#workfare

  • RSA sous conditions : « Désormais, les classes laborieuses apparaissent profiteuses et paresseuses », Frédéric Farah
    https://www.marianne.net/agora/humeurs/rsa-sous-conditions-desormais-les-classes-laborieuses-apparaissent-profite

    Ambiance #restauration et ultralibéralisme : un minimum vital contre un peu de #travail renvoie à un amendement britannique voté… à l’époque victorienne, fustige l’économiste Frédéric Farah alors que sénateurs et députés se sont mis d’accord sur un conditionnement du #RSA à quinze heures d’activité.

    L’obligation d’exercer des heures d’activité en échange de l’obtention du revenu de solidarité active (RSA) au risque d’une #radiation n’a rien de neuf si l’on veut bien redonner de la profondeur historique à la question. Cette dernière doit nous conduire a plus précisément en 1834 au Royaume-Uni avec l’abolition de la loi sur les pauvres. Il s’agissait d’un système d’#assistance à l’œuvre dans les paroisses existant depuis 1795. Un système qui s’est vite retrouvé dans le viseur de certains députés de l’époque car il favorisait l’assistance et la #paresse, selon eux. Lors des débats à la Chambre des Communes, ils affirmaient qu’il fallait exposer les pauvres au vent vif de la #concurrence. C’est avec l’abolition des lois sur les pauvres que naît le #marché_du_travail contemporain. Il s’agit alors de mettre à disposition des industriels d’alors une main-d’œuvre bon marché et dont le pouvoir de négociation demeurait faible.

    De ce débat vont demeurer deux constantes, portées par le discours libéral, et qui survivent depuis plus d’un siècle et demi. La première se fonde sur l’anthropologie négative et discriminatoire : les #pauvres ont un penchant à la paresse et ont tendance à abuser des subsides publics. La seconde insiste sur la nécessité d’exercer sur eux un #contrôle_social et placer leurs droits sous conditions. En 1922, l’économiste libéral Jacques Rueff pestait contre la persistance du #chômage anglais au double motif que l’#allocation du chômage de l’époque était dissuasive pour le #retour_à_l’emploi et que les syndicats créaient de la rigidité sur le marché du travail et empêchaient les ajustements nécessaires.

    Cette antienne libérale s’est tue jusqu’à la fin des années 1970 pour une série de raisons : le keynésianisme triomphant d’après-guerre admettait que le #plein-emploi ne pouvait être la règle du fonctionnement du capitalisme mais l’exception. Il ne fallait donc pas accabler les #chômeurs. Par ailleurs, la présence d’un communisme fort doublé d’une puissance syndicale significative était aussi de réels garde-fous aux dérives libérales. Enfin, la dénonciation des méfaits de la finance en raison de la folie spéculative qui l’avait portée au krach en 1930 avait conduit à en limiter le pouvoir. Ces éléments avaient pour un temps rangé au magasin des oubliettes la vieille rengaine libérale sur la supposée paresse des #assistés. Il a fallu construire de véritables #allocations-chômage, comme en 1958 en France, et élargir le #droit_des_travailleurs. Le rapport de force penchait en faveur du travail. Cette brève parenthèse historique n’aura duré qu’un temps assez bref, soit une vingtaine années.

    DE PRÉJUGÉS EN LOIS
    Le retour du prêchi-prêcha libéral est venu d’outre-Atlantique là même où l’#État-providence se manifestait avec force lors de la période rooseveltienne. Cette fois, la contre-offensive était portée par le républicain Richard Nixon qui avait employé pour la première lors d’une allocution télévisée en 1969 le terme de « #workfare », en somme un État qui incite au travail et non à l’assistance comme le « welfare » (« État-providence ») aurait pu le faire. Ici, la critique de l’État-providence rejoignait la définition d’Émile Ollivier, inventeur du terme sous le Second Empire, pour se moquer de ceux qui attendent l’obole de l’État comme autrefois ceux qui espéraient le salut d’une divine Providence. La lame de fond a progressivement emporté l’Europe dans le sillage de la révolution conservatrice de la fin 1970 et la thématique libérale accusant les pauvres d’être peu travailleurs et de vivre au crochet de la société a retrouvé son actualité. La répression de la finance d’après-guerre laissa place à la répression sociale.

    Pire, ces préjugés se sont transformés en lois effectives. Les pouvoirs politiques devenaient l’instance de validation du café du commerce. Ainsi, en 1992 sera lancée l’#allocation_unique_dégressive qui visait à réduire les allocations-chômage dans le temps pour inciter au retour à l’emploi. Abandonnée en 2001, elle aura été un échec retentissant. Nicolas Sarkozy tout empreint de cette idéologie libérale et jamais en retard pour valider les propos de comptoir, donnera naissance à cette étrangeté : le Revenu de solidarité active (RSA) laissant entendre qu’il existerait une #solidarité passive. Prétextant que le « I » du revenu minimum d’insertion avait été négligé, il lancera une nouvelle version qui devait encourager la reprise d’activité d’où l’existence d’un RSA capable d’autoriser un cumul emploi et revenu de solidarité. Ce dispositif ne parviendra pas à atteindre ses objectifs. L’État a même réussi à faire des économies sur la population de bénéficiaires potentiels puisque le #non-recours permet à l’État en la matière d’économiser environ deux milliards d’euros à l’année. Plus de 30 % des Français qui pourraient le demander ne le font pas.

