person:ali baba

    • Ces réfugiés dans leur propre pays

      En 2018, il y a eu autant de nouveaux « déplacés internes » dans 55 pays que de réfugiés en séjour dans le monde entier.

      A voir le nombre de personnes exilées à l’intérieur de leur propre pays, celui des réfugiés paraît faire moins problème. A fin 2018, le nombre de réfugiés recensés dans le monde entier atteignait 28,5 millions, soit autant que celui des « déplacés internes » supplémentaires enregistrés au cours de la seule année dernière.

      Selon le Rapport global 2019 de l’Observatoire des situations de déplacement interne (IDMC) du Conseil norvégien des réfugiés, dont le siège se trouve à Genève, on comptait, à fin 2018, 41,3 millions de personnes vivant en situation de déplacés internes dans 55 pays, suite à des catastrophes naturelles ou à des conflits. Il s’agit d’un effectif record de personnes déplacées dans leur propre pays du fait de conflits, de violence généralisée ou de catastrophes naturelles.
      Catastrophes naturelles

      Parmi les désastres qui ont provoqué l’an dernier quelque 17,2 millions de nouveaux déplacements, certains sont très probablement dus au changement climatique. Ainsi, les incendies qui ont détruit une grande partie de la forêt californienne et qui ont contraint 1,2 million d’Américains – sans compter les morts – à abandonner leur domicile et à s’installer ailleurs peuvent probablement être attribués au réchauffement climatique et à la sécheresse.

      Au contraire, le Bangladesh n’a enregistré l’an dernier « que » 78’000 déplacements de personnes en raison des inondations. C’est presque l’équivalent de la population de la ville de Lucerne qu’il faut recaser sur des terrains sûrs dans un pays comptant 1’100 habitants au kilomètre carré. Le Bangladesh prévoit de construire trois villes de taille moyenne pour accueillir les déplacés récents et ceux qui ne vont pas manquer d’affluer dans les années à venir. Mais que pourra-t-on faire lorsque le niveau de la mer montera ?

      Au Nigeria, cet immense pays de plus de 100 millions d’habitants, 80% des terres ont été inondées par des pluies torrentielles, causant 541’000 déplacements internes.

      Problème : les personnes qui, en raison d’inondations ou de conflits locaux, doivent chercher refuge ailleurs dans leur propre pays se rendent systématiquement dans les villes, souvent déjà surpeuplées. Comment imaginer que Dhaka, la capitale du Bangladesh récemment devenue une mégapole approchant les 17 millions d’habitants, puisse encore grandir ?
      Violences et conflits

      En 2018 toujours, 10,8 millions de personnes ont connu le sort des déplacés internes en raison des violences ou des conflits qui ont sévi surtout dans les pays suivants : Ethiopie, République démocratique du Congo (RDC), Syrie, Nigeria, Somalie, Afghanistan, République centrafricaine, Cameroun et Soudan du Sud. Outre ces mouvements internes, des personnes sont allées chercher secours et refuge notamment en Turquie (3,5 millions), en Ouganda (1,4 million) ou au Pakistan (1,4 million).

      Les trois pays qui comptent le plus de déplacés internes dus à la violence sont la Syrie, (6,1 millions de personnes), la Colombie (5,8 millions) et la RDC (3,1 millions). S’agissant de la Syrie, nous savons que la guerre civile n’est pas terminée et qu’il faudra faire des efforts gigantesques pour reconstruire les villes bombardées.

      Mais que savons-nous de la Colombie, depuis l’accord de paix entre le gouvernement de Santos et les Farc ? En 2018, il y a eu 145’000 nouveaux déplacés internes et de nombreux leaders sociaux assassinés : 105 en 2017, 172 en 2018 et 7, soit une personne par jour, dans la première semaine de janvier 2019.

      L’Assemblée nationale colombienne ne veut pas mettre en œuvre les accords de paix, encore moins rendre des terres aux paysans et accomplir la réforme agraire inscrite à l’article premier de l’accord de paix. Les Farc ont fait ce qu’elles avaient promis, mais pas le gouvernement. Ivan Duque, qui a remplacé Manuel Santos, s’est révélé incapable de reprendre le contrôle des terrains abandonnés par les Farc – et repris par d’autres bandes armées, paramilitaires ou multinationales, ou par des trafiquants de drogue. Triste évolution marquée par une insécurité grandissante.

      Et que dire de la RDC ? C’est au Kivu, Nord et Sud, véritable grotte d’Ali Baba de la planète, que les populations sont victimes de bandes armées s’appuyant sur diverses tribus pour conserver ou prendre le contrôle des mines riches en coltan, diamant, or, cuivre, cobalt, étain, manganèse, etc. Grands responsables de ces graves troubles : les téléphones portables et autres appareils connectés à l’échelle mondiale ainsi que les multinationales minières.

      Il y a probablement bien d’autres pays de la planète où les violences sont commises par des multinationales qui obligent les habitants locaux à fuir devant la destruction de leurs villages et de leurs terres. Où vont-ils se réfugier ? Dans les villes bien sûr, où ils espèrent trouver un toit. Mais un toit ne suffit pas, ni l’éventuelle aide humanitaire apportée par la Croix-Rouge et les Etats occidentaux. Quand débarquent des dizaines de milliers de déplacés, les municipalités doivent aussi construire des écoles, des hôpitaux, assurer la distribution d’eau potable et l’évacuation des eaux usées.

      Dans les pays africains où il arrive que moins de la moitié des habitants aient accès à l’eau potable, un déplacement important risque fort de remettre en cause tout le programme gouvernemental. Le rapport de l’Observatoire des situations de déplacement interne va même jusqu’à prévoir que certains des Objectifs de développement durable fixés par les Nations unies en 2015 ne pourront jamais être atteints.


      https://www.domainepublic.ch/articles/35077

    • Displaced people: Why are more fleeing home than ever before?

      More than 35,000 people were forced to flee their homes every day in 2018 - nearly one every two seconds - taking the world’s displaced population to a record 71 million.

      A total of 26 million people have fled across borders, 41 million are displaced within their home countries and 3.5 million have sought asylum - the highest numbers ever, according to UN refugee agency (UNHCR) figures.

      Why are so many people being driven away from their families, friends and neighbourhoods?
      Devastating wars have contributed to the rise

      Conflict and violence, persecution and human rights violations are driving more and more men, women and children from their homes.

      In fact, the number of displaced people has doubled in the last 10 years, the UNHCR’s figures show, with the devastating wars in Iraq and Syria causing many families to leave their communities.

      Conflict in the Democratic Republic of Congo (DRC), Yemen and South Sudan, as well as the flow of Rohingya refugees from Myanmar to Bangladesh, have also had a significant impact.

      Most do not become refugees

      While much of the focus has been on refugees - that’s people forced to flee across borders because of conflict or persecution - the majority of those uprooted across the world actually end up staying in their own countries.

      These people, who have left their homes but not their homeland, are referred to as “internally displaced people”, or IDPs, rather than refugees.

      IDPs often decide not to travel very far, either because they want to stay close to their homes and family, or because they don’t have the funds to cross borders.

      But many internally displaced people end up stuck in areas that are difficult for aid agencies to reach - such as conflict zones - and continue to rely on their own governments to keep them safe. Those governments are sometimes the reason people have fled, or - because of war - have become incapable of providing their own citizens with a safe place to stay.

      For this reason, the UN describes IDPs as “among the most vulnerable in the world”.

      Colombia, Syria and the DRC have the highest numbers of IDPs.

      However, increasing numbers are also leaving home because of natural disasters, mainly “extreme weather events”, according to the Internal Displacement Monitoring Centre (IDMC), which monitors the global IDP population only.

      The next biggest group of displaced people are refugees. There were 25.9 million by the end of 2018, of whom about half were children.

      One in four refugees came from Syria.

      The smallest group of displaced people is asylum seekers - those who have applied for sanctuary in another country but whose claim has not been granted. There were 3.5 million in 2018 - fewer than one in 10 of those forced to flee.
      Places hit by conflict and violence are most affected

      At the end of 2018, Syrians were the largest forcibly displaced population. Adding up IDPs, refugees and asylum seekers, there were 13 million Syrians driven from their homes.

      Colombians were the second largest group, with 8m forcibly displaced according to UNHCR figures, while 5.4 million Congolese were also uprooted.

      If we just look at figures for last year, a massive 13.6 million people were forced to abandon their homes - again mostly because of conflict. That’s more than the population of Mumbai - the most populous city in India.

      Of those on the move in 2018 alone, 10.8 million ended up internally displaced within their home countries - that’s four out of every five people.

      A further 2.8 million people sought safety abroad as newly-registered refugees or asylum seekers.

      Just 2.9 million people who had previously fled their homes returned to their areas or countries of origin in 2018 - fewer than those who became displaced in the same period.

      The world’s largest new population of internally displaced people are Ethiopians. Almost three million abandoned their homes last year - many escaping violence between ethnic groups.

