Les Indigènes du Royaume

http://bougnoulosophe.blogspot.be

  • "La femme musulmane. Le pouvoir des images et le danger de la pitié."

    « Quelles images avons-nous, aux États-Unis ou en Europe, des femmes musulmanes, ou des femmes de la région connue sous le nom de Moyen-Orient ? Nos vies sont saturées d’images, et ces images sont étrangement limitées à un nombre très restreint de figures ou de thèmes : la femme musulmane opprimée ; la femme musulmane voilée ; la femme musulmane qui ne jouit pas des mêmes libertés que nous ; la femme régie par sa religion ; la femme régie par ses hommes.

    Ces images ont une longue histoire dans l’Occident, mais elles sont devenues particulièrement visibles et omniprésentes depuis le 11 septembre. Beaucoup de femmes se sont mobilisées aux États-Unis autour de la cause des femmes afghanes opprimées par les talibans fondamentalistes – ces femmes étant représentées par les médias comme recouvertes de la tête aux pieds par leur burqa, sans la possibilité ni d’aller à l’école ni de porter du vernis à ongles. Un gouvernement – celui de George W. Bush – se servit ensuite de l’oppression de ces femmes musulmanes pour légitimer moralement l’invasion militaire de l’Afghanistan. Ces images de femmes opprimées et voilées furent utilisées pour susciter le soutien de l’intervention. Je voudrais, ici, défendre l’idée que, outre les indicibles horreurs, les bouleversements et la violence dont ces interventions américaines ont accablé les vies des femmes musulmanes en Afghanistan et en Irak, l’utilisation de ces images a aussi été néfaste pour nous, dans les pays occidentaux où elles circulent, en ce qu’elles tendent à étouffer notre capacité à apprécier la complexité et la diversité des vies des femmes musulmanes, à les considérer comme des êtres humains. [...]

    Il me semble que si nous sommes préoccupés par les femmes, y compris par les femmes musulmanes, nous pouvons peut-être travailler chez nous à rendre les politiques américaines et européennes plus humaines. Si nous voulons participer aux affaires de ces contrées lointaines, nous devrions peut-être le faire avec la volonté de soutenir ceux qui, au sein de ces communautés, ont pour but de rendre les vies des femmes (et des hommes) meilleures. Quoi que nous fassions, nous devrions le faire avec respect et en ayant en tête les termes d’alliances, de coalitions et de solidarité, plutôt que ceux de secours, salut ou pitié. Surtout, il nous faut résister à la puissance de ces images limitées et limitatives de femmes musulmanes en noir et blanc qui circulent parmi nous. »

    Lila Abu-Lughod

    http://bougnoulosophe.blogspot.be/2013/12/la-femme-musulmane-le-pouvoir-des.html

  • Voyage autour de la « souche »

    "Employée dès le XIXe siècle pour désigner les Français installés en Algérie, par opposition aux « autochtones », l’expression « Français de souche » a été institutionnalisée en 1958. On distinguait alors les « Français de souche européenne » des « Français de souche nord-africaine ». Elle connut ensuite un certains succès dans les années 80 dans les milieux d’extrême droite. Une polémique est née en 1991 lorsque la démographe Michèle Tribalat a elle-même employé « Français de souche » dans une étude, pour désigner les personnes « nées en France de deux parents nés en France »..."

    Critique de la raison souchienne
    http://bougnoulosophe.blogspot.be/2008/07/critique-de-la-raison-souchienne.html

    La défaite de la pensée souchienne
    http://indigenes-republique.fr/la-defaite-de-la-pensee-souchienne

    Généalogie d’un concept manipulé par l’extrême droite
    http://blogs.rue89.nouvelobs.com/les-mots-demons/2014/08/21/francais-de-souche-genealogie-dune-notion-manipulee-par-lextr

    Le Français de souche n’existe pas
    http://www.lepoint.fr/invites-du-point/didier_raoult/le-francais-de-souche-n-existe-pas-23-08-2012-1498404_445.php

  • Le sionisme contre les juifs...