    TRIO CHÔMEUR-PROFITEUR-FRAUDEUR
    Ce workfare se retrouve dans la transformation de l’Agence nationale pour l’emploi (ANPE) en #Pôle_emploi en 2008. La définition du chômeur changeait aussi puisque l’allocataire était tenu de faire des #actes_positifs de recherche, laissant encore une fois accroire à une paresse presque naturelle qui le conduirait à ne pas en faire, sans compter la multiplication des critères de contrôle et, de ce fait, des #radiations. Last but not least, la dernière réforme de l’assurance chômage, en réduisant durée et montant des allocations et en les rendant cycliques, place les chômeurs en difficulté et les oblige à accepter des rémunérations inférieures à leurs qualifications, comme le souligne l’enquête de l’Unédic de ce mois d’octobre. Avant la transformation en obligation légale de suivre une quinzaine d’heures de formation, un autre vent devait souffler pour rendre légitime cette proposition, celle de la montée des fraudes à l’assurance sociale. Au chômeur, et au pauvre jugés paresseux, profiteur, devait s’ajouter le titre de fraudeur. Le trio commence à peser.

    C’est donc cette #histoire brossée ici à grands traits qu’il ne faut pas oublier pour comprendre que rendre obligatoire cet accompagnement pour la réinsertion n’a rien d’une nouveauté. Elle prend sa source dans une #stigmatisation ancienne des pauvres ou des allocataires des #minima_sociaux et un ensemble de préjugés relayés par l’État. La nouvelle version du RSA aurait pu s’affranchir de l’obligation de toutes sortes de tâches dont l’utilité reste à prouver, mais le caractère contraignant témoigne encore une fois de la défiance des pouvoirs publics à l’égard de populations en difficulté. Au fond il s’agit toujours de la même condescendance à l’œuvre. Il fut un temps où les classes laborieuses apparaissaient dangereuses. Désormais, elles apparaissent profiteuses et paresseuses. Mais demeure l’unique constante du pouvoir, la nécessité de les combattre.

    Travail gratuit contre RSA : « Le rentier trouve normal qu’on demande à tous de participer à l’effort commun », Jacques Dion
    https://www.marianne.net/agora/les-signatures-de-marianne/travail-gratuit-contre-rsa-le-rentier-trouve-normal-quon-demande-a-tous-de

    Cumuler RSA et emploi : mais au fait, qu’en pensent les premiers concernés ? Laurence Dequay
    https://www.marianne.net/economie/protection-sociale/cumuler-rsa-et-emploi-mais-au-fait-quen-pensent-les-premiers-concernes

    Travailler pour toucher le RSA : mais au fait, comment vont faire les pauvres ? Louis Nadau
    https://www.marianne.net/economie/protection-sociale/travailler-pour-toucher-le-rsa-mais-au-fait-comment-vont-faire-les-pauvres

    RSA sous condition : un retour des Ateliers nationaux de 1848 ?
    Mythe du plein-emploi, Audrey Lévy
    https://www.marianne.net/societe/rsa-sous-condition-un-retour-des-ateliers-nationaux-de-1848

    ébaubi par Marianne

  • Loi « plein-emploi » : « La régression sociale attendue est sans précédent depuis des décennies », Jean-Claude Barbier

    Il faut savoir repérer un tournant politique radical quand il est pris. C’est le moment, avec l’adoption de la loi dite « plein-emploi », le 10 octobre. Elle porte une double promesse de sévérité et d’#austérité.
    D’un côté, la loi augmente la discrimination des personnes #pauvres en les stigmatisant comme paresseuses (c’est le discours de la droite classique et des macronistes, comme le député Karl Olive). C’est même en réalité son but principal, politique.

    Les moyens de l’insertion sociale et professionnelle annoncée ne sont en fait pas déployés en contrepartie de l’augmentation radicale des #sanctions et punitions d’un autre âge. De l’autre, le gouvernement déploie des coupes plus ou moins discrètes dans toutes les dépenses sociales. Cette loi est grosse d’effets dévastateurs, bien supérieurs à ceux de la brutale économie sur les allocations logement qui a augmenté la pauvreté en France dès le premier quinquennat Macron (baisse des 5 euros, puis réforme du calcul).

    La régression sociale attendue est sans précédent depuis des décennies, au moment où les effets de la réforme de l’#assurance-chômage affectent, depuis août 2023, de plus en plus d’assurés. Il y a trente-cinq ans, en 1988, un tournant majeur en matière de protection sociale fut l’innovation du RMI [revenu minimum d’insertion]. Ce projet d’insertion républicaine solidaire était porté par un Parlement unanime et s’opposait à la politique punitive britannique, dont le président français Emmanuel Macron s’était d’ailleurs distancié lors de son premier plan contre la pauvreté, en 2018, avec l’aide de son secrétaire d’Etat Olivier Noblecourt.

    Les jeunes et les titulaires des minima sociaux

    Certes, l’idéologie des #coupes_budgétaires est bien ancrée chez le président. L’essentiel de la loi, déjà votée en juillet au Sénat, se situe dans sa disposition phare, les « quinze heures d’activités hebdomadaires », empruntée à Valérie Pécresse ; il s’agit d’économiser en radiant des #allocataires.
    En l’absence de financement des besoins de formation et d’aide à l’insertion, dont les départements ne disposent pas (comme l’indique le rapport de la Cour des comptes de janvier 2022), ce qui reste en exergue, à des fins de communication politique, ce sont les sanctions, et l’inscription obligatoire à Pôle emploi, renommé France Travail.