      The conflict in the DRC also forced 1.8 million to flee but remain in their home country in 2018.

      In war-torn Syria, more than 1.6 million became IDPs.

      Venezuelans topped the list of those seeking asylum abroad in 2018, with 341,800 new claims. That’s more than one in five claims submitted last year.

      Hyperinflation, food shortages, political turmoil, violence and persecution, have forced hundreds of thousands of Venezuelans to leave their homeland.

      Most left for Peru, while others moved to Brazil, the US or Spain. More than 7,000 applied for asylum in neighbouring Trinidad and Tobago - just seven miles off Venezuela’s coast - last year alone.

      Annielis Ramirez, 30, is among the thousands of Venezuelans seeking a better life on the islands.

      “All my family is in Venezuela, I had to come here to work and help them,” she says. "I couldn’t even buy a pair of shoes for my daughter. The reality is that the minimum salary is not enough over there.

      “I’m here in Trinidad now. I don’t have a job, I just try to sell empanadas [filled pastries]. The most important thing is to put my daughter through school.”
      Those driven from their homelands mostly remain close by

      Almost 70% of the world’s refugees come from just five countries: Syria, Afghanistan, South Sudan, Myanmar and Somalia, according to the UNHCR. And their neighbouring nations host the most.

      Most Syrians have escaped to Turkey and more than half of Afghan refugees are in Pakistan.

      Many South Sudanese go to nearby Sudan or Uganda. Those from Myanmar - the majority Rohingya refugees displaced at the end of 2017 - mainly fled to Bangladesh.

      Germany, which doesn’t border any of those countries with the largest outflows, is home to more than half a million Syrian and 190,000 Afghan refugees - the result of its “welcome culture” towards refugees established in 2015. It has since toughened up refugee requirements.

      When assessing the burden placed on the host countries, Lebanon holds the largest number of refugees relative to its population. One in every six people living in the country is a refugee, the vast majority from across the border in Syria.

      The exodus from Syria has also seen refugee numbers in neighbouring Jordan swell, putting pressure on resources. About 85% of the Syrians currently settled in Jordan live below the poverty line, according to the UN.

      Overall, one third of the global refugee population (6.7 million people) live in the least developed countries of the world.
      Many go to live in massive temporary camps

      Large numbers of those driven from their home countries end up in cramped, temporary tent cities that spring up in places of need.

      The biggest in the world is in Cox’s Bazar, Bangladesh, where half a million Rohingya now live, having fled violence in neighbouring Myanmar.

      The second largest is Bidi Bidi in northern Uganda, home to a quarter of a million people. The camp has seen many arrivals of South Sudanese fleeing civil war just a few hours north.

      Bidi Bidi, once a small village, has grown in size since 2016 and now covers 250 sq km (97 sq miles) - a third of the size of New York City.

      But what makes Bidi Bidi different from most other refugee camps, is that its residents are free to move around and work and have access to education and healthcare.

      The Ugandan government, recognised for its generous approach to refugees, also provides Bidi Bidi’s residents with plots of land, so they can farm and construct shelters, enabling them to become economically self-sufficient.

      The camp authorities are also aiming to build schools, health centres and other infrastructure out of more resilient materials, with the ultimate aim of creating a working city.

      Among those living in Bidi Bidi are Herbat Wani, a refugee from South Sudan, and Lucy, a Ugandan, who were married last year.

      Herbat is grateful for the welcome he has received in Uganda since fleeing violence in his home country.

      “The moment you reach the boundary, you’re still scared but there are these people who welcome you - and it was really amazing,” he says. “Truly I can say Uganda at this point is home to us.”

      Lucy says she doesn’t see Herbat as a refugee at all. “He’s a human being, like me,” she says.

      However, despite the authorities’ best efforts, a number of challenges remain at Bidi Bidi.

      The latest report from the UNHCR notes there are inadequate food and water supplies, health facilities still operating under tarpaulins and not enough accommodation or schools for the large families arriving.
      Displacement could get worse

      Alongside conflict and violence, persecution and human rights violations, natural disasters are increasingly responsible for forcing people from their homes.

      Looking at data for IDPs only, collected separately by the Internal Displacement Monitoring Centre (IDMC), natural disasters caused most new internal displacement cases last year, outpacing conflict as the main reason for people fleeing.

      On top of the 10.8 million internally displaced by conflict last year, there were 17.2 million people who were forced to abandon their homes because of disasters, mainly “extreme weather events” such as storms and floods, the IDMC says.

      The IDMC expects the number of people uprooted because of natural disasters to rise to 22 million this year, based on data for the first half of 2019.

      Mass displacement by extreme weather events is “becoming the norm”, its report says, and IDMC’s director Alexandra Bilak has urged global leaders to invest more in ways of mitigating the effects of climate change.

      Tropical cyclones and monsoon floods forced many in India and Bangladesh from their homes earlier this year, while Cyclone Idai wreaked havoc in southern Africa, killing more than 1,000 people and uprooting millions in Mozambique, Zimbabwe and Malawi.

      Idai was “one of the deadliest weather-related disasters to hit the southern hemisphere”, the World Meteorological Organization (WMO) said.

      Although linking any single event to global warming is complicated, climate change is expected to increase the frequency of such extreme weather events.

      The WMO warns that the physical and financial impacts of global warming are already on the rise.

      Phan Thi Hang, a farmer in Vietnam’s Ben Tre province, has told the BBC his country’s changing climate has already had a “huge impact” on rice yields.

      “There has been less rain than in previous years,” he says. "As a result, farming is much more difficult.

      “We can now only harvest two crops instead of three each year, and the success of these is not a sure thing.”

      He says he and his fellow farmers now have to work as labourers or diversify into breeding cattle to make extra cash, while others have left the countryside for the city.

      Like Phan’s fellow farmers, many IDPs head to cities in search of safety from weather-related events as well as better lives.

      But many of the world’s urban areas may not offer people the sanctuary they are seeking.

      Displaced people in cities often end up seeking shelter in unfinished or abandoned buildings and are short of food, water and basic services, making them vulnerable to illness and disease, the IDMC says. They are also difficult to identify and track, mingling with resident populations.

      On top of this, some of the world’s biggest cities are also at risk from rising global temperatures.

      Almost all (95%) cities facing extreme climate risks are in Africa or Asia, a report by risk analysts Verisk Maplecroft has found.

      And it’s the faster-growing cities that are most at risk, including megacities like Lagos in Nigeria and Kinshasa in the Democratic Republic of Congo.

      Some 84 of the world’s 100 fastest-growing cities face “extreme” risks from rising temperatures and extreme weather brought on by climate change.

      This means that those fleeing to urban areas to escape the impact of a warming world may well end up having their lives disrupted again by the effects of rising temperatures.

      https://www.bbc.com/news/world-49638793
      #conflits #violence #Bidi-Bidi #camps_de_réfugiés #bidi_bidi #vulnérabilité #changement_climatique #climat #villes #infographie #visualisation

  • En Tunisie, l’exil sans fin d’une jeunesse naufragée - Libération
    http://www.liberation.fr/planete/2018/06/04/en-tunisie-l-exil-sans-fin-d-une-jeunesse-naufragee_1656619

    De la région minière de Metlaoui aux îles Kerkennah, d’où ils partent pour Lampedusa, « Libération » a suivi la route qu’empruntent les jeunes Tunisiens sans avenir, celle qu’avaient prise les passagers du bateau qui a sombré samedi en Méditerranée. Sept ans après la révolution, si la dictature a disparu, les espoirs de vie meilleure se sont fracassés, grossissant les rangs des candidats au départ.

    Des dizaines de cadavres ont été engloutis par la #Méditerranée après le naufrage, samedi soir, d’une embarcation au large de l’archipel des Kerkennah. A son bord, entre 180 et 200 personnes, selon les estimations des survivants. Soixante-huit émigrants ont été secourus par la marine tunisienne, et 48 corps sans vie ont été repêchés. Les recherches ont repris lundi avec l’aide de neuf unités navales, un hélicoptère et des plongeurs.Les passagers étaient presque tous tunisiens.

    Sept ans après la révolution, les jeunes fuient leur pays. Depuis le début de l’année, 2 780 Tunisiens ont choisi l’exil clandestin en Italie, selon l’Office international des migrations. Libération a suivi leur parcours entre le bassin minier de #Gafsa et les îles des pêcheurs de #Kerkennah. La route s’étire sur 300 kilomètres, en comptant le crochet par Sidi Bouzid. L’itinéraire barre horizontalement la Tunisie, passant des terres contestataires des « zones intérieures » à la riche cité côtière de Sfax. C’est celui qu’empruntent les chômeurs pour monter dans des bateaux qui rejoignent l’île italienne de #Lampedusa, porte d’entrée de l’Europe.

