparent de toutes les matières traditionnelles ou nouvelles pour créer la scène des rapports possibles. Il faut rompre avec ce qui n’a servi qu’à uniformiser le monde, en faisant appel à toutes les turbulences et à toutes les insoumissions, en inventant et en créant.

    En établissant des #zones_à_créer (#ZAC) ?

    Oui, des zones où seraient rappelées la force des faibles, la richesse des pauvres et toutes les ressources de l’indigence qu’il y a dans des formes de précarité.

    La ZAD (zone à défendre) ne m’intéresse effectivement que dans la mesure où elle se donne pour but d’occuper autrement les lieux, c’est-à-dire en y créant la scène d’une redistribution des places et d’un partage des pouvoirs face aux tyrannies économiques.

    Pas uniquement économiques...

    Il faut bien sûr compter avec ce qui vient les soutenir, anthropologiquement, puisque ces tyrannies s’équipent de tout un appareil symbolique et d’affects touchant à l’imaginaire.

    Aujourd’hui, ce qui me frappe, c’est la place de la haine dans les formes de #despotisme à l’œuvre. Après – ou avant – Trump, nous venons d’avoir droit, en Argentine, à Javier Milei, l’homme qui se pose en meurtrier prenant le pouvoir avec une tronçonneuse.

    Vous y opposez une forme d’amitié, de #fraternité, la « #filia », que vous écrivez « #philia ».

    Le [ph] désigne des #liens_choisis et construits, qui engagent politiquement tous nos affects, la totalité de notre expérience sensible, pour faire échec aux formes d’exclusion inspirées par la #phobie.

    Est-ce une façon d’échapper au piège de l’origine ?

    Oui, ainsi que de la #naturalisation : le #capitalisme se considère comme un système naturel, de même que la rivalité, le désir de #propriété ou de #richesse sont envisagés comme des #lois_de_la_nature.

    D’où l’appellation de « #jungle_de_Calais », qui fait référence à un état de nature et d’ensauvagement, alors que le film de Nicolas Klotz et Élisabeth Perceval, L’Héroïque lande. La frontière brûle (2018), montre magnifiquement que ce refuge n’était pas une #jungle mais une cité et une sociabilité créées par des gens venus de contrées, de langues et de religions différentes.

    Vous est-il arrivé personnellement d’accueillir, donc d’adopter ?

    J’ai en en effet tissé avec des gens indépendants de mes liens familiaux des relations d’adoption. Des gens dont je me sentais responsable et dont la fragilité que j’accueillais m’apportait bien plus que ce que je pouvais, par mes ressources, leur offrir.

    Il arrive, du reste, à mes enfants de m’en faire le reproche, tant les font parfois douter de leur situation les relations que je constitue et qui tiennent une place si considérable dans ma vie. Sans ces relations d’adoption, aux liens si constituants, je ne me serais pas sentie aussi vivante que je le suis.

    D’où mon refus du seul #héritage_biologique. Ce qui se transmet se construit. C’est toujours dans un geste de fiction turbulente et joyeuse que l’on produit les liens que l’on veut faire advenir, la #vie_commune que l’on désire partager, la cohérence politique d’une #égalité entre parties inégales – voire conflictuelles.

    La lecture de #Castoriadis a pu alimenter ma défense de la #radicalité. Et m’a fait reconnaître que la question du #désordre et du #chaos, il faut l’assumer et en tirer l’énergie qui saura donner une forme. Le compositeur Pascal Dusapin, interrogé sur la création, a eu cette réponse admirable : « C’est donner des bords au chaos. »

    Toutefois, ces bords ne sont pas des blocs mais des frontières toujours poreuses et fluantes, dans une mobilité et un déplacement ininterrompus.

    Accueillir, est-ce « donner des bords » à l’exil ?

    C’est donner son #territoire au corps qui arrive, un territoire où se créent non pas des murs aux allures de fin de non-recevoir, mais des cloisons – entre l’intime et le public, entre toi et moi : ni exclusion ni fusion…

    Mon livre est un plaidoyer en faveur de ce qui circule et contre ce qui est pétrifié. C’est le #mouvement qui aura raison du monde. Et si nous voulons que ce mouvement ne soit pas une déclaration de guerre généralisée, il nous faut créer une #culture_de_l’hospitalité, c’est-à-dire apprendre à recevoir les nouvelles conditions du #partage.

    https://www.mediapart.fr/journal/culture-et-idees/271123/cette-hospitalite-radicale-que-prone-la-philosophe-marie-jose-mondzain
    #hospitalité #amour_politique

    via @karine4

    • Accueillir - venu(e)s d’un ventre ou d’un pays

      Naître ne suffit pas, encore faut-il être adopté. La filiation biologique, et donc l’arrivée d’un nouveau-né dans une famille, n’est pas le modèle de tout accueil mais un de ses cas particuliers. Il ne faut pas penser la filiation dans son lien plus ou moins fort avec le modèle normatif de la transmission biologique, mais du point de vue d’une attention à ce qui la fonde : l’hospitalité. Elle est un art, celui de l’exercice de la philia, de l’affect et du lien qui dans la rencontre et l’accueil de tout autre exige de substituer au terme de filiation celui de philiation. Il nous faut rompre avec toute légitimité fondée sur la réalité ou le fantasme des origines. Cette rupture est impérative dans un temps de migrations planétaires, de déplacements subjectifs et de mutations identitaires. Ce qu’on appelait jadis « les lois de l’hospitalité » sont bafouées par tous les replis haineux et phobiques qui nous privent des joies et des richesses procurées par l’accueil. Faute d’adopter et d’être adopté, une masse d’orphelins ne peut plus devenir un peuple. La défense des philiations opère un geste théorique qui permet de repenser les liens qui se constituent politiquement et poétiquement dans la rencontre de tout sujet qu’il nous incombe d’adopter, qu’il provienne d’un ventre ou d’un pays. Le nouveau venu comme le premier venu ne serait-il pas celle ou celui qui me manquait ? D’où qu’il vienne ou provienne, sa nouveauté nous offre la possibilité de faire œuvre.

      https://www.quaidesmots.fr/accueillir-venu-e-s-d-un-ventre-ou-d-un-pays.html
      #livre #filiation_biologique #accueil

  • Projet de loi « immigration » : dix-sept députés LR prêts à voter le texte « si prévaut l’esprit du projet voté par le Sénat »
    https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/11/26/dix-sept-deputes-lr-prets-a-voter-la-loi-sur-l-immigration-si-prevaut-l-espr

    Projet de loi « immigration » : dix-sept députés LR prêts à voter le texte « si prévaut l’esprit du projet voté par le Sénat »
    Dans un texte publié par « La Tribune Dimanche », ces élus se démarquent de leur président de groupe, Olivier Marleix, qui a prévenu que Les Républicains ne voteront pas le projet de loi s’il n’est pas accompagné d’une réforme de la Constitution.
    Le Monde avec AFP
    Dix-sept députés Les Républicains (LR) se disent prêts à voter le projet de loi sur l’immigration « si prévaut l’esprit du projet du Sénat » à l’issue de son examen à l’Assemblée, une position plus ouverte que celle de la direction du groupe LR sur ce texte qui représente un défi pour le gouvernement.« Nous entendons préserver les principaux acquis du Sénat et améliorer cette loi autant que possible », assurent ces députés, parmi lesquels Julien Dive, Virginie Duby-Muller ou Philippe Juvin, dans leur tribune publiée dans La Tribune Dimanche. Ils renvoient « la balle (…) dans le camp du gouvernement » et de « la majorité présidentielle, de son aile gauche en particulier ».Le président du groupe LR à l’Assemblée, Olivier Marleix, a prévenu mardi que le camp présidentiel ne « doit pas s’attendre à avoir une majorité » sur ce texte, « en tout cas, pas avec nous », s’il n’était pas accompagné d’une réforme de la Constitution.
    La droite fait depuis plusieurs mois d’une réforme de l’article 11 de la Constitution, qui permettrait d’étendre aux questions migratoires l’organisation de référendums, le cœur de ses revendications concernant l’immigration. Mais un référendum sur l’immigration a été écarté par le président Emmanuel Macron à l’issue des deuxièmes rencontres de Saint-Denis, le 17 novembre.
    Pour les dix-sept signataires qui se démarquent de la position de leur chef, « le détricotage du texte du Sénat est évidemment la principale menace pour l’avenir de cette loi ». « Amender oui. Anéantir non », expliquent-ils, rappelant que « la plupart des sénateurs de la majorité présidentielle ont voté le texte au Sénat ».
    Selon eux, la nouvelle rédaction de l’article 3 (devenu 4 bis), qui prévoyait la régularisation des clandestins travaillant dans des secteurs en tension, préserve « le pouvoir discrétionnaire des préfets » et est « une réponse ferme qui ne crée pas un droit opposable au fond ». Leur avis n’est pas partagé par Olivier Marleix, pour lequel l’article 4 bis « n’est pas une bonne solution ».
    Pour autant, le gouvernement, qui ne dispose que d’une majorité relative, parviendra-t-il à éviter le 49.3 sur ce texte ? Selon les calculs d’un cadre de la majorité, si les vingt et un membres du groupe indépendant Libertés, indépendants, outre-mer et territoires apportent leurs suffrages, « il manque dix-huit voix ».
    Le projet de loi « immigration », très durci par la majorité sénatoriale de droite, arrive en débat en commission à l’Assemblée nationale lundi, mettant le gouvernement au défi d’aller chercher une majorité sans déchirer le camp présidentiel.

    #Covid-19#migrant#migration#france#loimigration#immigration#debatparlementaire#politiquemigratoire

  • Projet de loi sur l’immigration : « Les Français attendent de la représentation parlementaire responsabilité et dignité »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/11/28/projet-de-loi-sur-l-immigration-les-francais-attendent-de-la-representation-

    Projet de loi sur l’immigration : « Les Français attendent de la représentation parlementaire responsabilité et dignité »
    Tribune Pierre Henry
    président de l’association France Fraternités
    Le débat sur l’immigration et l’asile au Sénat a accouché d’un projet de loi populiste en ce sens que son objet n’est pas d’apporter des solutions à des situations concrètes, mais de permettre à quelques politiciens des droites extrêmes de prendre une posture martiale. Ce projet ne répare rien. En épousant fausses informations, clichés et autres lubies des temps présents, il aggrave en de nombreux cas une situation déjà dramatique. Ce qui fait dire à nombre d’associations et à certaines formations politiques de gauche que ce texte doit dès lors être rejeté en bloc. N’est-ce pas aller vite en besogne ?
    Il y a trois mois, une voie d’espoir transpartisane était apparue avec la publication, le 11 septembre dans le quotidien Libération, d’une tribune de trente-cinq parlementaires appelant à la régularisation par le travail dans les métiers en tension de personnes séjournant sur le sol français depuis plusieurs années. Ce sujet complexe était abordé avec nuance. Pour quelles raisons obscures, éloignées du bien commun, faudrait-il aujourd’hui abandonner cette démarche de bon sens ? Les Français attendent de la représentation parlementaire responsabilité et dignité. Cette double exigence pourrait être satisfaite à cinq conditions, constitutives d’un compromis acceptable par l’ensemble des forces de progrès et de gouvernement de l’arc républicain, laissant les droites extrêmes à leurs démons.
    La première est celle du maintien en l’état du dispositif d’aide médicale réservé aux étrangers en situation irrégulière : mécanisme de prévention, il représente un bouclier de protection pour l’ensemble des citoyens de ce pays. Il protège tout un chacun, son coût est maîtrisé et représente moins de 0,49 % du budget de l’Assurance-maladie. La fraude y est marginale, parfaitement documentée, et l’existence de ce dispositif est un sas utile pour protéger les urgences hospitalières de l’embolie qui les guette s’il venait à disparaître.
    La deuxième est d’inscrire dans la loi un processus de régularisation permettant aux personnes travaillant dans des métiers qui manquent de main-d’œuvre, résidant en France depuis plusieurs années, de s’y engager en toute confiance et transparence. La situation aujourd’hui est ubuesque à de nombreux égards. Elle oblige les personnes à avoir recours à des mécanismes de fraude (travail sous alias ou sans fiches de paie). Elle les maintient souvent dans l’assistanat à charge de la communauté nationale. Ainsi, plusieurs dizaines de milliers de personnes hébergées dans des structures d’urgence se trouvent privées de toutes perspectives raisonnables d’en sortir.
    La troisième est le rétablissement du droit du sol pour les enfants nés sur le sol français. La République est fraternelle parce qu’elle estime qu’un enfant né en France, même de parents étrangers, qui y a séjourné de manière continue et qui y a passé sa scolarité, devient français à sa majorité parce que la nationalité ne repose pas sur l’ethnie, mais sur la socialisation. Inutile, confuse et discriminatoire, la mesure voulue par le Sénat et consistant à restreindre ce droit nous renvoie au XXe siècle et à la période des ministres de l’intérieur Charles Pasqua (1986-1988 et 1993-1995) et Jean-Louis Debré (1995-1997). La compréhension du monde en marche arrière et l’utilisation de grossiers stratagèmes sont détestables pour qui prétend tenter de régler les problèmes de l’heure.
    La quatrième condition préalable à un compromis doit amener la représentation parlementaire à refuser de pénaliser a priori le séjour irrégulier d’un étranger. Il n’y a aucun motif légitime à cette pénalisation qui n’est que de posture et qui entre en contradiction avec les décisions de la Cour de justice de l’Union européenne. Elle n’aide en rien à ce que des étrangers faisant l’objet d’une mesure d’éloignement administrative ou judiciaire quittent le territoire français.
    Enfin, le projet de loi, dont l’asile n’est pas l’objet principal, entend procéder à une réforme radicale de la procédure d’examen des recours. De l’analyse de ce texte, il ressort qu’à l’aune de l’objectif recherché d’efficacité, ni l’urgence d’une telle réforme ni son bien-fondé ne seraient justifiés. L’essentiel de l’augmentation des délais de jugement constatée n’est pas imputable au fonctionnement collégial de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA). La cinquième condition est donc le renoncement à l’instauration d’un juge unique et le maintien de cette collégialité qui contribue à la qualité de l’instruction et des décisions rendues. Elle vaut pluralité de compétences, de regards professionnels et de voix, à l’audience comme en délibéré.
    La noblesse de la politique est en toute chose la recherche d’un compromis. Sur un sujet aussi complexe que la question migratoire, certains font métier de simplisme dans une période propice à toutes les manipulations. Aux démocrates, humanistes et républicains de montrer qu’une voie raisonnable est possible sans céder aux bonimenteurs ! Pierre Henry est président de l’association France Fraternités

    #Covid-19#migrant#migration#france#loimigration#immigration#asile#AME#regularisation#debatparlementaire#CNDA#droit#droitdusol#sante

  • Niger : le régime militaire abroge une loi contre les trafiquants de migrants
    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/11/28/niger-le-regime-militaire-abroge-une-loi-contre-les-trafiquants-de-migrants_