    " On essaie de nous marteler que l’histoire des Juifs s’est achevée et qu’Israël en est l’aboutissement. Israël fonctionne comme un effaceur de l’histoire, de la mémoire, des langues, des traditions et des identités juives. La politique israélienne n’est pas seulement criminelle contre le peuple palestinien. Elle se prétend l’héritière de l’histoire juive alors qu’elle la travestit et la trahit. Elle met sciemment en danger les Juifs, où qu’ils se trouvent. Et elle les transforme en robots sommés de justifier l’injustifiable..."

    Israël contre les Juifs :
    http://www.ujfp.org/spip.php?article3885

    Marek Edelman, L’insurgé perpétuel
    http://www.courrierinternational.com/article/2006/04/13/l-insurge-perpetuel

    Le judaïsme marocain et le sionisme (Abraham Serfati) : http://bougnoulosophe.blogspot.be/2011/07/de-la-symbiose-judeo-arabe-et-de-ses.html

    Des juifs irakiens rejettent la « manipulation cynique » de leur histoire par Israël : http://www.ujfp.org/spip.php?article3931

    Au nom des juifs d’Égypte :
    http://orientxxi.info/lu-vu-entendu/au-nom-des-juifs-d-egypte,0446

    Le sionisme du point de vue de ses victimes juives : http://bougnoulosophe.blogspot.be/2012/07/le-sionisme-du-point-de-vue-de-ses.html

    Les Pantheres noires israeliennes : http://bougnoulosophe.blogspot.be/2010/10/les-pantheres-noires-israeliennes.html

    L’« Etat juif » contre les juifs : http://blog.mondediplo.net/2011-05-18-L-Etat-juif-contre-les-juifs

  • Le Choc de l’ignorance

    "L’article de Samuel Huntington, paru dans la livraison du printemps 1993 de la revue Foreign Affairs sous le titre “Le choc des civilisations”, a immédiatement concentré l’attention et suscité une surprenante vague de réactions. L’objectif de cet article étant de fournir aux Américains une thèse originale sur la “nouvelle phase” qu’allait connaître la politique mondiale après la fin de la guerre froide, l’argumentation développée par Huntington sembla d’une ampleur, d’une audace, voire d’une dimension visionnaire irrésistible.

    Il avait clairement dans son champ de mire plusieurs rivaux en politologie, des théoriciens tels que Francis Fukuyama et ses idées de fin de l’histoire, par exemple, mais également les légions de ceux qui avaient chanté l’avènement du mondialisme, du tribalisme et de la dissolution de l’Etat. Car, selon lui, ils n’avaient compris que certains aspects de cette période nouvelle. Lui allait annoncer “l’axe crucial, et véritablement central” de ce que “serait vraisemblablement la politique globale au cours des prochaines années”.

    Et de poursuivre sans hésiter : “Mon hypothèse est que, dans ce monde nouveau, la source fondamentale et première de conflit ne sera ni idéologique ni économique. Les grandes divisions au sein de l’humanité et la source principale de conflit seront culturelles. Les Etats-nations resteront les acteurs les plus puissants sur la scène internationale, mais les conflits centraux de la politique globale opposeront des nations et des groupes relevant de civilisations différentes. Le choc des civilisations dominera la politique à l’échelle planétaire. Les lignes de fracture entre civilisations seront les lignes de front des batailles du futur.”

    L’essentiel de l’argumentation occupant les pages suivantes reposait sur une notion floue de ce que Huntington appelle “identité liée à la civilisation”, et sur “les interactions entre sept ou huit (sic) civilisations majeures”, le conflit entre deux d’entre elles, l’islam et l’Occident, se taillant la part du lion dans son attention. Dans cette façon de penser en termes d’affrontement, il s’appuie lourdement sur un article publié en 1990 par l’orientaliste chevronné qu’est Bernard Lewis, dont la teinture idéologique est flagrante dans le titre de son ouvrage The Roots of Muslim Rage (Les Racines de la rage musulmane). Dans les deux textes, la reconnaissance de deux identités géantes, l’”Occident” et l’”islam”, est imprudemment posée, comme si des affaires d’une complexité aussi gigantesque qu’identité et culture existaient dans un monde de bande dessinée, avec Popeye et Bluto se cognant dessus dans un pugilat sans merci où toujours le combattant plus vertueux a le dessus sur son adversaire.