    A Metlaoui : « Ici, c’est le phosphate ou Lampedusa »

    La terre ne donne rien de végétal, à #Metlaoui. Même les oliviers ont renoncé à s’y accrocher : le sol semble mort, brûlé par un soleil trop grand et un ciel trop bleu. Les hommes, comme les plantes, n’ont pas grand-chose à faire ici. Ils sont pourtant venus fouiller le sol, et ils ont trouvé dans les replis des montagnes nues qui découpent l’horizon de la ville la plus grande richesse du pays, le phosphate. Autour de la Compagnie des phosphates de Gafsa (CPG), a poussé la ville minière, à la fin du XIXe siècle. Aujourd’hui encore, la société étatique gratte chaque année 5 millions de tonnes de cette roche utilisée dans la composition des engrais.

    A la sortie ouest de Metlaoui, en direction de la frontière algérienne, un café sans nom jouxte un garage. Un auvent fournit de l’ombre. Mais en milieu d’après-midi, c’est à l’intérieur de la vaste pièce blanche aux murs nus qu’il fait le plus frais. Au fond de la salle sans fenêtre, cinq hommes attendent sur des chaises en plastique. Ce sont les seuls clients. Les aînés ont des moustaches, les jeunes du gel dans les cheveux. Le plus âgé, Mohamed Atrache, est un employé de la CPG à la retraite. Comme son père, et son grand-père avant lui, embauché en 1917. Quand son fils a été pris à son tour, en janvier, il a pleuré de joie. « Il avait tenté de passer en Europe, explique-t-il. A trois reprises. La première fois, le bateau est tombé en panne. La seconde, il a été arrêté par la police. La troisième, le temps était trop mauvais. »

    « A Metlaoui, le phosphate est le rêve de tous les jeunes. C’est ça ou Lampedusa », résume Ahmed Jedidi, 26 ans, titulaire d’un master de civilisation française. Il y a beaucoup de diplômés comme lui, à Metlaoui. Ahmed a été brièvement arrêté, en 2016, pour avoir pris la tête du mouvement des jeunes chômeurs qui avaient bloqué l’activité de la CPG pour exiger des embauches. La crise a duré deux mois et demi. Pourtant, la CPG recrute. Vorace, elle saute d’un gisement à l’autre, fourrageant dans les montagnes pour expédier ses wagons de cailloux noirs vers la côte. Elle a besoin de bras et de cervelles quand elle découvre un nouveau filon. La société organise alors des concours. En 2016, elle a recruté 1 700 techniciens. L’an dernier, 1 700 ouvriers non-qualifiés. C’est un pacte tacite : la compagnie doit nourrir la ville, sans quoi la ville mord la compagnie. Au total, depuis la révolution de décembre 2010, le nombre d’employés a été multiplié par trois, alors que sa production s’est effondrée. La CPG est devenue une soupape sociale pour éviter l’explosion de cette région contestataire.

    Khams Fajraoui, 21 ans, a échoué au concours de janvier. Il est le seul à rester muet autour de la table du café, il ne parle pas le français. Il a une crête sur la tête, des chaussettes dans des claquettes, et un regard fixe. Il est le benjamin d’une famille de cinq frères et sœurs, tous au chômage. Son père est décédé il y a cinq ans. Il fait les moissons, là où le blé pousse, plus au nord. Hors saison, il gagne 10 à 15 dinars (3 à 5 euros) trois fois par semaine en chargeant et déchargeant les camions du souk de Metlaoui. Il ne partira pas en Europe car « ses oncles et ses tantes lui ont demandé de rester ». Il veut un travail, « n’importe lequel ».

    « Ma femme ne m’a rien dit quand il est parti »

    Saïd Bkhairya avait aussi défendu à son fils d’émigrer. Un jour, en son absence, Koubaib, 17 ans, est parti quand même. Il faut passer sous l’ancien tapis roulant qui acheminait le phosphate vers la ville pour arriver chez Saïd. Ce cordon ombilical qui relie la mine à Metlaoui est comme une guirlande de tôle suspendue au-dessus de son quartier. Dans la cour de sa maison fatiguée, il a planté un citronnier. Black, le chien de Koubaib, est attaché derrière le poulailler. « Ma femme ne m’a rien dit quand il est parti. Elle avait peur de ma réaction », dit Saïd. Elle est assise à côté de lui sur le canapé. La mère a dans la main le smartphone qu’elle a acheté pour communiquer avec Koubaib sur Skype. Sa vue est mauvaise, elle doit approcher le visage tout près de l’écran pour appeler son fils. La conversation dure quelques secondes, deux ou trois phrases. « Il est fatigué, il couche dehors, explique-t-elle. Il ne fait rien, il demande de l’argent. »

    Saïd a déjà deux crédits à rembourser. Il envoie irrégulièrement des petites sommes à Koubaib, qui vivrait à Mestre, près de Venise. « Je m’en fous. Dès que j’aurai amassé assez, moi aussi, un jour, je partirai », assure Wael Osaifi, un cousin de Koubaib, après que son oncle a quitté la pièce. Il a été blessé il y a cinq ans dans un accident de voiture au terme d’une course-poursuite avec la police. Wael passait de l’essence de contrebande depuis l’Algérie. « Il y a un type qui organise les départs, il est très discret. C’est une mafia. Les prix ont augmenté. C’était 3 000 dinars, maintenant c’est 5 000 [environ 1 630 euros]. J’ai des amis en Italie, certains travaillent, certains trafiquent. » A Metlaoui, il boit parfois des bières avec des amis dans une maison abandonnée. « On n’a rien d’autre à faire. Les prix sont devenus invivables. Avec Ben Ali [le dictateur renversé par la révolution, ndlr], on avait une meilleure vie, lâche-t-il. Le paquet de cigarettes Royale valait 3,5 dinars, aujourd’hui c’est 5,5 dinars… » Koubaib a quitté Metaloui il y a dix mois, en même temps qu’un groupe de 18 jeunes de la ville. « Pour certaines familles, c’est un investissement », regrette Saïd. Sur les photos que le fils envoie depuis l’Italie, il a l’air très jeune. Il ressemble beaucoup à son petit frère, qui sert le jus de mangue aux invités. Sur les images plus anciennes, Koubaib pose souvent avec son chien. Dehors, Black aboie de temps en temps depuis qu’il est parti.

    A Gafsa : « Un travail légal, c’est une question de dignité »

    Leur énergie a quelque chose de déconcertant dans une ville comme Gafsa. On ne devine pas, en passant devant cette rue morne de la « capitale » régionale, qui affiche un taux de chômage à 26 % (plus de 40 % pour les jeunes diplômés), qu’un tel tourbillon d’activité agite le second étage de cet immeuble de la cité Ennour. Sirine, Nejma, Abir et Khora, une Française en stage, font visiter le local de leur association, Mashhed. Elles ont entre 19 ans et 23 ans. « Les séminaires ou les concours de jeunes talents, ce n’est pas notre truc, annonce Sirine, longs cheveux noirs et chemise rayée. Notre finalité, c’est la transformation sociale. On ne fait pas de l’art pour l’art. On ne veut pas non plus "sensibiliser". On fait, c’est tout ! Des poubelles dans la rue, des projections de cinéma, des lectures, des journaux, des festivals, du montage, des jeux, des manifestations… »

    Chacune a une clé du local. Elles passent à Mashhed le plus clair de leur temps. S’y engueulent, s’y échappent, s’y construisent. L’association compte 70 membres actifs et 300 adhérents. Les garçons sont les bienvenus, mais ce sont de toute évidence les filles qui mènent la danse. Les filles, elles, n’embarquent pas pour l’Europe.

    Sirine : « Mon petit frère a voulu partir, ça a choqué mes parents, on a essayé de lui faire entendre raison. »

    Abir : « C’est la faute d’un manque de communication dans les familles. Les gars ne trouvent personne avec qui partager leurs soucis. »

    Najla : « La France, ce n’est pourtant pas le paradis ! La fuite, c’est débile. Moi, je pense qu’on peut faire en sorte d’être heureux là où on est. C’est dans la tête, le bonheur. »

    Abir : « Ce n’est pas que dans la tête ! Il n’y a pas de travail. Tu sais combien c’est, un salaire de serveur, aujourd’hui ? »

    Khora : « Justement, je ne pige pas comment vous faites pour sortir et faire des festins tout le temps, alors que vous êtes au chômage ! Moi, quand je suis chômeuse, je reste chez moi à manger des pâtes. »

    Najla (en riant) : « C’est la solidarité arabe. Toi, tu ne connais pas ça ! »

    La nuit tombe vite sur Gafsa. A 22 heures, la ville s’éteint presque complètement. A la terrasse du café Ali Baba, désert, deux hommes fument dans le noir. Le gérant de l’établissement et son ami. Ils parlent de la révolution. Quand on leur demande leur avis sur la chose, Abdeslam, 28 ans, demande s’il peut répondre en anglais. « Notre déception est immense, parce que l’espoir qu’avait suscité la chute de Ben Ali était immense, explique-t-il. On ne sait pas qu’un café est amer tant qu’on n’a pas goûté un café sucré. Maintenant, on sait. »

    Il a voulu étudier le droit, s’est inscrit à l’université de #Sousse, sur la côte. Mais n’a jamais achevé sa formation, bouffé par les petits boulots qu’il effectuait pour payer ses études. Aujourd’hui, il travaille de temps en temps sur un chantier de bâtiment. « Des docteurs qui construisent des immeubles, c’est ça, la Tunisie », poursuit-il. Au fil de la discussion, le débit d’Abdeslam s’accélère. Son ami s’est levé pour ranger les tables. « Je ne veux pas partir sur la mer, je m’y refuse et puis j’ai peur. Je veux une vie adaptée, c’est tout. Je me fiche d’avoir une belle maison et une grosse voiture. Un travail légal, c’est tout ce que je demande, c’est une question de dignité. » Sa voix tremble dans le noir. Les cigarettes s’enchaînent.

