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  • « Le mouvement des “#gilets_jaunes” est avant tout une demande de revalorisation du #travail », Yann Le Lann, sociologue, propos recueillis par Sylvia Zappi
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2018/12/24/le-mouvement-des-gilets-jaunes-est-avant-tout-une-demande-de-revalorisation-

    Le sociologue Yann Le Lann (université de Lille) a coordonné une enquête d’un mois sur le mouvement de protestation. Il revient pour « Le Monde » sur les enseignements de l’étude.

    Yann Le Lann est maître de conférences en sociologie à l’université de Lille. Spécialiste du travail, il a coordonné l’#enquête du collectif Quantité critique, composé de chercheurs et de doctorants de Lille et de Sciences Po Paris, qui a analysé le mouvement des « gilets jaunes » durant un mois. Le sociologue estime que l’identité du mouvement est centrée sur la reconnaissance du travail.

    Quel est le profil des gilets jaunes que vous avez interrogé ?
    Ce qui resort de nos questionnaires recoupe les informations déjà publiées sur ce mouvement : ce sont les #classes_populaires, employés et ouvriers, qui sont présentes sur les barrages. On y retrouve aussi beaucoup de #femmes qui ont pris une place importante dans le mouvement, souvent en position pivot : c’est à elles qu’on fait confiance pour gérer des caisses de solidarité ou mener des actions. On trouve aussi une part importante de #retraités. Tous nos questionnaires montrent qu’on a affaire à des personnes aux revenus inférieurs à 1 600 euros mensuels, voire très souvent juste au niveau du SMIC.

    Ce mouvement est passé d’une revendication contre les taxes sur les carburants à une demande de hausse des salaires. Vous expliquez que c’est une bascule très signifiante. Pourquoi ?
    Parce que c’est important pour comprendre le décalage entre la première perception de cette mobilisation et sa réalité politique, ce qui a donné lieu à un malentendu sur ce mouvement. Les premiers temps, les chaînes d’information l’ont présenté comme l’expression d’un ras-le-bol des territoires périurbains braqués contre la taxe sur les carburants. Le mouvement a eu l’intelligence de subvertir cette audience pour déplacer la revendication vers des enjeux de #salaire et de #retraite qui sont devenus le cœur de leur plate-forme.
    A nos yeux, c’est donc la question de la reconnaissance du travail qui est en jeu. Ceux qui se mobilisent sont des salariés qui n’ont pas les moyens de se mettre en grève. Parce que leur budget est trop contraint ou parce qu’ils n’ont pas les ressources politiques autour d’eux pour porter une revendication salariale auprès de leur patron. Ou parce qu’ils ont déjà fait l’expérience d’une négociation salariale qui a échoué.

    Et pourtant, les « gilets jaunes » sont passés à une plate-forme revendicative beaucoup plus large…
    Oui, parce que l’écho médiatique leur a permis de se faire entendre sur d’autres enjeux. Mais la question centrale demeure celle du travail. Comme, pour eux, le canal classique de la revendication collective, organisée sur les lieux de travail, est bouché, ça a débordé ailleurs : ils ont en quelque sorte contourné cette impossibilité en s’organisant en dehors des heures de travail, sur des barrages et des places, en occupant l’espace public. Du coup, ce n’est pas le patron qui est interpellé mais l’#Etat, qui est jugé comme ayant une responsabilité en matière salariale et se retrouve à devoir gérer ces #revendications. C’est tout à fait nouveau et c’est un défi pour lui.

    N’est-ce pas une remise en cause des syndicats ?
    C’est un coup de semonce. Les « gilets jaunes » sont très loin des organisations syndicales. Ceux que nous avons interrogés portent un regard très varié sur leur action ; nous avons tenté de les répartir en trois groupes. Le premier, très largement majoritaire, regroupe tous ceux qui n’ont aucun contact avec les #syndicats. Cela concerne les nombreux salariés des petites et moyennes entreprises (PME) ou des très petites entreprises (TPE) dans lesquelles il n’y a pas de structuration de la négociation collective.
    Ensuite, il y a ceux qui ont été en contact avec des syndicats, ont tenté de négocier des hausses de salaire et de meilleures conditions de travail, et n’ont pas obtenu gain de cause. Ils en ressentent une forme d’amertume. Le troisième profil, minoritaire, correspond à des personnes plus politisées qui veulent qu’il y ait convergence de luttes avec d’autres secteurs professionnels emmenés par les syndicats.

