CIP-IDF > Inévitablement (après l’école), Julie Roux, enseignante, chômeur, philosophe et chauffeur-livreur

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  • Lettre ouverte à Madame la Ministre de l’Éducation Nationale (Je nous accuse)
    https://jenousaccuse.wordpress.com

    Marseille, quartiers Nord. Une de ces écoles en décrépitude où les enseignants, assez souvent en état de survie psychique, ont pris l’habitude de trouver normales les conditions que nous imposons à nos élèves, même s’ils les trouveraient insupportables pour leurs propres enfants. Travailler à 38° les après-midi de juin et de septembre, à moins de 15° les matins de novembre, décembre, janvier et février. Avoir des fenêtres qui ne ferment pas, ou qui ne s’ouvrent pas, suivant la manière dont les années ont choisi d’imposer leurs marques. Savoir que l’expertise concernant la présence fort probable d’amiante dans nos locaux ne préoccupe personne, même si les faux-plafonds baillent et que les sols sont troués. Sentir le vent sur notre nuque, toutes fenêtres fermées. Ne pas pouvoir utiliser le gymnase, fermé pour vétusté avérée depuis des années. Devoir recouvrir nos murs lépreux, griffonnés par d’anciens élèves qui doivent aujourd’hui avoir notre âge, de grandes feuilles de couleur pour cacher la misère. Ne pas avoir assez de tables et de chaises dans sa classe pour pouvoir accueillir tous ses élèves, et donc bricoler en récupérant à gauche à droite, du mobilier dépareillé et plus ou moins fonctionnel.

    #éducation #école #inégalités

  • Très bonne Préface à l’édition Brésilienne du « Maitre ignorant » de #Jacques_Rancière http://strassdelaphilosophie.blogspot.fr/2013/05/le-maitre-ignorant-jacques-ranciere.html

    Toutes les deux surtout sont enfermées dans le cercle de la société pédagogisée. Elles attribuent à l’Ecole le pouvoir fantasmatique de réaliser l’égalité sociale ou, à tout le moins, de réduire la « fracture sociale ». Mais ce fantasme repose lui-même sur une vision de la société où l’inégalité est assimilée à la situation des enfants en retard. Les sociétés du temps de Jacotot avouaient l’inégalité et la division en classes. L’instruction était pour elles un moyen d’instituer quelques médiations entre le haut et le bas : de donner aux pauvres la possibilité d’améliorer individuellement leur condition et de donner à tous le sentiment d’appartenir, chacun à sa place, à une même communauté. Nos sociétés sont loin de cette franchise. Elles se représentent comme des sociétés homogènes où le rythme vif et commun de la multiplication des marchandises et des échanges a aplani les vieilles divisions de classes et fait participer tout le monde aux mêmes jouissances et aux mêmes libertés. Plus de prolétaires mais seulement des nouveaux venus qui n’ont pas encore pris le rythme de la modernité ou des attardés qui, à l’inverse, n’ont pas su s’adapter aux accélérations de ce rythme. La société se représente ainsi à la manière d’une vaste école ayant ses sauvages à civiliser et ses élèves en difficulté à rattraper. Dans ces conditions, l’institution scolaire est de plus en plus chargée de la tâche fantasmatique de combler l’écart entre l’égalité proclamée des conditions et l’inégalité existante, de plus en plus sommée de réduire des inégalités posées comme résiduelles. Mais le rôle dernier de ce surinvestissement pédagogique est finalement de conforter la vision oligarchique d’une société-école où le gouvernement n’est plus que l’autorité des meilleurs de la classe. A ces « meilleurs de la classe » qui nous gouvernent se trouve alors reproposée la vieille alternative : les uns leur demandent de s’adapter, par une bonne pédagogie communicative, aux intelligences modestes et aux problèmes quotidiens des moins doués que nous sommes ; d’autres leur demandent à l’inverse de gérer, depuis la distance indispensable à toute bonne progression de la classe, les intérêts de la communauté.

    #Education #pedagogie #Autonomie #philosophie #Emancipation #Joseph_Jacotot