    Niger : le régime militaire abroge une loi contre les trafiquants de migrants
    Le Monde avec AFP
    Le régime militaire nigérien a abrogé une loi votée en 2015 criminalisant le trafic des migrants au Niger, plaque tournante vers l’Europe via la Libye ou l’Algérie voisines, a annoncé, lundi soir 27 novembre, le gouvernement. « Le président du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie [CNSP, régime militaire], le général Abdourahamane Tiani, a signé samedi une ordonnance portant abrogation » d’une loi du 26 mai 2015 « relative au trafic illicite de migrants », indique un communiqué du secrétariat général du gouvernement lu à la radio et à la télévision publiques.
    Cette loi qui « érige et incrimine en trafic illicite certaines activités par nature régulières », avait « été votée sous l’influence de certaines puissances étrangères », affirme le communiqué. En outre, cette loi « a été prise en contradiction flagrante avec nos règles communautaires » et « ne prenait pas en compte les intérêts du Niger et de ses concitoyens », ajoute-t-il. Le CNSP a donc « décidé de l’abroger » en raison « de tous ses effets néfastes et de son caractère attentatoire aux libertés publiques ». L’ordonnance stipule que « les condamnations » et « leurs effets » prononcés en application de la loi abrogée « sont effacés à compter du 26 mai 2015 ».
    Votée le 26 mai 2015 par l’Assemblée nationale, cette loi contre les trafiquants de migrants prescrivait des peines « de un à trente ans de prison » et « des amendes de 3 millions à 30 millions de francs CFA » (4 500 à 45 000 euros) contre les trafiquants.
    Depuis son entrée en vigueur, et avec l’appui financier de l’Union européenne (UE), la surveillance, y compris militaire, avait été renforcée dans le désert de la région d’Agadez (nord), important point de transit pour de milliers de ressortissants ouest-africains candidats à l’émigration vers l’Europe, via l’Algérie ou la Libye. Des dizaines de personnes travaillant dans les réseaux de la migration clandestine avaient été arrêtées et emprisonnées ; de nombreux véhicules de convoyeurs de migrants, confisqués.
    Mais la loi de 2015 n’a pas suffi à dissuader les migrants qui ont changé d’itinéraires, en empruntant des routes plus dangereuses à travers le désert par de nouvelles pistes sans points d’eau ni repères ou possibilités d’être éventuellement secourus.Les opérations de sauvetage de migrants sont fréquentes dans le désert hostile du Sahara, surtout vers la Libye. De nombreux migrants ouest-africains se rassemblent généralement à Agadez où sont installés des réseaux de passeurs.Selon les autorités de la ville, il est fréquent que des véhicules transportant des migrants tombent en panne dans le désert, ou que les passeurs se perdent ou abandonnent leurs passagers par crainte des barrages ou des patrouilles militaires. Certains migrants meurent de déshydratation.
    Le Niger est dirigé depuis le 26 juillet par le général Tiani, arrivé au pouvoir par un coup d’Etat ayant renversé le président Mohamed Bazoum, président élu en 2021 et toujours séquestré à Niamey dans sa résidence. Le régime militaire s’est éloigné des pays européens jusqu’alors partenaires privilégiés du Niger, notamment la France, pour se rapprocher en particulier de deux de ses voisins également dirigés par des militaires, le Mali et le Burkina Faso.

    #Covid-19#migrant#migration#niger#agadez#libye#UE#sahara#frontiere#passeur#trafic#loi#sante#mortalite

  • Cost of clubbing crisis : When did Berlin parties get so expensive ?
    https://www.exberliner.com/music-clubs/cost-of-clubbing-crisis-when-did-berlin-parties-get-so-expensive

    A Berlin le tickets d’entrée des clubs augmentent radicalement. Les membres du club autogéré Mensch Meier ne gagnent plus assez pour participer aux parties de leur propre boîte. Les augmentations de frais post-covid provoquent un Klubsterben . Les boîtes qui survivront la crise seront marquées par l’exploitation de leurs employés et des prix faramineux.

    https://www.youtube.com/watch?v=u0rKW3kduy0&t=217s


    J’ai la nostalgie de l’époque quand les copains transformaient d’anciens bunkers et toilettes publiques souterraines en boîtes techno. La vie chère tue la culture partout.

    24.11.2023 by Dan Cole - Like pretty much everything in Berlin, clubbing is getting more expensive. We could just pass this off as a simple fact of life – prices rise, that’s the way it is, suck it up. With clubbing, the impact is deeper. Door entry hikes start to price out the very people who built up the club culture in the first place. Clubs in Berlin are rightly lauded for their sense of community and the way they provide space for those who live more on the margins. When these people become unable to attend the parties they’ve arguably contributed to the success of, then we can say clubbing is facing a crisis.

    For one weekend in September, Berghain increased its entry cost to €30, sparking outrage. It was only last year that the standard door price rose to €25. That’s in addition to the increase in prices for drinks and the cloak room. And it’s not just Berghain – the entry fees for many clubs have risen disproportionately to the average rise in wages throughout the city, with an average increase of 25% across all venues according to Tagesspiegel. Not so long ago, Berghain was a mere €15, and you wouldn’t pay more than €10 to get into Sisyphos.

    There is even a German word for it, Klubsterben, which translates as the death of clubs

    The factors for these price hikes are well reported. Minimum wages for staff have risen since the pandemic began, and the less said about energy costs the better. Rents are also increasing, and DJ fees are going through the roof. Add on other various expenses and you’ve got a very costly business to run.
    Photo: IMAGO / Emmanuele Contini

    The collective behind Mensch Meier recently announced they would be closing at the end of the year due to these rising costs. In an interview with Groove, a German online magazine for electronic music and club culture, Jenny P, the club’s public relations officer, stated that the Mensch Meier’s members and staff couldn’t even party at their own events, because they were too expensive. This was the last straw for the club and they decided to close.

    It’s yet another sad chapter in the slow demise of clubbing in Berlin. The phenomenon is so pervasive that there is even a German word for it, Klubsterben, which translates as the death of clubs. This year, Anita Berber closed for similar reasons to Mensch Meier, and Fiese Remise will meet its end in November. But what’s the solution? Are high entry fees really the only way to keep a club open? At its core, clubbing is, or at least was, about community and creating safe spaces. Increased prices create social inequality, excluding many of the people who benefit the most from these spaces.

    Not so long ago, Berghain was a mere €15, and you wouldn’t pay more than €10 to get into Sisyphos.

    To find a better answer to this problem, we have to return to our roots. Yes, clubs need state support, but beyond that we need to start looking closer to home. Booking more local DJs than expensive international names can reduce a club’s overhead. Some of our favourite clubs were built upon having a strong roster of local, in-house residents. Smaller clubs and club nights are able to throw great parties with just Berlin-based DJs, so why don’t the bigger clubs use the same approach?

    Some underground venues still manage to keep their door fees low. Oxi Berlin, for example, is operating on a donation-only basis for their in-house events, safe in the knowledge that having an affordable-for-all door price that brings in more regular clubbers is a better solution than having a higher ticket price but less people on the dancefloor. Community spirit is thin on the ground these days, and it’s better to club together than to push each other further apart

    #Berlin #loisirs #tourisme #musique #techno #culture

  • « Il est faux et anachronique de considérer le Coran comme antisémite », Meir M. Bar-Asher

    Si le Coran contient des passages polémiques sur les juifs, d’autres donnent une vision plus positive des « enfants d’Israël ». Cette ambivalence rend impossible une lecture univoque du texte sacré de l’islam, explique l’islamologue de confession juive Meir M. Bar-Asher, dans un entretien au « Monde ».
    Propos recueillis par Raphaël Buisson-Rozensztrauch


    A l’intérieur de la mosquée Al-Aqsa, sur le complexe connu par les musulmans comme Al-Haram Al-Sharif et par les juifs comme le mont du Temple, dans la vieille ville de Jérusalem, en 2017. AMMAR AWAD / REUTERS

    « La lutte du Hamas contre Israël a un aspect national et un aspect religieux, ce dernier étant le plus substantiel », assure l’islamologue et philosophe Meir M. Bar-Asher. Le mouvement islamiste palestinien, comme d’autres à travers le monde, puise dans certains textes fondamentaux de l’#islam, à commencer par le #Coran, pour alimenter sa haine anti-Israël, voire antijuifs. Néanmoins, selon ce professeur en études islamiques à l’Université hébraïque de Jérusalem – auteur, entre autres, de Les Juifs dans le Coran (Albin Michel, 2019) –, si le livre sacré de l’islam contient effectivement de nombreux passages ambigus à l’égard des #juifs, il recèle aussi plusieurs clés pour les dépasser.

    Comment avez-vous vécu personnellement les attaques terroristes du Hamas le 7 octobre contre Israël ?

    Le 7 octobre 2023, lorsque les événements se sont produits, j’étais à Paris. J’ai suivi les nouvelles de là-bas, et suis retourné en #Israël quelques jours plus tard. Comme tout le monde dans le pays, j’ai été terriblement choqué par l’atrocité des crimes du Hamas et je dois avouer que, bien que leur idéologie me soit très connue, je n’imaginais pas leurs membres susceptibles de commettre ce genre d’actes.

    On observe, depuis les attentats du 7 octobre et le début de la riposte israélienne à Gaza, une recrudescence des actes antisémites dans le monde entier, en France notamment. Y a-t-il une dimension religieuse à ce conflit ?

    Oui, absolument. La lutte du Hamas contre Israël a un aspect national et un aspect religieux, ce dernier étant le plus substantiel. Le Hamas considère que personne d’autre que les #musulmans n’a le droit de dominer la #Terre_sainte (« al-ard al-muqaddasa »). La terre leur a été donnée à la fois par #Dieu et par l’acte de #conquête sur les chrétiens, c’est-à-dire l’Empire byzantin, au début du VIIe siècle, peu après la mort de Muhammad [Mahomet]. Par le fait même de sa conquête, la terre est devenue un waqf, c’est-à-dire un territoire sacré.

    Les juifs, qui y ont vécu dans un passé très lointain, à l’époque biblique et jusqu’à la destruction du second temple (en l’an 70 de l’ère chrétienne), ont perdu le droit d’y revenir puisqu’ils ont rompu, selon le Coran, l’alliance que Dieu avait conclue avec eux. Ils ne peuvent vivre dans le pays qu’en tant que minorité « protégée » sous la domination de l’islam.

    Que dit le Coran concernant la relation des juifs à la Judée antique ?

    Cette terre a été promise aux juifs, comme précise le Coran : « Ô mon peuple, entrez dans la Terre sainte que Dieu vous assigne » (sourate 5 [La Table], 21). Mais Dieu les a abandonnés à cause de leurs péchés et a élu les #Arabes à leur place : « Vous êtes [les musulmans] la meilleure #communauté qui ait jamais été donnée comme exemple aux hommes » (sourate 3 [la Famille d’Imran], 110).

    Pourquoi la place des juifs dans le Coran constitue-t-elle un sujet toujours brûlant, selon vous ?

    Tout d’abord parce que ce sujet traite de deux #religions, chacune portée par un peuple, qui existent toujours. Ces deux peuples que sont les Arabes et les Juifs se sont combattus à divers niveaux, dans plusieurs moments de leurs histoires respectives. Les problématiques évoquées en 2019 dans mon ouvrage Les Juifs dans le Coran sont, pour certaines, cristallisées dans le #conflit_israélo-palestinien.

    Bien que ce conflit ne soit pas nécessairement d’ordre religieux, dans plusieurs périodes de leur histoire, des penseurs des deux côtés ont tenté de lui donner une dimension essentiellement religieuse ; ces penseurs ont dépeint la situation d’opposition entre Juifs et Arabes en utilisant une terminologie et une conceptualisation religieuses. C’est de cela qu’on hérite aujourd’hui, et qui rend la question si complexe.$

    Comment les juifs sont-ils nommés dans le Coran ?

    Divers termes sont employés, et chacune de ces dénominations se réfère à un aspect particulier des juifs. L’un des termes abondamment utilisé dans le Coran pour nommer les juifs est celui de Banû Israʼîl, que l’on peut traduire par « fils d’Israël » : il désigne les anciens Israélites, cités dans la Bible.

    Lorsque le Coran raconte des événements se rapportant au récit biblique, c’est presque toujours ce terme qui est utilisé pour désigner les ancêtres des juifs. C’est lui que l’on retrouve dans ce verset : « O fils d’Israël, n’oubliez pas la grâce dont je vous ai comblés en vous choisissant parmi toutes les nations. »

    Un autre terme, yahûd, désigne les juifs dans un sens plutôt péjoratif : ce terme est très répandu dans les #sourates_médinoises, donc les plus tardives du Coran, qui sont les plus hostiles aux juifs et aux chrétiens.

    Un troisième terme présent à plusieurs reprises est celui d’ahl-al-Kitâb, « peuple du Livre », qui désigne par moments juifs et chrétiens. Ce terme est tantôt positif, tantôt négatif : il évoque parfois le don de la Torah aux juifs, mais rappelle aussi « l’âne chargé de livres » qu’est le peuple juif ayant reçu le don de la révélation, tout en étant incapable de le porter convenablement.

    Quelles étaient les relations entre Juifs et Arabes dans l’Arabie préislamique ?

    Avant Muhammad [Mahomet], les juifs étaient établis dans la péninsule Arabique, principalement au sud – les juifs yéménites en seraient les descendants –, et dans le Hijaz, c’est-à-dire au nord-ouest de la péninsule où l’islam est né. On peut estimer que les juifs dominaient une grande partie de l’Arabie : ils s’appuyaient sur le royaume juif d’Himyar, établi dans l’actuel Yémen. Les rapports culturels et commerciaux entre Juifs et Arabes étaient intenses jusqu’à l’hégire [l’exil de Mahomet de La Mecque vers #Médine, en 622].

    Ces éléments sont importants, car ils constituent l’arrière-plan culturel auquel Muhammad est confronté en Arabie. Quelques chercheurs diraient même la chose suivante : Muhammad a choisi d’émigrer à Médine, une région fortement peuplée de juifs, car il comptait sur ces derniers pour le rejoindre autour d’une conception nouvelle du #monothéisme. Muhammad a sans doute estimé qu’il serait accepté par les juifs du Hijaz.

    On constate également la pensée politique fine du prophète de l’islam lorsqu’il envoie, vers l’an 616 de notre ère, un groupe de ses adeptes à destination du royaume chrétien d’Ethiopie, pour les mêmes raisons. La forte présence de juifs et de chrétiens en Arabie à l’époque de Muhammad explique l’omniprésence d’éléments bibliques, juifs ou chrétiens, dans plusieurs sourates du Coran.

    L’islam a-t-il hérité de pratiques issues du judaïsme ?

    Du point de vue philologique et historique, c’est certain. Au-delà des éléments bibliques, on peut déjà dire que l’islam, au même titre que le judaïsme, est une religion « légale », centrée sur la #loi et les #commandements, à l’inverse du christianisme. La #jurisprudence, le rôle de la Halakha (la loi et la jurisprudence juives) ou de la charia (la loi islamique) sont fondamentales dans ces deux religions, et des ressemblances s’ensuivent – mais ces dernières ont leur limite.

    Au début de la prédication de Muhammad, on perçoit chez lui un désir de se rapprocher des pratiques juives. Cependant, une fois passé le moment où la majorité des juifs refusent de le suivre, s’exprime un désir d’émancipation de l’islam par rapport au judaïsme et au christianisme. Ce qui est naturel : toute religion doit finir par affirmer son indépendance vis-à-vis des traditions passées dont elle hérite.
    Pour donner un exemple : au départ, la direction de la prière pour les musulmans est Jérusalem ; une fois consommé le divorce entre les juifs et les premiers musulmans, La Mecque devient la nouvelle direction pour la prière. Deux étapes apparaissent clairement : ressemblance, puis différenciation.

    Le Coran est-il « antisémite » ?

    Il est faux et anachronique de considérer le Coran ainsi, et certains le font dans un but de propagande contre l’islam. Tout d’abord, le terme « antisémitisme » fait référence à un phénomène bien ultérieur [le terme est apparu en Allemagne au XIXe siècle, il s’attaque aux juifs en tant que peuple et non en tant que pratiquants d’une religion].
    On peut considérer que, dans le Coran, certains versets peuvent servir à nourrir une pensée antisémite, à l’instar des « versets de la guerre » de la #sourate_9 [incitant au combat à mort contre les juifs, les chrétiens, les polythéistes et tous les « #mécréants » en général]. Mais dire explicitement que le Coran est un texte antisémite, c’est faux.