    Quel est le positionnement politique des « gilets jaunes » de votre échantillon ?
    On a trois blocs quasi égaux de 20 % entre les #abstentionnistes et #votes_blancs, les électeurs de Jean-Luc #Mélenchon et ceux de Marine #Le_Pen. On a vu se confirmer une polarité au sein du mouvement entre la gauche radicale et l’#extrême_droite, avec, au milieu, une zone grise difficile à cerner. Mais le sentiment que le gouvernement ne respecte plus la souveraineté populaire, qu’il est en rupture avec les intérêts du peuple, unifie ces trois pôles. D’une manière générale, nous avons perçu une défiance totale vis-à-vis de tous ceux qui ont été aux affaires depuis quarante ans.

    [comme souvent, ici "le travail" est un vocable qui unifie tout et exempte d’une analyse concrète de ses modalités, on remarquera que stage, chômage, en activité à temps réduit ou pas, AAH, etc ne sont pas cités parmi les variables prises en compte, ndc]

    Comment cela se traduit-il en matière de valeurs politiques ?
    Il y a indéniablement, parmi les « gilets jaunes », une part importante qui ressent une vraie crainte à l’égard de la crise migratoire et qui, lorsqu’on l’interroge sur l’#immigration, porte des idées xénophobes ou #racistes. Ainsi, 48 % des personnes que nous avons interrogées estiment qu’en matière d’emploi, « on devrait donner la priorité à un Français sur un immigré en situation régulière ».
    Malgré cela, le mouvement s’est politisé sur des slogans qui empruntent aux valeurs de la gauche. Car les porte-parole des ronds-points ont privilégié les mots d’ordre qui permettaient de fédérer. Ce sont les revendications sur les salaires, les retraites, le référendum d’initiative citoyenne (RIC), qui se sont avérées les plus consensuelles et ont permis au mouvement de durer. Les « gilets jaunes » ont eu cette intelligence collective d’orienter leur parole publique vers le social et d’éviter de faire caractériser leur mobilisation comme un mouvement de « petits blancs » récupérable par l’extrême droite.

    Votre constat ne contredit-il pas les observations des chercheurs de Bordeaux dont « Le Monde » a publié les résultats ?
    Non, ils sont complémentaires. Il y a deux niveaux de pensée : les valeurs que l’on n’assume pas dans le face-à-face avec un enquêteur, et celles que l’on affirme seul en répondant à un questionnaire en ligne. Ces deux types d’enquête donnent des résultats souvent très différents.
    Nous avons mesuré qu’une partie des « gilets jaunes » est très sensible aux thèses présentant l’immigration comme un danger mais qu’ils ne les défendent pas à l’intérieur du mouvement. Les slogans xénophobes sont demeurés minoritaires. Ce sont la critique du gouvernement et la dénonciation d’une politique économique du pays qui ont soudé tout le monde.

    On a senti une lutte d’influence entre deux ailes du mouvement, les « mélenchonistes » et les sympathisants de Marine Le Pen. L’avez-vous perçue ?
    Cette opposition existe à l’évidence mais elle demeure difficile à capter parce qu’il y a très peu de militants organisés . Cela reste sourd, latent, entre des petits noyaux qui veulent que le mouvement s’organise autour des enjeux de démocratie et de justice sociale, et des tentatives de récupération de l’extrême droite sur les questions identitaires. Cette dernière a cependant échoué à l’intérieur du mouvement : j’ai le sentiment que le pôle abstentionniste des « gilets jaunes » n’est pas en train de basculer dans les bras de Marine Le Pen.

    Le fait que la revendication de hausse du #smic ait été autant centrale en est le signe. Tout comme la réaction massive contre les violences policières vécues sur les barrages et dans les manifestations du 1er décembre. Ce qui ne dit pas pour autant que le Rassemblement national ne puisse pas gagner, auprès d’une partie des Français, la bataille sur le sens du mouvement, alors qu’il n’est pas arrivé à imposer ses thèses à l’intérieur.

