Projet » La planète contre l’emploi ?

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  • Projet » La planète contre l’emploi ?
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    n 2013, l’humanité aura consommé plus d’une fois et demie ce que lui autorisent les ressources limitées de la planète – si toutefois nous tenons à la survie de l’espèce humaine. Le constat, même confusément, est connu. Mais de toute évidence, il peine à s’imposer avec la force nécessaire. Pourquoi notre monde poursuit-il sa fuite en avant ? Il suffit d’un mot, bien souvent, pour que ce défi réputé de long terme s’en trouve relégué sine die : chômage.

    Voyons plutôt le débat qui agite la classe politique française. Le chef de l’État veut qu’on le juge à l’aune d’une inversion de la courbe du chômage espérée fin 2013. Et il appelle à son secours la croissance du produit intérieur brut (Pib) – non pas même les chiffres annuels, mais les soubresauts trimestriels ! À sa gauche, on le taxe d’user de la méthode Coué, car à trop donner de gages de sérieux budgétaire à Bruxelles, il en viendrait à étouffer la croissance. À sa droite, on réclame baisses d’impôts et réforme du droit du travail pour « libérer » cette croissance. Ailleurs en Europe, le débat se fait plus vif encore – le chômage dépasse 26 % en Espagne et en Grèce. Reste que ces différentes lignes convergent sur un point : le moteur de l’emploi, c’est la croissance. De rares voix crient à qui veut l’entendre que l’on ne saurait croître indéfiniment dans un monde fini. En vain. Car la tension semble indépassable : s’agit-il de choisir entre la planète et l’emploi ?

    Qu’une alternative pareille un de ces quatre jours m’échoie, je laisse le dilemme à Corneille, j’élargis la palette des choix. Gare aux simplismes ! Car la question est mal posée. Qu’est-ce qui, dans l’une et l’autre option, est vraiment inacceptable ? Le chômage, d’abord. Attention aux mots : la perte temporaire d’un emploi n’est pas condamnable en soi ; moins encore le dispositif de solidarité qui permet de pallier les périodes de creux dans un parcours professionnel (cf. P. Valentin). C’est bien le chômage d’exclusion qu’une société doit refuser si elle se veut humaine : cette situation vécue pas des millions de personnes auxquelles il est dit « vous ne servez à rien » et qui en prennent honte devant leurs enfants (cf. les témoignages recueillis par J. Lepage). Ce drame que beaucoup commentent mais dont on réduit les victimes au silence (cf. G. Marle). Nous ne saurions davantage accepter de glisser inexorablement vers l’anéantissement des ressources de notre planète. Mais là non plus, ne nous trompons pas de cible. Il serait absurde de voir dans le Pib l’ennemi à abattre. Il est en revanche acquis que cet indicateur ne suffit pas à dessiner un horizon désirable, encore moins l’horizon des possibles. La question de savoir s’il doit décroître en termes absolus reste ouverte, mais il s’agit bien d’en repenser le contenu : si une production doit croître, ce ne saurait être indéfiniment celle des biens matériels. Partant de ce double refus, nous pourrions reformuler ainsi notre question : que devient l’emploi dans une société viable ? Ou, pour dire les choses de façon plus crue, à quoi occupera-t-on les hommes si ce n’est à détruire la planète ? Cette question méritait bien un numéro double.

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