• Hôpital public : « Quand la situation est dégradée au point de mettre les patients en danger, c’est un devoir moral de dénoncer l’inacceptable »

    Alors que le 13 janvier, au CHU de Dijon, Gabriel Attal a promis de mettre l’hôpital en haut de la pile des problèmes à résoudre, un collectif rassemblant plus de 230 médecins, soignants et personnels hospitaliers dénonce, dans une tribune au « Monde », la répression qui s’abat sur celles et ceux qui alertent sur les dysfonctionnements.

    Irène Frachon a permis la condamnation du laboratoire Servier en appel le 20 décembre 2023. C’est la victoire de la « fille de Brest » – et celle de milliers de victimes – qui a réussi à montrer qu’elle avait raison de s’être attaquée au si puissant lobby pharmaceutique. Elle restera un exemple pour ces femmes et ces hommes, souvent anonymes, témoignant de la situation catastrophique de l’#hôpital public.
    Ces lanceurs d’alerte, impliqués au quotidien auprès des #patients, ne voulant rien d’autre que d’être entendus, ont pourtant été punis de leur bonne foi. Sébastien Harscoat à Strasbourg, ou Caroline Brémaud à Laval le savent : alerter, pour le bien de la communauté, est dangereux. Les lanceurs d’alerte, pour le sociologue Francis Chateauraynaud, auteur de Alertes et lanceurs d’alerte (« Que sais-je ? », PUF, 2020), ne sont pas les dénonciateurs de fautes, de fraudes ou de mauvais traitements, mais des personnes ou des groupes qui, rompant le silence, signalent l’imminence, ou la simple possibilité, d’un enchaînement catastrophique.

    C’est exactement ce qui se passe à l’hôpital public. Depuis quelques années, aides-soignantes, infirmières, secrétaires médicales, psychologues, assistantes sociales, cadres de santé, patients, médecins, chefs de service… témoignent de la dégradation de l’#accès_aux_soins et de l’hôpital public. Ils alertent les pouvoirs publics, les élus et les patients présents, ou futurs, par la presse et les réseaux sociaux, sur la situation de notre système de #santé, espérant arrêter la spirale infernale. Pénuries de personnel, accueils inadéquats des patients, pertes de chance, voire morts inattendues ou évitables, sont désormais médiatisés.

    En 2022 une #surmortalité de 50 000 décès a été constatée par l’Insee. Aujourd’hui, plus personne, même le gouvernement, ne nie la dégradation de l’hôpital public et de l’accès aux soins pour tous. Brigitte Bourguignon, éphémère ministre de la santé, avait qualifié les collectifs d’hospitaliers et d’usagers d’ « oiseaux de mauvais augure », mais les collectifs de défense de l’hôpital public ne sont pas des prophètes de malheur : ils sont des optimistes voulant sauver notre système public.

    7 000 lits ont été fermés en 2022
    Ils dénoncent la communication mensongère sur des milliards providentiels qui ne sont que l’addition de fonds alloués au privé et au public sur la prochaine décennie, et rappellent les faits : on ne compte plus le nombre de services d’urgences « régulés » pour ne pas dire fermés (163 sur 389 à l’été 2023), les files d’attente de brancards sur les parkings des hôpitaux – à Strasbourg, le parking a vu pour Noël se monter une tente pour accueillir les patients –, l’attente prolongée des patients les plus âgés entraînant une surmortalité de 4 %.

    Et pourtant, près de 7 000 lits ont encore été fermés en 2022, et 3 milliards d’économies sont prévues en 2024. Les établissements hospitaliers doivent administrer sur des objectifs comptables, les #soignants continuent à fuir (50 % de départ des infirmières à dix ans de carrière) et près du tiers des postes de médecins hospitaliers sont vacants.

    Les lanceurs d’alerte qui s’exposent pour défendre l’institution, au lieu d’être écoutés, sont maintenant punis, sous prétexte d’un #devoir_de_réserve évoqué à chaque fois qu’une alerte est lancée. Ils sont parfois mis à l’écart ou démis de leurs chefferies de service (comme Caroline Brémaud à Laval), subissent sans « réserve » entretiens de recadrage (comme Sébastien Harscoat), audits internes à charge, blocages de mutation de service.