    #xénophobie #bataille_idéologique

  • Alerter pour agir | Presse libérée
    http://audioblog.arteradio.com/post/3083596/mucem__alerter_pour_agir

    Captation d’une table-ronde lors de la Nuit des lanceurs d’alertes au Mucem à Marseille le 25 janvier. Avec : Fabrice Rizzoli (professeur à Sciences Po Paris, président fondateur de Crim’halt), Eric Alt (Anticor), Martin Pigeon (chercheur à l’Observatoire européen des lobbys - CEO), Henri Thulliez (Plateforme de protection des lanceurs d’alerte en Afrique), Michèle Rivasi (eurodéputée, co-fondatrice de la CRIIRAD) et Françoise Nicolas (ancienne fonctionnaire de l’ambassade de France au Bénin, devenue lanceuse d’alerte). Durée : 55 min. Source : Radio Zinzine

    http://sons-audioblogs.arte.tv/audioblogs/sons/3048014/3085870_MP3_3_alerter_pour_agir.mp3

  • Pourquoi le discours du FN séduit les forces de l’ordre - Le Monde
    http://www.lemonde.fr/police-justice/article/2017/05/05/pourquoi-le-front-national-seduit-les-forces-de-l-ordre_5122836_1653578.html

    es forces de l’ordre sont-elles acquises au vote Front national ? Des études ont récemment appuyé cette idée. Une enquête de l’IFOP pour la revue L’Essor de la gendarmerie nationale, réalisée en avril auprès de 588 gendarmes, pronostiquait un vote FN à 51 % au premier tour. Une autre étude de l’IFOP, réalisée en mars sur un échantillon de près de 200 policiers, gendarmes, militaires et gardiens de prisons, donnait un vote FN à 44 %. La tendance se renforcerait au second tour. D’après une enquête du Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof), réalisée avant le premier tour auprès de 308 policiers et militaires (et non encore publiée), 65 % envisageaient de voter FN face à Emmanuel Macron.

    Ces quelques chiffres, issus de cohortes très réduites, suscitent de la circonspection. « C’est un sujet complexe. Je suis interrogatif face à ces études », dit Philippe Capon, d’UNSA-Police, troisième syndicat de gardiens de la paix. « La police va vers ceux qui la soutiennent, concède un autre syndicaliste. Il peut y avoir de la sympathie pour un discours qui défend l’ordre et ceux qui le défendent. Mais je ne crois pas qu’il y ait un engouement pour Marine Le Pen. »

    L’étude des résultats du premier tour dans les bureaux de vote voisins des casernes de gendarmes accrédite pourtant cette idée. Le bureau proche de la garde républicaine à Nanterre (Hauts-de-Seine), qui concentre un vote exclusivement de gendarmes, a voté dimanche 23 avril à 35,16 % pour Marine Le Pen et à près de 14 % pour Nicolas Dupont-Aignan. Le bureau n° 10 de Versailles-Satory (Yvelines), qui ne compte que des gendarmes et des membres de leur famille sur ses listes électorales, a voté à 48,27 % pour Marine Le Pen.

    #Linfiltré #PhoneStories #FN #Fachosphere

  • Les impasses occidentales en #SYRIE
    http://vilistia.org/archives/13234

    Espace mondial Regarder le monde comme l’espace d’une humanité qui se cherche Les impasses occidentales en Syrie 12 décembre 2016, 22:22 CET Auteur Bertrand Badie Professeur de Sciences politiques, Sciences Po – USPC Partenaires Université Sorbonne Paris Citéapporte des fonds en tant que … Lire la suite →

