Cyberguerre froide : attention au brouillard - Boîtes noires, le blog d’Olivier Tesquet

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  • Comment dit-on #infoguerre en russe ? Maskirovka | Boîtes noires
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    Et c’est ici que les choses se gâtent. Dans le monde occidental, pouvoirs politiques et états-majors militaires voient Internet comme un territoire à conquérir, un espace à coloniser : les Etats-Unis possèdent leur Cyber Command ; la France veut le sien. Un tel distinguo entre le monde réel et ses ramifications numériques n’existe pas sur les terres de Poutine. Dans un ouvrage collectif récemment paru à la Documentation française, le chercheur Kevin Limonier l’explique parfaitement :

    "Les conceptions occidentale et russe de sécurité du cyberespace diffèrent sensiblement. A Moscou, on préfère parler d’espace informationnel (...) Cette divergence de terminologie n’est pas simplement rhétorique : elle marque des visions radicalement différentes du monde numérique. En effet, la notion d’espace informationnel (informatsionnoe transtvo) désigne une réalité bien plus vaste que celle de #cyberespace : elle englobe les réseaux numériques, mais aussi tous les supports et moyens de diffusion de l’information (presse écrite, télévision, radio...). Contrairement à la position américaine, la pensée stratégique russe ne reconnaît pas l’existence propre d’un cyberespace distinct qui nécessiterait l’adoption de règles de gouvernance et la reconnaissance de modes d’action spécifiques. Dans son acception russe, le cyberespace n’est pas un champ d’action en soi, mais le prolongement des divers moyens d’action politiques, économiques ou militaires de l’Etat ; c’est une simple caisse de résonance. Dans ce contexte, les cyberattaques contre l’Estonie, la Géorgie puis l’Ukraine (en 2007, 2009 et 2014, NDLR) sont liées à une logique d’action qui dépasse les seuls réseaux informatiques."

    Deux doctrines se font face : l’une fait le pari pascalien de l’existence d’une #cyberguerre ; l’autre ne voit qu’une stratégie de la tension globale, qui s’exprime par tous les canaux possibles ; l’une condamne des attaques informatiques commanditées par une puissance étrangère ; l’autre a tout intérêt à entretenir le doute à coup de gros mensonges et de semi-vérités. Ce n’est pas un hasard si les Russes ont un mot mou, liquide, pour désigner l’art de la désinformation militaire : maskirovka. Dans la guerre de l’information (que certains veulent à tout prix nommer « post-vérité »), tout est question de perception. Il s’agit moins de dévaluer la vérité que d’empêcher son discernement. Dès lors, interrogeons-nous. Quand le Washington Post révèle le hacking d’une centrale électrique le long de la côte Est, faut-il se concentrer sur l’attaque ou sur la rumeur ? Qu’est-ce qui intéresse le plus le Kremlin : les piratages ou le bruit qui les entoure ?

    Tu me feras un cours de terminologie russe, @hlnrichard ?