    Une situation indigne d’une démocratie sanitaire
    Les exemples se multiplient, pas toujours médiatisés par peur des #sanctions, obligeant certains à quitter leur service, leur hôpital voire l’hôpital public pour lequel ils s’étaient pleinement investis. Pourtant, la loi les protège. La loi du 21 mars 2022 précise : « Un lanceur d’alerte est une personne physique qui signale ou divulgue, sans contrepartie financière directe et de bonne foi, des informations portant sur un crime, un délit, une menace ou un préjudice pour l’intérêt général (…). » C’est de cela qu’il s’agit, quand certains de nos « héros d’un jour » risquent leur carrière hospitalière pour défendre la santé, comprise comme bien commun.

    Quand la situation est dégradée au point de mettre les patients en danger, c’est un devoir moral de dénoncer l’inacceptable. A l’inverse, le silence est coupable et doit être questionné, y compris pour les directions hospitalières soumises directement à des injonctions insoutenables. Mettre la poussière sous le tapis, cacher les brancards derrière des paravents et faire taire les lanceurs d’alerte est indigne d’une démocratie sanitaire, de ce qu’on doit à la population. Interdire de mettre des mots sur les maux n’est pas un remède ; c’est une faute, comme étouffer la réalité avec le sophisme du pire.

    Les collectifs de défense de l’hôpital public et de notre système de santé universel demandent que ces actions d’intimidations voire de représailles cessent et que tous ensemble nous puissions travailler sereinement pour la sauvegarde de ce qui était jadis, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le meilleur système de santé du monde. Alerter est la première étape de la reconstruction et non, comme certains dirigeants veulent nous faire croire, la dernière étape de l’effondrement.

    Les premiers signataires : Philippe Bizouarn, anesthésiste-réanimateur, CHU Nantes, Collectif inter-hôpitaux ; Caroline Brémaud, urgentiste, CH Laval ; Sophie Crozier, neurologue, CHU de la Pitié-Salpétrière, Collectif inter-hôpitaux ; Sebastien Harscoat, urgentiste, CHU Strasbourg, Collectif inter-hôpitaux ; Véronique Hentgen, pédiatre, CH Versailles, Collectif inter-hôpitaux ; Corinne Jacques, aide-soignante, Collectif inter-urgences ; Cécile Neffati, psychologue, CH Draguignan, Collectif inter-hôpitaux ; Sylvie Pécard, IDE, CHU Saint-Louis, Collectif inter-hôpitaux ; Vincent Poindron, médecine interne, CHU Strasbourg, Collectif inter-hôpitaux ; Pierre Schwob, IDE Collectif inter-urgences.
    Liste complète des signataires : https://vigneaucm.wordpress.com/2024/01/15/signataires-tribune-le-monde-lanceurs-dalerte

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/01/15/hopital-public-quand-la-situation-est-degradee-au-point-de-mettre-les-patien

    • @CollectInterHop
      https://twitter.com/CollectInterHop/status/1746981442524000465

      En attendant des mesures concrètes pour l’hôpital, aux #urgences

      6 heures d’attente et 50 brancards dans les couloirs : les urgences du CHU de Dijon saturées
      https://france3-regions.francetvinfo.fr/bourgogne-franche-comte/cote-d-or/dijon/6-heures-d-attente-50-brancards-dans-les-couloirs-les-u

      Selon la Fédération hospitalière de France (FHF), la situation dans les services d’urgences s’est dégradée de 41 % cette année par rapport à 2022. Quant à l’accès aux lits d’hospitalisation, la situation s’est détériorée de 52 % en un an d’après la FHF.

      #lits #brancards

    • Santé : Gabriel Attal critiqué pour sa « communication trompeuse » sur les 32 milliards d’euros supplémentaires annoncés
      https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/01/15/sante-gabriel-attal-critique-pour-sa-communication-trompeuse-sur-les-32-mill

      En visite samedi au CHU de Dijon, le premier ministre a chiffré à « 32 milliards d’euros supplémentaires » sur les « cinq ans à venir (…) l’investissement » prévu dans le système de soins. Une non-annonce qui a suscité de sévères réactions des professionnels du secteur.