    On ne pose plus de questions depuis longtemps, mais la détresse pousse Abdeslam à parler encore, de plus en plus vite. « A l’école, j’étais bon en philosophie. Je lis encore Kant, Spinoza, Heidegger, Sartre… Pourtant, cette société me méprise. Gafsa enrichit l’Etat, mais l’Etat nous crache dessus », conclut-il. Sa vieille mobylette est garée toute seule dans la rue vide. Il l’enfourche, plié en deux, pour aller dormir chez ses parents. Le gérant a fini de balayer, il tire le rideau de fer.

    A Bir el Haffey : « Aujourd’hui, le tourisme s’est effondré »

    Sur la route qui relie Gafsa à Sidi Bouzid, les voyageurs imaginent souvent être témoins d’un mirage. Au bord de la chaussée, des fourrures brillent au soleil, exposées dans toute leur splendeur. Du castor, du poulain, de l’ours, du lapin, du léopard… Cette panoplie appartient à un commerçant, d’un naturel méfiant. « Depuis la révolution, il y a des espions de la CIA et du Mossad partout, croit-il savoir. Il y a quinze ans, je cherchais des tours de cou, on m’a refilé un grand sac avec des manteaux à poils. J’ai commencé comme ça », dit-il pour justifier son activité insolite. Qui peut bien acheter ces fourrures à l’orée du Sahara ? « Détrompez-vous, les gens s’arrêtent. Avant, j’avais des Canadiens, des Allemands, les guides me les ramenaient. Aujourd’hui, le tourisme s’est effondré. J’ai tout de même de temps en temps des Algériens ou des Libyens. »

    A Sidi Bouzid : « Ils font ça juste pour avoir l’air beau »

    Dans son bureau, flotte un mélange de sueur et de parfum. Zeinobi Khouloud, 28 ans, gère une salle de sport, l’une des rares activités offertes aux jeunes de Sidi Bouzid. Derrière elle, des gants de boxe et des boîtes de protéines sont exposés sur l’étagère. Son père a ouvert le club, Abidal’s Gym, il y a deux ans, au rez-de-chaussée d’un immeuble dont les étages supérieurs ne sont pas terminés. La famille est rentrée d’Arabie Saoudite après la révolution, mais s’est à nouveau éparpillée pour faire des affaires. Zeinobi, elle, est restée dans la petite ville du centre de la Tunisie, connue dans le monde entier depuis qu’un vendeur de légumes du nom de Mohamed Bouazizi s’y est immolé, le 17 décembre 2010, pour protester contre la confiscation de sa charrette par la police. Son geste désespéré a été le point de départ d’une révolution qui a emporté le dictateur Ben Ali, avant de déborder dans tout le monde arabe.

    Sept ans plus tard, le visage géant de Bouazizi s’affiche en noir et blanc sur la façade d’un bâtiment municipal. Sa charrette emblématique a maladroitement été statufiée sur un terre-plein central. Mais même ici, les jeunes disent être déçus par les fruits du printemps tunisien. « Le chômage est toujours là, les jeunes n’ont rien à faire, c’est pour ça qu’ils viennent ici, décrit Zeinobi. Leurs parents les poussent à venir à la salle pour qu’ils ne traînent pas dans la rue toute la journée. Ils oublient leurs problèmes en faisant du sport. » Dans la salle, on croise des adolescents à lunettes avec des muscles de personnages de jeu vidéo. La plupart ont les cheveux rasés sur les côtés. Abidal’s Gym propose des cours de taekwondo, de muay-thaï, d’aérobic, de kick-boxing, mais ce sont avant tout les appareils de musculation, « importés d’Espagne », qui attirent les jeunes à 30 kilomètres à la ronde. « Ils font ça juste pour avoir l’air beau », se moque Zeinobi. Parmi les 900 clients, quelques femmes, « surtout l’été », précise-t-elle. « Les femmes ont beaucoup de responsabilité dans notre région, elles n’ont pas de temps libre. »

    Sur la route de Regueb : « 3 euros le kilo avant, 8 maintenant »

    La route est encadrée par les figuiers de barbarie de trois mètres de haut, dans lesquels viennent se ficher de loin en loin des sacs en plastique échappés des décharges à ciel ouvert.

    Dans un champ, un âne détale après avoir arraché le piquet qui le retenait prisonnier. Il s’éloigne en direction des collines pelées comme les bosses d’un chameau. Ce sont les derniers reliefs à franchir avant de basculer définitivement dans la plaine de Sfax, à l’est du pays. Sur leurs flancs, des restes de minuscules terrasses en pierre sèche, que plus personne n’est assez fou ou courageux pour cultiver désormais. Il reste uniquement des bergers dans cette vallée. Les plus vieux sont toujours bien habillés, en pantalons de ville et en vestes sobres. Leur mouton, au goût particulier, est réputé dans toute la Tunisie. Mais son prix a augmenté, passant de « 3 euros le kilo avant la révolution à 8 euros maintenant », reconnaît un vendeur de viande grillée installé au bord de la route. La raison en est simple : le prix des aliments pour le bétail a flambé depuis 2011, explique-t-il.

    A Regueb : « Notre seul loisir : aller au café »

    Nabil, 35 ans, mâchouille l’embout en plastique de sa chicha. Il recrache la fumée entre ses dents jaunies en fixant une partie de billard : « C’est tranquille, Regueb. Trop tranquille. Notre seul loisir, c’est d’aller au café. » Son ami Aymen, 25 ans, a ouvert cette salle de jeu il y a deux ans. En plus de la table de billard, il a installé neuf ordinateurs, deux PlayStation, un baby-foot. Investissement total : 2 600 euros. L’affaire ne marche pas : « Les jeunes jouent sur leurs téléphones. » Aymen va revendre, ou fermer. L’an prochain, de toute manière, il doit effectuer son service militaire.

    « Je voulais créer une petite unité de fabrication d’aliments pour le bétail, mais il fallait des papiers, et pour avoir ces papiers, on me demandait de l’argent, ressasse Nabil. L’administration est corrompue, j’ai dû renoncer. » Il vit chez ses parents, avec sa femme. Lui a pu se marier, mais « c’est rare, parce que c’est compliqué, sans travail », avoue-t-il.

    A Sfax : « Ici, les gens respectent le travail »

    Les industries de #Sfax signalent la ville de loin. La deuxième ville du pays est aussi son poumon économique. Les arbres d’ornementation sont étrangement taillés au carré, les rues sont propres, l’activité commerciale incessante dans la journée. La richesse des Sfaxiens est proverbiale, en Tunisie. Pourtant, Mounir Kachlouf, 50 ans, avoue qu’on s’y ennuie aussi. « Où tu vas sortir, ici ? Même moi, le week-end, je vais à Sousse ou à Hammamet ! » Il est le gérant du café-restaurant Mc Doner, installé le long de la petite promenade de Sfax, qui se vide de ses promeneurs au crépuscule. « Depuis 2002, on nous promet un port de plaisance, une zone touristique, mais on ne voit rien venir », dit-il. Le patron a même une théorie sur les raisons de cet échec : « Les Sfaxiens ont de l’argent. La Tunisie a besoin qu’ils le dépensent ailleurs pour faire tourner l’économie. S’ils développaient Sfax, les gens n’auraient plus besoin de sortir ! »

    Un groupe de six jeunes femmes pressées longe la corniche, valises à roulettes sur les talons. Elles rentrent de vacances. Le lendemain, elles reprendront toutes le travail. L’une est « technicienne d’esthétique et coach personnel », les autres sont vendeuses de tissu de haute couture dans une boutique de la médina. « Nous, les Sfaxiens, on est comme les Chinois, on travaille tout le temps, surtout les femmes, s’amuse Yorshelly. C’est bien pour l’économie, mais ça rend la ville fatigante, polluée, embouteillée. Il y a du travail ici, enfin, surtout pour les non-diplômés. » Aucune d’entre elles n’est mariée. « Il y a un gros problème de "racisme" chez les familles sfaxiennes, glisse Marwa. Les parents veulent que l’on épouse un Sfaxien. Nous, honnêtement, on s’en fiche. »

