Depuis quelque temps, j’observe carrément des stratégies de soutien agressifs à l’oppression de la part des opprimés sur l’air de la source « naturelle » de la domination, du « chacun à sa place ». Beaucoup de femmes de mon âge élèvent manifestement leurs filles dans l’objectif de servir l’homme qui va les entretenir. Cela se voit notamment dans les stratégies scolaires où les filles sont invitées à ne pas couter cher (ne pas viser d’enseignement supérieur) et à vite apprendre un métier utile pour apporter un « complément » de salaire à la future maison.
Il est vrai que dans ma génération, pour les femmes prolétaires, la libération des femmes s’est surtout traduite par celle des hommes de leurs obligations familiales qui sont entièrement retombées sur les épaules des femmes, dans un contexte où les inégalités professionnelles perdurent. Autrement dit, elles se sont majoritairement retrouvées toutes seules à assumer une famille avec des moyens ridicules et tout en étant stigmatisées par les services sociaux.
Ici, les vignes, les abattoirs sont remplis de mères courage qui se tuent la santé pour le SMIC (le plus souvent des bouts de SMIC) et qui élèvent seules leurs enfants. La vie qu’elles ont est assez horrible, franchement.
Mais sous la pression d’un marché du travail hyper concurrentiel où le modèle de compétence reste l’homme blanc middle age, les femmes diplômées de mon âge ont aussi été rondement éjectées des places qu’elles avaient réussi à grappiller à la première maternité et stagnent ensuite dans le précariat, alors qu’il est évident qu’elles ont dû être meilleures que les hommes pour prétendre à de moins bonnes places.
Du coup, celles qui bénéficient encore de la protection relative d’un ménage contre la pauvreté ont cessé de lutter sur tous les fronts et plutôt que de dépenser une énergie insensée à tenter de revenir dans la course à l’échalote, adoptent un discours et des comportements réactionnaires, de nature à justifier leurs propres renoncements.