Du point de vue de sa propre jurisprudence, le juge constitutionnel ne reprend pas expressément le PFRLR qu’il a dégagé en 2011. Mais la démarche heuristique du juge constitutionnel visant à se référer à la volonté du constituant procède d’un même constat ultime : la persévérance du droit local des cultes à défaut d’une abrogation ou d’une harmonisation avec le droit commun, qu’il soit de valeur législative ou constitutionnelle.
Au-delà de ce « précédent », le Commentaire au Cahiers de cette décision s’attache à témoigner longuement de l’apport jurisprudentiel relatif au principe de laïcité réalisé par la Haute-juridiction constitutionnelle, essentiellement sur la question du financement public de l’enseignement privé sous contrat d’association (Commentaire aux Cahiers, p. 15 à 18. Exception faite de la décision n° 2004-505 DC également citée et relative au Traité établissant une Constitution pour l’Europe qui s’attache à donner un contenu substantiel au principe de laïcité, un contenu qui s’avère pour le moins alambiqué et posant davantage de questions qu’elle n’en résout). Il en ressort que l’aide publique à des activités à connotations plus ou moins cultuelles est possible « dans un cadre approprié […] [lorsqu’] il s’agit de ne pas priver de garanties légales une exigence de caractère constitutionnel » (Commentaire aux Cahiers, page 18), à l’instar de la liberté d’enseignement. Ainsi le soutien financier public d’activités en lien plus ou moins ténus avec des activités à coloration cultuelle est possible, mais encadré, avec vigilance, par le juge. Celui-ci peut vérifier alors la contribution à un service public ou l’intérêt public porté par l’opération ou l’activité soutenue, mais aussi la fixation de critères objectifs encadrant cette aide, voire encore la nécessité d’un tel soutien en vue de la concrétisation d’une liberté ou d’un droit constitutionnellement reconnu.
Cette politique jurisprudentielle ne se restreint toutefois pas au seul Conseil constitutionnel qui, « baigne » effectivement dans un environnement juridique imprégné de la philosophie politique libérale et pragmatique de la loi du 9 décembre 1905 : une loi ou un corpus consolidé et envisagé, dès le début, comme une loi de pacification et de compromis, pour ne pas dire de concorde. Cet esprit habite ainsi les jurisprudences les plus récentes du juge administratif. Celui-ci a ainsi jugé en 2005 que le « le principe constitutionnel de laïcité, […] n’interdit pas, par lui-même, l’octroi dans l’intérêt général et dans les conditions définies par la loi de certaines subventions à des activités ou équipements dépendant des cultes » (CE, 16 mars 2005, n° 265560). L’emploi de l’expression « par lui-même » dénote bien cette autonomie du principe par rapport à la loi de 1905. Toutefois, il ne faudrait pas exagérer un tel constat dans la mesure où la loi de 1905 prévoit, en son sein de multiples exceptions au principe d’interdiction de financement public du culte (aumônerie, entretien et conservation des biens immobiliers non dévolus et réparation des biens dévolus…).
Peut être ajoutée à cet ensemble, l’œuvre jurisprudentielle de l’été 2011, par laquelle le Conseil d’Etat est venu préciser les modalités de financement de « lieux de culte » au regard de l’interdiction de principe de financement du culte figurant principalement à l’article 2 de la loi de 1905 (Conseil d’Etat, Ass. 19 juillet 2011, Commune de Trélazé, n°308544 ; Fédération de la libre pensée et de l’action sociale du Rhône et M. P., n°308817 ; Communauté urbaine du Mans – Le Mans Métropole, n°309161 ; Commune de Montpellier, n°313518 ; Mme V., n°320796 – ADL du 21 juillet 2011 ; Voir, à cet égard, notre mémoire de master soutenu publiquement le 6 septembre 2012 à l’Université Panthéon-Sorbonne Paris 1 – « Exemple d’une »juridicisation » continue du principe de laïcité : le Conseil d’Etat, la loi de 1905 et le financement public des lieux de culte », sous la direction de Monsieur le Professeur Etienne Picard. Disponible à la Bibliothèque d’études doctorales juridiques de la Sorbonne). Mais au-delà de ces exigences relatives à une certaine ligne jurisprudentielle, la présente solution semble également pouvoir s’expliquer par la réserve dont ferait preuve le Conseil constitutionnel à l’égard d’une telle question aux implications sociétales multiples.