  • Le petit politologue à sa maman n’a pas trompé le Conseil d’Etat #LR
    https://gauchedecombat.net/2016/05/27/le-petit-politologue-a-sa-maman-na-pas-trompe-le-conseil-detat-lr

    je suis hilare. L’illustre politologue Dominique Reynié, professeur de sciences politiques à Sciences Po, directeur général de la Fondation pour l’innovation politique (Fondapol), et accessoirement squatteur de plateaux de télé pour prêcher la bonne parole libérale et jouer les pseudo-experts de tout et de n’importe quoi, vient de voir annulée son élection au Conseil régional […]

    http://0.gravatar.com/avatar/9faa4d044bbecc32a5bef02aba121599?s=96&d=&r=G

  • Scholars in solidarity with Ismail Alexandrani

    Ismail Alexandrani was detained by Egyptian authorities on November 30th as he was coming back to his country to visit his sick mother. Alexandrani is one of Egypt’s brightest young researchers, who has spent the last few years doing ground-breaking work on the marginalized areas of Egypt – a blind spot in academic studies of the country – as well as on political Islam. His articles have featured in numerous publications and have been presented in international academic conferences, and they have earned him awards and fellowships. In his work, he has constantly demonstrated a genuine intellectual independence. He is a well respected member of the academic community, and someone we personally enjoyed working with. Alexandrani’s arrest is a repression of free speech and should be condemned. We hope that he will be released promptly and return to his friends and to the research community.

    First signatures
    Francois Burgat, Research Director, CNRS (Centre National pour la Recherche Scientifique). Vincent Geisser, Research Director, CNRS. Alain Gresh, Le Monde Diplomatique. Miriam Catusse, Director of Contemporary Studies, IFPO (Institut Français du Proche–Orient). Claire Beaugrand, Researcher, IFPO. Nicolas Dot-Pouillard, Researcher, IFPO. Laurent Bonnefoy, Researcher, CERI/Sciences Po. Matthieu Rey, Researcher, College de France. Stéphane Lacroix, Associate Professor, Sciences Po. Mounia Bennani-Chraïbi, Professor, Lausanne University.
    Ellen Lust, Professsor, Yale and Gottenberg. Gibert Achcar, SOAS. John Chalcraft, LSE. Asef Bayat, University of Illinois
    Khaled Fahmy Professor, AUC. Rabab al Mahdi, Professor, AUC.

    http://freealexandrani.wesign.it/ar

  • Les dérapages incontrôlés des maths

    http://www.lemonde.fr/sciences/article/2015/09/14/les-derapages-incontroles-des-maths_4756789_1650684.html

    Stéphan Clémençon se souvient parfaitement de son arrivée à Télécom Paris Tech, en 2007. A sa grande surprise, ce spécialiste en statistiques découvrait un département en souffrance. «  Il fallait remplir les classes avec des cours de maths financières. Un comble pour une école d’ingénieurs en télécom  ! Alors j’ai bataillé un peu pour convaincre que les statistiques pouvaient servir à bien des choses, surtout avec le ­développement des gigantesques bases de données des géants d’Internet. Aujourd’hui, nous refusons du monde  !  »

    Une preuve de plus que les maths sont partout. Mais pas toujours pour le meilleur  ! Une sonde martienne se disloque à cause d’une erreur d’unité métrique de la NASA en 1999. Chômage et ­dettes des Etats explosent depuis 2008 après l’explosion de bulles financières entretenues par des équations douteuses. L’outil de prédiction de la grippe de ­Google, incarnation de la toute-puissance des algorithmes, surestime de près du double l’épidémie de fin 2012 aux Etats-Unis. En janvier 2013, le Fonds monétaire international concède que son modèle a sous-estimé de moitié l’effet des réductions budgétaires sur la croissance de pays en crise. Ce mois-ci, une équipe annonce n’avoir pu reproduire que 39 résultats de psychologie sur 100 étudiés  : les autres n’étaient pas statistiquement significatifs. Et que dire de la dizaine d’erreurs judiciaires imputées à des calculs probabilistes incorrects recensés par Leila Schneps et Coralie Colmez dans leur livre Les Maths au tribunal (Seuil, 288 p., 20 euros)  ?

    « il est normal que cela finisse par ​intéresser des gens », constate Jean-Pierre Kahane, mathématicien de l’Académie des sciences et membre du Comité consultatif national d’éthique. « C’est une illusion de penser que nos travaux ne serviront pas. Le savoir est là, il peut échapper. Mais il ne faut pas perdre de vue le champ d’applications et les hypothèses de ce savoir », estime Jean-Pierre Bourguignon, mathématicien, actuel président du ​Conseil européen de la recherche.