    Assurément, Huntington, pas plus que Lewis, n’a beaucoup de temps à consacrer à la dynamique et à la pluralité internes de chaque civilisation ni au fait que le principal débat dans la plupart des cultures modernes porte sur la définition et l’interprétation de chaque culture, ni à la déplaisante éventualité qu’une bonne part de démagogie et de franche ignorance signe la prétention à parler pour toute une religion ou toute une civilisation. Non, l’Occident est l’Occident, et l’islam est l’islam. Le défi à relever par les responsables politiques occidentaux, dit Huntington, est de garantir la suprématie de l’Occident et de la défendre contre tout le reste, l’islam en particulier. Plus gênant est le fait qu’il suppose que son ambition, qui est d’embrasser le monde entier du haut de son perchoir, étranger à toutes attaches ordinaires et loyautés cachées, est la seule correcte, comme si les autres s’agitaient partout pour trouver les réponses que lui possède déjà.

    En réalité, Huntington est un idéologue, quelqu’un qui veut faire des “civilisations” et des “identités” ce qu’elles ne sont pas : des entités fermées, hermétiques, purgées des multiples courants et contre-courants qui animent l’histoire humaine et, depuis des siècles, lui ont permis non seulement de contenir les guerres de religion et de conquête impériale, mais aussi d’être une histoire d’échanges, de métissage fécond et de partage. Cette histoire-là, beaucoup moins visible, est ignorée dans la hâte à mettre en valeur la guerre ridiculement restreinte et compressée, dont “le choc des civilisations” prétend établir qu’elle est la réalité.

    Lorsqu’il publia son livre du même titre, en 1996, Huntington tenta de donner un peu plus de finesse à sa démonstration et ajouta beaucoup, beaucoup de notes en bas de page mais il ne réussit qu’à s’embrouiller davantage, à montrer le piètre écrivain et le penseur inélégant qu’il était. Le paradigme de base de l’Occident contre le reste du monde, l’Occident contre ce qui n’est pas l’Occident (reformulation de la vieille dichotomie de la guerre froide), est demeuré intouché, et c’est ce qui perdure, de façon souvent insidieuse et implicite, dans les discussions qui ont suivi les terribles événements du 11 septembre. De ce massacre massif soigneusement planifié, de l’horreur de ces attaques suicides inspirées par des motivations pathologiques et exécutées par un petit groupe de militants au cerveau dérangé, on a fait une preuve de la thèse de Huntington....."

    Edward Said

    http://bougnoulosophe.blogspot.be/2015/02/le-choc-de-lignorance.html

    #Edward_Said
    #civilisation
    #Guerre
    #Islam

  • Explique-moi comment Flavien Moreau, « d’origine sud-coréenne, adopté par une famille française » qui se convertit à l’islam après 13 condamnations pour des délits de droit commun, a un quelconque rapport avec le fait que le « pied musulman de la table française est trop court » ?
    http://www.notretemps.com/internet/jugement-jeudi-de-flavien-moreau,i71919

    Et Jonathan-Farid Djebbar, « pas élevé dans la religion musulmane », converti en septembre 2012 à 24 ans ?
    http://www.lanouvellerepublique.fr/Indre/Actualite/Faits-divers-justice/n/Contenus/Articles/2014/10/19/Un-Reuillois-soupconne-de-projets-djihadistes-2086692

    L’explication sociologique-pouèt-pouèt :
    http://orientxxi.info/magazine/angry-sunnis-et-djihadistes-sans,0730

    La table française du « vivre ensemble » n’est pas fonctionnelle avant tout parce qu’elle est bancale. Elle est bancale parce que son pied musulman est trop court pour jouer efficacement son rôle équilibrant.