    Un homme a tendu l’oreille, inquiet qu’on dise du mal de sa ville dans un journal français. Il insiste pour témoigner lui aussi. « Je m’appelle Mahdi, j’ai 31 ans, je suis électricien, j’aime mon pays, je vis à Sfax car ici, les gens respectent le travail, dit-il, énervé. Les jeunes veulent de l’argent facile. Je les vois rester au café toute la journée. Je leur dis : "Venez bosser avec moi, il y a de quoi faire." Mais ils préfèrent être assis à boire et fumer ! »

    A Kerkennah : « La traversée est 100 % garantie »

    C’est l’île des départs. D’ici, près de 2 700 Tunisiens ont pris la mer depuis le début de l’année pour gagner Lampedusa, à 140 kilomètres en direction du Nord-Est. En 2017, ils étaient plus de 6 000. En 2018, ils représentent le plus important contingent de migrants arrivés en Italie, devant les Erythréens et les Nigérians. La traversée dure une nuit. Contrairement à une idée reçue, les émigrants ne montent pas sur des canots pneumatiques ou des barques vermoulues, comme en Libye voisine. A Kerkennah, les #passeurs comme les passés sont tunisiens. Un lien social les attache malgré tout, on ne risque pas des vies de compatriotes à la légère. « La traversée est 100 % garantie, c’est comme un aéroport », décrivait Ahmed Souissi, 30 ans, coordinateur de l’Union des diplômés chômeurs, quelques semaines avant le naufrage d’une embarcation surchargée le week-end dernier, au cours duquel plus de cinquante migrants sont morts noyés. « Les émigrants partent sur des bateaux de pêche qui ont été au préalable dépouillés de tous leurs accessoires. Quand on voit un bateau nu, on sait qu’il va y avoir un départ. »

    Il faut traverser les marais salants du centre de l’île, puis les grandes étendues vides piquées de tristes palmiers sans palmes (elles sont utilisées dans la fabrication des pêcheries fixes au large de Kerkennah) pour trouver la route du chantier, installé dans une ferme derrière le village de Chergui. Une dizaine de squelettes de navires flottent dans le ciel, au-dessus des copeaux de bois. Les charpentes sont en bois d’eucalyptus. Certaines sont déjà coloriées en rouge ou en bleu. Un peintre dont la blouse ressemble à une toile de Pollock désigne du bout de son pinceau la seule embarcation toute noire : « C’est le bateau utilisé par [le futur président] Bourguiba pour fuir en Egypte pendant la période coloniale, explique-t-il. Quelqu’un y a mis le feu il y a trois ans. On travaille à sa restauration. »

    Mohamed et Karim s’affairent sur le bâtiment le plus avancé du chantier. Ils sont tourneur soudeur et chaudronnier, et s’occupent de toute la partie métallique : armatures, bastingage, proue, etc. « Les migrants partent sur des 12-mètres comme celui-là, dit le premier, sans s’arrêter de souder. Il y a tellement de chômage que la police ferme les yeux. » Pollution des eaux, dégradation des fonds marins, réchauffement : « Les pêcheurs ont de moins en moins de poissons depuis deux ou trois ans, ils ont besoin d’un revenu, complète le second. Certains vendent leur bateau, des passeurs les remplissent avec 100, 120 jeunes, et les mènent à Lampedusa. Les bateaux restent là-bas. »

    Le leur est une commande de Boulababa Souissi. Le capitaine est dans sa cabine, la buvette improvisée du chantier, une canette de bière à la main. « Dans cinq jours, à ce rythme-là, c’est fini, savoure-t-il, l’œil guilleret. J’ai fait venir un moteur d’occasion d’Italie. Je vais enfin retourner pêcher. » Il baptisera son chalutier Oujden, le prénom de sa fille. Coût : 50 000 euros. Le précédent va-t-il continuer à naviguer ? « Il ne remontera plus de poisson », lâche le capitaine.

    Les visiteurs débarquent à Kerkennah, 15 500 habitants, par un ferry arrivant de Sfax. Puis, une route remonte l’archipel du Sud au Nord. La simplicité des maisons - des agrégats de cubes blancs - leur donne un air moderne. Des constructions, ou des agrandissements, sont souvent en cours. « C’est l’argent des harragas », ricane une femme, en passant devant un portail refait à neuf. Les « harragas », « ceux qui brûlent » en arabe, est le terme utilisé pour désigner les clandestins. « Ils ne se cachent même plus, comme au début. Dans une petite île où tout le monde se connaît, on les repère tout de suite, indique Ahmed Souissi. Pour la police, c’est difficile de contrôler les ports de Kerkennah. Les bateaux peuvent sortir de n’importe quelle ville ou plage. D’ailleurs, tout le monde les voit. » Ne sont-ils pas arrêtés ? « Les flics arrivent trop tard. Ou n’arrivent jamais. Pourtant, ça ne demande pas beaucoup d’intelligence de savoir qui organise les passages, dit l’activiste. Mais l’État n’est pas pressé de voir la fin des subventions européennes au titre de la lutte anti-immigration. Et puis, je crois que ça arrange tout le monde que les jeunes chômeurs sortent de Tunisie. »

    Tout au bout de la route, il y a le port de Kraten. En direction du Nord, quelques îlots plats, rocailleux, taches claires dans la mer sombre, sans vague. Les derniers mètres carrés solides de Tunisie. En cette fin de matinée, les pêcheurs démêlent et plient les filets, au soleil. Les camionnettes frigorifiques des acheteurs sont déjà reparties, à moitié vides. Sur le ponton, on marche sur des carcasses de crabes bruns qui craquent sous les chaussures. Les Tunisiens ont surnommé cette espèce « Daech ». « Ils sont arrivés d’Egypte il y a quelques années, et ils remontent le long de la côte, commente un marin, l’air dégoûté. Ils mettent les pêcheurs sur la paille : ils coupent les filets, ils bouffent le poisson ! Si ça continue, ils vont débarquer en Europe. La pêche n’est plus rentable. » Lui est là pour aider son père ce dimanche, mais en semaine il occupe un emploi de professeur de sport à Sfax.

    Au petit café de la jetée, le patron moustachu sert l’expresso le plus serré de Tunisie en bougonnant. Il jure qu’aucun bateau ne part de « son » port. « Les jeunes, ils peuvent aller se faire foutre, ils ne pensent qu’à l’argent. » Contre le mur, un pêcheur de 55 ans, « dont trente-quatre en mer », pull rouge et bonnet bleu, philosophe : « Cette révolution était un don. Elle nous a montré qu’on peut régler nous-mêmes nos problèmes, on doit garder ça en tête. Ce crabe Daech, par exemple, on ne doit pas le détester, Dieu nous a envoyé cette satanée bête pour qu’on corrige nos façons de pêcher. On me regarde comme un vieux fou quand je critique les collègues qui pêchent au chalut en ravageant les fonds, mais ce sont eux qui ont fait disparaître les prédateurs des crabes », assène Neiji.

    Son français est chantant. Il fait durer son café. « Les jeunes qui partent, c’est aussi naturel, reprend-il. Sans cela, ils rejoindraient peut-être le vrai Daech, qui sait ? C’est la logique humaine d’aller tenter sa chance. Moi, si je n’avais pas une femme et trois filles, je crois que j’aurais aussi filé. » Neiji tire sur sa cigarette en aspirant la fumée très lentement, avant d’expirer sans bruit. « Ce va-et-vient, c’est la vie. Les pêcheurs sont des gens intelligents, il faut me croire. »
    Célian Macé

    Très bon reportage, avec photos dans l’article source. La fin de l’article avec les propos du pêcheur, est à méditer.

    #chômage #tunisie #émigration #jeunesse #Afrique

  • Jean-Luc Mélenchon s’en prend vivement à la Suisse à l’Assemblée RTS - boi - 19 Décembre 2017
    http://www.rts.ch/info/suisse/9187286-jean-luc-melenchon-s-en-prend-vivement-a-la-suisse-a-l-assemblee.html

    Jean-Luc Mélenchon a parlé de la Suisse en termes peu élogieux durant 10 minutes lundi à la tribune de l’Assemblée nationale, évoquant sa fiscalité « inadmissible », sa « moralité suspecte » et une « zone de non droit ».

    S’exprimant lors d’un débat concernant l’accord relatif à l’aéroport de Bâle-Mulhouse, le député de la France insoumise (FI) a longuement détaillé les pratiques fiscales helvétiques particulièrement défavorables à la France à ses yeux, certes devant une audience très clairsemée.

    Selon Jean-Luc Mélenchon, « personne n’est dupe de ce qu’est la Suisse dans l’univers de l’évasion fiscale, de la fraude et des trafics ». « Le 4e paradis fiscal au monde », a-t-il ajouté.

    https://www.youtube.com/watch?v=HPHwDAHKGD0

    « Qualité de l’air particulière »
    Le député FI a en outre évoqué « la qualité de l’air particulière » de la Suisse « puisque la moitié des #milliardaires-français y sont installés » pour éviter de payer des impôts.