    Deux populations hétérogènes sont ainsi transformées artificiellement en « demandeurs d’emploi » : les jeunes et les titulaires des minima sociaux, ajoutés aux demandeurs d’emploi classiques. Où les conseillers emploi et les travailleurs sociaux vont-ils trouver les millions d’« heures d’activités hebdomadaires » sans financement autre que la poignée de milliards prévus avec l’instauration de France Travail ? Nul ne le sait. Le ministre, interrogé, n’a pas répondu.

    L’équivalent du « #workfare » américain de Clinton

    Or, plus d’un tiers des personnes pauvres en France sont en emploi… C’est donc que l’essentiel, pour le président de la République, tient en deux choses : adopter une loi faisant des personnes pauvres des boucs émissaires pour consolider son entente avec les Républicains, d’une part ; d’autre part, poursuivre et accélérer la diminution des dépenses sociales, dans la suite de la réforme des #retraites. Ce deuxième but vient de loin.

    Le président l’a énoncé dans son livre Révolution (XO, 2016) avant d’être élu et réaffirmé avec force dans le rapport CAP 2022 qu’il a commandé à son arrivée à l’Elysée et dont l’une des premières applications a été la brutale diminution des allocations logement. Des promesses vides ont été faites : ainsi la lutte contre le non-recours, dont les pouvoirs publics estiment la part à plus de 30 % des ayants droit du #RSA [revenu de solidarité active].

    C’est le triomphe, enfin obtenu, de l’équivalent du workfare américain de Clinton : le travail imposé aux Américains pauvres dans les parcs et jardins pour une allocation de misère, travail forcé que même les travaillistes de Blair refusaient en défendant, avec l’appui des syndicats britanniques, un welfare-to-work plus humain.

    Remis en question par la Défenseure des droits

    Ce tournant s’accompagne de multiples mesures d’économie dans le domaine social. Ainsi d’un nouvel essai d’étrangler, dans une troisième étape, l’assurance-chômage, encore aujourd’hui l’un des fleurons du paritarisme. Ainsi de l’absence de financement de l’#insertion, prévue par la réforme de #Pôle_emploi.
    Pour autant, le gouvernement n’échappera pas à ses responsabilités légales. Il faudra bien répondre à ce que la Défenseure des droits, Claire Hédon, a nommé, le 6 juillet 2023, dans son avis sur la loi, l’« obligation d’insertion sociale et professionnelle qui pèse sur les pouvoirs publics », autrement dit l’obligation constitutionnelle de fournir aux personnes pauvres des ressources d’insertion et des « moyens convenables d’existence », au titre de l’alinéa 11 du préambule de la Constitution.

    Cette obligation ne pourra pas être remplie si la logique de la diminution des dépenses sociales est poursuivie. Le jeu des sanctions et radiations et les quinze heures de prétendues « activités » (non définies par la loi) ne feront pas longtemps illusion face à la question du « reste à vivre » des personnes.

    Boucs émissaires

    D’autant que les nuages continuent de s’amonceler sur les ménages pauvres et modestes, comme le souligne une note du 29 septembre 2023 de la Fondation Jean Jaurès : crise du logement et poursuite des mesures d’économie ; menace d’augmentation du chômage et éloignement de l’objectif de 5 % fixé par le gouvernement – alors que le taux actuel est déjà supérieur à 7 % ; divers rabotages sur le marché du travail (par exemple sur les emplois aidés) ; économies sur les dépenses de santé, etc.

    L’immense majorité des allocataires des minima sociaux, malgré leurs problèmes de santé et de freins à l’emploi (reconnus même par le ministre), voudraient travailler, et ils souffrent de l’inflation. Il n’est pas digne d’en faire des boucs émissaires.

    Lire aussi « Fractures françaises » : malgré les contraintes budgétaires, la critique de l’« assistanat » diminue

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/10/12/loi-plein-emploi-la-regression-sociale-attendue-est-sans-precedent-depuis-de

    • « Fractures françaises » : malgré les contraintes budgétaires, la critique de l’« assistanat » diminue
      https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/10/09/fractures-francaises-malgre-les-contraintes-budgetaires-la-critique-de-l-ass.

      (...) ils sont moins nombreux qu’auparavant à estimer que « les chômeurs pourraient retrouver du travail s’ils le voulaient vraiment ». Ils sont 65 % à le penser en 2023 (soit 2 points de moins qu’en 2022), une première baisse depuis six ans. De même, le sentiment plus large qu’« il y a trop d’#assistanat en France » atteint un niveau historiquement bas : 56 % des Français partagent cette opinion, contre 63 % en 2022. A l’inverse, près de 44 % des sondés estiment désormais qu’il n’y a pas assez de #solidarité envers les gens qui en ont besoin, soit le plus haut niveau depuis près de dix ans. Données précieuses à l’heure où les débats parlementaires s’intensifient sur le projet de loi « plein-emploi » et sa mesure visant à « accompagner » les allocataires du revenu de solidarité active à travers de quinze à vingt heures hebdomadaires d’activité.

      un signe d’épuisement du sarko-macronisme, toujours bon à prendre

  • Réforme du #RSA : et si on parlait #travail ? | Alternatives Economiques
    https://www.alternatives-economiques.fr/maud-simonet/reforme-rsa-on-parlait-travail/00108297