    Je vis d’ailleurs mal cette conception, même en tant que juif. Je lis le Coran depuis mon adolescence avec beaucoup d’intérêt, je l’ai appris avec des Arabes, je l’enseigne à l’université hébraïque de Jérusalem et dans d’autres endroits du monde depuis plus de trente ans… J’ai beaucoup de respect pour ce texte, qui m’a énormément appris et contient des passages extraordinaires.

    Il y a bien des extraits qui me gênent en tant que juif, mais comme ils gêneraient un chrétien, ou tout simplement un être humain ! On peut toutefois dire exactement la même chose de certains versets bibliques, qui sont violents et inacceptables, sans remettre en cause l’intérêt de ces Ecritures.

    Le Coran semble néanmoins donner une image paradoxale des juifs. Comment en sortir ?

    Lors d’un séminaire sur ce thème, un étudiant musulman chiite m’a dit la chose suivante : « Je pense que cela vaut la peine que les sages musulmans adaptent ou suppriment la sourate 9 du Coran [plus tardive, et donc polémique vis-à-vis des juifs et des chrétiens], pour aider à construire une autre image du judaïsme et faciliter la rencontre. Qu’en pensez-vous ? »

    Je lui ai répondu que je suis opposé à toute altération d’un texte canonisé. Des millions de personnes croient en la sainteté du Coran et en sa nature miraculeuse, on ne doit donc rien y changer. Ce qu’on peut changer, en revanche, c’est notre attitude face au texte.

    Le fait qu’il y ait une ambivalence du texte coranique sur ce sujet est, à mes yeux, une clé vers la solution. Le Coran s’exprime de diverses manières sur les juifs, les #chrétiens, et sur bien d’autres sujets aussi. Pour comprendre ces apparentes contradictions, il faut les ramener à leur contexte initial : les polémiques contre les juifs sont à replacer dans le contexte de la prédication de Muhammad dans une région donnée, durant une époque donnée, et ne doivent pas être considérées comme une généralisation sur les juifs. Le fait que le Coran semble paradoxal et contradictoire constitue, en vérité, un remède au littéralisme.

    Quels arguments peut-on opposer, à partir du Coran, à la haine antijuive et à la justification de violences contre les juifs ?

    Tous les stéréotypes et accusations que le Coran adresse aux juifs sont continuellement invoqués pour délégitimer les juifs et leur religion : l’accusation qu’ils ont tué des prophètes, qu’ils ont rompu l’alliance que Dieu avait conclue avec eux, qu’ils ont falsifié les Ecritures divines qui leur ont été révélées, et bien d’autres accusations. Pour autant, dans certains versets du Coran, Dieu répand aussi ses louanges sur les enfants d’Israël.
    Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Meir Bar-Asher : « Quelques versets du Coran peuvent créer une ambiance pacifique et d’autres un climat terrible »

    Ces louanges se répartissent en trois catégories :

    – la vision des enfants d’Israël comme peuple élu ;

    – la sortie d’Egypte et l’arrivée en Terre promise ;

    – l’Alliance et le don de la Torah, vue comme une source qui confirme l’islam.

    L’idée de l’élection d’Israël revient souvent dans le Coran. Tantôt cela concerne le peuple tout entier, tantôt seulement quelques personnalités ou quelques familles comme celle d’Abraham, de ‘Imrân (c’est-à-dire ‘Amram, père d’Aaron, de Moïse et de Myriam dans la Bible) ou encore certains prophètes.

    Dans certains versets coraniques, l’idée d’élection se dégage par elle-même de la grâce de Dieu envers Israël et des nombreux bienfaits que Dieu répand sur eux : « Nous avons donné aux fils d’Israël le Livre (al-kitâb), la Sagesse (al-hukm) et la Prophétie (al-nubuwwa). Nous les avons pourvus d’excellentes nourritures. Nous les avons élevés au-dessus des mondes » (45, 16). Ou encore dans un autre verset : « O mon peuple ! Souvenez-vous de la grâce de Dieu à votre égard, quand il a suscité parmi vous des prophètes ; quand il a suscité pour vous des rois ! Il vous a accordé ce qu’il n’avait donné à nul autre parmi les mondes » (5, 20).

    Aucun texte, a fortiori un texte religieux souvent difficile comme le Coran, ne se donne à lire de manière absolue, et le sens qu’on en retire dépend beaucoup du contexte que l’on prête à ces versets.

    Certaines phrases à fort potentiel polémique lorsqu’elles sont prises isolément se voient ainsi « neutralisées » quand elles sont ramenées à un contexte historique précis ; à l’inverse, des versets dont l’interprétation traditionnelle a toujours cherché à éclaircir le contexte deviennent « explosifs » quand ils sont sciemment décontextualisés pour être brandis contre les juifs et les chrétiens d’aujourd’hui.

    Raphaël Buisson-Rozensztrauch
    https://www.lemonde.fr/le-monde-des-religions/article/2023/11/26/pourquoi-il-est-faux-et-anachronique-de-considerer-le-coran-comme-antisemite

  • Comment les arbres ont conquis les villes

    Nécessaires pour embellir et rafraîchir les villes, les arbres n’ont pas toujours été intégrés à l’urbanisme, explique l’historienne #Andrée_Corvol. Les révolutions sociales ont permis leur essor.

    Depuis son appartement en banlieue parisienne, l’auteur de cet article contemple tous les jours un univers essentiellement minéral, composé de grandes tours d’habitation et de quelques bâtiments publics. Parmi ces blocs de béton se distinguent quelques arbres, essentiellement des marronniers, qui apportent une touche de vert bienvenue dans ce monde gris et marron et, l’été, une fraîcheur indispensable dans cet îlot de chaleur urbaine. Aussi rares et chétifs soient-ils, ces arbres parviennent à rendre supportable la vie dans un quartier densément peuplé, d’où toute nature a disparu depuis l’industrialisation de la ville au XIXe siècle.

    Ces marronniers s’inscrivent dans une longue lignée d’#arbres_urbains, retracée par l’historienne Andrée Corvol, spécialiste du végétal, dans L’Arbre dans la cité (éd. Le Pommier). Depuis son apparition systématique dans les villes françaises à l’orée du XVIIe siècle, l’arbre a toujours tenu le même rôle : rendre humainement vivables des villes de plus en plus denses, à mesure que les campagnes et les espaces naturels s’en éloignaient.

    Si la prose touffue d’Andrée Corvol tend, telle la sylve, à s’égarer en branches et rameaux, on peut néanmoins résumer à grands traits cette intégration du végétal au panel des outils d’aménagement à destination des autorités locales en France. Car c’est bien d’un outil qu’il s’agit, et ce, dès l’époque moderne.

    Alors que la ville française médiévale comportait peu d’arbres — sinon quelques-uns sur le parvis de l’église et d’autres sur les remparts, pour gêner les tirs adverses en cas de siège —, les autorités municipales des XVIIe et XVIIIe siècles confrontées à l’essor démographique de leurs villes respectives décidèrent de les doter de nouveaux quartiers végétalisés.

    Outre le sentiment de #fraîcheur que procuraient ces arbres — ormes, noyers et tilleuls pour la plupart —, les #plantations_urbaines offraient aux citadins un espace de #loisirs, des #promenades en famille jusqu’au #sport, en particulier le jeu de paume pratiqué à l’#ombre des cours et des mails, à l’instar de ceux structurant le centre-ville d’Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône).
    Embellir... et maîtriser l’étalement urbain

    À l’ère de l’#industrialisation et de l’#exode_rural vers la ville, les métropoles du XIXe siècle reprirent ces principes en les systématisant. Pour verdir les nouveaux boulevards qu’il perçait au beau milieu de la capitale, Georges-Eugène Haussmann, préfet de Paris sous Napoléon III, réorganisa le service des Promenades — ancêtre des Jardins — pour favoriser des plantations homogènes, après des décennies d’essais erratiques et désordonnés, peuplant ainsi la métropole de platanes et #marronniers. Comme souvent, les capitales régionales imitèrent l’exemple parisien et se dotèrent à leur tour d’avenues et cours végétalisés.

    Mais le tournant eut cependant lieu entre 1919 et 1924, avec l’adoption des #lois dites « #Cornudet ». À la différence des initiatives municipales antérieures, ces textes législatifs, les premiers en matière d’urbanisme en France, proposaient un encadrement national à travers un #Plan_d’aménagement_d’embellissement_et_d’extension (#PAEE) obligatoire pour les villes de plus de 10 000 habitants.

    Comme le résume Andrée Corvol, ces lois répondaient à la contradiction engendrée par la croissance urbaine : « Laisser les cités se densifier, c’était condamner leur #verdure intramuros. Laisser les cités s’étaler, c’était la réduire extramuros. » En somme, le PAEE envisageait la maîtrise d’un étalement urbain anarchique à travers une #végétalisation programmée des nouveaux quartiers et non ajoutée après coup de manière à les embellir.

    Au demeurant, le PAEE n’empêcha pas la construction à la va-vite, tout au long des Trente Glorieuses, d’ensembles minéraux destinés à reloger en urgence les déplacés de la Seconde Guerre mondiale. Le végétal servait alors à procurer bien-être et bien-vivre à des citadins toujours plus nombreux, en leur camouflant les désagréments des villes industrielles. Ainsi, à Gennevilliers (Hauts-de-Seine), le parc des Chanteraines et ses 82 hectares dissimulent aux promeneurs les usines de béton qu’on verrait autrement depuis les immeubles d’habitation.

    L’arbre source de #conflits

    Toutefois, l’adoption des arbres en ville ne se fit pas sans heurts. Au contraire, la plantation, l’emplacement ou le type d’essence nourrirent durant quatre siècles un ensemble de contestations qui se déployèrent autour des arbres, pris comme emblèmes ou point de départ d’un conflit.

    Andrée Corvol parvient de la sorte à brosser une surprenante histoire de la #Révolution_française à travers ses arbres fétiches : aux « #arbres_de_mai » plantés spontanément en 1789 par des villageois enthousiastes succédèrent l’année suivante les arbres de la Fédération, impulsés par le marquis de La Fayette et les partisans de la monarchie constitutionnelle, puis, en 1792, les arbres de la liberté, destinés à enraciner, de manière physique et symbolique, la nouvelle République.

    Au cours de la période révolutionnaire, les arbres subirent tout autant que les humains les brusques changements de pouvoir. Ainsi, les peupliers plantés par les jacobins, qui rapprochaient naïvement populus et « petit peuple », furent souvent pris pour cible par les opposants à la Terreur, qui manifestaient au travers d’écorces mutilées ou brisées leur dissidence. Face à pareil conflit, le Directoire, le Consulat puis le Premier Empire tentèrent de finir la Révolution en aménageant des promenades urbaines pour calmer les esprits en offrant de nouveaux espaces de détente.

    Ces conflits politiques se doublaient en outre de conflits de classe. Dans le Paris haussmannien, les quartiers cossus réservaient « leurs » arbres aux nourrices et en chassaient les vagabonds, tandis que les quartiers ouvriers les gardaient pour leurs familles, au détriment des jeunes. En somme, « l’arbre était au centre de revendications territoriales. Il en supportait les conséquences sociétales, tout comme l’arbre de la liberté, les conséquences politiques ».

    Les investisseurs ont droit de vie ou de mort

    À ces combats s’ajoute une question cruciale : qui paye les plantations ? Les différents régimes issus de la Révolution, optimistes, crurent fidéliser les citoyens à leur cause en leur faisant financer eux-mêmes les nouvelles plantations urbaines. Peine perdue : versatile, seule une fraction de citoyens payait — et encore lorsque les fonctionnaires les y pressaient. Le volontarisme citoyen ne fonctionne qu’en de rares occasions et sur des points bien précis. En décembre 1999, une souscription populaire à la suite des tempêtes Lothar et Martin permit certes de financer la replantation des jardins du château de Versailles, mais les 2 millions d’arbres brisés en Seine-et-Marne ne connurent pas autant de succès.

    Au XIXe et XXe siècles, ce furent donc surtout les municipalités qui payèrent les plantations et leur entretien. Mais, hormis Paris et quelques grandes villes, beaucoup d’entre elles, par manque de fonds, privilégièrent des essences communes et connues de tous — le chêne, le marronnier, le platane, etc. — au détriment d’une réelle biodiversité végétale.

    En tant qu’investisseurs, les édiles se réservaient aussi le droit d’abattre les arbres lorsqu’ils les jugeaient vétustes ou faisant obstacle à de nouveaux projets d’aménagement, quitte à s’aliéner une partie de leurs administrés, témoin la bataille qui opposa plusieurs semaines en 2018 les habitants de la Plaine à la municipalité marseillaise.

    Ce dernier exemple illustre le peu de poids des arbres en ville. À peine mieux traités que du mobilier urbain par les services d’aménagement, ils furent forcés de s’acclimater, en dépit de leur métabolisme lent, au rythme de la ville moderne : tramway, métro, grands boulevards, éclairage nocturne, etc. Et, lorsqu’ils dérangeaient, on les abattait froidement.

    On mesure l’ampleur du désastre aux quelques chiffres que consigne l’historienne : si, en 1895, le réseau routier national français comptait 3 millions d’arbres, soit 49 % des routes plantées, un siècle plus tard il n’en dénombrait plus que 250 000, soit 12 % des routes. En cause : le caractère accidentogène des arbres en bord de route… Quelques défenseurs des arbres émergèrent bel et bien dès le milieu du XIXe siècle, mais se consacrèrent pour l’essentiel aux massifs forestiers ou aux trognes des campagnes en voie de disparition, rarement aux plantations urbaines, trop évanescentes.

