Théorie du complot, intox ... J’éduque mes élèves à discerner les vraies infos sur le net - le Plus
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Quand ils ont présenté aux camarades des autres classes, « Les infaux du Haut Giffre », leur journal truffé de fausses infos, qu’ils venaient de rédiger, ils ont été sidérés de constater la crédulité de leur auditoire.
Personne ne s’était posé de questions sur la véracité des infos lues. Ils se sont transformés en petits détectives pour démasquer les hoax sur le web en traquant les indices, identifiant les sources, croisant les informations et décortiquant textes et photos pour évaluer leur fiabilité. Ils étaient très fiers de connaître des astuces de vrais hoaxbusters telles que cliquer sur l’onglet « A propos », « Qui sommes-nous ? » ou « Mentions légales » pour démarrer leur investigation.
Ou encore uploader une photo dans Google image pour retrouver où et quand elle a été postée, une méthode de vérification efficace dont Ségolène Malterre, journaliste à France 24 fait la démonstration dans son excellente enquête « info ou intox, comment déjouer les pièges », avec une photo ayant fait le buzz sur Twitter d’une fillette recouverte de boue, serrant son ours en peluche contre son cœur, photographiée pendant la guerre en Ukraine, alors que le cliché avait été pris en Australie, quatre ans avant le conflit.
Pour prouver qu’on peut facilement inventer une légende, les élèves se sont amusés à en imaginer à leur tour : « petite fille prisonnière des services secrets retrouvée en France » ou « fillette maltraitée par son père, battue tous les jours avec un fouet »…
Education aux médias et initiation à la citoyenneté
Beaucoup de fous-rires pendant les séances, surtout quand on a surfé sur les sites parodiques. Les « One Direction » faisant allégeance à l’Etat Islamique du « Gorafi » et le lancer de pitbull du « Courrier des Echos » ont fait un tabac dans la classe.
Idem lorsqu’on a observé des photos retouchées. Lady Gaga avant et après Photoshop a fait un malheur. Mais la gravité était également au rendez-vous pour aborder des sujets aussi sérieux que les rumeurs, le racisme, la xénophobie, le conspirationnisme, distillés sur le web.
Ils étaient abasourdis quand ils ont su que certains adultes croyaient à des balivernes, telles que les chemtrails ou autres délires. « Peut-être que nous aussi, si on n’avait pas fait tout ce travail sur les médias, on aurait pu croire à toutes ces bêtises », a dit un jeune garçon (enregistrement N°19 /bilan de la séance 6).
Les élèves ne se sont pas contentés de mener des recherches, ils se sont également posé des questions sur les raisons qui poussent certains internautes à diffuser des fake sur le net. Telle la photo d’une piscine bondée, prise au Sénégal, avec une légende mensongère indiquant qu’elle avait été shootée à Créteil. Pas un blanc en train de nager.
« Pourquoi mentir ? », se sont-ils demandé. Ne pas nuire, ni blesser autrui, respecter les autres, tel est l’un des messages clé de la séquence. Comme quoi, éducation aux médias et initiation à la citoyenneté sont intimement imbriquées.
Fantastique outil d’information et de communication, internet comporte des risques et des dangers qu’il est important de connaître pour devenir des cyber-citoyens responsables, soucieux de respecter l’éthique et les valeurs de la république. Et tenter de remédier à l’effrayant constat de notre ministre de l’Education nationale « un jeune sur cinq croit à la théorie du complot ».