    Mais le #Workfare n’est pas seulement une idéologie anti-pauvres. C’est aussi très concrètement une pratique de régulation du marché du travail. « Le Workfare ne consiste pas à créer des emplois pour ceux qui n’en ont pas mais à créer des travailleurs pour des emplois dont personne ne veut » écrivait ainsi Jamie Peck dans Workfare States en 2001. Il invitait par cette formule à renverser la présentation habituelle de cette politique – remettre les assisté.e.s au travail – et à prendre au sérieux sa participation au fonctionnement du marché du travail par la construction d’une « nouvelle catégorie de travailleur.se.s forcé.e.s », contraint.e.s d’accepter du travail pas, ou très mal, payé. Et ce « au nom de la citoyenneté », de ses devoirs, de leur dignité…

    Le Workfare n’est pas seulement une idéologie anti-pauvres, c’est aussi une pratique de régulation du marché du travail

    Dans son analyse du développement et de la contestation du workfare dans la ville de New York dans les années 1980-1990, le sociologue américain John Krinsky souligne que ces workfare workers, qui travaillaient parfois entre 20 et 40 heures par semaine en échange de leurs allocations, n’avaient pas accès à la représentation syndicale, à la protection légale contre le harcèlement sexuel, ou tout simplement à des rémunérations et un travail décents. Essentiellement placé.e.s dans les services municipaux, ils et elles étaient plus de 6 000 au cours des années 1990 à nettoyer les rues, les parcs ou les stations du métro de New York, à côté et, de plus en plus, à la place de fonctionnaires municipaux. Fonctionnaires dont le nombre, lui, diminuait drastiquement depuis la crise budgétaire des années 1970.

    Partageant leur quotidien et une partie de leurs tâches, ils et elles n’en partageaient ni le salaire, ni les droits, ni les possibilités de carrière. Mieux, ce développement d’une main-d’œuvre invisible et précaire, en dehors du pouvoir syndical et du droit, a constitué « une stratégie parmi d’autres de flexibilisation de la main-d’œuvre publique ».

  • Aides sociales : « Ne luttons pas davantage contre les pauvres que contre la pauvreté », Axelle Brodiez-Dolino, chercheuse au Centre Norbert-Elias (EHESS, universités d’Avignon et d’Aix-Marseille)
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/02/19/aides-sociales-ne-luttons-pas-davantage-contre-les-pauvres-que-contre-la-pau

    L’historienne Axelle Brodiez-Dolino revient aux racines du discours, récemment remis en avant par Edouard Philippe, sur la « contrepartie » aux aides sociales.

    Tribune. Alors que les « gilets jaunes » focalisent l’attention sur les couches populaires laborieuses, le premier ministre vient de faire diversion, dans le cadre du grand débat national, le vendredi 15 février, en exhumant l’idée de contreparties aux aides sociales. Flattant implicitement ceux qui n’y recourent pas, tout en répondant à son électorat. S’il reconnaît le sujet comme « explosif », c’est qu’il fait référence au concept du #workfare anglo-américain, rarement loué comme un modèle enviable ; et que, (re)lancé en 2011 par Laurent Wauquiez puis Nicolas Sarkozy, puis adopté dans le Haut-Rhin, il a suscité des levées de boucliers.

    Car il englobe deux préoccupations. L’une, économique : faire que chacun, surtout s’il reçoit de la collectivité plus qu’il ne semble apporter, contribue ostensiblement. L’autre, morale : imposer le maintien d’une saine occupation, contre l’oisiveté et les activités illicites suspectées chez les #allocataires.

    Loin d’être nouvelle, l’idée était déjà soulevée par le Comité de mendicité en 1790 : « Si celui qui existe a le droit de dire à la société “Faites-moi vivre”, la société a également le droit de lui répondre “Donne-moi ton travail”. » Elle était au cœur du « grand renfermement », dans les « hôpitaux généraux » (XVIIe-XVIIIe siècles) puis les « dépôts de mendicité » (XVIIIe-XIXe siècles), ainsi qu’en Angleterre et aux Etats-Unis dans les workhouses. Le pauvre « valide », en âge et en état de travailler, bénéficiait, si l’on ose dire, du gîte et du couvert au sein d’un système #disciplinaire carcéral fondé sur la #mise_au_travail. Ce système, que les pouvoirs publics se sont maintes fois évertués à réactiver, a de l’avis général (contemporains de l’époque comme historiens d’aujourd’hui), fait la preuve de sa totale inefficacité. Au point qu’il a fini par être, au début du XXe siècle, discrètement abandonné.

    Un principe récusé par les lois sociales

    Hors son échec historique, ce principe est discutable. Il ne relève pas du hasard que sa disparition coïncide avec l’apparition des lois sociales : en forgeant des #droits, la IIIe République a récusé la #contrepartie. Elle a, avec le solidarisme, renversé l’idée de dette, qui n’était plus celle de l’individu envers la société, mais de la société envers l’individu pour lui assurer sa subsistance.