    L’ouvrage achevé, une question se pose, à laquelle Corvol ne répond pas : qu’est-ce qu’une ville végétale digne de ce nom ? Si, comme le montre l’historienne, l’arbre a certes gagné sa place en ville, il s’agit d’une place strictement utilitaire, où la folie créatrice du sauvage n’a pas lieu d’être.

    https://reporterre.net/Comment-les-arbres-ont-conquis-les-villes

    #arbres #villes #urbanisme #urban_matter #végétation

    • L’arbre dans la cité : histoire d’une conquête (XVIIe-XXIe siècle)

      Autrefois, l’arbre en ville était cantonné aux enclos vivriers, il n’ombrageait pas nos routes ni nos fleuves et nos canaux. Vivant plutôt à la campagne, il procurait bois, fruits, fibres et feuilles. Aujourd’hui, le végétal entre en force dans nos cités par trop minérales ; il améliore nos conditions de vie, protège le sol, régule la température, purifie l’air et atténue les bruits.
      Comment l’arbre a-t-il conquis le pavé ? Cette histoire, moins utilitaire et monolithique qu’il n’y paraît, croise en fait celle de la modernité, et mérite d’être racontée. Car, bien avant la révolution industrielle et son introduction dans la cité pour assainir l’air, l’arbre s’y est fait une place dès la Révolution, comme symbole de la liberté.
      Récupéré dans le champ politique, il a depuis servi à commémorer un événement, à symboliser l’autorité, à améliorer l’aménagement urbain ou encore à satisfaire le besoin de nature des administrés. Ce faisant, il a suscité à la fois colères et affections. Une histoire qui est ainsi celle des hommes, de leurs revendications et de leurs aspirations. Mort ou vif, l’arbre fait partie du roman national.

      https://www.placedeslibraires.fr/livre/9782746527393-l-arbre-dans-la-cite-histoire-d-une-conquete-xviie-x
      #livre

  • Gérald Darmanin, maître des tractations pour faire voter « son » projet de loi sur l’immigration
    https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/11/17/gerald-darmanin-maitre-des-tractations-pour-faire-voter-son-projet-de-loi-im

    Gérald Darmanin, maître des tractations pour faire voter « son » projet de loi sur l’immigration
    Par Claire Gatinois et Julia Pascual
    PLe couvert a été mis pour deux. Ce mardi 14 novembre, place Beauvau, le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, reçoit son « copain » Sacha Houlié à déjeuner. Devant le président de la commission des lois, figure de l’aile gauche de la Macronie, l’ancien des Républicains (LR) déroule sa stratégie pour faire adopter le projet de loi « immigration » à l’Assemblée nationale, dont l’examen doit démarrer le 11 décembre. (...)
    Cette performance a un prix. Gérald Darmanin a laissé les élus de droite durcir drastiquement le projet. Un « musée des horreurs », s’étrangle Sacha Houlié. L’article 3, permettant de régulariser de plein droit des travailleurs sans papiers dans les métiers en tension, a été abrogé, au profit d’un article moins-disant ; l’aide médicale d’Etat (AME), un panier de soins destinés aux immigrés sans papiers, a disparu, au profit d’une aide médicale d’urgence ; l’automaticité du droit du sol pour les enfants nés en France de parents étrangers a été supprimée ; le délit de séjour irrégulier a été rétabli ; le regroupement familial a été durci, de même que l’accès aux droits sociaux… Bruno Retailleau, chef de file des sénateurs LR, crie victoire. (...)
    La foire n’est pas terminée. Mais Gérald Darmanin compte déjà les « bouses ». Et calcule devant Sacha Houlié qu’au-delà des députés du camp présidentiel, les élus du groupe Liberté, indépendants, outre-mer et territoires (LIOT), qu’il traite soigneusement depuis des mois lors de déplacements en Corse et dans les outre-mer, voteront en faveur de « son » texte. Quinze députés LR lui seraient favorables. Avec les abstentions escomptées d’élus du Rassemblement national (RN) et de la droite, le texte peut passer sans 49.3 (cet article de la Constitution qui permet de faire adopter une loi sans vote), calcule le locataire de la place Beauvau, qui demande au député de la Vienne de ne pas prendre de positions contraires à la sienne lors des discussions au banc.
    Une semaine plus tôt, Sacha Houlié avait prévenu dans un entretien au Figaro que les députés Renaissance rétabliraient le texte initial du gouvernement, débarrassé de ses dérives droitières. Les suppressions de l’AME et du droit du sol, assimilées à des cavaliers législatifs, sont vouées à être censurées par le Conseil constitutionnel. Mais une partie du camp présidentiel tient à signifier sa désapprobation alors que, pendant les débats au Sénat, M. Darmanin a préféré éviter la confrontation sur le fond.(...)
    « Gérald a les clés », observe le chef de file des sénateurs macronistes, François Patriat. Lors d’un dîner à l’Elysée, le 7 novembre, M. Darmanin avait prévenu le chef de l’Etat devant la première ministre, Elisabeth Borne, qu’il comptait « co-construire » un texte avec les sénateurs, rappelant qu’à ses yeux, le pays penche à droite, et qu’il avait l’opinion publique avec lui. « O.K., on y va », lui répond Emmanuel Macron. Un peu plus tôt, le locataire de la place Beauvau avait aussi formulé devant la cheffe du gouvernement, des ministres et les présidents de groupe son espoir d’obtenir l’abstention des rangs du RN et de LR, sous la pression de leurs électorats. Le ministre du travail, Olivier Dussopt, ancien socialiste, qui avait posé avec Gérald Darmanin pour mettre en scène une loi alliant fermeté et humanisme, ne sera pas au banc du Palais du Luxembourg.
    Seul en piste, le ministre de l’intérieur manœuvre. Mais au sein du gouvernement, l’extrême bienveillance dont l’ex-sarkozyste fait preuve vis-à-vis de la droite finit par agacer. La suppression de l’AME choque. D’autant que le ministre fait savoir qu’il y est favorable « à titre personnel » quand le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, le ministre de la santé, Aurélien Rousseau, et Elisabeth Borne disent publiquement leur opposition. Le locataire de la place Beauvau finit par tempérer sa position, mais seulement après avoir obtenu, début octobre, que Matignon lance une mission sur une réforme de l’AME. (...)
    Si le transfuge de la droite assure qu’il ne discute pas avec les élus RN, il a l’intuition que les 88 députés d’extrême droite ne s’opposeront pas au texte. « C’est compliqué pour le RN de voter contre », soupèse Violette Spillebout, députée Renaissance du Nord. L’élue « darmaniste », qui a récemment débattu à la télévision avec des parlementaires lepénistes, comme les députés de l’Yonne Julien Odoul et du Pas-de-Calais Emmanuel Blairy, assure que, hors micro, elle ne ressent pas de virulence de ses collègues RN contre le texte. « Je ne vois pas ce qui leur fait penser » qu’on pourrait s’abstenir, s’étonne Jean-Philippe Tanguy, président délégué du groupe RN à l’Assemblée, qui a toutefois remarqué une étonnante amabilité à son endroit. Lorsqu’il a tancé Elisabeth Borne, qui, le 18 octobre, déclenchait un nouveau 49.3 sur un texte budgétaire, en lui lançant un irrespectueux « Arrête ton bla-bla ! », l’élu d’extrême droite a, dit-il, reçu les louanges de députés Horizons et réputés proches du ministre de l’intérieur. « Gérald Darmanin est sans foi ni loi », peste Olivier Marleix, exaspéré par « la godille » du ministre. Un exercice vain, selon le patron des députés LR, à moins que la majorité présidentielle ne vote, lors de la niche parlementaire des Républicains, une réforme de la Constitution pour permettre un référendum sur l’immigration. « C’est donnant-donnant », dit-il sans grand espoir. A la fin, présage-t-il, la loi « immigration » aboutira par un 49.3, « et Gérald Darmanin essaiera de dire que c’est la méchante Borne qui le lui aura imposé ».
    Entré en politique à 16 ans, après avoir été sèchement recadré par un cadre du RPR qui signifie à ce petit-fils de harki qu’« on ne peut pas adhérer si on n’est pas français », Gérald Darmanin veut ce texte, qui doit sculpter son image d’autorité et répondre, selon les sondages qu’il scrute avec attention, à une demande des Français.
    Omniprésent dans les médias, Gérald Darmanin fait maintenant des « threads » (des fils) sur le réseau social X. Il déroule chaque jour la liste des étrangers expulsés : (...) Un compte rendu sans précédent, instauré quelques jours après l’attentat d’Arras, le 13 octobre, au cours duquel un jeune Russe radicalisé a mortellement poignardé un professeur de français. « Personne n’avait osé faire ça, remarque un préfet en poste. Mais il faut bien rassurer la population, sinon, elle va nous mettre Marine Le Pen au pouvoir. »

    #Covid-19#migrant#migration#france#loimigration#politiquemigratoire#immigration#AME#santeexpulsion#etranger#regularisation#naturalisation

  • Immigration : les députés macronistes tentés de détricoter le texte du Sénat
    https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/11/15/immigration-les-deputes-macronistes-tentes-de-detricoter-le-texte-du-senat_6

    Immigration : les députés macronistes tentés de détricoter le texte du Sénat
    Une partie des élus de la majorité est déterminée à rééquilibrer le projet de loi, nettement durci par les sénateurs de droite, lors de son examen en séance à l’Assemblée nationale à partir du 11 décembre.
    Par Mariama Darame
    Quelques heures avant l’adoption du projet de loi « immigration » par le Sénat, mardi 14 novembre, le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, esquissait déjà la ligne de conduite de son camp à l’égard d’un texte considérablement durci par la majorité sénatoriale, dominée par la droite : « Bien sûr que [nos députés] auront à cœur de revenir sur un certain nombre de dispositions introduites par les sénateurs », a-t-il affirmé sur France Inter.
    Quotas migratoires, restriction des modalités du regroupement familial, suppression de l’aide médicale d’Etat (AME) au profit d’une aide médicale d’urgence (AMU), délit de séjour irrégulier… La droite sénatoriale et son allié centriste ont profondément transformé le texte du gouvernement – passé de 27 articles à près d’une centaine –, souvent avec la bienveillance du ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin. Au point que les sénateurs Les Républicains (LR) considèrent désormais que le projet de loi est devenu le leur.
    Une « provocation » aux yeux des députés macronistes, soucieux de rééquilibrer le texte. Alors qu’il doit être examiné à l’Assemblée nationale à partir du 27 novembre en commission des lois, puis le 11 décembre en séance, une partie d’entre eux sont tentés de défaire l’œuvre du Sénat. (...) Mais comme souvent, les visions divergent au sein de la majorité à l’Assemblée nationale sur l’ampleur des modifications à apporter.
    L’article 3, qui visait à créer un titre de séjour pour les travailleurs sans papiers dans les métiers en tension, sera au cœur des débats au Palais-Bourbon. Mardi, le ministre de l’intérieur a convié à déjeuner le président Renaissance de la commission des lois à l’Assemblée, Sacha Houlié. Le premier a rappelé au second sa volonté de revenir sur la suppression de cet article. Au Sénat, cette disposition décriée par la droite a été remplacée par une mesure de régularisation dans ces métiers en tension à la seule discrétion du préfet, durcissant ainsi la circulaire en vigueur.
    (...) Face à Sacha Houlié, figure de proue de l’aile gauche macroniste, M. Darmanin a soutenu le rétablissement de l’article 4, également supprimé par la majorité sénatoriale, permettant à certains demandeurs d’asile d’accéder dès leur arrivée au marché du travail. Le ministre de l’intérieur a aussi reconnu que de nombreuses mesures introduites au Sénat étaient irrecevables car sans lien direct ou indirect avec le texte. De quoi offrir des garanties suffisantes à son aile gauche pour éviter tout désaveu dans l’Hémicycle ? « La majorité ne doit pas tomber dans le piège de ne vouloir que se contenter de corriger le texte du Sénat. Il reste des améliorations à apporter au texte initial », considère Stella Dupont qui compte encore sur le soutien d’une partie de la gauche pour les faire voter.
    #Devant ces positions affirmées, Gérald Darmanin n’a pas renoncé à obtenir l’abstention d’élus LR, voire le soutien d’une poignée de députés de droite conciliants avec la ligne du gouvernement pour faire adopter son texte. Or, chez les députés macronistes, la défiance demeure à l’égard des LR, jugés peu fiables. « Vaut-il mieux un mauvais texte voté par une majorité construite avec la droite ou un bon texte adopté grâce à un 49.3 ? », estime le député MoDem du Finistère, Erwan Balanant. Avant de résumer : « C’est l’équation politique insoluble pour Gérald Darmanin. »

    #Covid-19#migrant#migration#france#assembleenationale#loimigration#AME#titredesejour#regularisation#politiquemigratoire#sante

  • Comment le Sénat a durci le projet de loi « immigration », du droit du sol à l’aide médicale d’Etat
    https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/11/14/du-droit-du-sol-a-l-aide-medicale-d-etat-comment-le-senat-a-durci-le-projet-

    Comment le Sénat a durci le projet de loi « immigration », du droit du sol à l’aide médicale d’Etat
    Après les concessions du ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, à la droite, plusieurs mesures du texte adopté mardi au Palais du Luxembourg sont dénoncées par la gauche et les associations, qui déplorent une « stigmatisation des étrangers ».
    Par Julia Pascual
    Publié le 14 novembre 2023 à 23h23, modifié hier à 11h30
    Le projet de loi relatif à l’immigration a été adopté par le Sénat mardi 14 novembre, à 210 voix contre 115, considérablement durci par le gouvernement et la majorité sénatoriale. Soucieux de sécuriser le vote de son texte dans un hémicycle qui ne compte que quarante élus macronistes, l’exécutif a mis en avant le « compromis » qu’il a bâti avec la droite et le centre, et défendu l’« équilibre » des mesures proposées. « Fermeté contre les étrangers délinquants, meilleures conditions d’intégration, simplification des procédures, voilà quel est le projet de loi du gouvernement », a énuméré le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, après le vote solennel des sénateurs.
    Mais pour la gauche et les associations, le compte n’y est pas. Non seulement la mesure visant à créer une régularisation de plein droit pour certains travailleurs sans-papiers a été réduite à une possibilité laissée à la main des préfets, mais le texte est devenu un « repoussoir infâme », a tancé le sénateur Europe Ecologie-Les Verts des Bouches-du-Rhône Guy Benarroche. « L’examen du Sénat a fait sauter des digues que nous pensions jusque-là infranchissables », ont alerté un ensemble de trente-cinq organisations, dont Médecins du monde, le Secours catholique ou la Ligue des droits de l’homme. Même l’Unicef s’est dit « profondément préoccupé » par les conséquences du texte sur les enfants.
    Difficile de résumer les dispositions d’une loi passée de vingt-sept articles à une centaine désormais. (...) Restriction du droit du sol pour les enfants nés en France de parents étrangers ; suppression de l’aide médicale d’Etat ; durcissement des conditions du regroupement familial, de la migration étudiante et de la délivrance d’un titre de séjour étranger malade ; restriction de l’accès aux droits sociaux ; rétablissement du délit de séjour irrégulier ; augmentation des moyens de placement en rétention des demandeurs d’asile ; retrait d’un titre de séjour en cas de non-respect des « principes de la République » ; exclusion des personnes sans titre de séjour du droit à l’hébergement d’urgence…
    « Des projets de loi qui ajoutent des difficultés sans assurer une meilleure maîtrise de l’immigration, ce n’est pas nouveau. Mais ce texte marque une bascule politique, juge Pascal Brice, président de la Fédération des acteurs de la solidarité, qui regroupe 870 associations et organismes. A la fois par la nature des mesures, leur cumul et la tonalité des débats au Sénat, qui constituent une manière d’assumer une stigmatisation des étrangers. C’est une faute politique majeure et une dérive indigne. »
    Responsable du plaidoyer au sein de l’association Forum réfugiés, Laurent Delbos s’inquiète notamment de la « simplification » du contentieux en droit des étrangers, vantée par le gouvernement et inspirée du rapport de la commission des lois du Sénat, présidée par le sénateur Les Républicains (LR) du Rhône François-Noël Buffet. Sous prétexte de réduire le nombre de procédures pour soulager les tribunaux administratifs, des délais de recours sont réduits : « Par exemple, pour contester une obligation de quitter le territoire [OQTF], un débouté du droit d’asile n’aura plus que sept jours au lieu de quinze. Ça rend impossible le recours effectif et ça va toucher des milliers de personnes par an », expose M. Delbos, qui regrette que des mesures techniques passent « sous les radars médiatiques ».
    Le texte entérine aussi la généralisation du juge unique (au lieu d’une formation de trois juges) au sein de la Cour nationale du droit d’asile, qui examine les recours des demandeurs d’asile déboutés une première fois de leur requête. Les sénateurs ont aussi supprimé l’article du texte qui prévoyait d’autoriser l’accès au travail de certains demandeurs d’asile. Le gouvernement a, en outre, fait voter plusieurs ajouts tels que la possibilité de placer en rétention un étranger interpellé qui voudrait demander l’asile mais présenterait un « risque de fuite ».
    « Cela vise les étrangers qui arrivent d’Italie, explique M. Delbos. Une fois placé en rétention, l’étranger est soumis à une procédure d’asile dégradée. » Une décision est prise sous quatre-vingt-seize heures sur sa demande et, en cas de rejet, le recours n’est pas automatiquement suspensif d’un éloignement. « C’est un vrai recul qui n’avait pas été initialement annoncé par le gouvernement », alerte M. Delbos. « C’est en contradiction flagrante avec le discours du ministre, qui dit réserver la rétention aux délinquants, et c’est une régression majeure qui ne devrait pas être votée en catimini », abonde la directrice générale de France terre d’asile, Delphine Rouilleault.
    Le droit à la réunification familiale des réfugiés est, lui aussi, grignoté par des amendements du gouvernement : le délai pour y prétendre est raccourci, l’âge limite des enfants pour en bénéficier passe de 19 à 18 ans, et en sont exclues les personnes n’entretenant pas des « relations suffisamment stables et continues ». A cela, la majorité sénatoriale a notamment ajouté le fait de clôturer d’office l’instruction d’une demande d’asile si une personne quitte son hébergement.Sur proposition des sénateurs LR et du sénateur (Reconquête !) des Bouches-du-Rhône, Stéphane Ravier, le nombre d’années de résidence exigées avant de pouvoir demander la nationalité française est aussi passé de cinq à dix ans.
    « C’est un catalogue des horreurs, juge Mme Rouilleault. On a été choqués de voir le nombre d’amendements sur lesquels le gouvernement est resté silencieux », en se contentant de présenter des avis de « sagesse », c’est-à-dire ni favorables ni défavorables. C’est notamment le cas pour l’automaticité de la délivrance d’une OQTF en cas de rejet d’une demande d’asile, sur la suppression de l’aide médicale d’Etat, pour l’allongement de quatre à cinq ans de la durée du mariage avec un Français avant qu’un étranger puisse demander une carte de résident, ou encore pour le fait de conditionner à cinq ans de séjour régulier l’accès à certains droits sociaux (aide au logement, prestations familiales, allocation personnalisée d’autonomie et prestation de compensation du handicap).
    Les avis du gouvernement ont même été favorables à l’instauration de quotas annuels d’immigration, au rétablissement d’un délit de séjour irrégulier (passible d’une amende de 3 750 euros), à l’alignement de la situation des conjoints de Français sur les conditions de logement et de ressources du regroupement familial, ou au passage de quatre à cinq ans du temps de mariage avant lequel un conjoint de Français peut être naturalisé.
    « L’étranger n’est vu que comme une menace, un fraudeur », a regretté en séance la sénatrice socialiste de Paris Marie-Pierre de La Gontrie, tandis que le Sénat s’est félicité d’un texte qui « pose les fondations d’une stratégie migratoire assumée ». Reste désormais à voir si ces dispositions inspirées par la droite seront validées lors de l’examen du projet de loi à l’Assemblée nationale, à partir du 11 décembre.