    • 1. Olivier Roy : « Ce sont des jeunes qui cherchent leur guérilla, comme nous dans les années 60. A l’époque, notre cause était la révolution, maintenant, c’est le jihad mondial. Dans son essai The Terrorist in Search of Humanity (2), l’historien Faisal Devji explique que, mis à part le fait que les terroristes tuent, il n’y a pas de différence fondamentale entre un humanitaire et un gars d’Al-Qaeda. Ce sont des militants d’un monde global, des nomades, souvent déracinés. Mais si on veut vraiment comprendre l’enrôlement des jihadistes, il faut regarder du côté de la fusillade du lycée de Columbine, en 1999, et des jeunes gens qui se perdent dans une même violence autodestructrice. En Orient comme en Occident, il existe une jeunesse fascinée par ce nihilisme suicidaire. L’islam donne une dimension globale, peut-être aussi mystique, un nom à une cause. » http://www.liberation.fr/monde/2014/10/03/le-jihad-est-aujourd-hui-la-seule-cause-sur-le-marche_1114269

      2. Raphaël Liogier : « On refuse de voir que des Breivik et des Merah peuvent surgir à tout moment parce qu’ils sont produits par un même système fantasmatique. L’imaginaire n’a plus besoin aujourd’hui de l’impulsion de réseaux terroristes pour pousser à l’action violente. Il suffit d’Internet et des médias en général. La plupart du temps, l’identification aux rôles antagonistes du jihadiste et du héros solitaire ne donne pas lieu à un passage à l’acte. Mais il suffit que l’on soit en présence d’une personnalité instable pour qu’un tel rôle soit vécu de façon extrême, comme encore à Toulouse à la mi-juin 2012 avec cet homme d’une trentaine d’années qui a soudain surgi dans une banque une arme à la main, prenant des gens en otage, se réclamant d’Al-Qaïda, sans essayer de s’emparer d’aucun magot. De telles actions n’ont rien à voir avec des plans terroristes concertés. »
      http://bougnoulosophe.blogspot.be/2013/01/le-huis-clos-islamophobe.html

    • 3. Insolite : "Flavien Moreau n’a pas nié son séjour devant les juges : il l’avait raconté, sous le nom de guerre de « Abdel Fattah », à un journaliste suisse rencontré en Turquie, qui l’avait rapporté dans un article du quotidien Le Temps sous le titre « Les premières armes d’un jihadiste » en novembre 2012. Pour anecdote, l’apprenti « jihadiste » expliquait avoir été inspiré par le livre Jihad : Expansion et déclin de l’islamisme de Gilles Kepel dans son cheminement... C’est cet article qui attirera l’attention des services de renseignements sur le Nantais, placé alors sur écoute avant son interpellation en 2013." http://www.saphirnews.com/Un-jihadiste-rentre-de-Syrie-la-cigarette-lui-manquait_a19970.html

  • Par #Yvan_Najiels
    http://blogs.mediapart.fr/blog/yvan-najiels/030814/gilles-deleuze-sur-israel-et-la-palestine-dans-deux-regimes-de-fous-
    #Gilles_Deleuze sur #Israël et la #Palestine dans « Deux régimes de fous » (1983)

    Voilà ce que Gilles Deleuze écrivait à propos de la création de l’état israélien sur le dos des Palestiniens dans son recueil de textes publié chez Minuit en 1983, Deux régimes de fous. Ce texte garde toute sa pertinence. Il illustre notamment très bien l’obscénité de celles et ceux, nombreux hélas, qui crient à l’antisémitisme (pas moins !) pour faire taire (parfois avec le concours de nervis de la LDJ) l’expression du soutien à la résistance palestinienne.