      S’il s’agissait d’envoyer un signal positif au secteur de la santé, ça n’a pas marché. Quarante-huit heures après le premier déplacement, samedi 13 janvier, du nouveau chef du gouvernement, Gabriel Attal, dans un hôpital, le scepticisme n’a fait que croître chez les acteurs du soin. En cause : un « coup de communication » peu apprécié par une communauté professionnelle sous tension.

      En visite au centre hospitalier universitaire de Dijon, M. Attal a chiffré, devant la presse, à « 32 milliards d’euros supplémentaires » sur les « cinq ans à venir (…) l’investissement » prévu dans le système de soins. « Je le dis, notre hôpital et nos soignants, c’est un trésor national », a-t-il affirmé, aux côtés de la nouvelle ministre chargée de la santé, Catherine Vautrin.

      L’annonce a, de prime abord, semblé conséquente. Etait-ce là une nouvelle « enveloppe » fortement attendue dans un secteur en crise depuis des mois ? La question a résonné dans les médias. Avant que l’entourage du premier ministre n’apporte une réponse, en forme de rétropédalage : ces 32 milliards d’euros correspondent à la « hausse du budget de la branche maladie qui a été adoptée dans la dernière loi de financement de la Sécurité sociale », concernant l’hôpital et la médecine de ville, a fait savoir Matignon.
      Un montant pas tout à fait « nouveau », en somme. Rien que pour l’hôpital, cela représente 3 milliards d’euros supplémentaires en 2024 par rapport à 2023, a-t-on aussi précisé dans l’entourage de M. Attal. Selon les documents budgétaires, les dépenses de la branche maladie passeront de 242,2 milliards d’euros en 2022 à 273,9 milliards d’euros en 2027.

      « Pensée magique »
      « Communication trompeuse », « effet d’annonce », « pensée magique »… Les réactions ont été sévères. « On ne peut pas présenter un budget déjà voté pour les prochaines années comme des “milliards supplémentaires” », a fait valoir, dès dimanche par la voie d’un communiqué, le Collectif inter-hôpitaux, appelant de ses vœux un « cap politique clair pour les prochaines années et des mesures fortes aptes à faire revenir les soignants partis de l’hôpital ».

      Annoncer en fanfare comme des nouveautés des budgets déjà attribués, c’est une entourloupe classique. D’habitude ça ne se chiffre pas en milliards et le procédé vise des secteurs de la société qui n’ont pas droit de cité (les chômeurs et précaires, par exemple).
      On est en train de demander au petit socle électoral du macronisme de faire l’impasse sur la manière dont, pour la plupart, ils ne sont pas et ne seront pas soignés un tant soit peu correctement.

      #budget

      #communication_gouvernementale #gouvernement_kamikaze

    • Système de soins en crise : « C’est terriblement dangereux, pour les soignants comme pour les patients »
      https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/01/24/systeme-de-soins-en-crise-c-est-terriblement-dangereux-pour-les-soignants-co

      Par Mattea Battaglia et Camille Stromboni

      DÉCRYPTAGE Plongée dans un système de soins où la crise s’éternise, en ville comme à l’hôpital, de Lille à Strasbourg, en passant par la Mayenne.

      Brigitte Bourguignon, François Braun, Aurélien Rousseau, Agnès Firmin Le Bodo et, depuis le dernier remaniement, le 11 janvier, Catherine Vautrin… Un ministre de la santé chasse l’autre, à un poste qui a rarement semblé aussi instable que sous ce second quinquennat d’Emmanuel Macron. Et le système de soins, lui, s’enfonce dans la crise. C’est en tout cas le sentiment d’une large frange de soignants : les services hospitaliers sont saturés, les cabinets des médecins libéraux ne désemplissent pas. « Le système craque », répète-t-on sur le terrain. Mais avec le sentiment de ne plus être entendu.