    #Covid-19#migration#migrant#france#loimigration#senat#oqtf#regroupementfamilial#regularisation#naturalisation#droit#stigmatisation#etranger#travailleurmigrant#sante#AME#politiquemigratoire

  • Comment le Sénat a durci le projet de loi « immigration », du droit du sol à l’aide médicale d’Etat
    https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/11/14/du-droit-du-sol-a-l-aide-medicale-d-etat-comment-le-senat-a-durci-le-projet-

    Comment le Sénat a durci le projet de loi « immigration », du droit du sol à l’aide médicale d’Etat
    Après les concessions du ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, à la droite, plusieurs mesures du texte adopté mardi au Palais du Luxembourg sont dénoncées par la gauche et les associations, qui déplorent une « stigmatisation des étrangers ».
    Par Julia Pascual
    Publié le 14 novembre 2023 à 23h23, modifié hier à 11h30
    Le projet de loi relatif à l’immigration a été adopté par le Sénat mardi 14 novembre, à 210 voix contre 115, considérablement durci par le gouvernement et la majorité sénatoriale. Soucieux de sécuriser le vote de son texte dans un hémicycle qui ne compte que quarante élus macronistes, l’exécutif a mis en avant le « compromis » qu’il a bâti avec la droite et le centre, et défendu l’« équilibre » des mesures proposées. « Fermeté contre les étrangers délinquants, meilleures conditions d’intégration, simplification des procédures, voilà quel est le projet de loi du gouvernement », a énuméré le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, après le vote solennel des sénateurs.
    Mais pour la gauche et les associations, le compte n’y est pas. Non seulement la mesure visant à créer une régularisation de plein droit pour certains travailleurs sans-papiers a été réduite à une possibilité laissée à la main des préfets, mais le texte est devenu un « repoussoir infâme », a tancé le sénateur Europe Ecologie-Les Verts des Bouches-du-Rhône Guy Benarroche. « L’examen du Sénat a fait sauter des digues que nous pensions jusque-là infranchissables », ont alerté un ensemble de trente-cinq organisations, dont Médecins du monde, le Secours catholique ou la Ligue des droits de l’homme. Même l’Unicef s’est dit « profondément préoccupé » par les conséquences du texte sur les enfants.
    Difficile de résumer les dispositions d’une loi passée de vingt-sept articles à une centaine désormais. (...) Restriction du droit du sol pour les enfants nés en France de parents étrangers ; suppression de l’aide médicale d’Etat ; durcissement des conditions du regroupement familial, de la migration étudiante et de la délivrance d’un titre de séjour étranger malade ; restriction de l’accès aux droits sociaux ; rétablissement du délit de séjour irrégulier ; augmentation des moyens de placement en rétention des demandeurs d’asile ; retrait d’un titre de séjour en cas de non-respect des « principes de la République » ; exclusion des personnes sans titre de séjour du droit à l’hébergement d’urgence…
    « Des projets de loi qui ajoutent des difficultés sans assurer une meilleure maîtrise de l’immigration, ce n’est pas nouveau. Mais ce texte marque une bascule politique, juge Pascal Brice, président de la Fédération des acteurs de la solidarité, qui regroupe 870 associations et organismes. A la fois par la nature des mesures, leur cumul et la tonalité des débats au Sénat, qui constituent une manière d’assumer une stigmatisation des étrangers. C’est une faute politique majeure et une dérive indigne. »
    Responsable du plaidoyer au sein de l’association Forum réfugiés, Laurent Delbos s’inquiète notamment de la « simplification » du contentieux en droit des étrangers, vantée par le gouvernement et inspirée du rapport de la commission des lois du Sénat, présidée par le sénateur Les Républicains (LR) du Rhône François-Noël Buffet. Sous prétexte de réduire le nombre de procédures pour soulager les tribunaux administratifs, des délais de recours sont réduits : « Par exemple, pour contester une obligation de quitter le territoire [OQTF], un débouté du droit d’asile n’aura plus que sept jours au lieu de quinze. Ça rend impossible le recours effectif et ça va toucher des milliers de personnes par an », expose M. Delbos, qui regrette que des mesures techniques passent « sous les radars médiatiques ».
    Le texte entérine aussi la généralisation du juge unique (au lieu d’une formation de trois juges) au sein de la Cour nationale du droit d’asile, qui examine les recours des demandeurs d’asile déboutés une première fois de leur requête. Les sénateurs ont aussi supprimé l’article du texte qui prévoyait d’autoriser l’accès au travail de certains demandeurs d’asile. Le gouvernement a, en outre, fait voter plusieurs ajouts tels que la possibilité de placer en rétention un étranger interpellé qui voudrait demander l’asile mais présenterait un « risque de fuite ».
    « Cela vise les étrangers qui arrivent d’Italie, explique M. Delbos. Une fois placé en rétention, l’étranger est soumis à une procédure d’asile dégradée. » Une décision est prise sous quatre-vingt-seize heures sur sa demande et, en cas de rejet, le recours n’est pas automatiquement suspensif d’un éloignement. « C’est un vrai recul qui n’avait pas été initialement annoncé par le gouvernement », alerte M. Delbos. « C’est en contradiction flagrante avec le discours du ministre, qui dit réserver la rétention aux délinquants, et c’est une régression majeure qui ne devrait pas être votée en catimini », abonde la directrice générale de France terre d’asile, Delphine Rouilleault.
    Le droit à la réunification familiale des réfugiés est, lui aussi, grignoté par des amendements du gouvernement : le délai pour y prétendre est raccourci, l’âge limite des enfants pour en bénéficier passe de 19 à 18 ans, et en sont exclues les personnes n’entretenant pas des « relations suffisamment stables et continues ». A cela, la majorité sénatoriale a notamment ajouté le fait de clôturer d’office l’instruction d’une demande d’asile si une personne quitte son hébergement.Sur proposition des sénateurs LR et du sénateur (Reconquête !) des Bouches-du-Rhône, Stéphane Ravier, le nombre d’années de résidence exigées avant de pouvoir demander la nationalité française est aussi passé de cinq à dix ans.
    « C’est un catalogue des horreurs, juge Mme Rouilleault. On a été choqués de voir le nombre d’amendements sur lesquels le gouvernement est resté silencieux », en se contentant de présenter des avis de « sagesse », c’est-à-dire ni favorables ni défavorables. C’est notamment le cas pour l’automaticité de la délivrance d’une OQTF en cas de rejet d’une demande d’asile, sur la suppression de l’aide médicale d’Etat, pour l’allongement de quatre à cinq ans de la durée du mariage avec un Français avant qu’un étranger puisse demander une carte de résident, ou encore pour le fait de conditionner à cinq ans de séjour régulier l’accès à certains droits sociaux (aide au logement, prestations familiales, allocation personnalisée d’autonomie et prestation de compensation du handicap).
    Les avis du gouvernement ont même été favorables à l’instauration de quotas annuels d’immigration, au rétablissement d’un délit de séjour irrégulier (passible d’une amende de 3 750 euros), à l’alignement de la situation des conjoints de Français sur les conditions de logement et de ressources du regroupement familial, ou au passage de quatre à cinq ans du temps de mariage avant lequel un conjoint de Français peut être naturalisé.
    « L’étranger n’est vu que comme une menace, un fraudeur », a regretté en séance la sénatrice socialiste de Paris Marie-Pierre de La Gontrie, tandis que le Sénat s’est félicité d’un texte qui « pose les fondations d’une stratégie migratoire assumée ». Reste désormais à voir si ces dispositions inspirées par la droite seront validées lors de l’examen du projet de loi à l’Assemblée nationale, à partir du 11 décembre.

    #Covid-19#migration#migrant#france#loimigration#senat#oqtf#regroupementfamilial#regularisation#naturalisation#droit#stigmatisation#etranger#travailleurmigrant#sante#AME#politiquemigratoire

  • Le veau et le cheval du Sénat | Mediapart | 11.11.23

    https://www.mediapart.fr/journal/politique/111123/projet-de-loi-immigration-au-senat-comment-rendre-l-inacceptable-un-peu-pl

    « À quel titre donne-t-on la nationalité française à quelqu’un uniquement par le hasard de son lieu de naissance ? Un veau qui est né dans une écurie ne fera jamais de lui un cheval », a osé fièrement Stéphane Ravier (sénateur non inscrit mais membre de Reconquête).

    Dans la nuit de mercredi à jeudi, le Sénat a voté la suppression de l’automaticité du droit du sol pour les jeunes nés en France de parents étrangers

    • Gérald Darmanin, qui trépignait à l’idée de pouvoir faciliter l’expulsion de France des étrangers et étrangères. Il l’avait déjà annoncé au lendemain de l’attentat d’Arras, perpétré par un jeune originaire d’Ingouchie (une petite république du Caucase du Nord), dont la famille avait frôlé l’expulsion en 2014. « Aujourd’hui, je peux expulser 2 500 étrangers, a expliqué le ministre de l’intérieur à la tribune, face aux sénatrices et sénateurs. Mais pour 4 000 d’entre eux, je n’arrive pas à les expulser, non pas pour une question de laissez-passer consulaire mais parce que la loi m’en empêche. »

      L’information est en partie fausse ; mais partout dans les médias, l’idée que des catégories d’étrangers et étrangères bénéficient d’une « protection absolue » a circulé, notamment pour les jeunes arrivé·es avant l’âge de 13 ans en France – c’était le cas de l’assaillant d’Arras. Mais dans le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda), cette même catégorie peut en réalité être éloignée du territoire en cas d’activités à caractère terroriste ou de menace pour les intérêts fondamentaux de l’État.

      en plus ses chiffres sont ridiculement minuscules ; il pavoise pour 2000-4000 personnes ?

    • L’AN, au moins sa partie macro-nike, majoritaire, va exécuter les ordres le petit doigt sur la couture, et voter droit dans ses bottes, non ? Quant au FN, il votera des deux mains, j’imagine. A vue de nez ça passe direct et avec les félicitations du jury.

      Dans la même veine, il a été approuvé que les personnes étrangères en situation régulière ne pourraient plus prétendre aux prestations familiales ou à l’aide personnalisée au logement (APL) si elles n’ont pas au moins cinq ans de présence en France. Un étudiant ou une étudiante étrangère – dont les frais d’inscription ont été parfois multipliés par dix, selon les universités, sous le précédent quinquennat d’Emmanuel Macron – ne pourrait ainsi plus bénéficier de l’aide au logement, creusant encore un peu plus un budget déjà très serré.
      [...]
      « Ça a été la semaine de l’enfer », résume vendredi la sénatrice écologiste Mélanie Vogel,

      Et c’est pas fini, Vogeul

  • #Suppression de l’#AME : l’"exemple malheureux" de l’#Espagne

    Alors que, en #France, le Sénat vient de voter la suppression de l’AME dans le cadre du projet de loi « immigration », l’exemple de l’Espagne, qui, après avoir démantelé son dispositif d’aide, l’a remis en place, donne matière à réflexion.

    Adoptée mardi 7 novembre au Sénat, la suppression de l’aide médicale de l’Etat (AME) pour les sans-papiers est décriée jusqu’au sein même du gouvernement. « C’est une profonde #erreur, et il y a des moments où l’erreur confine à la #faute. C’est une faute », a déclaré le soir même le ministre de la Santé, Aurélien Rousseau, invité de l’émission Quotidien. La chambre haute du Parlement s’est par ailleurs attiré les foudres d’une partie du corps médical. C’est « une #hérésie humanitaire, sanitaire et financière », a dénoncé, mercredi 8 novembre, la fédération des hôpitaux publics, le représentant des hôpitaux privés appelant, lui aussi, à « maintenir [ce dispositif] de #santé_publique ».

    « Sur le plan financier, la suppression de l’AME fragiliserait de façon extrêmement forte un #hôpital_public soumis à de fortes tensions budgétaires [en le privant] des financements associés à la prise en charge de personnes malades qui continueraient d’être soignées », a signalé la Fédération hospitalière de France. Un argument également repris par Aurélien Rousseau, qui, lui, cite l’exemple de l’Espagne, qui avait supprimé le dispositif en 2012, pour le rétablir en 2018. « L’Espagne a essayé ce dispositif. Au bout de quelques années, ils se sont aperçus qu’ils avaient 20 % de mortalité en plus dans cette population qui est beaucoup plus sujette aux #maladies_transmissibles… »

    Entre 15 et 20 % de #surmortalité

    En France, dans l’argumentaire de ceux qui s’opposent à la suppression de l’AME, l’"exemple malheureux de l’Espagne" revient systématiquement. « La restriction de l’accès aux soins des étrangers en situation irrégulière, votée en 2012, a entraîné une augmentation de l’incidence des maladies infectieuses ainsi qu’une surmortalité. Cette réforme a finalement été abrogée en 2018 », écrivaient 3 000 soignants dans une tribune publiée dans Le Monde la semaine dernière.

    A l’époque, en 2012, le gouvernement du conservateur Mariano Rajoy avait justifié la mesure par l’idée qu’elle permettrait l’économie de « plus de 500 millions d’euros » et qu’elle éviterait le « tourisme sanitaire ». Or c’est l’effet l’inverse qui s’est produit, engendrant des conséquences dramatiques.

