« Darmanin fait de la vieille politique au service du vieux monde »

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  • Philippe Descola : « Darmanin fait de la vieille politique au service du vieux monde »
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    Non, on ne peut pas dissoudre des idées. C’est une profonde lame de fond qui touche notre société. S’y opposer est un combat d’arrière-garde. Il est illusoire de croire que l’on peut stopper un mouvement comme Les Soulèvements de la Terre. Il est trop diffus, trop collectif, trop multiple et insaisissable. Il relie autour de lui des associations, des naturalistes, des syndicats.

    Permettez-moi même un parallèle. C’est comme en 1789, au moment de la révolution française. On ne pouvait pas dissoudre le Tiers État. C’était un mouvement de protestation trop vaste qui gagnait les villes et les campagnes et qui répondait à une situation intolérable. Aujourd’hui, il se joue quelque chose d’aussi profond, des milliers de personnes bifurquent et désertent. C’est faire beaucoup d’honneur à des intellectuels que leur imputer la responsabilité de ces mouvements, qui naissent de la lucidité de milliers de personnes ouvrant les yeux sur le monde qui les entoure.

    • maramara.ravi via instagram :

      L’article de Descola commence cependant par une idée qui me semble trop optimiste : il semble penser que Darmanin croit à son propre discours, agit en fonction de ses idées, « pense » en croyant aux idées, comme un intellectuel. Or, les multiples mensonges de Darmanin montrent que ce n’est pas le cas - son « eco-terrorisme » est une invention du pouvoir, instrumentale, il le sait. Ce n’est pas une bataille d’idées, c’est un rapport de force, et en tant que tel il n’a rien de vieilli ou de dépassé. C’est pourquoi je partage d’autant plus vos inquiétudes pour l’avenir.

    • Merci, je vais aller voir par là.

      [Edit]

      http://revueperiode.net/la-nature-du-capital-un-entretien-avec-jason-w-moore

      KA : très vite dans le livre vous vous référez à l’observation de Marx selon laquelle l’industrialisation transforme « le sang en capital ». Vous poursuivez en parlant de la terrifiante conversion du travail de toutes les formes de nature en valeur. Historiquement, quelles sont les formes de nature que le capitalisme s’est appropriées et comment qualifieriez-vous sa tendance actuelle à l’égard des natures non encore exploitées ?

      JWM : Le capitalisme est un système étrange car il n’est pas anthropocentrique au sens où les écologistes entendent ce terme. Il est anthropocentrique en un sens étroit, quand on considère le travail humain à l’intérieur du système marchand, c’est-à-dire en tant qu’il est basé sur l’exploitation : le travailleur travaille quatre heures pour toucher son propre salaire et entre quatre et dix heures supplémentaires pour le capitaliste. C’est la dimension sur laquelle insistait Marx, mais il avait également perçu l’existence d’un ensemble de dimensions plus large.

      Le capitalisme traite une partie de l’humanité comme sociale – celle qui existe à l’intérieur du rapport monétaire, et s’y reproduit. Cependant – et il s’agit là d’un aspect moins intuitif – le capitalisme est également un îlot de production et d’échange de marchandises au sein d’un paysage plus large d’appropriation de travail/énergie non-payé. Tout procès de travail – celui disons d’un travailleur chinois de Shenzhen ou d’un ouvrier automobile de Détroit il y a 70 ans – repose sur l’appropriation d’un travail/énergie non payé fournit par le reste de la nature. Le capitalisme est avant tout un fantastique système destructeur qui « s’approprie les femmes, la nature et les colonies » pour utiliser la formule remarquable de Maria Mies.

      Le problème du capitalisme aujourd’hui est que les opportunités d’appropriation de travail gratuit – celui des forêts, des océans, du climat, des sols ou des êtres humains – se réduisent dramatiquement, alors même que la masse de capital parcourant le monde à la recherche de lieux à investir est de plus en plus grande. Ce livre considère la dynamique présente du capitalisme en tant qu’elle entretient une situation qui sera de plus en plus instable au cours des prochaines décennies. On a d’un côté cette masse énorme de capital demandant à être investie et de l’autre cette réduction considérable des opportunités d’exploitation de travail gratuit. Cela signifie que le capitalisme doit commencer à payer les conséquences de ses propres agissements, à savoir le rétrécissement de ses possibilités d’investissement. Il se retrouve ainsi avec tout cet argent dont il ne sait que faire.