    « Le “devoir de travailler” n’a de sens qu’avec son corolaire, le “droit d’obtenir un emploi” »

    Du début du XXe siècle à 1988, un droit a donc été un pur droit. Les préambules des Constitutions des IVe et Ve Républiques ont toutefois été prudents : « Chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi (…). Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler, a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence. »

    C’est ce qui a légitimé, dans la loi de 1988 sur le #RMI, l’imposition d’une contrepartie : le contrat d’insertion. Lequel puisait à la pratique alors novatrice d’ATD Quart monde de rééquilibrer le rapport d’assistance en mettant sur un pied d’égalité les contractants. Le « contrat-projet » du rapport Wresinski s’est mué en contrat d’insertion du RMI.

    Mais c’est aussi là qu’il a été dévoyé, vidé des deux grandes caractéristiques du contrat : librement consenti, et équilibré entre les deux parties. On ajoutera que le « devoir de travailler » n’a de sens qu’avec son corolaire, le « droit d’obtenir un emploi » – qui n’existe toujours pas aujourd’hui.

    Déséquilibre entre offre et demande d’emploi

    Car le problème français n’est pas d’occuper les #chômeurs. Il est celui d’un déséquilibre abyssal entre offre et demande d’#emploi : au minimum, un ratio de 1 à 10 ; et qui serait plutôt situé entre 1 à 17 et 1 à 42 (selon le rapport 2017 du Secours catholique). On peut toujours « traverser la rue », selon la formule d’Emmanuel Macron, mais la demande reste très supérieure à l’offre. La France recourt en outre largement à l’emploi précaire et aux contrats très courts, paupérisants, désincitatifs et coûteux (transports, gardes d’enfants, etc.). S’y ajoutent la désadéquation entre formations et emplois disponibles, ainsi qu’entre lieux d’emplois et lieux de vie. Si, comme le dit le premier ministre, « on veut qu’il y ait un avantage objectif à retourner à l’activité », mieux vaudrait aborder le problème sous ces angles-là.
    Mettre en regard, de façon simpliste, chômage et emplois non pourvus, c’est faire fi de ces chantiers politiques et imputer le paradoxe à des chômeurs qui feraient la fine bouche devant les emplois proposés ; donc rendre les plus démunis responsables. Car fondamentalement, le recours aux aides sociales découle du découragement face aux échecs répétés à s’insérer de façon durable et décente sur le marché du travail.

    La ministre des solidarités et de la santé Agnès Buzyn veut inscrire la « stratégie pauvreté » annoncée en septembre 2018 « dans la fidélité aux valeurs profondes qui ont construit notre république sociale ». Mais ne choisissons pas la filiation de la Ire République, qui luttait davantage contre les pauvres que contre la pauvreté, mais celle des républiques suivantes. Le slogan de la campagne présidentielle d’Emmanuel Macron est beau : « Faire plus pour ceux qui ont moins. » Ne le dévoyons pas, à peine engendré, en « demandant plus à ceux qui ont moins ».

    #guerre_aux_pauvres

  • Au Québec un ancien partisan du revenu garanti en charge des mesures du workfare. Le savant et le politique | Le Devoir
    http://www.ledevoir.com/politique/quebec/462188/francois-blais-et-le-workfare-le-savant-et-le-politique

    L’ex-ministre de l’Éducation François Blais, renvoyé à ses premières amours de l’Emploi par le premier ministre, était, lorsqu’à l’université, un contempteur des mesures de type « workfare ». Celles-ci se trouvent pourtant au coeur du projet de loi 70 dont il est désormais responsable. À l’époque, il avait de bons arguments… Notamment qu’elles étaient incompatibles avec son utopie politique, le revenu minimum garanti.

    Le passage de l’université à la politique est rarement facile. François Blais a eu une transition particulièrement ardue. (...)
    Le voilà de retour à Emploi et Solidarité sociale. Il devient donc responsable du projet de loi 70, « Loi visant à permettre une meilleure adéquation entre la formation et l’emploi ainsi qu’à favoriser l’intégration en emploi », déposée par son prédécesseur Sam Hamad. Comment favoriser l’intégration en emploi ? En instaurant le Programme objectif emploi (POE), qui comprend la définition de plans personnalisés. Ceux-ci spécifieront que le participant, bénéficiaire de l’aide sociale, « est tenu d’accepter tout #emploi_convenable qui lui est offert » (83.4). Cela lui vaudra une « allocation de participation ».
     Que signifie « convenable » ? À quelle distance du lieu de résidence du bénéficiaire l’emploi convenable peut-il être ? Rien n’est précisé ici. Le ministre pourra, « par règlement », « définir ce que constitue un emploi convenable et prévoir les cas et conditions permettant de le refuser ». (...)
     
     

    Carotte et bâton : on est en plein « workfare », une expression qui désigne, de « manière plutôt péjorative, les mesures de soutien du revenu conditionnelles à une quelconque forme de travail ». Or, comme le faisait remarquer le critique Dave Turcotte, de l’opposition officielle, mercredi, M. Blais estimait en 2001 que ces politiques ne faisaient rien pour aider les personnes pauvres. Au contraire, écrivait-il : « Elles les forcent à occuper un travail qu’ils ne désirent pas et dans des conditions d’employabilité inférieures à celles des autres travailleurs, ce qui les enferme définitivement dans des statuts de citoyens de second rang. »
     
    De même, dans son livre Un revenu garanti pour tous (Boréal, 2001), il n’avait pas de mots assez durs pour les dénoncer. Il les estimait « coûteuses et inefficaces du point de vue de la réinsertion au #travail » ; elles créeraient même des « injustices graves en mettant à la disposition d’#employeurs une main-d’oeuvre soumise, bon marché et dépourvue des #droits minimaux que l’on accorde normalement aux autres travailleurs ». Au XIXe siècle, en Angleterre, on créa des workhouses, qui devinrent rapidement des lieux de recrutement et d’exploitation des pauvres, rappelait le professeur Blais. « Ne sommes-nous pas en train de commettre les mêmes erreurs et les mêmes injustices près de deux siècles plus tard ? » s’interrogeait-il.
     M. Blais est-il toujours d’accord avec ses propres critiques du « workfare » de 2001 ? (...)
     