      La crise sanitaire avait marqué une rupture et polarisé l’attention sur la situation des hôpitaux et des soignants. C’était encore le cas il y a un an, avec le déferlement d’une « triple épidémie » mêlant grippe, Covid-19 et bronchiolite sur les services hospitaliers, des pénuries de médicaments constatées un peu partout, un mouvement de grève des médecins libéraux…

      Et après ? « Rien ne change, mais plus personne n’ose rien dire, lâche Marc Noizet, à la tête du syndicat SAMU-Urgences de France. Tout doucement, on en arrive à une résignation complète. C’est terriblement dangereux, pour les soignants comme pour les patients. » « On est dans une course permanente pour garder la tête hors de l’eau, témoigne Luc Duquesnel, patron des généralistes de la Confédération des syndicats médicaux français. Pour beaucoup de collègues, la question n’est plus de savoir quand ça va s’améliorer, mais jusqu’où ils vont pouvoir tenir… »

      « Délestages » à la maternité de Lille

      De Lille à Strasbourg, de Créteil à la Mayenne, les symptômes d’une « maladie » qui ronge le système de soins continuent d’apparaître, toujours les mêmes – des bras qui manquent, des services qui ferment ou fonctionnent de manière dégradée, des déserts médicaux qui s’étendent, des patients qui ne trouvent pas de rendez-vous… Sans que la réponse politique paraisse à même d’inverser la tendance.

      A la maternité Jeanne-de-Flandre, au CHU de Lille – l’une des plus grandes de France –, la décision fait grand bruit : face au manque de pédiatres néonatologues, des transferts de patientes sont organisés, depuis décembre 2023, vers d’autres hôpitaux de la région, et jusqu’en Belgique. « La maternité continue de fonctionner normalement, seules certaines prises en charge en lien avec la réanimation néonatale sont orientées vers d’autres établissements partenaires », précise-t-on à la direction du CHU, tout en soulignant que des transferts de ce type ne sont pas inédits. Reste que ce « délestage » organisé devrait durer jusqu’en mai, le temps de reconstituer l’effectif médical.

      « Tant que c’étaient seulement les petites maternités qui fermaient, comme cela s’est encore produit tout l’été, le sujet restait sous les radars », pointe Bertrand de Rochambeau, président du Syndicat des gynécologues et obstétriciens de France. « Mais, là, on est dans une autre dimension », alerte-t-il, relevant qu’il s’agit d’un service de niveau 3 (en charge des grossesses les plus à risque), dans une grande métropole.

      Manque de lits d’aval

      Devant les urgences du Nouvel Hôpital civil de Strasbourg, ce qui devait être une « solution provisoire » pour réduire les délais d’attente est toujours d’actualité : l’unité sanitaire mobile, permettant d’accueillir jusqu’à huit personnes et de libérer plus rapidement les transporteurs (ambulances et véhicules de pompiers), sera installée là aussi longtemps que nécessaire, explique-t-on à l’hôpital. Déployé quelques jours avant Noël, le préfabriqué devait être démonté le 2 janvier. Depuis deux semaines, des ambulanciers ont pris le relais des sapeurs-pompiers initialement postés : un accueil « insuffisamment sécurisé », s’inquiète Christian Prud’homme, infirmier anesthésiste et secrétaire du syndicat FO aux hôpitaux universitaires de Strasbourg. Ce que l’hôpital dément.

      Aux urgences de Nantes, le décès, le 2 janvier, d’une patiente âgée qui était dans la « file d’attente » depuis près de quatre heures, a provoqué un vif émoi chez les soignants. « Cette dame serait décédée très probablement, mais cela aurait été plus acceptable pour tout le monde [si c’était arrivé] dans des conditions moins indignes », estime Eric Batard, chef de service. Elle avait été vue, à son arrivée, par l’infirmier d’accueil, qui n’avait pas constaté de signe de risque vital, et attendait d’être examinée par un médecin.

      Dernier épisode en date : ce mardi 23 janvier, l’hôpital Nord Franche-Comté a fait savoir qu’il devait recourir à la « #réserve_sanitaire » face à des tensions majeures aux urgences et en médecine. Le renfort de trois médecins, de dix infirmiers et de dix aides-soignants est prévu du 24 au 30 janvier.

      Les difficultés actuelles vont « bien au-delà des urgences ou des maternités », relève David Piney, le numéro deux de la Conférence des présidents de commissions médicales d’établissement de centres hospitaliers. « Les équipes sont à flux tendu, des services de médecine polyvalente comme d’autres spécialités sont aussi saturés… Dès qu’il y a un imprévu, c’est toute l’organisation qui se bloque. »

      Dans ce tableau sombre, quelques signaux d’amélioration sont pointés ici ou là. A la fin de l’année 2023, le patron de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, Nicolas Revel, a ainsi relevé un « frémissement » dans les recrutements, plus favorables, chez les infirmiers – le point noir qui oblige de nombreux hôpitaux à garder des lits fermés. « On ressent un léger mieux, mais ça reste compliqué », reconnaît le professeur Rémi Salomon, président de la commission médicale d’établissement.