    Une étude menée par l’Institut d’économie de Barcelone et l’université Pompeu Fabra, publiée en 2018 et intitulée « Les effets mortels de la perte de l’assurance-maladie » (https://editorialexpress.com/cgi-bin/conference/download.cgi?db_name=ESPE2018&paper_id=135), a montré une augmentation de la mortalité des #sans-papiers en Espagne de 15 % en moyenne entre 2012 et 2015, soit au cours des trois premières années de la mesure. L’étude soulignait aussi que ces restrictions « avaient pu provoquer une augmentation des passages aux #urgences, puisque c’était devenu la seule forme d’#accès_aux_soins pour beaucoup ».

    « Pas de preuve d’économies »

    En outre, la presse espagnole a largement souligné que la mesure du gouvernement Rajoy n’avait pas permis de réaliser les #économies souhaitées. Le site d’actualités ElDiario (https://www.eldiario.es/desalambre/exclusion-sanitaria-personas-probar-gobierno_1_4680962.html) soulignait ainsi que les économies faites via la suppression de l’AME étaient finalement annulées par des prises en charge trop tardives de pathologies, notamment aux urgences, et donc beaucoup plus coûteuses. Tandis que le journal El País démontrait les effets d’une « réforme exclusive et finalement très coûteuse » (https://elpais.com/sociedad/2014/04/17/actualidad/1397761517_421716.html?event_log=oklogin). Une étude menée en 2015 par l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne avait par ailleurs montré que les économies allaient de 9 à 69 % lorsqu’une maladie était prise en charge de manière précoce par rapport à des #soins_tardifs (https://fra.europa.eu/en/publication/2015/cost-exclusion-healthcare-case-migrants-irregular-situation-summary).

    En 2018, après six ans de restriction de l’accès aux soins pour les étrangers en situation irrégulière, le gouvernement du socialiste Pedro Sánchez est finalement revenu en arrière pour instaurer à nouveau le dispositif. « La #santé ne connaît pas de frontières, de papiers d’identité, de permis de travail ou de séjour », avait déclaré la ministre de la Santé d’alors, Carmen Montón.

    https://www.lexpress.fr/monde/europe/suppression-de-lame-lexemple-malheureux-de-lespagne-JMBUYCQFYFGYVFUKLXZDZQ3

    #loi_immigration #coût

    –—

    ajouté à ce fil de discussion :
    #AME, #regroupement_familial, #quotas : le Sénat s’acharne contre l’immigration
    https://seenthis.net/messages/1025340

    • Cost of exclusion from healthcare – The case of migrants in an irregular situation – Summary

      The right to health is a basic social right. However, its understanding and application differs across the European Union (EU) Member States, which results in different healthcare services being offered to migrants in an irregular situation. This summary looks into the potential costs of providing migrants in an irregular situation with timely access to health screening and treatment, compared to providing medical treatment only in emergency cases.

      https://fra.europa.eu/en/publication/2015/cost-exclusion-healthcare-case-migrants-irregular-situation-summary

    • La réforme de l’AME « implique que les sans-papiers ne sont dignes d’être soignés que s’ils vont mourir »

      Pour l’économiste #Philippe_Batifoulier, la suppression de l’aide médicale d’Etat pour les sans-papiers est un non-sens. Bien loin des économies promises, cette décision menace l’ensemble de la population et aggrave un peu plus le démantèlement du système de santé publique.

      Mardi 7 novembre, le Sénat a adopté la suppression de l’aide médicale d’Etat (AME), un dispositif instauré en 2000 permettant aux étrangers en situation irrégulière de bénéficier d’un accès régulier aux soins, accordé pour un an sous certaines conditions de résidence et de ressources, et dans la limite des tarifs de la sécurité sociale.

      Le texte prévoit de lui substituer une « aide médicale d’urgence », soit une réduction drastique du panier de soins proposés. Introduit par la droite sénatoriale, l’amendement fait partie du projet de loi immigration et a été adopté à 200 voix contre 136 ; en décembre, l’Assemblée nationale l’examinera à son tour et pourrait choisir de le retoquer. Pour l’économiste Philippe Batifoulier, spécialiste des questions de santé et de protection sociale, l’AME relève de l’humanité la plus élémentaire. La supprimer est selon lui une faute morale, économique et sanitaire.

      Que recouvre l’aide médicale d’Etat et à qui s’adresse-t-elle ?

      Elle permet de dispenser des soins à des personnes sans-papiers aux ressources inférieures à 810 euros par mois, et arrivées en France depuis au moins trois mois – deux situations qu’il faut prouver. Ce panier de soins est inférieur, notamment sur les soins dentaires, à celui proposé par la Complémentaire santé solidaire, accessible aux Français les plus modestes. Les soins médicaux reçus par les migrants à leur arrivée en France ne datent pas de l’AME, mais ce dispositif, qui n’est pas seulement social, permet de recouvrer des créances, et de mieux garantir aux hôpitaux publics le financement de certains soins. Contrairement à ce qu’on entend, ce n’est pas une spécificité française : il y a des dispositifs similaires en Belgique ou en Allemagne, qui ne sont pas restreints aux situations d’urgence.

      Comment analysez-vous cette décision du Sénat ?

      C’est une opportunité politique liée à l’air du temps et à une extrême droite qui a le vent en poupe. Ce débat régulier sur l’AME est un marqueur exemplaire du degré de xénophobie en France. Sa suppression ne repose sur aucun argument scientifique : par contre, ce que cette réforme implique, c’est que les sans-papiers ne sont dignes d’être soignés que s’ils vont mourir. Ce n’est plus la bonne santé qui compte, c’est éviter le pire.

      Quels sont les principaux arguments des détracteurs de cet acquis social ?

      Leur premier objectif est de lutter contre le « tourisme médical », l’idée selon laquelle dès que les migrants posent un pied sur le territoire français, la première chose qu’ils font est de se faire soigner. C’est aussi faux que ridicule. Aujourd’hui, on constate au contraire un non-recours massif : les personnes en situation irrégulière et qui ont besoin de soins ne connaissent pas l’existence de l’AME, et on estime que seuls 50% des concernés entament les démarches nécessaires, ce qui équivaut à environ 380 000 personnes, un nombre relativement faible. Son coût représente environ 1 milliard d’euros par an : soit 0,47% des dépenses de santé ! C’est moins que les dépassements d’honoraires sur un an, qui coûtent bien plus cher à la collectivité. Médecins, chercheurs en santé publique et économistes de toutes obédiences le répètent : cette suppression est un non-sens.

      Si la réforme passe, quelles en seront les conséquences ?

      Il y a fort à parier que les médecins continueront comme ils le pourront à soigner les patients immigrés. Seulement, ils devront composer avec ces bâtons dans les roues, entravant l’exercice de leur profession. Et les créances ne seront pas recouvrées. L’argument de réduction des dépenses est donc battu en brèche, d’autant que soigner les patients en état d’urgence coûte bien plus cher qu’appliquer un traitement en amont !

      Surtout, restreindre les soins à des situations d’urgence pose un vrai problème de santé publique. Si on ne soigne pas les individus qui en ont besoin, les maladies s’aggravent, se développent, dégénèrent en épidémie – la tuberculose par exemple, mais aussi tout simplement l’ensemble des virus de la vie quotidienne, qui se transmettent et qu’il faut soigner. Enfin, du fait de leurs conditions de vie, les migrants concentrent aussi un certain nombre de problèmes de santé mentale, qui peuvent avoir des répercussions sur l’ensemble de la population. Tout le monde a intérêt à ce que son voisin soit en bonne santé.

      Comment expliquer que cette réforme soit adoptée dans le cadre d’un projet de loi immigration ?

      Si on suppose que la santé est une des causes de l’immigration, il faut donc supprimer le besoin de santé pour enrayer l’immigration ! Par ailleurs, certaines personnes très riches viennent en France pour se faire soigner et cela ne pose jamais l’ombre d’un problème. L’AME est une histoire de pauvreté : ce n’est pas l’immigré le problème, c’est l’immigré pauvre. L’objectif est de créer un climat repoussoir. Mais réformer l’AME ne changera rien au nombre d’arrivées, motivées par bien d’autres raisons. De plus, certaines études montrent que ce sont plutôt les personnes en bonne santé qui émigrent, vu les risques que comporte le voyage. C’est quand elles arrivent en France que leur santé se dégrade du fait des conditions d’accueil.

      Quelles pourraient être les conséquences sur le dispositif de santé publique ?

      Cette réforme constitue une attaque à la santé des Français. L’AME a une résonance particulière car elle concerne les migrants, mais finalement ses problèmes ne diffèrent pas de ceux de l’Assurance santé en général, autour de l’idée que « quand les gens sont bien assurés, ils dépensent sans compter ». Selon cette logique, il faudrait donc supprimer les éléments de cette assurance. Cela peut passer par un forfait hospitalier de 20 euros par jour, un ticket modérateur, un forfait aux urgences… Ou par la fin de l’AME pour les étrangers. En France on ne déplore pas le renoncement aux soins : on l’organise, via une politique publique qui met des barrières un peu partout, et crée d’immenses inégalités d’accès aux soins. Mais imaginer que les répercussions concerneront seulement les dépenses futiles et superficielles, c’est profondément illusoire. Les études scientifiques montrent au contraire que quand vous faites payer les gens pour leur santé, ce sont les dépenses utiles que vous fragilisez. Finalement, plus on est pauvre, plus on a des besoins de soin… Et moins on est couvert. Quand vous ne pouvez pas vous permettre d’aller chez le dentiste, vous laissez votre état s’empirer jusqu’à être pris en charge à l’hôpital, ce qui coûte bien plus cher à la collectivité. Ce sont toutes ces absurdités que la réforme de l’AME met tristement en lumière.

      https://www.liberation.fr/idees-et-debats/suppression-de-laide-medicale-detat-les-migrants-ne-sont-dignes-detre-soi

    • Projet de loi immigration : deux #plaintes déposées devant l’#Ordre_des_médecins contre des sénateurs LR qui ont voté la suppression de l’AME

      Parmi les élus de droite et du centre qui ont voté la suppression de cette aide aux personnes sans papiers figurent une quinzaine de soignants de profession, médecins, pharmaciens ou infirmière.

      Deux praticiens ont déposé des plaintes devant l’Ordre des médecins, vendredi 10 novembre, pour violation du code de la Santé publique contre deux sénateurs Les Républicains (LR), également médecins de profession, qui ont voté la suppression de l’aide médicale d’État (AME) lors des débats sur le projet de loi immigration.

      L’AME couvre intégralement les frais de santé des étrangers en situation irrégulière présents en France depuis au moins trois mois. Les sénateurs ont voté son remplacement par un dispositif plus restreint. Le texte doit désormais être examiné par l’Assemblée nationale.

      Parmi les sénateurs de droite et du centre qui ont voté la réforme figurent une quinzaine de soignants de profession, médecins, pharmaciens ou infirmière. Les plaintes devant l’Ordre des médecins visent spécifiquement deux d’entre eux, Marie Mercier et Jean-François Rapin. Leur vote « [porte] atteinte, directement, à la santé physique et psychique d’une population connue pour être particulièrement vulnérable », écrivent les docteurs Georges Yoram Federmann, psychiatre installé à Strasbourg, et Jean Doubovetzky, généraliste exerçant à Albi.
      La suppression de l’AME considérée comme une « hérésie »

      Selon les plaignants, les deux sénateurs visés, en votant la fin de l’AME, ont violé cinq articles du Code de la Santé publique, dont l’article R.4127-7, selon lequel « le médecin doit écouter, examiner, conseiller ou soigner avec la même conscience toutes les personnes quels que soient leur origine, leurs moeurs et leur situation de famille, leur appartenance ou leur non-appartenance à une ethnie, une nation ou une religion déterminée, leur handicap ou leur état de santé, leur réputation ou les sentiments qu’il peut éprouver à leur égard. Il doit leur apporter son concours en toutes circonstances ».

      Pour les plaignants, voter la suppression de l’AME est en « contradiction avec le serment prêté par les médecins ». La Fédération des hôpitaux publics avait déjà estimé mercredi que la suppression de l’AME était « une #hérésie ».

      https://www.francetvinfo.fr/societe/immigration/projet-de-loi-immigration-deux-plaintes-ordinales-deposees-contre-des-m

  • Antoine Math : « En matière de droit des étrangers, les digues ont sauté » | Alternatives Economiques
    https://www.alternatives-economiques.fr/antoine-math-matiere-de-droit-etrangers-digues-ont-saute/00108578

    En pleine discussion sur le projet de #loi_immigration, le Sénat a non seulement supprimé l’aide médicale d’Etat (#AME) pour les #étrangers extra-européens mais adopté le 8 novembre deux amendements qui leur imposent cinq ans de « présence stable et régulière » en France pour percevoir l’allocation personnalisée au logement et les allocations familiales, mais aussi la prestation de compensation du handicap et le droit au logement opposable.

    L’économiste Antoine Math, chercheur à l’Institut de recherches économiques et sociales (Ires) et spécialiste des politiques sociales, revient sur ces décisions « qui viennent de très loin »...

    #droit_des_étrangers #droits_sociaux #APL #allocations_familiales#PCH #Dalo

    • Depuis des années, que ce soit dans les programmes des partis de droite et d’extrême droite ou dans certaines politiques publiques, notamment imposées à Mayotte et en Guyane, de telles mesures sont promues. Elles viennent de très loin, et dans le climat actuel d’#extrême-droitisation qui va bien au-delà des partis appartenant à ce spectre de l’échiquier politique, cela ne m’étonne pas qu’elles rencontrent un franc succès.
      Un détour par l’histoire n’est pas inutile. Pendant longtemps, il y avait une #condition_de_nationalité pour l’accès à certaines prestations sociales non contributives. Il fallait être Français ou Européen ou ressortissant d’un pays ayant signé telle ou telle convention avec la France. Les étrangers étaient ainsi exclus du minimum vieillesse, du minimum invalidité et de l’allocation aux adultes handicapés jusqu’en 1998.
      Pendant les années 1980, le Front national, aujourd’hui Rassemblement national, défendait ce qu’il appelait « la préférence nationale ». C’était sa mesure phare.

      [...]