    « La relation fiscale avec la Suisse doit changer, puissent les dirigeants suisses entendre la voix des Français tant qu’elle est énoncée avec bonhomie, tranquillité et patience », a encore tonné le politicien.
    « Nous avons le devoir de demander des comptes aux Suisses », a-il conclu, interpellant le gouvernement français.
    boi

    « Centre international du blanchiment »
    Jean-Luc Mélenchon a encore qualifié la Suisse de « centre international du blanchiment » avec ses 245 entrepôts douaniers et 20 ports francs qui sont des « zones de non droit ».

    Le député a notamment insisté sur le port franc de Genève, qui est à ses yeux une « sorte d’équivalent de la caverne d’Ali Baba ». Il assure que des milliers d’oeuvres d’art volées en Irak et en Syrie y dorment sans que personne ne s’en préoccupe.

    #Suisse #paradis-fiscaux #non-droit #évasion-fiscale #fraude #trafics #Qualité-de-l’air #blanchiment #trafic

  • Les portes des rêves
    http://otir.net/dotclear/index.php/post/2017/08/08/Les-portes

     

    Très souvent, je rêve de pièces d’un appartement ou d’un autre, des pièces cachées, ou supplémentaires, des pièces qui n’existent pas vraiment dans la réalité, des pièces dans lesquelles je me retrouve, ou bien que je cherche à retrouver ou dans lesquelles je cherche à entrer.

    Les rêves de cette sorte sont toujours des rêves extrêmement apaisants quand je me réveille et que je me les rappelle.

    C’est clair qu’il s’agit de messages inconscients de mes ressources intérieures, et ces rêves m’indiquent que j’ai pour un instant accédé à ces ressources qui regorgent de sagesse, ou de trésors, et qu’il me suffit de me rendre dans la caverne d’Ali Baba pour aller y puiser.

    Et vous, quels sont les rêves récurrents qui vous font du bien ?

    #Soliloques #inspiration #rêverie #souvenirs

  • All recorded music is from the past!
    http://www.radiopanik.org/emissions/moacrealsloa/all-recorded-music-is-from-the-past-

    Ce soir : Toute la musique enregistrée est du passé!

    Tonight : All recorded music is from the past!

    Playlist (under construction) :

    Hybrid Kids : Deck The Halls

    The Bonzo Dog Dooh Dah Band : Ali Baba’s Camel

    Daevid Allen : Only make love if you want to

    至福団 - 機械がどんどん廻る廻る : 町田町蔵 ( Machida from Machine Multifunction - Machine goes round and round)

    Masada : Abidan

    Romano Mussolini : Mirage

    Fred Lane : Rubber Room

    Einsturzende Neubauten : 3 Thoughts

    Nurse With Wound : Rat Tapes One - Untitled n° 5

    Jaap Blonk : Plea for Proof

    Magma : Nono

    Univers Zero : Jack the Ripper

    Daniel Shell & Karo : Un Celte

    Satoko Fujii : Looking Out Of The Window

    Elliott Sharp : X-Topia

    http://www.radiopanik.org/media/sounds/moacrealsloa/all-recorded-music-is-from-the-past-_03107__1.mp3

  • EDIT :
    Ici, on liste toutes les références à Seenthis dans d’autres médias.
    L’objectif est d’en avoir assez pour revendiquer l’admissibilité sur Wikipédia.
    À la fois en tant de réseau social (seenthis.net)
    Qu’en tant que logiciel libre (dans une seconde page).

    @seenthis Ajouter Seenthis à la liste des réseaux sociaux ?

    J’ai été surpris que peu d’infos externes existent sur Seenthis.

    On trouve cette vague référence (supprimée depuis)
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Rezo.net#Le_site_.22SeenThis.22

    Mais il existe une liste maintenue à jour en anglais :
    https://en.wikipedia.org/wiki/List_of_social_networking_websites

    Cependant, comme son accès est réduit et qu’il à a certaines règles a respecter, il faut se contrainre à quelques étapes :

    Créer une page wiki pour Seenthis . C’est ce qu’ils imposent. Il n’y en a pas, je ne suis pas fou ?

    –—
    Je ne connaissais pas, mais après Wikipedia utilise une note tirée d’un site de statistiques du net : Alexa
    http://www.alexa.com/siteinfo/seenthis.net

  • D’Alep à Paris | Actes Sud
    http://www.actes-sud.fr/catalogue/litterature-etrangere/dalep-paris

    Hanna Dyâb, chrétien maronite d’Alep, fait le récit du voyage effectué dans sa jeunesse en compagnie du Français Paul Lucas, au début du xviiie siècle. Son texte en arabe nous est parvenu sous la forme d’un manuscrit unique, inédit à ce jour, conservé à la Bibliothèque vaticane.
    Le périple conduit l’auteur d’Alep à Tripoli, Saïda, Chypre, puis en Égypte, d’où il rejoint la Libye, puis Tunis. De là il passe à Livourne, Gênes et Marseille, avant de gagner Paris, où son séjour culmine avec sa réception à Versailles dans les appartements de Louis XIV. Sur le chemin du retour, il passe par Smyrne et Constantinople, d’où il rejoint Alep en traversant l’Anatolie en caravane.
    Conteur hors pair, Hanna Dyâb fut l’informateur d’Antoine Galland pour une douzaine de contes des Mille et Une Nuits, notamment Aladin et Ali Baba. Extrêmement vivant, son récit relate rencontres et conversations, déplacements en caravane, tempêtes et attaques de corsaires en mer. Il décrit précisément l’horloge astronomique de l’église Saint-Jean à Lyon, la vie sur les galères, le Grand Hiver de 1709, le supplice de la roue ou une représentation d’Atys de Lully à l’Opéra. Il entrecoupe son récit d’histoires plus ou moins légendaires, inspirées de vies de saints, de contes populaires, de faits divers.
    Le regard vif et original d’un “Oriental” sur le monde méditerranéen et la France au temps de Louis XIV.

    Hannah Dyab, d’Alep à Paris : les pérégrinations d’un jeune Syrien au temps de Louis XIV avec Bernard Heyberger ( EPHE)
    20.11.2016
    https://www.franceculture.fr/emissions/chretiens-dorient/hannah-dyab-dalep-paris-les-peregrinations-dun-jeune-syrien-au-temps-d


    http://rf.proxycast.org/1233849209459843072/10492-20.11.2016-ITEMA_21141322-0.mp3

  • Saint Burkini, C’est l’heure de l’mettre !
    http://www.campuslille.com/index.php/entry/saint-burkini

    Aujourd’hui 17 Aout, c’est la saint Burkini !
    Saint Burkini est le saint patron des hommes orchestres et des femmes grenouilles.

    L’éphéméride commence à 3mn05s, juste après le générique.


    Après le foulard islamique, le tchador, Le hijab, le jilbab, la burka.
    Après les moutons égorgés dans les baignoires, les prières de rues, les cantines pas halal, les mosquées salafistes.
    Après les babouches interdites, le couscous terroriste, les slabillas explosives, le scandale des barbes à papa polygames, la harissa dans le cassoulet, le thé à l’amiante, Ali au pays des merguez.
    Après l’Arabe du coin, l’Arabe d’en face, l’Arabe de service, le travail d’Arabe, le téléphone Arabe, les Kabyles téléphoniques
    Après le soutien gorge à cadenas, le slibar musulman, les chaussettes intégrales, les chemises intégristes, les mains de Fatma dans les gants de velours.
    Après l’Islam des caves, l’Islam des banlieues, l’islam des campagnes, l’Islam des plages. . . .
    Après Saladin entrant dans Jérusalem, Ali Baba dans la grotte et Benzema au vestiaire.

    Le temps était venu pour saint Burkini !
    On avait plus rien à se mettre sous la dent hé !
    Comme quoi il y a bien une invasion musulmane, , , , , dans les médias !
    #audio #radio #Radios_libres #Radio_Campus_Lille #Analyse #burkini #racisme #clichés_arabes #laïcité #foutage_de_gueule #concordat #colonialisme #islamophobie #amalgames

  • Download 637 Gigabytes Of Jazz For Free | Telekom Electronic Beats
    http://www.electronicbeats.net/feed/download-650-gigabytes-jazz-free

    David W. Niven was a high school teacher from New Jersey. But his legacy will be the 650 cassette tapes of early jazz that he recorded throughout his lifetime. The set spans more than 1000 hours and gives a fantastic insight into the development of jazz through the years 1921-1991. Niven also wrote setlists and notes that come along with the collection on Archive.org, which you can download here https://archive.org/details/davidwnivenjazz

    .

    Here‘s an additional 30 gigabytes of noise tapes http://www.electronicbeats.net/feed/download-30-gigabytes-worth-of-rare-cassettes-from-the-80s and an archive of ’90s rave tapes http://www.electronicbeats.net/feed/download-hundreds-of-90s-rave-jungle-cassettes.