    Car c’est bien plus souvent du mésusage des mathématiques qu’il s’agit. « Avec les sondages, on continue à commettre des erreurs mathématiques de base, explique Jean Chiche, statisticien et chercheur au Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof). Par exemple, considérer comme indépendantes des variables qui ne le sont pas : niveau d’études, profession, lieu d’habitation... On écrit “toutes choses égales par ailleurs”, mais les choses ne sont bien souvent pas égales par ailleurs. »

    Devant l’autorité naturelle liée au ​chiffre et à sa prétendue objectivité et neutralité, il est néanmoins tentant de s’emparer de quelques formules magiques. Nous avons choisi trois domaines – connu pour l’un, largement ignorés pour les deux autres –, afin d’en mesurer les conséquences dramatiques.

    Prévoir les risques financiers

    « Des professeurs de maths enseignent à leurs étudiants comment faire des coups boursiers. Ce qu’ils font relève, sans qu’ils le sachent, du crime contre l’humanité. » Lorsque l’ancien premier ministre Michel Rocard lance cette accusation dans Le Monde, le 3 novembre 2008, beaucoup de mathématiciens sont choqués. Les vendeurs des produits financiers ayant conduit à la crise ne sont- ils pas plus responsables que les équations complexes utilisées pour en estimer le risque ? Pourtant, la crise financière a réveillé les consciences et remis sur le tapis les questions de la responsabilité des scientifiques dans l’usage de leurs découvertes.

    Ouvrons la boîte noire. A l’origine de la crise, il y a des produits financiers complexes comme les CDO (collateralized debt obligations), portefeuilles d’obligations d’entreprises et de prêts bancaires. Pour donner un prix à ce mélange hétérogène, les experts ont ressorti un vieux théorème disant que peu ou prou, on pouvait mêler simplement les différentes valeurs de risques de chacun des titres, faisant fi de certaines corrélations dévastatrices, en vertu desquelles le défaut sur un actif pouvait entraîner la chute de l’autre. Le tout adoubé par les agences de notation.

    La suite est connue : peu chers, abondants et bien notés, les CDO ont eu du succès. Mais l’explosion de défaut de remboursement de crédits immobiliers les a fait soudain chuter ; les prix calculés par les formules hasardeuses n’étant pas ​corrects, tout le monde a voulu s’en débarrasser, accentuant la chute.

    Autre erreur commise : une mauvaise perception de l’aléa. Les banques doivent évaluer leur pire perte en cas d’accident « rare » (une chance sur 100 ou sur 1 000 par exemple). Et constituer des réserves, qui immobilisent des fonds. Des modèles ont été proposés, tenant compte des fluctuations des titres, mais escamotant parfois l’amplitude de ces variations. Comme si le constructeur d’une digue évaluait la fréquence d’une crue sans s’intéresser à la hauteur des vagues. Evidemment, cela a marché tant que les variations étaient peu importantes. Mais celles de 2007-2008, ​- exceptionnelles, ont balayé toutes ces ​estimations.

    « Il fallait des réponses rapides et efficaces, on s’est donc borné à utiliser des modèles un peu frustes. Les responsables ont fait comme si les maths étaient solides alors qu’elles reposaient sur des hypothèses non vérifiées », note Stéphan Clémençon, directeur de la chaire « Apprentissage statistique » à Télécom ParisTech. Charles-Albert Lehalle, chercheur à Capital Fund Management, ancien responsable de la recherche dans la banque d’investissement du Crédit agricole, précise : « Les bases mathématiques de ces modèles de risque étaient bonnes, c’est leur application dans des contextes incorrects qui a posé problème. »