    " D’un bout à l’autre, il s’agira de faire comme si le peuple palestinien, non seulement ne devait plus être, mais n’avait jamais été. Les conquérants étaient de ceux qui avaient subi eux-mêmes le plus grand génocide de l’histoire. De ce génocide, les sionistes avaient fait un mal absolu. Mais transformer le plus grand génocide de l’histoire en mal absolu, c’est une vision religieuse et mystique, ce n’est pas une vision historique. Elle n’arrête pas le mal ; au contraire, elle le propage, elle le fait retomber sur d’autres innocents, elle exige une réparation qui fait subir à ces autres une partie de ce que les juifs ont subi (l’expulsion, la mise en ghetto, la disparition comme peuple). Avec des moyens plus « froids » que le génocide, on veut aboutir au même résultat.
    Les USA et l’Europe devaient réparation aux juifs. Et cette réparation, ils la firent payer par un peuple dont le moins qu’on puisse dire est qu’il n’y était pour rien, singulièrement innocent de tout holocauste et n’en ayant même pas entendu parler. C’est là que le grotesque commence, aussi bien que la violence. Le sionisme, puis l’Etat d’Israël exigeront que les Palestiniens les reconnaissent en droit. Mais lui, l’Etat d’Israël, il ne cessera de nier le fait même d’un peuple palestinien. On ne parlera jamais de Palestiniens, mais d’Arabes de Palestine, comme s’ils s’étaient trouvés là par hasard ou par erreur. Et plus tard, on fera comme si les Palestiniens expulsés venaient du dehors, on ne parlera pas de la première guerre de résistance qu’ils ont menée tout seuls. On en fera les descendants d’Hitler, puisqu’ils ne reconnaissaient pas le droit d’Israël. Mais Israël se réserve le droit de nier leur existence de fait. C’est là que commence une fiction qui devait s’étendre de plus en plus, et peser sur tous ceux qui défendaient la cause palestinienne. Cette fiction, ce pari d’Israël, c’était de faire passer pour antisémites tous ceux qui contesteraient les conditions de fait et les actions de l’Etat sioniste. Cette opération trouve sa source dans la froide politique d’Israël à l’égard des Palestiniens.
    Israël n’a jamais caché son but, dès le début : faire le vide dans le territoire palestinien. Et bien mieux, faire comme si le territoire palestinien était vide, destiné depuis toujours aux sionistes. Il s’agissait bien de colonisation, mais pas au sens européen du XIX° siècle : on n’exploiterait pas les habitants du pays, on les ferait partir. Ceux qui resteraient, on n’en ferait pas une main-d’oeuvre dépendant du territoire, mais plutôt une main-d’oeuvre volante et détachée, comme si c’étaient des immigrés mis en ghetto. Dès le début, c’est l’achat des terres sous la condition qu’elles soient vides d’occupants, ou vidables. C’est un génocide, mais où l’extermination physique reste subordonnée à l’évacuation géographique : n’étant que des Arabes en général, les Palestiniens survivants doivent aller se fondre avec les autres Arabes. L’extermination physique, qu’elle soit ou non confiée à des mercenaires, est parfaitement présente. Mais ce n’est pas un génocide, dit-on, puisqu’elle n’est pas le « but final » : en effet, c’est un moyen parmi d’autres.
    La complicité des Etats-Unis avec Israël ne vient pas seulement de la puissance d’un lobby sioniste. Elias Sanbar a bien montré comment les Etats-Unis retrouvaient dans Israël un aspect de leur histoire : l’extermination des Indiens, qui, là aussi, ne fut qu’en partie directement physique. il s’agissait de faire le vide, et comme s’il n’y avait jamais eu d’Indiens, sauf dans des ghettos qui en feraient autant d’immigrés du dedans. A beaucoup d’égards, les Palestiniens sont les nouveaux Indiens, les Indiens d’Israël. L’analyse marxiste indique les deux mouvements complémentaires du capitalisme : s’imposer constamment des limites, à l’intérieur desquelles il aménage et exploite son propre système ; repousser toujours plus loin ces limites, les dépasser pour recommencer en plus grand ou en plus intense sa propre fondation. Repousser les limites, c’était l’acte du capitalisme américain, du rêve américain, repris par Israël et le rêve du Grand Israël sur territoire arabe, sur le dos des Arabes."

