• "L’Occident accueille avec un certain soulagement la politique de veto sino-russe en Syrie"
    http://www.lemonde.fr/idees/article/2012/09/11/syrie-l-occident-accueille-avec-un-certain-soulagement-la-politique-de-veto-

    _Dans un chat, mardi 11 septembre, Bertrand Badie , professeur à Sciences Po, analyse les impuissance diplomatique en Syrie et les effets de la guerre civile sur le système international._

    Eli : Que pensez-vous de l’initiative diplomatique du président égyptien Morsi de créer un quartet (Egypte-Turquie-Arabie saoudite- Iran) ? Est-ce une initiative de plus sans lendemain ou a-telle une chance d’aboutir ,

    Bertrand Badie : Je rappelle d’abord ce que je disais plus haut : on n’atteindra une chance sérieuse d’aboutir que si on associe tous les acteurs de la région. Il semblerait que le président égyptien en soit convaincu, comme l’était il y a peu Kofi Annan, et comme le proclame aujourd’hui la diplomatie russe. L’initiative est donc intéressante et mérite d’être suivie. On ne peut pas l’apprécier pleinement sans tenir compte de la volonté égyptienne de revenir sur la scène diplomatique.
    L’affaiblissement du régime de Moubarak, sa soumission aux Etats-Unis, voire à Israël, avaient stérilisél une diplomatie qui s’était pourtant jadis imposée comme leader au sein du monde arabe.
    Morsi dispose incontestablement des moyens d’une restauration : sa filiation aux Frères musulmans le rapproche de l’Arabie saoudite, dont il a l’oreille ; sa légitimité « révolutionnaire » ou post-révolutionnaire, sa distance à l’égard d’Israël, sa volonté d’associer l’Iran, le rapprochent de Téhéran, dont il a été l’hôte il y a une dizaine de jours.
    Sa double face de sympathie à l’égard de l’Occident et des Etats-Unis, principal bailleur de fonds de l’Egypte, et du mouvement des non-alignés dont il s’est rapproché, lui donne une capacité diplomatique plus ample que la plupart des acteurs de la région. On notera que Morsi veut faire aujourd’hui, avec d’autres cartes, ce qu’Erdogan a tenté de faire depuis deux ou trois ans.
    Cette compétition diplomatique doit être surveillée, et pourrait aboutir à des résultats intéressants.
    Notons enfin que la régionalisation de la négociation pourrait constituer un tournant, notamment par rapport au précédent libyen, marginalisant les grandes puissances, et surtout, le monde occidental, redonnant au monde arabe et au monde musulman une pleine propriété sur la diplomatie du Grand Moyen-Orient.
    La tentative a d’autant plus de chances d’aboutir que son succès pourrait, dans l’état actuel des choses, enlever quelques épines du pied occidental. Elle installerait enfin la légitimité du nouveau régime et, comme le fit Erdogan, désamorcerait la grande peur de l’islamisme.