    Libérer les détenus

    Prévenir la récidive. Tous les pays occidentaux ont fait de cet objectif une priorité. Aux Etats-Unis, c’est même une obsession. Au point de mettre en doute la capacité de jugement des juges. Ainsi est né, dans les années 1960, le souci d’objectiver les risques de chaque condamné. Désormais, la plupart des Etats américains disposent de systèmes dits actuariels qui dressent un portrait du criminel. La nature des faits et leur nombre y côtoient l’âge, le sexe, les revenus, la situation de famille, le passé criminel des parents, le statut dans l’emploi... De vingt à quarante données sont ainsi enregistrées. L’ordinateur applique alors un modèle statistique dit de « régression logistique ». Et « score » le risque de récidive... « Les juges s’en inspirent pour fixer une peine ou pour accorder une libération conditionnelle, explique Sonja Starr, professeure de droit à l’université du Michigan, dans la revue Law and Economics Working ​Papers. Mais cette décision est prise en fonction de l’histoire du criminel, pas de son histoire criminelle. »

    « Ça donne un sentiment d’objectivité, mais en réalité, cela pose des problèmes innombrables, notamment éthiques », ​insiste Virginie Gautron, maître de conférences à l’université de Nantes. Ainsi, un condamné qui habite dans un quartier à fort niveau de criminalité est considéré comme plus susceptible de récidiver. Il en va de même si ses parents ont été condamnés. « Pire, se désole la chercheuse : comme on sait que les délinquants sexuels ont souvent été d’abord abusés, avoir été victime devient un handicap dans le profil. C’est la double peine. »

    Les problèmes sont également d’ordre pratique, ajoute Seena Fazel, professeur de psychiatrie légale à l’université d’Oxford. Le psychiatre a passé en revue les nombreux algorithmes utilisés. « Leurs résultats sont assez bons pour prédire la faible récidive. Mais très mauvais avec les prétendus individus dangereux : pas loin de 50 % d’erreurs. »
    Faut-il alors les écarter ? « Je l’ai cru mais, j’ai changé d’avis. Parce qu’au​jourd’hui, nous n’avons plus les moyens budgétaires de bien évaluer tous les délinquants par entretien. Il faut toutefois réserver ce profilage aux cas où une erreur n’aura pas de conséquence grave pour celui qui la subit. Donc l’interdire pour l’attribution d’une peine ou d’une remise en liberté, mais l’autoriser pour déterminer l’ampleur d’un suivi psychiatrique, d’un pointage au commissariat ou d’une cure de désintoxication. »

    C’est la position qu’a retenue le syndicat des personnels de l’administration pénitentiaire, le Snepap- FSU. La France teste dans six départements, et avec la plus grande discrétion, des logiciels de
    « scoring » élaborés au Canada. Pour le syndicat, l’outil doit rester « une béquille » à l’usage des éducateurs, donc interdite aux juges. Sera-t-il entendu ?

    Evaluer les profs

    La place des mathématiques agite ​depuis longtemps le monde de l’école. Les littéraires dénoncent leur rôle dans la sélection des meilleurs élèves. Les physiciens, chimistes et biologistes leur reprochent de transformer leur matière en simple objet de problèmes à résoudre.

    Aux Etats-Unis, un tout autre aspect de la science des nombres a créé le tumulte : l’évaluation des enseignants. Les parents réclamaient de « bons profs » ? Les mathématiciens ont proposé leurs modèles dits « à valeur ajoutée ». Le principe en est assez simple, explique la mathématicienne Cathy O’Neil : « Un élève est soumis chaque année à des tests normalisés. On analyse ses résultats précédents, le niveau de sa classe, sa situation familiale et sociale, etc. Et un logiciel très perfectionné, appuyé sur la méthode dite de régression quantile, lui prédit un score. Puis compare avec son résultat au test. Il ne reste plus qu’à rapprocher tous les élèves d’un même prof pour voir l’influence d’un enseignant. »

    Washington, New York, Los Angeles, Chicago... Une à une, les grandes villes américaines ont adopté le modèle dans les années 2000, pour attribuer des primes ou titulariser les meilleurs enseignants et sanctionner les moins bons. « Sauf que ces tests sont biaisés et même inopérants », poursuit Cathy O’Neil, qui, sur son blog, Mathbabe, chasse les abus de sa science préférée.

    Son confrère John Ewing, président de l’association Math for America, a, de son côté, dressé une liste de dysfonctionnements. Il a notamment constaté qu’il n’y avait aucune corrélation entre les résultats d’un professeur avec une classe et avec une autre ; pas davantage dans ses performances d’une année sur l’autre. Or, conséquence dommageable, devant l’importance de cette évaluation, bien des enseignants renoncent aux apprentissages non notés, ceux qui nourrissent la curiosité et le travail en groupe.