      Une autre condition est rapidement venue combler l’impossibilité de la condition de nationalité pour restreindre l’accès des étrangers à certaines prestations. C’est la condition d’#antériorité_de_titre_de_séjour autorisant à travailler.
      Attention ! Ce n’est pas la condition d’ancienneté de présence ou de résidence, dite aussi de résidence stable, qui existe par exemple en matière de protection maladie, assurance maladie ou d’Aide médicale d’Etat. Elle est beaucoup plus restrictive.
      C’est une arme de guerre massive contre les étrangers. Elle ne permet pas d’exclure tous les étrangers comme le ferait la condition de nationalité jugée contraire à la Constitution et aux normes internationales, mais elle s’en approche par ses effets, en excluant une proportion d’autant plus importante que l’antériorité exigée est longue.
      Mais même lorsqu’on remplit en pratique cette condition draconienne, faire valoir ses droits n’a rien d’évident. Pour deux raisons. D’abord, il faut pouvoir le prouver. Or lorsqu’on renouvelle son titre de séjour, on rend l’ancien. Il faut donc être très prudent, avoir fait des scans ou des photocopies de ces titres de séjour précédents sur cinq, dix ou quinze ans, et ne pas les avoir perdus.
      Ensuite, lors des renouvellements de titres, il arrive fréquemment qu’il y ait une rupture de la continuité, parfois de quelques jours seulement, souvent du fait des préfectures qui tardent à fixer un rendez-vous ou délivrer le bon document.
      Du strict point de vue du droit, cela remet les compteurs à zéro. Les administrations sociales ne font pas toujours preuve de bienveillance à cet égard. L’étranger se trouve alors irrémédiablement pénalisé.
      Avec ces amendements, on s’oriente vers l’exclusion de nombreuses personnes étrangères résidant régulièrement en France.

      merci @sombre

  • Selon une étude, 21 % des immigrés résidant en France ont été sans papiers
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/11/09/selon-une-etude-21-des-immigres-residant-en-france-ont-ete-sans-papiers_6199

    Selon une étude, 21 % des immigrés résidant en France ont été sans papiers
    Parmi les migrants ayant connu une situation irrégulière, moins de la moitié sont arrivés illégalement sur le territoire. Un phénomène stable sur le temps long, qui bat en brèche l’idée d’une « submersion migratoire » diffusée par la droite et l’extrême droite.
    Par Julia Pascual
    Etre sans papiers, une expérience banale ? Des travaux inédits montrent que 21 % des immigrés qui résident en France ont été en situation irrégulière à un moment de leur vie dans le pays. Pour plus du tiers d’entre eux, cette précarité administrative a même duré plus de cinq ans. Tandis que les sénateurs examinent le projet de loi immigration jusqu’au 14 novembre, qui prévoit notamment de simplifier la régularisation des travailleurs sans papiers, des résultats de l’enquête Trajectoires et Origines 2 de l’Institut national d’études démographiques (INED), publiés en octobre, montrent que « la situation d’irrégularité est quelque chose de presque banal et d’important depuis très longtemps en France », souligne le directeur de recherches Cris Beauchemin, coauteur de l’étude avec Julia Descamps et Pascale Dietrich-Ragon.
    Ainsi, 23 % des immigrés arrivés avant 1989 ont connu l’irrégularité, contre 22 % de ceux arrivés entre 1989 et 1998, et 26 % de ceux arrivés entre 1999 et 2008. Alors que la droite et le centre ont restreint les règles de régularisation des travailleurs sans papiers, que le projet de loi initial assouplissait, l’étude montre que l’effet d’« appel d’air » ne se vérifie pas empiriquement. « L’irrégularité est un fait structurel dans la gestion administrative du séjour des immigrés et il n’y a pas eu de changement majeur quelles qu’aient été d’ailleurs les mesures de régularisation décidées par les gouvernements », insiste M. Beauchemin.
    L’étude de l’INED révèle, en outre, que parmi les 21 % d’immigrés qui ont été sans papiers, moins de la moitié sont arrivés de façon irrégulière sur le territoire. Ces résultats battent en brèche l’idée d’une « submersion migratoire » diffusée par la droite et l’extrême droite. « Alors que la question des entrées clandestines occupe une place croissante dans les discours publics depuis les années 2000, les données ne montrent aucune évolution significative », note l’INED. La proportion de migrants entrés en France sans visa oscille entre 9 % et 10 % depuis 1989.
    Le fait de vivre sans papiers découle aujourd’hui d’une multitude d’itinéraires administratifs. « L’irrégularité ne se produit pas seulement à l’arrivée en France. Il y a des gens entrés avec un visa, mais qui se maintiennent sur le territoire après qu’il a expiré, il y a des déboutés du droit d’asile, ou encore des personnes qui n’arrivent pas à renouveler leur titre de séjour parce qu’ils n’arrivent pas à accéder à l’administration, que les critères d’attribution ont évolué ou que leur situation personnelle a changé », énumère M. Beauchemin. Pour preuve : 26 % des immigrés détenteurs aujourd’hui d’une carte de résident de dix ans ont connu l’irrégularité, de même que 17 % des 2,5 millions d’immigrés aujourd’hui naturalisés français ont été sans-papiers à un moment de leur séjour. Le statut social ne protège que partiellement des aléas administratifs, puisque 12 % des immigrés diplômés du supérieur ont connu l’irrégularité, contre 32 % de ceux qui n’ont pas atteint l’enseignement secondaire. L’étude montre, enfin, que l’expérience de l’irrégularité n’est pas la même selon le lieu de résidence. « Les immigrés installés en région parisienne conservent un risque deux fois plus élevé d’avoir vécu sans papiers que leurs homologues provinciaux », notent les auteurs. Une inégalité qui pourrait résulter des décisions discrétionnaires des préfectures et de la congestion de ces dernières. « Un des enjeux de l’article 3 de la loi [immigration] était de créer une régularisation de plein droit de certains travailleurs sans-papiers et d’uniformiser le traitement des demandes sur le territoire », souligne M. Beauchemin. Mercredi 8 novembre, la majorité sénatoriale a réécrit cet article pour conserver le pouvoir discrétionnaire des préfets. Julia Pascual

    #Covid-19#migrant#migration#france#immigration#regularisation#travailleursanspapier#prefet#loimigration

  • Aide médicale d’Etat : à Saint-Denis, « des retards de diagnostic énormes chez les patients qui n’ont pas de couverture maladie »
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/11/06/aide-medicale-d-etat-a-saint-denis-des-retards-de-diagnostic-enormes-chez-le

    Aide médicale d’Etat : à Saint-Denis, « des retards de diagnostic énormes chez les patients qui n’ont pas de couverture maladie »
    Par Julia Pascual
    Publié le 06 novembre 2023 à 18h26,
    Cela fait deux semaines que son genou lui fait mal. Peut-être que ce n’est rien de grave mais, pour cet ouvrier du bâtiment spécialisé dans les travaux de maçonnerie, son genou, c’est comme un outil de travail. Le problème, c’est que Sikou (les personnes citées par leur prénom ont requis l’anonymat) n’a pas de couverture santé. Arrivé en France en 2018, il est sans papiers et n’a pas réussi à renouveler sa carte de bénéficiaire de l’aide médicale de l’Etat (AME), une prise en charge d’un panel de soins réduit pour les personnes en situation irrégulière.Alors ce matin d’automne, faute de solution, il s’est rendu dans un des centres d’accès aux soins et d’orientation de l’ONG Médecins du monde à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) afin d’être vu par un docteur. Celui qui le reçoit, Marc Pomper, lui donne un antalgique et des anti-inflammatoires. En l’auscultant, il constate que le Malien présente « un peu de tension ». « Vous pouvez revenir dans trois semaines pour vérifier », propose-t-il.
    En recevant des personnes sans couverture santé, Marc Pomper a un aperçu des situations qui pourraient se multiplier si l’AME était supprimée et remplacée par une « aide médicale d’urgence », comme le prévoit le texte de loi « immigration » examiné depuis lundi 6 novembre au Sénat.
    Minkoro, un Ivoirien de 36 ans, souffre d’une cardiomyopathie dilatée. Comme il réside en France depuis moins de trois mois, il n’a pas encore droit à l’AME. « C’est un cas extrême, estime M. Pomper. Je l’ai envoyé à l’hôpital il y a quelques jours parce que je pensais qu’ils le garderaient pour faire un bilan correct, mais ils l’ont renvoyé au bout d’une journée avec un traitement d’insuffisant cardiaque sans même lui faire une coronarographie. » Faute de ressources pour acheter les médicaments prescrits, Minkoro est retourné voir Médecins du monde dans l’espoir de les obtenir à titre gratuit.
    M. D., Ivoirien de 27 ans qui vit en France depuis 2019, n’a pas obtenu sa demande d’asile. Il ne bénéficie plus de l’aide « complémentaire santé solidaire » et souhaite solliciter l’aide médicale d’Etat. Ici, lors de l’information collective proposée par Marie, accueillante au sein du centre d’accès aux soins et d’orientation de Médecins du monde, à Saint-Denis, le 6 novembre 2023.
    Loin de l’idée – rebattue à droite et à l’extrême droite – que l’AME servirait à couvrir des soins de complaisance, un rapport de l’inspection générale des affaires sociales et de l’inspection générale des finances de 2019 rappelait que « d’après les statistiques de l’Assurance-maladie, les bénéficiaires de l’AME consommeraient moins de médicaments “de confort” que la population générale : c’est par exemple le cas des médicaments contre le rhume et la toux (− 6 %), des médicaments contre les troubles digestifs (− 19 %) et des antiacnéiques (− 42 %) ».
    Au centre de Médecins du monde à Saint-Denis, qui a vu passer environ 3 000 personnes en 2022, les gens viennent avant tout pour « des problèmes de diabète, d’hypertension, de sommeil », énumère Isabelle Jouy, infirmière bénévole. « Il y a quelques jours, une dame est venue parce qu’elle avait une tumeur dans le dos. Ce matin, un monsieur s’inquiétait pour sa mère qui a un cancer. J’ai aussi orienté onze personnes pour un dépistage de la tuberculose. »Selon une enquête de l’Institut de recherche et de documentation en économie de la santé (Irdes) publiée en 2019, « seules 51 % des personnes qui y sont éligibles bénéficient de l’AME ». Ce non-recours s’explique par une méconnaissance du dispositif et par la complexité administrative d’y recourir. « Même après cinq années ou plus de résidence en France, 35 % des personnes sans titre de séjour n’ont pas l’AME », précise l’Irdes.
    .
    Au centre d’accès aux soins de Médecins du monde à Saint-Denis, une bénévole, Viviane, explique justement les démarches à entreprendre et les conditions à remplir pour demander cette aide. Face à elle, une dizaine de personnes, dont Awa, une Camerounaise de 42 ans, en France depuis 2021, qui « aimerai[t] avoir l’AME au cas où [elle aurait] un problème de santé », se justifie-t-elle. Empêtré dans un parcours d’errance depuis son arrivée en France en 2017, Idrissa Keita a, lui, « tout le corps qui [lui] fait mal ». « Je me sens grippé, j’ai la peau qui cicatrise mal, j’ai un problème de thyroïde, j’ai besoin de voir un dermatologue aussi », énumère cet Ivoirien en désignant une boule sur son cou. S’il a été un temps bénéficiaire de l’AME, il n’a pas réussi à la renouveler, faute d’avoir réuni les papiers nécessaires. « On voit des retards de diagnostic énormes chez les patients qui n’ont pas de couverture maladie, rapporte Nicolas Defoor, neurologue dans un centre médico-social de Saint-Denis. Dans le cas du diabète ou de l’hypertension, cela peut avoir des conséquences irréversibles comme un AVC. »
    Le projet de loi « immigration » prévoit la transformation de l’AME en une « aide médicale d’urgence » qui ne prendrait plus en charge que les maladies graves, les soins liés à la grossesse, les vaccins obligatoires et les examens de médecine préventive. « Qui va définir ce qui est grave et ne l’est pas ?, s’interroge Nicolas Defoor. Si on ne prend pas en charge une maladie au stade débutant, alors elle deviendra plus grave et coûtera plus cher. Le concept d’aide médicale d’urgence est contraire à la logique même de la médecine. » L’objectif, pour les sénateurs qui ont voté cette disposition introduite par leur collègue (Les Républicains) du Var Françoise Dumont : lutter contre l’augmentation des dépenses. C’est tout l’inverse que redoutent les soignants. « Sans l’AME, les gens iront à l’hôpital plutôt que d’aller chez un médecin de ville. Ils consulteront en outre plus tard et dans des états de santé qui vont nécessiter plus de soins et la dette hospitalière va se creuser », redoute Clément Etienne, de Médecins du monde. En 2022, l’AME a représenté un coût de 1,186 milliard d’euros, c’est-à-dire 0,5 % de la dépense totale de l’Assurance-maladie, pour quelque 411 364 bénéficiaires. Dans leur rapport de 2019, l’inspection générale des affaires sociales et de l’inspection générale des finances sonnaient l’alarme : « Une réduction du panier de soins de l’AME paraît peu pertinente, y compris dans une perspective de diminution de la dépense publique. »

    #Covid-19#migrant#migration#france#immigration#AME#loimigration#sante#santepublique

  • Analyse : « Projet de loi Darmanin : Vérités et contrevérités » — #François_Héran

    Le projet de loi Immigration et asile, présenté au Conseil des ministres en février 2023 par Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, et amendé par la Commission des lois du Sénat en mars 2023, doit être finalement débattu par les sénateurs le 6 décembre 2023. Or les #débats et #controverses autour de ce projet manient sans cesse des arguments chiffrés, qui interpellent les chercheurs en statistique sociale et en #économie. Leur devoir est de vérifier les assertions chiffrées de la sphère politique. Ce faisant, ils ne sortent pas de leur neutralité pour investir le champ politique : ce sont les politiques qui multiplient les incursions dans la sphère des chiffres. C’est une bonne chose que les politiques argumentent sur des #données. Encore doivent-ils respecter les règles de méthode les plus élémentaires et tenir compte des données comparatives collectées en Europe.

    D’où la #vérification, proposée ici, d’une série de faits majeurs en matière d’immigration complétée en annexe par un fact-checking juridique sur la portée réelle de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme.

    Le but poursuivi ici est simple : nourrir le débat en essayant de raison garder.

    Plan :

    - VRAI ou FAUX : « Nous avons perdu la maîtrise de l’immigration »
    - VRAI ou FAUX : « Le #regroupement_familial, pompe aspirante de l’immigration »
    - VRAI ou FAUX : « La France championne d’Europe de la demande d’asile »
    - VRAI ou FAUX : La France, du moins, « a pris sa part » dans l’accueil des exilés
    - VRAI ou FAUX : « Nous avons rendu la France particulièrement attractive pour les migrants »
    - Pour un débat rationnel sur le projet de loi Darmanin
    – Annexe : L’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme

    https://www.icmigrations.cnrs.fr/2023/10/31/projet-loi-darmanin-verites-et-contreverites
    #loi_immigration #France #chiffres #statistiques #fact-checking #attractivité #migrations #asile #réfugiés

  • Loi « immigration » : le Sénat supprime la mesure du gouvernement sur les métiers en tension
    https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/11/08/loi-immigration-le-senat-supprime-la-mesure-du-gouvernement-sur-les-metiers-

    Loi « immigration » : le Sénat supprime la mesure du gouvernement sur les métiers en tension
    Les sénateurs ont adopté un nouvel article prévoyant un titre de séjour « exceptionnel » et aux contours durcis pour les travailleurs dans les secteurs en pénurie de main-d’œuvre.
    Le Sénat a voté la suppression de la mesure phare du projet de loi relative à l’immigration du gouvernement : l’article 3 qui prévoyait un titre de séjour pour certains travailleurs sans-papiers dans les métiers en tension, dans la soirée du mercredi 8 novembre. La majorité sénatoriale de droite et du centre s’est toutefois accordée avant ce vote sur la rédaction d’un autre article prévoyant un titre de séjour « exceptionnel » et aux contours durcis pour les travailleurs dans les secteurs en pénurie de main-d’œuvre, qui a été adopté par 226 voix contre 119.
    « La conséquence de cet amendement qui est déposé, c’est évidemment la suppression de l’article 3 d’origine dans le texte, avait déclaré le président Les Républicains (LR) de la commission des lois, François-Noël Buffet, considérant qu’il pouvait engendrer une régularisation importante, pour ne pas dire massive. » La mesure gouvernementale aurait engendré un « droit automatique » à la régularisation, a aussi dénoncé le président du groupe LR, Bruno Retailleau, redoutant un « appel d’air » migratoire. Le compromis trouvé par la majorité sénatoriale est « acceptable pour le gouvernement », a estimé le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, qui s’est cependant opposé par principe à la suppression de son article. Il a expliqué que ce volet entraînerait la publication d’une « nouvelle circulaire ». « L’important, c’est l’esprit de compromis que veut le gouvernement pour avoir l’essentiel de ce qu’il demande : une mesure de régularisation de personnes qui travaillent dans notre pays depuis très longtemps et dont les patrons [refusent de] les régulariser », a-t-il déclaré.
    M. Darmanin soumettra en décembre cette rédaction à l’Assemblée nationale, où le camp présidentiel ne dispose pas de majorité absolue. « À l’Assemblée, nous rétablirons le texte ambitieux de l’exécutif, tout le texte de l’exécutif. Y compris le volet sur les régularisations », a promis dans Le Figaro le député Renaissance Sacha Houlié, incarnation du volet social de la réforme. Présenté comme une « ligne rouge » à droite mais plébiscité par l’aile gauche du camp présidentiel, l’article 3 prévoyait dans sa rédaction par le gouvernement l’octroi d’un titre de séjour d’un an renouvelable aux personnes qui travaillent dans des « métiers en tension », justifiant de trois ans de présence en France ainsi que de huit fiches de paie.
    L’article additionnel que la droite et le centre ont déposé mercredi prévoit lui de laisser au « seul pouvoir discrétionnaire du préfet » cette possibilité de régularisation au terme d’une « procédure strictement encadrée », largement durcie et assortie de multiples conditions, dont celle du respect des « valeurs de la République ». L’Assemblée nationale devra à son tour se prononcer sur le projet de loi à partir du 11 décembre.