    Les mesures de type « #workfare » sont du reste à l’opposé de l’« utopie réaliste » dont François Blais est un spécialiste universitaire reconnu : le revenu garanti, une piste que le premier ministre lui a demandé solennellement, le 28 janvier, d’explorer, afin d’améliorer « nos outils de soutien du revenu ». Il devra donc choisir entre le projet de loi 70 et des formules de #revenu_minimum garanti, dont on commencera d’ailleurs à faire l’essai, de manière expérimentale, aux Pays-Bas et en Finlande à partir de 2017

    • INTERVIEW Depuis les années 80, l’Amérique a délaissé l’action publique pour lutter contre la pauvreté au profit de programmes philanthropiques privés basés sur la volonté individuelle. Dans un essai paru mercredi, le sociologue Nicolas Duvoux montre que l’#Etat_social a été pratiquement éradiqué. Et remplacé par les fondations des Bill Gates ou Warren Buffet.
      Alors que la crise fragilise les plus faibles et que les #inégalités de #richesse ne cessent de s’accroître, la lutte contre la pauvreté est devenue un défi majeur des Etats développés [sic]. Aux Etats-Unis, l’aide aux plus démunis, principalement issus de la population noire, a radicalement changé de visage. Dans les Oubliés du rêve américain (PUF), paru mercredi, le sociologue Nicolas Duvoux constate ainsi qu’à l’intervention de l’Etat s’est substituée celle de Warren Buffet et Bill Gates. Désormais, c’est la #philanthropie qui fait office de politiques publiques aux Etats-Unis. Une évolution qui gagnera un jour la France ? Même si elle a un parfum très XIXe siècle, l’approche philanthrope a aussi pour effet de relancer le rêve américain ! Essentiellement basés sur la volonté individuelle, les programmes d’aide permettent de regagner estime de #soi et sentiment d’autonomie, bref, de ne plus se sentir pauvre, honte absolue en Amérique. (...)
      Warren Buffet soulignait ainsi qu’il payait moins d’impôts que sa secrétaire. La redistribution à laquelle ils se livrent, à travers le secteur associatif, est si considérable qu’elle se substitue, en partie, aux prestations sociales publiques, qui, elles, ont été drastiquement réduites. (...)
      Personne ne veut être assimilé à un pauvre. C’est de plus en plus valable en France également. Le ressort fondamental de ce rejet me semble être une demande de dignité et de #respectabilité. C’est aussi l’effet de plus de trois décennies de néolibéralisme. (...) inculquer des formes de « savoir être » qui permettent aux participants de se projeter dans l’avenir, à se présenter comme quelqu’un qui a des ressources plutôt que comme quelqu’un de démuni. (...) transformer la société en transformant les gens de l’intérieur, notamment en les aidant à acquérir des techniques - pour gérer leurs émotions ou pour gérer les interactions difficiles avec des voisins violents et armés. Cela a un côté très américain : le #salut passe d’abord par une réforme personnelle. (...)
      incarcération massive des jeunes Noirs : la probabilité d’aller en prison pour les hommes noirs sans diplômes, nés entre 1975 et 1979, est de l’ordre de 70 %. La prison est devenue quelque chose de tout à fait « normal » qui contribue à reproduire les inégalités. On peut penser que c’est tard, à la fin de son second mandat, mais c’est une orientation politique qui est courageuse dans un pays où tout homme politique se doit d’être dur face au crime (« tough on crime »)

      #lutte_contre_la_pauvreté #workfare #état_pénal #gouverner_les_pauvres #néolibéralisme (faire fond sur la liberté des sujets, cf. Michel Foucault) #autonomie_comme_sentiment #diviser_les_pauvres #racaille (les jeunes hommes noirs, destinés à la prison)

    • [L’empowerment] répond aux limites de l’intervention publique qui, elle, ne donne pas de place à l’initiative des gens. C’est d’ailleurs pour cela que ces programmes suscitent une vraie #adhésion. Les personnes pauvres ne veulent plus recevoir, de manière passive et méprisante, des prestations venues de l’extérieur. Mais la limite de ces programmes, c’est qu’on transfère la responsabilité de trouver une solution aux problèmes à des gens qui ont peu de ressources. Et ils contribuent à légitimer la richesse des riches ! La philanthropie a tout de même pour effet de transformer en générosité ce qui est avant tout de l’accumulation privée de richesse, exonérée de fiscalité. C’est l’une des différences majeures entre les philanthropes d’aujourd’hui et ceux du temps de Rockfeller, qu’on surnommait les « barons voleurs » et qu’on accusait de corrompre les politiques et d’exploiter les ouvriers : Bill Gates ou Warren Buffet sont, eux, extrêmement populaires.