    Conscients que « les résultats aux tests ne traduisent pas l’accomplissement d’un élève », pour reprendre la formule de John Ewing, les enseignants de Chicago ont fait grève en 2012 pour dénoncer le poids des modèles mathématiques. Sans grand résultat. Dans les pays anglo-saxons, l’évaluation par valeur ajoutée gagne du terrain. En France, il n’en est, pour l’heure, pas question.

    Quels remèdes ?

    Promis, juré, les nouvelles règles de la finance vont corriger les errements passés. Il est vrai que les garanties demandées aux banques ont été relevées et que des audits plus sérieux des modèles de risque sont diligentés. « Mais la formation continue pèche toujours. Il serait bon aussi de favoriser la mixité entre les jeunes et les plus expérimentés. Trop souvent, les jeunes devenaient opérationnels sans vraiment connaître les produits sur ​lesquels ils travaillaient », suggère ​le chercheur Charles- Albert Lehalle.

    « A la suite de la multiplication des problèmes liés aux statistiques dans des articles scientifiques, les revues ont monté leur niveau d’exigence pour la publication : augmentation de la taille des échantillons, seuil de significativité plus élevé, dépôt des données brutes et des logiciels utilisés pour répliquer l’expérience... », note aussi Jean-François Royer, de la Société française de statistique.
    Leila Schneps voudrait aussi relever le niveau de l’expertise en justice et dans la police scientifique.

    « Il faudrait systématiquement et dès l’instruction faire appel à un statisticien. Et établir une liste de tests statistiques et de logiciels acceptables dans les enquêtes et les procès », affirme-t-elle. L’institut Newton, de Cambridge, consacrera aux mathématiques en sciences criminelles un cycle d’un semestre, en 2016. « Avec une centaine de mathématiciens du monde entier », souligne Leila Schneps. Mais pour l’heure, aucun Français.

    D’autres, enfin, font remarquer que les mathématiques peuvent être la solution aux problèmes qu’elles ont pu engendrer. En effet, analyser les pannes ou les crises demande aussi des outils complexes...
    C’est loin d’être terminé. Car une vague nouvelle se lève, gourmande en maths : le big data. Ce terme générique désigne le traitement et l’analyse d’une grande masse d’informations (traces numériques laissées sur Internet, ensembles de gènes et de protéines, capteurs divers dans l’industrie ou la santé...). Or il n’est plus possible de travailler sur ces nouveaux objets avec de « vieux » outils. Les étudiants l’ont compris, qui plébiscitent les formations de « scientifiques des données » et leur large panel d’applications pour la sécurité (prévision de la délinquance, lutte antiterroriste), la santé et le bien-être (médicaments personnalisés, recherche de nouvelles molécules...), ou l’économie en général (assurances, commerce...). De plus en plus, des automates prendront des décisions ou anticiperont des phénomènes, sans qu’on sache vraiment ce que contiennent ces boîtes noires.

    « Lors des dernières élections américaines, le marketing politique a été très loin, relève Cathy O’Neil. En disposant de l’adresse IP [numéro d’identification attribué à chaque appareil connecté à un réseau informatique] de chaque individu cible, vous pouvez adapter votre site à son profil... C’est l’asymétrie complète : le candidat sait tout de vous, vous ne savez rien de lui. ​Mathématiquement, c’est solide, mais pour la démocratie, c’est un danger. »

    Les dérapages arriveront forcément. Bien entendu, les mathématiciens n’en ​seront pas les seuls responsables. Mais il leur sera impossible de faire comme si ces outils leur avaient juste échappé.