  • La grammaire intérieure du jet de pierre

    « Lancer des pierres est un droit et un devoir de naissance pour qui se trouve sous domination étrangère. Lancer des pierres, essentiellement, est une métaphore de la résistance. La poursuite des lanceur de pierres, qui comprend l’arrestation de gamins de huit ans, fait inséparablement partie, même si ce n’est pas toujours écrit, de la description du rôle des représentants de la domination étrangère – non moins que les tirs, les tortures pendant les interrogatoires, la spoliation des terres, les entraves à la liberté de mouvement et même la distribution de l’eau. La violence de soldats âgés de dix-neuf ans, de commandants âgés de quarante-cinq ou de bureaucrates et de juristes, cette violence est réelle. Ils sont enrôlés pour défendre les fruits d’une violence impliquée par le fait même de la domination étrangère – ressources, bénéfices, privilèges, jouissance de la force.

    La résistance et le fait de se tenir debout (soumoud) face à la violence physique et surtout institutionnelle : c’est la phrase fondamentale de la grammaire intérieure de la vie palestinienne dans ce pays. Jour après jour, heure après heure, instant après instant. Sans répit, sans trève. Et, malheureusement, non seulement en Cisjordanie (y compris Jérusalem-Est) et dans la bande de Gaza, mais aussi dans les frontières de la souveraineté israélienne (avec quelques différences dans les modes de violence et de résistance). Mais des deux côtés de la Ligne verte s’entassent des couches sédimentaires de suffocation, de souffrance, d’amertume, d’angoisse, de colère et d’interrogation : comment les Israéliens peuvent-ils être aveugles au point de croire que leur violence pourra durer toujours ? »

    #Amira_Hass

    http://bougnoulosophe.blogspot.be/2013/04/la-grammaire-interieure-du-jet-de-pierre.html

    http://www.maannews.net/eng/ViewDetails.aspx?ID=679643

    #Palestine
    #féminisme
    #Empowerment

  • De la "colonisation discursive"

    « C’est par la production de cette "différence du tiers-monde" que les féminismes occidentaux s’approprient et "colonisent" les complexités et les conflits fondamentaux qui caractérisent les vies des femmes de classes, de religions, de cultures, de races et de castes différences dans ces pays.... » (#Chandra_Mohanty).

    #feminisme

  • Une carte de géographie parodique, la bouse du jour qui buzze sur Internet

    http://www.20min.ch/ro/news/insolite/story/Une-carte-de-geo-parodique-choque-15592526#

    Cette « oeuvre » signalée par un copain que je ne dénoncerai pas ici :)

    Vous me permettez, une fois n’est pas coutume, un immense coup de gueule. Je sais pas pourquoi mais je suis très en colère (je devais déjà être de mauvais poil) et je n’ai envie que d’une chose, trouver les coordonnées géographiques de cet « artiste » pour lui balancer un Scud B dans la gueule. Sébastien Laurent, donc. Qui a créé une oeuvre qu’il intitule « l’Europe vue d’en bas ». Et en effet, c’est très très vue d’en bas. Il semble que l’éditeur de la carte et l’artiste aient voulu créer une oeuvre provocatrice et faire apparaître ce qu’étaient vraiment des idées reçues « attérantes » du petit peuple européen. Et les deux se plaignent que la carte ait été publiée hors-contexte. Soit.

    Mais était-ce vraiment bien nécessaire de la publier anyway ?

    Ça fait un ou deux ans maintenant que je vois passer ces cartes parodiques, et je dois vous avouer que je les déteste. Vraiment, à mort. Je ne sais pas pourquoi, j’ai du mal à expliquer. On va peut-être me dire que je manque d’humour, mais je ne les trouve pas drôle du tout. Sans intérêt, elles véhiculent souvent des idées et des principes contre lesquelles je me bats. A une ou deux exceptions près, quand on est face à un humour plus subtil, généreux ou bienveillant.

