Je voudrais revenir sur ces histoires de cartes du vote du premier tour : en gros, l’essentiel de ce que j’ai vu circuler, ce sont des cartes de France avec une représentation du candidat qui est arrivé en tête. Les variations jouent sur la finesse des découpages (jusqu’aux stations de métro de Paris, assez chouette), ou jouent sur la prise en compte des densités de population.
Mais j’ai d’autres questions…
1. Pourquoi ne voit-on quasiment que ces « cartes géographiques », et pas d’autres représentations ? Avec le risque, comme pour les élections précédentes, de traiter une question politique (et, évidemment, avant tout le vote FN) par la géographie.
Je veux dire qu’on comprend assez bien que ce n’est pas le climat et la courbe des températures qui déterminent le choix des électeurs, et donc l’utilisateur de ces cartes plaque forcément sa propre grille d’analyse sur ces représentations géographiques (le chômage, la ruralité…). C’est-à-dire qu’on multiplie les cartes géographiques, alors même qu’on ne représente généralement pas une question liées à la géographie.
En gros : comme représentations graphiques du vote, je ne vois quasiment que ces cartes qui, grosso modo, ne m’apprennent rien. Et surtout : rien par elles-même.
2. Je suis très gêné par cette façon de représenter systématiquement (uniquement) le premier arrivé dans chaque région. Je ne suis pas certain que ça dise grand chose.
Par exemple, si je prends Marseille, j’ai Mélanchon en tête (25%). Si je prends Montpellier, j’ai encore Mélanchon en tête (31%). En gros c’est pareil. Sauf qu’à Marseille, Le Pen est seconde avec 24%, alors qu’à Montpellier elle se ramasse en 4e position avec 13%. Du coup, avec toutes ces cartes représentant le premier choix, j’ai deux situations qui me semblent très différentes avec le même code couleur.
Or je n’ai pas vu réellement de représentations plus riches que simplement « le premier », ou plusieurs cartes « le score de machin à tel endroit ».
3. Pour l’instant je n’ai vu qu’une seule représentation graphique qui ne soit pas une carte : une courbe liant le taux de chômage au score du FN, pour une sélection de grandes villes. Ça fonctionne (évidemment ?), mais ce n’est pas non plus totalement convainquant, parce qu’il y a dans le lot des contre-exemples assez spectaculaires (Saint-Denis notamment, où Le Pen fait juste 10% « malgré » un taux de chômage à 23%).
4. Parfois des considérations sur le niveau d’étude, le niveau de revenu, l’âge des électeurs, et les résultats des candidats, mais je n’ai vu aucune représentation graphique de tout ça.
5. Il me semble que le gros non-dit, c’est le rapport entre le vote Mélanchon et le vote Le Pen. Quels sont les rapports et les différences entre les électeurs des deux ? Est-ce qu’il y a des aspects « statistiques » qui feraient ressortir le fait que, malgré certaines caractéristiques qui sembleraient prédéterminer le vote, le choix passe à l’un ou à l’autre. Pourquoi, par exemple, avec une même classe d’âge ou une même condition de souffrance sociale, on vote FN ou Insoumis.
6. Autre approche : plutôt que de chercher des déterminants au vote (telle catégorie de population vote pour Untel), est-ce qu’il y a des indicateurs qui permettraient de savoir, en creux, que telle catégorie ne vote pas pour Untel ? (Et donc : représentations graphiques qui vont bien.) C’est un peu la logique de Bourdieu sur le goût, il disait qu’il ne pouvait pas réellement prédire ce qu’aimerait telle personne à partir de son milieu socio-économique, mais qu’en revanche il pouvait assez bien prédire ce qu’elle n’aimerait pas.
Bref, est-ce qu’il existe des représentations graphiques montrant « qui ne vote pas Untel », « dans quelle condition on n’aura pas de vote FN », « quelles catégories ne votent pas Mélanchon »… ?