  • Les dérapages incontrôlés des maths
    http://abonnes.lemonde.fr/sciences/article/2015/09/14/les-derapages-incontroles-des-maths_4756789_1650684.html

    Avec les sondages, on continue à commettre des erreurs mathématiques de base, explique Jean Chiche, statisticien et chercheur au Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof). Par exemple, considérer comme indépendantes des variables qui ne le sont pas  : niveau d’études, profession, lieu d’habitation… On écrit “toutes choses égales par ailleurs”, mais les choses ne sont bien souvent pas égales par ailleurs.  »

    #sondage #statistique #finance #mathématiques #algorithme #police

  • 59% des Français n’ont confiance "ni en la droite ni en la gauche pour gouverner"
    http://www.brujitafr.fr/2015/03/59-des-francais-n-ont-confiance-ni-en-la-droite-ni-en-la-gauche-pour-gouve

    Les Français sont toujours aussi déprimés et se méfient toujours autant des politiques, révèle l’enquête annuelle d’Opinion Way pour le centre de recherche de Sciences Po (Cevipof) parue jeudi soir. Invités à décrire leur humeur, les sondés, qui avaient le choix entre plusieurs qualificatifs, sont 32% à répondre « méfiance » et tout autant à choisir « morosité » tandis que 29% d’entre eux optent pour le triste mot « lassitude ». Depuis le mois de décembre et donc les attentats de janvier, la méfiance a augmenté six points.

    Selon l’enquête, les Français ont également peu d’espoir pour leur avenir : seuls 32% des personnes interrogées se disent optimistes.

    Malgré tout, la confiance envers autrui, y compris « les gens d’une autre nationalité » ou « d’une autre opinion religieuse », est au beau fixe. De même pour l’estime (...)

  • Science Po : Du machisme latent à l’acharnement - Rebellyon.info
    http://rebellyon.info/Du-machisme-latent-a-l-acharnement.html

    Comme chaque année, le BDS (Bureau des Sports) de Sciences Po Lyon organise au mois d’octobre une soirée intitulée « 3P » (Putes-Pétanque-Pastis). Nous avons découvert hier avec stupeur l’affiche de l’événement, affiche placardée sur les murs de l’IEP.
    Sur les réseaux sociaux, notre prise de position visant à dénoncer les choix de communication de l’association a été violemment attaquée. En réponse, nous avons rédigé un article qui questionne plus largement le problème, qui évoque l’absence des notions primordiales de genre, sexualité, intersectionalité tant dans l’enseignement à Sciences Po Lyon que dans celui qui nous a été dispensé auparavant.

  • De quel milieu social viennent les députés ?
    http://www.inegalites.fr/spip.php?article166

    De quel milieu social viennent les députés ?

    16 avril 2013 - A quand la parité sociale à l’Assemblée ? Employés et ouvriers représentent la moitié de la population active, mais seulement 3 % des députés.

    Si la parité entre les sexes à l’Assemblée occupe le débat public, sa composition sociale intéresse peu les commentateurs. Alors que les employés et les ouvriers représentent la moitié de la population active, seul 3 % des députés proviennent de leurs rangs, selon les données du Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof) [1]. A l’inverse, les cadres et professions intellectuelles supérieures représentent 82 % de l’ensemble.

    Aussi pour répondre à @aude_v à propos de http://seenthis.net/messages/290299

  • Une #Chine moins « pacifique » accroît les craintes de ses voisins

    Interview de Valérie Niquet, maîtresse de recherche et responsable du pôle Asie à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS), et Emmanuel Puig, chercheur à Asia Centre et enseignant à Sciences Po, qui analysent les raisons de cette #hausse sensible des #dépenses #militaires #chinoises.

    http://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2014/03/06/une-chine-moins-pacifique-accroit-les-craintes-de-ses-voisins_4378324_3216.h

    Revue de Presse Hebdomadaire sur la Chine du 03/03/2014

  • Quelle place pour la Russie dans le monde émergent ?.....
    .... A un mois des Jeux de Sotchi, la Russie affaiblie dans le monde émergent ?

    http://rf.proxycast.org/846498997475479552/10081-11.01.2014-ITEMA_20573567-0.mp3

    #économie
    #Paul-Jorion ,économiste
    #Benjamin-Coriat ,professeur de sciences économiques à l’Université Paris 13 et co-président du collectif des #Économistes-Atterrés
    #Elise-Huillery ,professeur d’économie à Sciences Po
    #Olivier-Pastré ,professeur d’économie à Paris VIII
    #Xavier-Timbeau ,directeur du Département Analyse et Prévision OFCE