Alain Chouet : « L’Etat islamique manquera bientôt de ressources humaines et financières »

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  • A lire l’interview d’Alain Chouet (ex directeur d’une branche de la DGSE) au site Oumma.com sur l’Etat islamique :
    http://oumma.com/211647/alain-chouet-letat-islamique-manquera-bientot-de-ress

    Selon Chouet, Da3ch se serait lancé à l’assaut de Mossoul après avoir perdu le soutien des saoudiens à la suite de la disgrâce de Bandar :

    Les choses se sont compliquées début 2011 avec l’émergence des troubles en Syrie. Les services spéciaux saoudiens du Prince Bandar Ben Sultan et le Qatar se sont lancé dans des initiatives rivales pour accélérer la chute de Bashar el-Assad. Les Saoudiens ont organisé en Syrie l’émergence d’un front salafiste anti-régime sous la désignation de Jabhat al-Nosra tandis que les Qataris ont lancéune « OPA hostile » sur l’EIIL en diversifiant ses activités sur la Syrie en complément de l’Irak et en concurrence avec les autres groupes djihadistes.
    Et tout ce paysage confus s’est transformé à l’été 2013 quand le coup d’État feutré qui a eu lieu à Qatar a écarté l’Emir et son activiste Premier ministre et recentré les investissements de l’Émirat sur des activités économiques plutôt que politiques. Dans le même temps, à la lueur du désordre politique et social induit en Égypte par la gestion des Frères Musulmans, le cabinet royal saoudien - plutôt partisan d’un ordre régional apaisé et d’un système de coexistence plutôt que d’affrontement avec l’Iran - a repris la main sur les extrémistes du clan familial, écarté le Prince Bandar et ses partisans, apporté son soutien au coup d’État du Maréchal Sissi et, surtout, condamné et criminalisé les activités djihadistes au Levant.
    Brutalement privés de soutiens extérieurs significatifs, Jabhat el-Nosra et surtout l’EIIL se sont retrouvés condamnés à une fuite en avant, coincés sur place et contraints d’y trouver les ressources financières et militaires nécessaires à leur survie. Ce n’est pas par hasard que le premier objectif de l’EIIL dans sa fulgurante offensive du printemps dernier a été de s’emparer de la succursale de la banque centrale d’Irak à Mossoul pour y rafler près d’un demi-milliard de dollars en or et en billets.

    Dans une autre partie saillante de l’interview il exprime ses doutes quant à la capacité de Da3ch à administrer les territoires conquis et donc à y maintenir des sources de financement hors d’une logique de prédation par définition éphémère.

    • la Présidence américaine vient dire qu’elle « n’a pas encore de stratégie dans la lutte contre le djihadisme »….

      Je veux croire qu’il s’agit là d’une manœuvre du Président Obama pour contraindre l’Arabie et le pétromonarchies du Golfe à « choisir leur camp » et à cesser leurs pratiques de double langage qui consiste à condamner verbalement le terrorisme tout en soutenant un peu partout dans le monde les groupes terroristes salafistes et les djihadistes en vue de neutraliser les initiatives démocratiques ou l’influence de l’Iran qu’ils considèrent comme également dangereuses pour le maintien de leur pouvoir.

      Tout est dans le "je veux croire"...

    • @gonzo : Oui... Probablement que Chouet, qui a longtemps dénoncé l’étonnante complaisance occidentale à l’égard des circuits de financement du golfe de certains de ses ennemis terroristes déclarés, n’y croit pas beaucoup lui non plus.

  • Alain Chouet : « L’Etat islamique manquera bientôt de ressources humaines et financières » | Oumma.com
    http://oumma.com/211647/alain-chouet-letat-islamique-manquera-bientot-de-ress

    Comment expliquez-vous que la presse francophone n’ait parlé que tardivement de cette scission d’Al-Qaida, aujourd’hui à la tête de l’Etat islamique. On sait pourtant que depuis la mort de Ben Laden, certains djihadistes ont refusé de prêter allégeance à Zawahiri.

    Alain Chouet : La réalité est que, depuis 2002 et l’offensive alliée contre le régime Taliban d’Afghanistan et ses protégés djihadistes, Al-Qaïda relève plus du mythe que de la réalité. C’est un mythe qui a été entretenu par le fait que tout contestataire dans le monde musulman, quelles que soient ses motivations et ses objectifs, a bien compris qu’il devait se réclamer de l’organisation qui avait épouvanté l’Amérique s’il voulait être pris au sérieux. C’est un mythe qui a été entretenu par certains dirigeants des pays musulmans qui ont bien compris qu’ils devaient coller l’étiquette Al-Qaïda sur leurs opposants s’ils voulaient pouvoir les réprimer tranquillement. C’est enfin un mythe qui a été entretenu par les dirigeants et les médias d’un certain nombre de pays occidentaux pour légitimer leur politique sécuritaire intérieure et extérieure.

    Mais dans la galaxie salafiste, tout le monde sait bien que Al-Qaïda se résumait depuis 2003 à un Ben Laden réfugié dans un « resort » des services pakistanais et à un sentencieux Ayman Zawahiri distribuant les bons et les mauvais points de djihadisme et s’appropriant verbalement des actes de violence commis un peu partout dans le monde qu’il n’avait ni commandités, ni prescrits ni contrôlés.

    Il était difficile pour des djihadistes ambitieux de remettre en cause la figure emblématique de Ben Laden mais plus facile de s’affranchir de la tutelle morale de Zawahiri. En particulier pour des chefs de bande locaux qui n’avaient que faire du « djihad mondial » sans bénéfice immédiat et souhaitaient plutôt se bâtir un petit sultanat local où ils pourraient exercer un pouvoir sans partage et rançonner la population. C’est ce type de raisonnement, joint aux aléas des rivalités locales et des surenchères entre l’Arabie et le Qatar, qui a poussé un Abou Bakr al-Baghdadi à rejeter le parrainage d’Al-Qaïda et - comme on dit en France - à s’autoproclamer « Calife à la place du Calife ».