      Vous avez aussi noté que le quasi-unanimisme, autour de ces programmes, se fait, en réalité, contre les jeunes hommes noirs. Pourquoi ?
      La #solidarité des participants se construit #contre_la_minorité la plus démunie : ceux qu’on perçoit comme des délinquants - sauf s’ils passent à leur tour par le récit de la rédemption. Tout se passe comme s’il fallait absolument rejeter une minorité qui pose des problèmes pour être intégré à son tour moralement dans la société.

      #intégration_morale #respectabilité #guerre_entre_pauvres

      Une petite note. En matière d’empowerment, il semble qu’il en soit tout autrement dans des collectifs contestataires. La nécessité pour des collectifs de pauvres (chômeurs, précaires, par ex.) de disposer en leur sein d’acteurs non démunis de ressources (syndicalistes, ex étudiants, intermittents) pour forcer l’espace public (en faire exister un) sans risquer d’emblée marginalisation, invisibilité maintenue ou criminalisation ne va pas sans contradictions internes et elle se couple, spécialement en période de reflux dune survalorisation des moins intégrés socialement (les plus dominés étant alors présentés, au nom du concret, comme les seuls porteurs de la vérité).

      Bon, il semble qu’il faille essayer de cueillir ce livre, c’est l’un des rares académiques à enquêter sur le terrain et à donner, avec toute la politesse bourgeoise et scientifique requise, des éléments critiques qui peuvent être utilisés dans une autre perpective que la sienne.

    • Les personnes pauvres ne veulent plus recevoir, de manière passive et méprisante, des prestations venues de l’extérieur

      Encore la confusion entre sociale et aide aux pauvres, « les #assistés ». Non la #sécurité_sociale ne signifie pas que l’on aide les plus démunis mais que l’on socialise, au contraire de privatiser, des ressources pour sécuriser la vie des individus. Parfois cette sécurité est réservée à un moment de la vie particulièrement instable.

    • L’autonomie, fiction nécessaire de l’insertion ? Nicolas Duvoux
      http://www.cip-idf.org/article.php3?id_article=4026

      Les politiques d’insertion sont exemplaires de la #normativité de l’autonomie dans la société française contemporaine. La contractualisation des relations entre les usagers et les institutions invite les premiers à prouver expressément qu’ils veulent adhérer à la société pour bénéficier de la solidarité de celle-ci. Ces politiques sont de part en part traversées par une logique de la reconnaissance des formes de relation à soi. Chacun y est considéré comme responsable de sa vie, et chacun va devoir trouver en soi les motifs de sa participation à la société.

      Cependant, la valorisation de l’autonomie individuelle a pour pendant une condamnation accrue des comportements considérés comme déviants. Ce renversement est structurel. Pour en rendre compte, on peut suivre ici François Dubet lorsqu’il affirme que « de manière plus ou moins latente, le principe d’autonomie est sous-tendu par une conception héroïque d’un sujet capable de se construire lui-même et donc porté à “blâmer la victime” ». La référence à l’autonomie dans l’insertion apparaît dès lors comme une façon d’adapter cet idéal aux possibilités effectives des individus.

    • Mouais, il y a plusieurs compréhensions du terme. Je dirais plutôt à l’aune de ce qu’enseigne la vie dans le capitalisme - et non pas la philosophie classique - prendre collectivement la liberté de se donner une loi contre celles de ce monde.

      Mais ce qui parait dominer ici actuellement c’est plutôt l’individualisation et l’évitement du conflit collectif, donc pour qui a pour rôle de prévenir les conflits, le majoritaire, ce que dit Duvoux, une norme de l’intégration sociale ; et minoritairement, une vague et impossible aspiration quasi-autarcique. Dans les deux cas, la possibilité d’une estime de soi dans un monde de violence et d’inégalités. Être respectable, suffisamment « normal », ou ne pas se mépriser d’avoir à jouer une participation obligée en parant ses quelques « arts de faire », les écarts aux normes que l’on arrive à développer ou tenir, d’une légitimité idéologique, d’une couche de généralité. (ainsi le dernier édito de Jeff Klak qui se termine par « se tenir chaud » résume-t-il bien le motif dont sont tissés les bandes, groupes et familles élargies où, sous des oripeaux de plus ou moins bon goût, chacun se devrait de trouver refuge).

    • L’autonomie obligatoire. Sociologie du gouvernement de soi à l’école, d’Héloïse Durler (une note de lecture)
      http://lectures.revues.org/17435

      « Sois autonome ! » ou comment dépasser les contradictions d’une « injonction paradoxale » d’une « valeur phare des normes éducatives » contemporaines qui prescrit à l’enseignant d’ « amener l’élève à vouloir librement ce qui lui est imposé dans le cadre scolaire » (p. 10). Tel est l’enjeu au cœur du livre d’Héloïse Durler issu de sa thèse de doctorat. (...)
      Selon elle, on peut raccrocher « l’entreprise d’engagement scolaire » à la « montée managériale par l’autonomie » au travers du « new public management » qui n’épargne ni le monde du travail, l’action sociale ni les politiques éducatives. Par ailleurs, cette entreprise n’est pas étrangère à l’idéologie du « projet » plusieurs fois évoquée et rapidement explorée (p. 34-35) mais, pour parachever la démonstration, il était possible de lui imposer un même traitement qu’aux autres mots-plastiques récurrents des discours concernant les dispositifs éducatifs que sont les notions de « compétence », « objectifs », « qualité » ou de « participation ». En suivant, on peut interroger comment cette « autonomie obligatoire » s’inscrit dans la « nouvelle école capitaliste » de Laval et al. dès lors que les logiques néolibérales du monde du travail pénètrent plus avant le monde l’éducation, davantage orienté depuis les années 1960 vers « l’insertion professionnelle et sociale des jeunes générations » (p. 148) voire pour envisager la construction de la « servitude volontaire aujourd’hui ».