  • #Serbie : dans la dèche à #Belgrade avec les « migrants économiques »

    Depuis novembre dernier et la fermeture de la « route des Balkans » aux migrants « économiques », ils sont des centaines à errer dans les rues de Belgrade, à la recherche d’une solution pour passer en Croatie ou en Hongrie. Tous racontent la fatigue, la violence des réseaux de passeurs et celle de la police. Et l’espoir insensé de pouvoir continuer leur voyage vers l’Europe.


    http://www.courrierdesbalkans.fr/articles/serbie-dans-la-deche-a-belgrade-avec-les-migrants-economiques
    #tri #réfugiés #asile #migrations #migrants_économiques #catégorisation

    • L’article complet:

      Houssam est pris d’une quinte de toux. Depuis bientôt deux semaines, ce coiffeur marocain de 23 ans dort par terre, enveloppé dans une couverture grise, sur le quai de la gare ferroviaire de Belgrade, balayée par la Košava, le vent de février qui souffle des Carpates. Avec ses copains Hakim et Imad, Houssam a tenté quatre fois de passer la frontière croate. La police les a toujours repoussés. « À la gare de Šid, en Serbie, il y a une interprète syrienne qui travaille avec les autorités croates », raconte-t-il. « Je lui ai dit que j’étais syrien, comme c’est écrit sur le papier de la police serbe. Elle m’a demandé d’où je venais. J’ai répondu Alep. Quel quartier ? Près du stade… Alors, elle m’a dit de compter jusqu’à cinq. Le problème est que les Syriens et les Marocains ne comptent pas de la même façon. J’aurais dû dire que j’étais irakien. »

      Selon les organisations humanitaires, environ 350 « migrants économiques » se trouvent actuellement dans la capitale serbe. Ils « zonent » dans le quartier de la gare, tuant les heures au chaud dans les bistrots prêts à les accueillir. La nuit, ils dorment dehors. Les couvertures s’échangent contre un paquet de cigarettes ou un peu de nourriture.

      Depuis le 18 novembre 2015, seuls les réfugiés syriens, irakiens et afghans ont le droit de traverser la Macédoine, la Serbie, la Croatie et la Slovénie. Chaque jour, 2 000 à 3 000 réfugiés en moyenne passent officiellement la frontière entre la Grèce et la Macédoine. Ils arrivent d’Athènes en autocar, prennent le train jusqu’à la frontière serbe, puis de nouveau l’autocar jusqu’à la frontière croate, qu’ils traversent en train... Pour les autres, le « corridor humanitaire » des Balkans s’arrête sur le parking d’une station-service grecque, au bord de l’autoroute A1, non loin de la frontière macédonienne hérissée de barbelés.

      « Suite aux restrictions imposées par l’Union européenne, nous assistons à une explosion de violence », constate Francisca Baptista da Silva, conseillère humanitaire à Médecins sans frontières (MSF). « L’été dernier, quand tous les réfugiés avaient accès aux transports publics, nous avons enregistré des progrès. Aujourd’hui, à cause de la politique de discrimination aux frontières, de plus en plus de migrants sont la proie des gangs mafieux. »

      Houssam se souviendra de son passage en Macédoine. « Pour aller d’Athènes à Belgrade, j’ai payé 800 euros », dit-il. « Un guide pakistanais nous a aidés à traverser la frontière macédonienne. Nous avons marché cinq heures en nous cachant dans la forêt. Ensuite, nous nous sommes reposés dans une maison le long d’une rivière, près de l’autoroute. Une voiture est venue nous chercher et nous a conduits dans un village au nord, près de la frontière serbe. C’est là que les ennuis ont commencé. » Houssam croit se rappeler le nom de deux villages : Vaksincë et Lojane. Des hameaux stratégiques à la contrebande, bien connus pour leurs réseaux criminels qui kidnappent et rackettent les étrangers sans papiers, non loin de Kumanovo.

      « Nous sommes entrés dans une vieille maison entourée de murs. Des Pakistanais nous attendaient en fumant de la marihuana. Ils avaient des bâtons, des machettes. Ils nous ont tabassés, volé notre argent et nos téléphones. Dans une petite pièce sans lumière, il y avait des prisonniers de toutes les nationalités : Algériens, Marocains, Tunisiens, Pakistanais... J’en ai compté quatre-vingt. Si on voulait manger, il fallait donner dix euros pour une boîte de sardines périmées. Dans notre groupe, il y avait une Marocaine de 24 ans. Quand ils l’ont vue, les gardiens l’ont emmenée. »

      « Je suis resté enfermé six jours », poursuit le jeune homme. Pour racheter sa liberté, et pouvoir passer en Serbie, il a dû faire appel à sa famille et payer une rançon de 800 euros. Des témoignages comme le sien sont loin d’être uniques. MSF et d’autres organisations internationales en ont récolté des dizaines : enlèvements, ratonnades, transferts d’argent sous la menace d’une arme... Les preuves ne manquent pas. Mais la police ne fait rien. « Personne ne fait rien », déplore un responsable de l’ONG humanitaire. En juin 2015, Vaksincë a fait la une des médias : 128 migrants avaient été retrouvés captifs dans la « maison de l’horreur ». Le « boss », un Afghan surnommé Ali Baba, et installé dans le village depuis quelques années, avait disparu dans la nature.

      « Ali Baba ? », s’exclame Imad. « Bien sûr que j’en ai entendu parler. Tout le monde connaît son nom, mais personne ne l’a jamais vu. » Imad, un électricien marocain de 24 ans, est resté « bloqué » une dizaine de jours dans le camp de Tabanovce, la dernière halte du « couloir humanitaire » en Macédoine, avant la frontière avec la Serbie. La police serbe lui interdisait de passer de l’autre côté, à Miratovac, alors qu’il essayait de se faufiler dans les colonnes de réfugiés syriens, irakiens et afghans. « En face, il y avait la police. À gauche, dans les collines, la mafia. » Il a finalement traversé la frontière illégalement, par le passage de Strazha, à cinq kilomètres de Lojane, au prix d’une longue et pénible marche à 800 mètres d’altitude, une nuit de grand froid.

      « Le pire, ce sont les disparus », dit-il en baissant la voix. Comme ces deux Égyptiens enlevés par un gang d’Algériens et de Pakistanais le long de la voie de chemin de fer, dans la région de Veles, 80 kilomètres au sud de Tabanovce, et dont les compagnons sont sans nouvelles. « Ils n’ont pas de quoi payer et ils sont déportés dans un pays voisin, au Kosovo ou en Bulgarie... » Imad retrousse son tee-shirt et pose sa main à hauteur des reins. « On leur vole les organes, le cœur, les reins. » Le trafic d’organes : une rumeur, vraie ou fausse, qui se répand comme une traînée de poudre.

      À Belgrade, les deux établissements principaux qui hébergent les « indésirables » toute la journée pour le prix d’un café, d’une limonade ou d’une bière sont le Peron A, la buvette de la gare, et le Kušet (« Couchette »), de l’autre côté de la rue Karađorđeva. Africains, Égyptiens, Maghrébins… L’estomac creux, les traits tirés. Certains « glandent » là depuis des jours, des semaines, des mois. Scotchés à leur téléphone portable, ils sont à la recherche sur WhatsApp et les réseaux sociaux de nouveaux moyens d’aller plus loin, plus vite, vers l’Allemagne, la Belgique, la France ou l’Italie. Ils chattent, ils attendent le signal. Un téléphone vibre, un écran clignote. Un jeune homme entre, s’approche d’une table, chuchote quelques mots. Un groupe lève le camp. « Tous ces types pleins de rêves, c’est le royaume de l’espoir », dit Hakim, un soudeur marocain de 28 ans.

      Comme Houssam et Imad, Hakim a un plan. Lui aussi a compris que la Croatie était « étanche ». Plus question de voyager dans une remorque de camion ou un wagon de marchandises. Les clandestins se font « pincer » par la police croate et passent par la case prison, où ils se font dépouiller. « Les migrants peuvent être brutalement repoussés à la frontière », déclare Francisca Baptista da Silva. « Beaucoup rentrent à pied à Belgrade. Ils ont froid, ils se blessent en marchant, ils n’ont nulle part où dormir. Parmi eux, il y a aussi des femmes, des enfants. Des familles vulnérables, exposées à un danger croissant… » En Serbie, MSF traite 500 à 600 patients par jour. Le 4 février, selon une information non confirmée, un jeune homme aurait été électrocuté par un câble ferroviaire, alors qu’il se cachait sur le toit d’un wagon — par une température proche de zéro degré.