    #Covid-19#migrant#migration#france#loimigration#metierentension#economie#titredesejour#regularisation#maindoeuvre#travailleursanspapier

  • Projet de loi « immigration » : le Sénat durcit le droit du sol
    https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/11/09/projet-de-loi-immigration-le-senat-durcit-le-droit-du-sol_6199054_823448.htm

    Projet de loi « immigration » : le Sénat durcit le droit du sol
    Les sénateurs ont supprimé, mercredi, l’automaticité de l’accès à la nationalité à leur majorité pour les jeunes nés en France de parents étrangers. Elus de gauche, associations et syndicats dénoncent une « rupture avec la tradition républicaine ».
    Par Julia Pascual
    C’est une disposition que le gouvernement n’avait pas pensée dans la première mouture de son projet de loi sur l’immigration, mais qu’il n’a pas combattue sur le fond devant le Sénat, mercredi 8 novembre. Dominé par la droite et le centre, le Palais du Luxembourg a finalement entériné une modification substantielle du droit du sol, introduite en commission des lois quelques mois plus tôt. Aujourd’hui, les jeunes nés en France de parents étrangers obtiennent de façon automatique la nationalité française à leur majorité. Ce droit du sol suppose seulement que le jeune réside en France, et découle d’une conception républicaine de la nationalité fondée sur la « socialisation plus que sur une donnée ethnique », soulignait l’historien Patrick Weil dans un rapport au gouvernement, en 1997, sur les législations de la nationalité.
    Le Sénat a voté, mercredi, la suppression de cette automaticité, en exigeant des jeunes qu’ils demandent à devenir Français pour être naturalisés. « Tout enfant né en France de parents étrangers peut, à partir de l’âge de 16 ans et jusqu’à l’âge de 18 ans, acquérir la nationalité française à condition qu’il en manifeste la volonté », ont adopté les sénateurs, sur proposition de la sénatrice (Les Républicains, LR) des Bouches-du-Rhône, Valérie Boyer. Et ils ajoutent qu’un jeune ne peut acquérir la nationalité « s’il a été condamné à une peine égale ou supérieure à six mois d’emprisonnement ».De quoi faire bondir de nombreuses associations et des syndicats – tels que SOS-Racisme, la Ligue des droits de l’homme, l’UNSA, la CFDT ou la CGT – qui s’étaient, dans un courrier adressé à la première ministre, Elisabeth Borne, le 5 novembre, inquiétés d’un « degré de restriction du bénéfice du droit du sol inconnu depuis le régime instauré en… 1804 », année de promulgation du code civil par Napoléon Bonaparte.
    « L’accès a la nationalité favorise l’immigration », a défendu Valérie Boyer, mercredi en séance, tandis que le sénateur (Reconquête !) des Bouches-du-Rhône Stéphane Ravier a fustigé un droit du sol « stupide » et estimé, à propos des étrangers naturalisés, qu’« un veau qui naît dans une écurie ne fera jamais de lui un cheval » – des propos xénophobes qui lui ont valu un rappel au règlement.
    En 2021, 130 000 personnes ont obtenu la nationalité française. « Les acquisitions de nationalité par déclaration anticipée et sans formalités, qui concernent des mineurs étrangers nés en France de parents étrangers, représentaient 26,9 % du total, précisait la commission des lois du Sénat dans son rapport sur le texte. Ces conditions d’accès à la nationalité pour des mineurs, relativement favorables, peuvent potentiellement renforcer l’attractivité du territoire français ». C’est donc pour lutter contre un éventuel appel d’air que les sénateurs se sont attelés à restreindre le droit du sol.
    Dans l’Hémicycle, mercredi, la gauche s’est émue que le gouvernement n’ait pas déposé d’amendement de suppression du nouvel article. Le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, a toutefois déclaré qu’il n’a « rien à faire dans la loi », estimant que la modification du code civil qu’il implique sera considérée comme un cavalier législatif par le Conseil constitutionnel. M. Darmanin ne s’est du reste pas exprimé sur le fond des dispositions, se contentant de soutenir les amendements de suppression portés par la gauche – mais rejetés sans surprise par la majorité sénatoriale.
    Les sénateurs LR « ont tort » de modifier le code de la nationalité, expliquait-on il y a quelques semaines Place Beauvau. « Gérald Darmanin a dit à Bruno Retailleau [président du groupe LR au Sénat] qu’il devrait plutôt éviter le débat, car on peut avoir un débat sur le sujet au Sénat mais, à l’Assemblée nationale, il y a 88 députés RN », soulignait l’entourage du ministre.
    Aujourd’hui, les plus nombreux à bénéficier des naturalisations sont les ressortissants du Maroc, de l’Algérie, de la Tunisie et du Royaume-Uni. Selon les données du ministère de l’intérieur, la France dispose d’un taux de naturalisation (1,7 %) de sa population étrangère légèrement inférieur à la moyenne européenne (2,0 %).
    L’automaticité de la naturalisation des enfants nés sur le sol français avait été écornée une première fois entre 1993 et 1998. Pendant cette période, le jeune né en France devait manifester sa volonté d’acquérir la nationalité à partir de l’âge de 16 ans et jusqu’à ses 21 ans.Sous le gouvernement du socialiste Lionel Jospin, le législateur est revenu au régime de l’automaticité. Pour cause : dans son rapport de 1997, Patrick Weil notait que le principe de la manifestation de la volonté « se heurte dans son application concrète à divers obstacles qui peuvent provenir du milieu social d’origine (pressions, méconnaissance des règles, rejet des démarches administratives) ou des conditions variables d’octroi de la nationalité selon les zones géographiques ». De sorte que des jeunes pouvaient demeurer étrangers sans le vouloir, ni même le savoir – parce qu’ils se croient déjà Français.
    La modification votée au Sénat mercredi toucherait « les publics les plus fragiles et les plus éloignés des institutions », s’inquiètent les organisations signataires du courrier à Elisabeth Borne. Pour Patrick Weil, ce serait une « régression énorme ».

    #Covid-19#migrant#migration#france#loimigration#immigration#mineur#naturalisation#integration#nationalite#droit

  • Le Sénat vote la fin des allocations familiales et des APL pour les étrangers en France depuis moins de 5 ans - Le Parisien
    https://www.leparisien.fr/politique/le-senat-vote-la-fin-des-allocations-familiales-et-des-apl-pour-les-etran

    La majorité de droite au Sénat a voté mardi cet amendement lors de l’examen du projet de #loi_Immigration et intégration. En séance, Gérald Darmanin a décidé de ne pas s’opposer à cette disposition, qui doit encore passer l’étape de l’Assemblée.

    qu’une durée de séjour légal sur le territoire français soit le préalable obligé à l’accès à un droit social, ça avait commencé avec le RMI en 1988 (#PS).

    puisqu’iels auront plus droit à l’APL, on pourra leur fourguer les logements qui, un jour, ne seront plus autorisés à la location, des places en prison Bouygues-LCI pour cause de squat ou vol. et celleux là achèteront pas d’écran plat avec l’alloc de rentrée scolaire

    faut « être méchant avec les méchants » or les migrants sont méchants

    #ordre #étrangers #Préférence_nationale #FN #RN #xénophobie_d'état #droits_sociaux

  • Projet de loi « immigration » : les concessions de Darmanin à la droite
    https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/11/08/projet-de-loi-immigration-les-concessions-de-darmanin-a-la-droite_6198925_82

    Projet de loi « immigration » : les concessions de Darmanin à la droite
    La suppression de l’aide médicale d’Etat, au profit d’une aide médicale d’urgence pour les sans-papiers, a été adoptée au Sénat, mardi, par la droite et les centristes, sans que le gouvernement s’y oppose formellement.
    Par Mariama Darame et Julia Pascual
    Publié aujourd’hui à 08h22, modifié à 09h45
    L’examen du projet de loi sur l’immigration, entamé lundi 6 novembre, a tout du terrain glissant pour le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, qui doit entretenir le soutien de la droite sans s’aliéner celui de sa majorité relative à l’Assemblée nationale pour faire voter sa loi.Ainsi, au deuxième jour des débats sénatoriaux, mardi, sur cette trentième réforme de l’immigration et de l’intégration en quarante ans, le locataire de la place Beauvau n’a pu faire obstacle à une des revendications phares portées par la majorité sénatoriale de droite et du centre : la suppression de l’aide médicale d’Etat (AME), une couverture maladie réservée aux sans-papiers, au profit de la création d’une aide médicale d’urgence (AMU). Cette mesure a été adoptée à 200 voix contre 136, opposant frontalement la droite et la gauche du Sénat.
    Déjà réformée en 2019, l’AME permet de couvrir les frais médicaux et hospitaliers des étrangers en situation irrégulière présents en France depuis au moins trois mois. Ce dispositif de santé publique a concerné, en 2022, un peu plus de 400 000 bénéficiaires pour un coût total d’1,2 milliard d’euros, soit 0,5 % de la dépense totale de l’Assurance maladie.La droite sénatoriale, qui voit dans l’AME « un appel d’air migratoire », l’a remplacée par une AMU, circonscrite à la prise en charge « des maladies graves et des douleurs aiguës », ainsi qu’aux soins de suivis de grossesse, aux vaccinations et aux examens de médecine préventive.
    « Mélanger les débats sur l’AME et le contrôle de l’immigration est un non-sens », a argué la ministre chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé, Agnès Firmin Le Bodo, présente sur les bancs du Sénat à cette occasion. Dans l’hémicycle du Palais du Luxembourg, elle s’est faite le porte-voix du « gouvernement, très attaché au maintien de l’AME ».Or, pour ne pas froisser les sénateurs Les Républicains (LR), qui mettent dans la balance un certain nombre de leurs marqueurs en échange d’un soutien au texte du gouvernement, Mme Firmin Le Bodo a finalement émis un « avis de sagesse » (ni favorable, ni défavorable) sur la suppression de l’AME, refusant de s’opposer formellement à la proposition de la droite, dénoncée par la gauche et par le groupe macroniste au Sénat comme « l’article de la honte » ou reprenant « les lubies de la droite et de l’extrême droite ». « Cet avis de sagesse est absolument incompréhensible et vous auriez dû avoir une position très claire, très ferme, s’est agacé le président du groupe écologiste au Sénat, Guillaume Gontard. Le message que vous envoyez à notre République, à nos concitoyens est terrible. Vous avez laissé passer tout ce discours sur ce fantasme de l’appel d’air migratoire. Ce vote n’est pas anodin, vous avez une véritable responsabilité. Et vous vous laissez entraîner par cette dérive ultra-droitière des Républicains. »Ces signaux contradictoires émis par le gouvernement ont également été épinglés à droite. « Vous avez votre avis, madame la ministre. J’ai cru comprendre que le ministre de l’intérieur avait un avis personnel différent », a ironisé le président du groupe LR, Bruno Retailleau, rappelant la position de Gérald Darmanin qui s’est dit, dans Le Parisien du 7 octobre, « favorable à titre personnel » à la transformation de l’AME en AMU, un bon compromis, selon lui, « entre fermeté et humanité ».
    Depuis que cette restriction du panier de soins réservés aux sans-papiers a été adoptée en mars par la commission des lois du Sénat, le camp présidentiel étale ses divisions entre les partisans et les opposants à la disparition de l’AME, jusqu’au sein du groupe Renaissance à l’Assemblée. Le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, puis le ministre de la santé, Aurélien Rousseau, ont publiquement exprimé leur désaccord avec la position de leur homologue de l’intérieur. (...)
    Lundi matin sur France Inter, la première ministre, Elisabeth Borne, avait tenté une nouvelle fois de mettre fin à la confusion qui règne au sein de son gouvernement : « Je ne suis pas favorable à une suppression de l’AME. (…) Il faut absolument que dans notre pays on maintienne un système qui permet de soigner les personnes qui en ont besoin et qui permet de nous protéger aussi en termes de santé publique. » Gérald Darmanin, lui, fait peu cas de la solidarité gouvernementale et déploie sa tactique pour sécuriser les voix de la droite. « Borne a chargé Darmanin de faire adopter le texte. S’ils veulent changer le ministre de l’intérieur ou s’ils veulent envoyer quelqu’un d’autre au banc pour dire l’inverse, qu’ils le fassent », estimait-on place Beauvau, il y a quelques semaines.
    Pour tenter d’échapper au piège politique qui s’est refermé sur son gouvernement, Elisabeth Borne a missionné l’ancien ministre socialiste de la santé, Claude Evin, et le spécialiste des questions migratoires à droite, Patrick Stefanini, pour expertiser l’ensemble du dispositif. Déjà en 2019, un rapport de l’inspection générale des affaires sociales et de l’inspection générale des finances expliquait pourtant qu’une « réduction du panier de soins de l’AME paraît peu pertinente, y compris dans une perspective de diminution de la dépense publique ». En séance, mardi soir, la ministre des professionnels de la santé a renvoyé tout arbitrage sur la redéfinition de l’AME au rapport Evin-Stefanini, dont les conclusions sont attendues pour début décembre, avant l’examen du texte par les députés. « Si des mesures [du rapport] relèvent du législatif, elles seront peut-être mises dans le débat à l’Assemblée nationale », a précisé Mme Firmin Le Bodo.Face à cette victoire idéologique de la droite sur l’AME, les élus macronistes préfèrent relativiser quant à l’effectivité de sa suppression qui, selon eux, à l’instar d’autres mesures votées par la droite, ne résistera pas à une censure du Conseil constitutionnel. « Les quotas, la restriction des titres pour les étrangers malades et les étudiants, celle du regroupement familial et maintenant la création de l’AMU… C’est un peu le musée des horreurs, glose Sacha Houlié, le président Renaissance de la commission des lois à l’Assemblée, mais ce sont des cavaliers législatifs car ils n’ont pas de lien direct ou indirect avec le texte. » Dans la soirée de mardi, les sénateurs LR ont voté le rétablissement du délit de séjour irrégulier, un autre marqueur cher à la droite.
    A travers les différentes étapes de la navette parlementaire, les élus du camp présidentiel espèrent toujours pouvoir rétablir un texte conforme à leur vœu d’« équilibre ». Des arguments qui ne désarment pas les élus LR, bien décidés à faire adopter leur propre texte sur le dos du gouvernement. « Nous sommes conscients que le parcours parlementaire est un match en plusieurs manches. Si le texte est affaibli à l’Assemblée, nous ne voterons pas le texte et nous ferons capoter la commission mixte paritaire », prévient d’ores et déjà le chef de file de la droite sénatoriale, Bruno Retailleau.

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