      #autonomie_obligatoire

    • @aude_v pardon, mais quand j’écris plus haut « se tenir chaud » résume-t-il bien le motif dont sont tissés les bandes, groupes et familles élargies où, sous des oripeaux de plus ou moins bon goût, chacun se devrait de trouver refuge", il me semble que ce n’est pas une manière d’encenser cet aspect "affinitaire". C’est souvent un aspect nécessaire (car c’est là que certains partages peuvent avoir lieu, les exemples sont légion : apprendre à parler dans un collectif ça commence souvent par une zone d’entente moins étendue que celle où se prononce "la parole publique", lire et/ou écrire pour qui n’est pas déjà rodé à le faire "dans son coin" à partir du commun, ça nécessite svt une dimension d’"atelier"), mais il est parfaitement insuffisant si il n’est pas lié, ouvert, circulant, confronté à de de l’hétérogène plus déroutant encore que l’hétérogénéité qui déjà le constitue. Par exemple du fait d’une participation à des conflits dans lesquels sont impliqués de plein droit des inconnus, ce qui me parait une vérification indispensable. Et parfois il n’y a même pas besoin d’affinité pour se trouver lié par une cause et par là à ceux qui s’en sont emparé. Sans doute n’avons nous pas vécu le même genre de malheurs de la militance.

    • Phrases ardues, je sais pas si celle là l’était tant que ça, @aude_v, mais je vois bien qu’il m’arrive souvent de m’exprimer de façon confuse. Au point de me dire que je devrais me limiter à envoyer du matériel sans écrire.

      Sinon, pas très sûr de la polarité ascétisme/consumérisme. Pour ce que j’ai connu, il est systématique qu’à un moment ou un autre, des « militants » en viennent à se plaindre de fournir du travail pour des gens qui l’utilisent en free riders. Par exemple, lors de permanences destinées à des précaires et chômeurs. Mais on voit là même chez des syndicalistes. Et un « groupe révolutionnaire » qui déplore la « passivité générale » dit aussi quelque chose du même genre. Cette plainte est celle de celui qui « travaille » et se « sent exploité », ce ceux qui désirent et sont confrontés à une forme d’acédie vis à vis des objet et des rites (aussi incertains soient ils) qu’ils ont élus parmi ceux qui leur paraissent destinés à être aimés.

      Chez les chômistes et pocherons, quand il se passe quelque chose, quand par exemple un « cas », une action, un instant, se lie à une montée en généralité, à une perspective réellement vécue, quand quelqu’un qui ne fait « que passer » permet d’apprendre, de découvrir quelque chose, ce qui est déjà marquer des points, la question du « consumérisme » n’a pas lieu d’être (prenez ce que vous voulez, comme vous pouvez, barrez vous vite si vous voulez, vous nous privez de rien, on est là pour ça, on a tout à gagner). Et puis c’est aussi la manière de faire qui va déterminer une « relation de service » ou de l’entraide éventuelle. Le contre don est pas une norme.

      Je crois que cette façon de se poser et de se dire est un pendant masochiste de la joie qu’il y a à s’approprier, transformer quelque chose. Un régurgitement dû au reflux politique, la parole d’un défaut d’affinité à la matière en jeu. Faudrait passer à autre chose. Et souvent ça tourne en boucle.

      Bon, je met ton papier en liste de lecture...

    • Ceux dont tu causes, avec leurs réus si importantes, ressemblent à des apprentis politiciens (ils disent même pas comme on le voit dans des collectifs précaires chômeurs, « ah là je peux pas j’ai du taff », les taches utiles restant à effectuer par les disponibles). Et si ils ratent leur parcours et/ou renvoient pas l’ascenseur, on peu l’avoir mauvaise. M’enfin faire rire des carriéristes, c’est rarement un bon investissement.

  • Tomorrow’s People Are A Tory Business Front

    http://johnnyvoid.wordpress.com/2012/06/07/tomorrows-people-are-a-tory-business-front

    The welfare to work ‘charity’ responsible for sending unemployed workers to sleep under a bridge during the Queen’s Jubilee have strong links with the Tory Party and have long operated as charitable front for the political aims of the business sector.

    Tomorrow’s People was established by booze giant Grand Metropolitan PLC – now Diageo – way back in 1984 with the aim of becoming an ‘expert intermediary between government, businesses and job-seekers.’ Whilst the charity has remained technically independent, it has still derived much of it’s funds from Diageo and still retains a former Diageo director on it’s board.

    The Chief Executive of tax dodging bastards Diageo is Paul Walsh, who recently paid a considerable sum for dinner at Chequers with David Cameron, something the Tories apparently attempted to hush up.

    Tomorrow’s People’s chairman, David Stewart, spent much of his career at accountancy firm Deloittes where he was a former board member. Deloittes recently teamed up with Ingeus to become one of the largest welfare to work companies in the UK and prime contractors for the Government’s flagship ‘Work Programme’ scheme.

    #UK charity #slavery #workfare