      Hakim expose sa nouvelle « combine ». « J’attends 1 200 euros par Western Union. Après, je passe en Hongrie. » Dans l’arrière-salle enfumée du café de la gare, où tout le monde se retrouve pour charger son téléphone, des photos géantes de Casablanca, le film, parent les murs. « Une voiture nous dépose avant la frontière, le guide nous montre un trou dans la clôture, une voiture nous récupère de l’autre côté. C’est simple. D’autres l’ont fait, ça va marcher… »

      « Et si la voiture ne vient pas ? », lance un copain. « T’y as pensé ? » Depuis le 5 février, la police hongroise a renforcé sa vigilance dans les villes frontières et doublé ses patrouilles le long des 175 kilomètres de barbelés entre la Hongrie et la Serbie, surveillés par des caméras thermiques. En une semaine, plus de 200 Marocains, Indiens, Népalais, Pakistanais ont été arrêtés. Détenus au centre de Kiskunhalas, dans le sud du pays, ils attendent la décision de la justice. Ils devraient être renvoyés en Serbie. Mais la procédure traîne en longueur. Seule chance d’y échapper : un billet de retour vers leur pays d’origine, et la police les « escorte » jusqu’à l’avion.

      21 heures 50, le train Belgrade-Šid est à quai, vingt minutes en retard sur l’horaire. Une quinzaine de « sans privilèges », munis de leur titre de transport et de la vraie-fausse attestation que l’Office serbe des Étrangers leur a remise, ou qu’ils ont achetée dix euros à un trafiquant, sont à bord, tapis dans l’obscurité des deux dernières voitures gardées par la police. « Ça sent la fin de la migration », observe un baroudeur de l’humanitaire. « Même les passeurs rôdent moins souvent. Il y a des jours où on ne les voit pas du tout. » La buvette de la gare a déjà fermé. Houssam, Hakid et Imad n’ont rien mangé. Ils vont passer une nouvelle nuit dehors, dans une couverture grise.

      Le 12 février peu avant midi, des cheminots serbes ont découvert sur un wagon de marchandises le cadavre carbonisé d’un Algérien d’une trentaine d’années en route vers la Hongrie, électrocuté 500 mètres après la gare de Subotica, à cinq kilomètres de la frontière.

  • Des barres d’or et des stéroïdes retrouvés dans la voiture d’un diplomate européen en Israël — RT en français - 4 févr. 2016
    https://francais.rt.com/international/15123-barres-dor-steroides-retrouves-dans

    Ce n’est pas la voiture d’Ali Baba qui a été arrêtée mais celle d’un représentant de l’Union européenne révèle le Jpost, la version en ligne du Jerusalem Post.

    Le diplomate, dont l’identité et la nationalité n’ont pas été divulguées, aurait tenté de se rendre en Israël depuis la Jordanie en dissimulant dans son véhicule pour plus de deux millions d’euros d’or, de bijoux, des centaines de smartphones et plusieurs dizaines de kilos de stéroïdes.

    Lui et son chauffeur ont été arrêtés au point de passage d’Allenby, près de Jéricho, puis mis en garde à vue.

    Originaire du nord de Jérusalem, le chauffeur a été convoqué chez le juge après son arrestation, mais pas son illustre patron, sans doute protégé par son immunité diplomatique.

    #UE

  • 5000 films tombés dans le domaine public à télécharger gratuitement

    Dès qu’une œuvre tombe dans le domaine public, elle peut être « uploadée » sur le site archive.org. La liste ne peut donc que s’agrandir. Pour les cinéphiles, c’est une véritable caverne d’Ali Baba. On peut déjà y trouver près de 5000 long-métrages, regardables en streaming, mais également disponibles en téléchargement (très souvent de haute qualité). Films noirs, films d’horreur, cinéma Bis, screwball comedy, le choix est vaste.

    http://golem13.fr/5000-films-tombes-dans-le-domaine-public-a-telecharger-gratuitement/?fb_action_ids=10202152455364269&fb_action_types=og.likes&fb_source=other_mu

    #film #cinéma #open_source
    cc @albertocampiphoto

  • Petite cuillère---24 sept 2015 – la rentrée !!!
    http://blogs.radiocanut.org/petitecuillere/2015/09/24/24-sept-2015-la-rentree

    Les traditionnelles brèves : limes à ongles et bruit qui court sic : Oulahlou « silence on tue », et « Ali Baba et ses 40 voleurs », Et le reste de l’émission est faite avec Dalil de l’émission « Berbères sans frontières » de radio canut, pour … Continuer la lecture (...)

  • On the Migration Road in Macedonia

    Prison cells, “the jungle,” Afghan gangs, police beatings, killer trains, cramped detention centres, Albanian guerrillas, and then, of course, there’s Ali Baba’s hostage house. For migrants wanting to avoid the deadly sea crossing from Libya to Italy, the route through Macedonia has many dangers of its own.

    http://newirin.irinnews.org/on-the-migration-road-in-macedonia

    #Macédoine #migration #réfugiés #asile #Balkans #photographie
    avec des photos d’@albertocampiphoto
    et le slideshow : https://www.youtube.com/watch?v=6C5ARVDr7U4&feature=youtu.be


    cc @reka

  • Ein fröhliches neues Jahr wünschen Ihnen die Comedian Harmonists

    Perpetuum Mobile, 1933
    https://www.youtube.com/watch?v=OYnh9_A73YE

    L’original de Johann Strauss, pour le concert du Nouvel an 2013, par l’Orchestre Philharmonique d’Odessa à Odessa.
    https://www.youtube.com/watch?v=cJA3CqAIGVA

    Wenn die Sonja Russisch tanzt, 1934
    https://www.youtube.com/watch?v=i229r_gD-Kg

    Ali Baba, 1933
    (dédicace particulière pour @Fil)
    https://www.youtube.com/watch?v=2I0nNx_8AVo

    Première partie du documentaire Sechs Lebensläufe [de], 1976
    https://www.youtube.com/watch?v=E8CuSgjkTuc

    Et sur WP [fr] http://fr.wikipedia.org/wiki/Comedian_Harmonists

    Discographie
    http://www.www.dutempsdescerisesauxfeuillesmortes.net/fiches_bio/comedian_harmonists/comedian_harmonists_discographie.htm

  • ’Public-private partnership to provide $200 bln for infrastructure’
    http://www.todayszaman.com/news-350817-public-private-partnership-to-provide-200-bln-for-infrastru

    eputy Prime Minister Ali Babacan has said Turkey needs $700 billion for infrastructure projects to be completed by 2023 and that the government plans to launch a public-private sector partnership (PPP) method for the projects amounting $200 billion.

    Speaking at a conference on Thursday, Babacan stressed that in recent years the PPP method has been widely implemented, especially in transportation projects. He added that such partnerships are crucial in that they reduce the public sector’s borrowings. “As the private sector penetrates the economy, efficiency increases, helping to generate economic growth in the country,” said Babacan.

    In the healthcare sector, PPP has been used in construction of “City Hospitals,” a Ministry of Health project designed to add a large number of hospital beds to the health care system, solve the problem of delayed medical examinations and address a shortage of doctors by establishing new hospital campuses in many of the country’s provinces.

    The new system uses the PPP model where the government leases the hospitals to private companies and pays handling fees for their services in the fields of medical imaging, laboratories, information processing systems, security, maintenance and catering.

    Babacan stressed that after the healthcare sector, a new regulation allowing PPP in education passed, adding that in the coming period conventional financing methods will not be easy to use and that alternative methods should be implemented

    #PPP
    #Turquie

  • #Finlande : Umayya, l’immigrée qui tend un miroir au racisme | Rue89
    http://www.rue89.com/2013/01/03/finlande-umayya-limmigree-qui-tend-un-miroir-au-racisme-238287

    Umayya Abu-Hanna, immigrée d’origine palestinienne, a vécu trente ans en Finlande. Ne supportant plus les vexations racistes, elle s’est installée avec sa fille âgée de 3 ans à Amsterdam.

    « En Finlande, on m’a toujours crié dessus. Pendant trente ans, j’ai eu droit à tout : “bougnoule”, “terroriste”, “Ali Baba”, “musulmane”... Et pourtant, je ne savais pas encore que la peau noire pouvait attirer autant de haine.

    Ma fille adoptive est une Zoulou, née à Johannesburg, en Afrique du Sud. Une fois, alors qu’elle était âgée d’1 an et que nous attendions tranquillement le métro à Helsinki, une grand-mère de 80 ans s’est postée en face d’elle et s’est mise à lui crier : “ Sale nègre !”

    #racisme #extrême_droite

  • 5000 films tombés dans le domaine public à télécharger gratuitement | golem13 |
    http://golem13.fr/5000-films-tombes-dans-le-domaine-public-a-telecharger-gratuitement

    Dès qu’une œuvre tombe dans le domaine public, elle peut être « uploadée » sur le site archive.org. La liste ne peut donc que s’agrandir. Pour les cinéphiles, c’est une véritable caverne d’Ali Baba. On peut déjà y trouver près de 5000 long-métrages, regardables en streaming, mais également disponibles en téléchargement (très souvent de haute qualité). Films noirs, films d’horreur, cinéma Bis, screwball comedy, le choix est vaste ! Voici une liste best-of des films à télécharger.