11 mai : reprise acrobatique pour l’Education nationale (Celine Florentino, Marianne)
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Une fois n’est pas coutume, un bel article dans la rubrique Éducation de Marianne.
Je me sens en phase avec le point de vue de cette enseignante. Enseignant en REP, je pense comme elle qu’il faut reprendre. Je pense aussi que nous n’avons qu’une solution pour ne pas devenir maltraitant·es : ne pas respecter le Protocole en s’appuyant sur notre bon sens.
Par contre, il me semble que ce témoignage passe à côté d’un "impossible" supplémentaire, pour moi ingérable.
L’enjeu n’est pas simplement de savoir si nous allons "désobéir" au Protocole face à notre administration, comme par exemple à l’époque des "désobéisseur·euses" face à la mise en place des évaluations par Darcos-Blanquer il y a une dizaine d’années.
La majorité des familles que j’ai au téléphone ont peur et elles nous font confiance pour faire en sorte que le·la gamin·e ne soit pas contaminé·e, ne ramène pas la Pandémie à la maison.
Et à tort ou à raison, "faire en sorte" signifie pouvoir appliquer le Protocole. Strictement. Personne ne me dit « Je remets le.la gosse parce qu’il faut bien recommencer à vivre, même avec le virus. ». Non, la plupart des familles me disent : « Je ne remets pas le·la gosse, c’est trop risqué parce que le Protocole, là, vous n’allez pas y arriver. »
Donc ne pas appliquer le Protocole, ce n’est pas seulement désobéir aux injonctions paradoxales d’une hiérarchie maltraitante, c’est aussi et surtout trahir la confiance des familles qui ne remettent leur enfant que parce que le Protocole est le contrat de base promis par les autorités politiques et scientifiques.
Au mieux je peux dire « Non, en effet, vous avez raison, je n’y arriverai pas », être honnête, chercher un chemin éthique.
Mais contrairement aux épisodes précédents, s’affranchir du cadre, désobéir ne se joue pas seulement entre nous, professionel·les de terrain, et l’Autorité-qui-nous-manage. Il en va aussi de la relation de confiance que nous essayons de construire avec les familles.
Et pour le coup, je ne vois pas le chemin...
Celine Florentino dénonce les consignes de l’Education nationale concernant la reprise des cours. Selon elle, les professeurs reçoivent des message injonctifs, protocolaires, rigides et chronophages, pour finalement comprendre qu’ils doivent se débrouiller.
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Ah bon, mais à qui alors ? Qui donne ces consignes ? Qui viendra vérifier si elles sont respectées ? Mon hypothèse est que personne ne viendra vérifier. Ça pourrait mettre en difficulté les responsables. En plus, on ne sait pas qui seraient ces responsables, si ce n’est pas le ministère de l’Education nationale. Je crois que nous sommes au cœur du non-sens, du paradoxe, de l’indicible, qui ont toujours habité l’Education nationale, et que les enseignants ne supportent plus. On reçoit toujours, et de plus en plus, ces message injonctifs, protocolaires, rigides et chronophages, pour finalement s’entendre dire « faites au mieux, et faites preuve de bon sens ». Pas étonnant dans ces conditions qu’il y ait autant d’angoisse autour de cette reprise, et sans doute en France plus qu’ailleurs.
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Les enseignants vont devoir reprendre. Ils auront le choix entre respecter de manière rigide un protocole inhumain, ou s’en affranchir des dizaines de fois par jour. Quand un petit de quatre ans leur demandera de lui faire ses lacets, refuseront-ils ? Bien sûr que non, on n’est pas stupides. […] Et c’est tout cela qu’il va falloir assumer. S’affranchir du cadre, c’est désobéir. Et là, il faudra désobéir souvent, très souvent, parce qu’on sait que notre jugement de praticien de terrain est bien supérieur à celui des technocrates qui nous donnent des ordres.