      Médecine de ville : la chute se poursuit

      Si la photographie des difficultés hospitalières se dessine, par petites touches, dans la presse ou sur les réseaux sociaux, qui relaient au quotidien les alertes et mobilisations de soignants comme de patients, les tensions qui pèsent sur la #médecine_de_ville, cette « deuxième jambe » du système de soins, se perçoivent – et se racontent – différemment. Un récit à bas bruit, conséquence d’une démographie médicale déclinante face à une population toujours plus âgée et une demande de soins toujours plus forte.

      Année après année, la chute se poursuit. Chez les généralistes, la densité – soit le nombre de médecins libéraux pour 100 000 habitants – est passée, entre 2013 et 2023, de 96,3 à 83,6, selon la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques. L’accès aux spécialistes – pédiatres, gynécologues, psychiatres… – est, lui aussi, de plus en plus difficile.

      Cela fait longtemps que les « #déserts_médicaux » ne se réduisent plus aux zones rurales. Symbolique, parce que réputée attractive, la région francilienne connaît également une détérioration de l’accès aux soins. « On a des médecins formés, il faut leur donner l’envie de s’installer », plaide Bernard Elghozi, généraliste installé dans le quartier du Mont-Mesly, à Créteil, depuis quarante-cinq ans. Cela fait dix ans que ce médecin a atteint l’âge de la retraite, cinq ans qu’il « songe vraiment à [s’]arrêter », confie-t-il, mais ne pas trouver de remplaçant pour « reprendre le flambeau » auprès de ses patients est, pour lui, un « crève-cœur ». « Régulièrement, je leur explique que j’arrêterai à la fin de l’année, et puis je reporte, je tiens… Ils sont peinés, anxieux de ne pas savoir qui va s’occuper d’eux. »

      En cinq ans, en dépit d’un réseau professionnel qu’il s’est aussi forgé comme militant associatif et praticien hospitalier à mi-temps, le docteur Elghozi n’a rencontré que deux libéraux, des pédiatres, possiblement intéressés par la reprise de son cabinet. Mais aucun généraliste.

      A quelque 300 kilomètres de là, en Mayenne, un territoire rural parmi les plus en difficulté, le docteur Luc Duquesnel, patron de la Confédération des syndicats médicaux français, a lui aussi l’attention focalisée sur les « départs ». Sur les dix-neuf #médecins de la maison de santé où il exerce, sept sont partis en retraite, un ailleurs dans le département, un autre en Bretagne… « On est de moins en moins nombreux pour faire des gardes toujours plus lourdes. On n’a pas le choix, on tient, même si on a le sentiment de se prendre un tsunami sur la tête. »

  • Les #soignants dépassés par la quatrième vague de #Covid-19 en #Martinique : « De plus en plus de patients arrivent dégradés »
    https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/temoignages-les-soignants-depasses-par-la-quatrieme-vague-de-covid-19-e

    Face à la hausse des admissions en réanimation des malades du Covid-19, la rotation des missions de la #réserve_sanitaire en Martinique s’accélère. Des réservistes décrivent une épidémie en pleine ascension.

  • Coronavirus en France : « En matière de prévention, nous ne sommes pas à la hauteur de l’épidémie »
    https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/04/11/en-matiere-de-prevention-nous-ne-sommes-pas-a-la-hauteur-de-l-epidemie_60363
    Rare photo de résistance opiniâtre face aux aérosols projetés par des plantes vertes

    Pour l’ancien directeur général de la santé William Dab, le gouvernement fait peser, avec le confinement, l’ensemble des efforts de prévention sur la population.

    Professeur émérite au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), où il était il y a peu titulaire de la chaire Hygiène et sécurité, William Dab est médecin et épidémiologiste. De 2003 à 2005, il a été directeur général de la santé et avait démissionné en raison de désaccords sur la politique de santé publique avec le ministre de la santé d’alors, Philippe Douste-Blazy. Il livre une analyse critique de la réponse française au Covid-19.

    Quelle est votre appréciation de la situation sanitaire de l’épidémie de Covid-19 ?

