#mur_d'argent

  • Alors évidemment on se réjouit de l’échec-éclair du putch libertarien en Grande-Bretagne, par contre il y a un point assez terrifiant : Liz Truss et son gouvernement ont tenté un budget jugé trop « radical » par « le marché » (même si pas dans notre sens), le marché a réagi, la livre a plongé, les taux de la dette ont augmenté… et en deux jours c’était plié : démission du ministre des finances, abandon du budget, crise politique, et finalement démission de la cheffe du gouvernement le mois qui suit.

    Et ça, c’est parce que le budget était trop libertarien. Alors imagine avec un budget juste réformiste de gauche façon LFI.

    Donc derrière la joie à constater l’échec d’une bande de fanatiques de l’ultra-capitalisme, il me semble qu’on devrait être terrifié par un événement qui confirme ce que répète Lordon : ce n’est pas la « démocratie » qui a fait chuter Liz Truss, c’est le marché. Si la politique économique du nouveau gouvernement ne plaît pas au marché, la punition est instantanée, et l’affaire est pliée en quelques jours grand maximum.

  • Vincent Duclert : « Jamais Picquart n’a été le précurseur de Zola, jamais il n’aurait écrit “J’accuse” »

    https://www.lemonde.fr/culture/article/2019/11/12/vincent-duclert-jamais-picquart-n-a-ete-le-precurseur-de-zola-jamais-il-n-au

    L’historien Vincent Duclert estime que le film de Roman Polanski donne une image héroïque qui trahit la réalité du militaire engagé pour faire innocenter Dreyfus.

    Vincent Duclert, historien, est l’un des grands spécialistes de l’affaire Dreyfus, à laquelle il a consacré plusieurs ouvrages de référence. Il vient de publier « Ecrire, c’est résister », la correspondance entre Alfred Dreyfus et son épouse Lucie, de 1894 à 1899 (éd. Folio Histoire, 304 p., 7,90 €).

    Quel regard porte l’historien que vous êtes sur le film de Roman Polanski, « J’accuse » ?

    Dès lors que le film s’ancre dans l’histoire, on est autorisé à le juger sur son rapport à cette matière. Or je constate, pour aller à l’essentiel, que le film donne de son personnage principal, le colonel Picquart, une image qui trahit la réalité.

    Il y apparaît en effet comme un personnage héroïque, qui se sacrifie à la cause de Dreyfus, et qui travaille main dans la main à cet égard avec le camp des dreyfusards. Il n’en fut rien. Comme le montre le récent ouvrage de Philippe Oriol, Le Faux Ami du capitaine Dreyfus, Picquart, dont il ne faut pas nier pour autant le rôle important qu’il a joué, n’a jamais agi que pour défendre sa propre cause quand il a été menacé, il n’a jamais collaboré avec les dreyfusards. Bien au contraire, il a toujours songé à défendre l’armée, il ne s’est jamais dépris de son antisémitisme ni de son aversion à l’égard de Dreyfus.

    En un mot, rien ne trahit mieux les raccourcis navrants du film que son titre : jamais Picquart n’a été le précurseur de Zola, jamais il n’aurait écrit « J’accuse ».

    Cette héroïsation de Picquart a enfin pour regrettable effet de donner de Dreyfus, par contraste, une image de pure victime. Il se trouve que cette image a longtemps collé au personnage. Or, Dreyfus fit montre d’un grand stoïcisme et d’une remarquable capacité de résistance. Sa correspondance avec sa femme Lucie en témoigne fortement. Dreyfus est en vérité ce qu’on semble encore avoir beaucoup de mal à concevoir : un héros juif.

    […] #mur_d'argent