Mais que fait M. Gallimard, condamné à vivre de mots (puisqu’ils sont sa matière première), que l’un de ses experts dit blancs et l’autre noirs ?...
M. Gallimard prend ces mots, blancs ou noirs, et les examine rapidement. « Ce sont, dit-il, des mots à vendre. Ils valent tant. » Il ne se trompe jamais. Et il vend les uns et les autres. Il vend les blancs, il vend les noirs, ce qui est pour, ce qui est contre, ce qui est pour le pour et ce qui pour le contre avec ce qui est contre le pour et ce qui est contre le contre.
Sa maison en croît en prestige, son coffre-fort en poids, sa cote en distinction.
Ses confrères étrangers copient ses cheveux blancs, ils imitent sa cravate à pointes.
Et c’est ainsi qu’Allah est grand.
Alexandre Vialatte, « Animaux, maux, mau-maus et prix des mots », La Montagne, 7 juillet 1953. Vous allez rire : c’est chez Robert Laffont.
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