    Un premier élément à prendre en compte est qu’actuellement nous avons un décompte de la morbidité et de la mortalité directement liée au virus. En fait, nous aurons aussi à déplorer des répercussions sur la santé à moyen terme qu’on peut appeler indirectes parce que ce n’est pas le virus qui sera en cause, mais les complications chez les patients souffrant de maladies cardiaques, pulmonaires, rénales, etc. Ces complications ont deux origines. Le Covid-19, qui entraîne un alitement, qui est un facteur de risque important chez les personnes âgées. Et le fait que le suivi des malades chroniques est moins bon parce que le système de soins est saturé par l’épidémie. Il faut donc s’attendre au total à plusieurs dizaines de milliers de décès directement et indirectement liés à l’épidémie.

    Et sur l’évolution de l’épidémie ?

    Je suis frappé par le fait qu’après quatre semaines de confinement, la courbe épidémique n’est que ralentie. Nous restons avec un flux important de malades chaque jour. Trois raisons peuvent expliquer cela. D’abord le #confinement n’est qu’imparfaitement respecté. En particulier, ceux qui continuent de travailler et qui prennent les transports en commun peuvent se contaminer, alors que le port du masque n’est pas généralisé. Ensuite, on peut se demander s’il n’y a pas une transmission aérienne du virus et pas seulement par les gouttelettes. Cette question est débattue, notamment cette semaine dans la revue Nature. Enfin, et cela me semble très grave, on laisse retourner chez elles des personnes contagieuses à la sortie de l’hôpital ou du cabinet du médecin parce qu’elles n’ont pas besoin de soins. Elles peuvent alors contaminer leurs proches. Comment l’éviter quand on vit dans un petit appartement ?

    Que faudrait-il faire ?

    Cela fait des jours que plusieurs instances, dont le conseil scientifique du gouvernement, recommandent de mettre ces personnes, de même que leurs contacts, en isolement dans des hôtels (qui sont vides) ou des lieux fermés analogues. La maire de Paris le demande aussi, mais il ne se passe rien.
    De façon générale, dans les mesures adoptées, il y a un mélange d’excellence et de médiocrité. L’excellence, ce sont les soins. Des centaines de vie ont été sauvées par l’héroïsme des soignants et des aidants, ainsi que par un effort sans précédent qui a permis de doubler nos capacités de réanimation et de désengorger les hôpitaux saturés. C’est vraiment remarquable.
    En revanche, en matière de prévention, nous ne sommes pas à la hauteur de l’épidémie.

    Pourquoi ?

    La seule mesure de prévention est en réalité le confinement généralisé assorti de recommandations d’hygiène. Autrement dit, on fait peser sur la population la totalité des efforts de prévention. Ça ne peut pas marcher et le coût humain est effrayant avec un cortège d’inégalités sociales qui s’aggravent. Réalise-t-on bien ce que cela représente pour une famille avec disons deux enfants qui vit dans 50 m² avec les deux parents en télétravail et les enfants qui doivent faire l’école à la maison ? Si l’effort de prévention est partagé, cela peut tenir encore quelque temps, mais, s’il ne se passe rien d’autre, il y aura des mouvements de révolte. Or l’adhésion du public est une condition pour casser l’épidémie. Le macromanagement ne suffit pas. Il faut une capacité de micromanagement.
    Je considère que nous entrons dans une période où le confinement aura plus d’inconvénients (économiques, psychologiques, familiaux, médicaux) que de bénéfices.

    Que peut-on faire d’autre ?

    D’abord de l’épidémiologie de terrain. Comment se fait-il que ce soient des épidémiologistes britanniques qui ont estimé la proportion de Français infectés ? Comment lutter contre une épidémie sans connaître son étendue ? Des enquêtes par sondages hebdomadaires par téléphone ou Internet permettraient de suivre son évolution. C’est facile à réaliser. Ce n’est pas complètement fiable, mais c’est mieux d’être dans le brouillard que dans le noir absolu. En attendant que des tests sérologiques soient déployés à grande échelle, même avec des imperfections, ce type d’enquête par sondage répétés nous donnerait une tendance sur l’évolution de la prévalence de l’infection.

    De même, il faut comprendre pourquoi on a encore tant de nouveaux malades. Où ont-ils été contaminés ? On ne peut pas enquêter sur tous les cas, mais, là encore, une procédure d’échantillonnage suffirait à fournir des indications sur les circonstances de l’infection. Dans les CHU, de nombreuses études cliniques sur d’autres thèmes que le Covid-19 sont actuellement suspendues. Les professionnels de santé qui les réalisent sur le terrain et ont un savoir-faire pourraient être mobilisés à cette fin.
    Autre exemple, il y a des dizaines de milliers de patients qui prennent quotidiennement de l’hydroxychloroquine pour des maladies rhumatismales. Cela fait plus de deux mois qu’il y a un débat sur ce traitement. Pourquoi ne sait-on pas si ces patients sont moins atteints par le coronavirus que les autres ? Nous avons des bases de données accessibles pour faire ce travail et une agence du médicament pour le faire.

    Ensuite, on ne dit pas clairement à la population quand les masques et les tests arriveront. Si on ne le sait pas, il faut le dire. Aucun déconfinement n’est envisageable sans ces outils. De même, quand les soignants seront-ils enfin correctement protégés ? On n’entend pas la réponse.
    Enfin, il faut un commandement unifié et moins de bureaucratie.

    Que voulez-vous dire ?

    Je vais vous donner un exemple personnel. Dès le début de l’alerte, je me suis inscrit à la réserve sanitaire. Il y a une semaine, je reçois un message me demandant si je suis prêt à appuyer au plan épidémiologique une ARS [agence régionale de santé] dans un département d’outre-mer. Je réponds immédiatement que je suis volontaire et que je libère tout mon agenda jusqu’à fin juin. Au bout de six jours, pas de réponse. Je fais savoir que je trouve cela anormal en situation d’urgence. Je reçois alors comme réponse que mon dossier administratif n’est pas complet. Il manque la copie de mon diplôme de docteur en médecine (qui est à mon bureau, donc inaccessible) et un certificat d’aptitude médicale. Je n’aurai pas l’odieuse pensée de déranger un confrère surchargé pour qu’il atteste que je suis apte à faire de l’épidémiologie ! Le président de la République a déclaré la guerre, mais les services continuent de fonctionner comme en temps de paix.

    En 1917, la première chose qu’a faite Georges Clemenceau en devenant président du Conseil et ministre de la guerre, c’est de se débarrasser des bureaucrates sans valeur ajoutée, voire à valeur négative. Ensuite, il a obtenu des Alliés un commandement unifié. On multiplie les instances, les conseils, les comités qui font de leur mieux, mais il n’y a pas le souci des détails, ils n’ont pas de rôle opérationnel. Quand Clemenceau visitait le front au péril de sa vie, ce n’était pas seulement pour soutenir le moral des troupes. C’était aussi pour vérifier que l’intendance suivait.
    Pour gagner contre une épidémie, il faut trois conditions : la surveillance, la réactivité et un commandement resserré qui fait un lien opérationnel entre la doctrine et le terrain.

    Etes-vous pessimiste ?

    Oui, au moment où nous nous parlons. Non, si les principes de base de la lutte contre les épidémies sont enfin mis en œuvre de toute urgence en s’affranchissant des contraintes administratives que le gouvernement a désormais les outils juridiques de lever.
    Cette situation illustre jusqu’à la caricature la faiblesse de la santé publique française. On mise tout sur les soins sans réaliser que la prévention est un investissement très rentable. Chaque fois que l’on dépense 100 euros dans le domaine de la santé, 96 % vont aux soins et 4 % à la prévention organisée. C’est cela que nous payons, comme nous payons l’incurie de la gestion de l’amiante – 100 000 décès cumulés.
    Tous les soirs à 20 heures, nous applaudissons nos soignants. Je me demande si nous ne devrions pas siffler tous les midis les carences de la prévention de terrain jusqu’à ce qu’elle devienne efficace.

    Illétrisme d’en haut : à se demander quel usage peut bien faire pour son propre compte la classe dominante de ses organes : "l’urgence absolue de créer des structures de prise en charge des patients peu symptomatiques", écrivait le 27 mars LE journaliste santé de Le Monde, Franck Nouchi
    https://seenthis.net/messages/835151

    #bureaucratie (s) #prévention #hygiène #épidémiologie_de_terrain #recherche #réserve_sanitaire #structures_post_hospitalières