    On a déjà tellement de mal à sortir des clichés, à proposer aux lecteurs de nos textes, aux utilisateurs de nos cartes de sortir de ces clichés, des idées reçues, des poncifs parfois nauséabonds (et la richesse des débats en cours sur seenthis le montre presque tous les jours). Et ces putains de cartes dites satiriques nous y précipitent à nouveau. A chaque fois j’ai l’impression de tomber dans un gouffre sans fond, même quand ces cartes sont placées dans leur « contexte » (and only god knows what it means really)

    L’article dit que la carte choque. Mais pour choquer, il faudrait qu’elle ait un sens ! Et ce festival de profonde débilité n’a aucun sens et je suis certain que ce qui se lit sur cette « carte » ne représente même pas les idées reçues (aussi connes soient-elle) d’un petit peuple « européen » si tant est qu’il existe. A ce niveau, ce n’est même plus du mauvais goût, c’est de l’irresponsabilité.

    C’est une « maladresse » dit l’article : en effet, pour être maladroit...

    On appréciera particulièrement l’Estonie avec ses « putes des bouffeurs de rennes » en référence à la Finlande qui bouffe des rennes. Donc, l’Estonie est le réservoir à putes des finlandais ? très drôle. et la Lettonie avec Riga et ses « putes en soldes ». Là aussi vraiment hilarant. Et en Russie, près de la frontière avec la Biélorussie, « encore des putes ». Et les Karakalpaks d’Ouzbékistan trouveront certainement très rigolo d’être transformés en enculeurs de chèvres. Quel humour subtil. Mais mon petit Sébastien, as-tu un petit problème avec ta bite ? faut te soigner.

    Je passe sur les jaunes (en Chine) et les fours à juifs (en Pologne) ça me déprime trop. Minable.

    « Une carte de géo parodique choque »

    https://dl.dropbox.com/s/t294m9sopxl8mf0/minable.png

    Un artiste belge a réalisé une carte de géographie qui fait polémique à la suite de sa publication sur un site pour enseignants. En lieu et place des noms de pays, une série de clichés qui ne plaisent pas à tous.

    • Un coup de gueule salutaire @reka Il y aussi le côté #classiste par le fait d’imputer ces idées au « petit peuple européen » comme si le « haut peuple d’Europe » ne pouvait pas être raciste, xénophobe et misogyne comme si c’était la caractéristique du prolétariat. Ça permet à « l’artiste » de se dédouané à bon compte. Lui ne penserait pas comme ça, lui il est un gensbien pas comme les petits peuples qui pensent ces trucs sur les Estoniennes.

    • "Je voudrais proposer quelques réflexions autour de la notion de « racisme d’Etat » mise à l’ordre du jour de notre réunion. Ces réflexions s’opposent à une interprétation très répandue des mesures récemment prises par notre gouvernement, depuis la loi sur le voile jusqu’aux expulsions de roms. Cette interprétation y voit une attitude opportuniste visant à exploiter les thèmes racistes et xénophobes à des fins électoralistes. Cette prétendue critique reconduit ainsi la présupposition qui fait du racisme une passion populaire, la réaction apeurée et irrationnelle de couches rétrogrades de la population, incapables de s’adapter au nouveau monde mobile et cosmopolite. L’Etat est accusé de manquer à son principe en se montrant complaisant à l’égard de ces populations. Mais il est par là conforté dans sa position de représentant de la rationalité face à l’irrationalité populaire..."(#Rancière) http://bougnoulosophe.blogspot.be/2010/09/le-racisme-populaire-nest-quun-mythe.html

    • ca me fait pensé à l’idée habituel que ce sont les ouvrier·e·s qui voteraient FN. Et que la monté du FN (averée ou fictive) serait seulement imputable aux prolétaires et bien sur jamais aux bourgeois et encore moins aux politiciens ou à la presse des dassault-lagardères et compagnie.
      sinon pour la carte ca peu être l’occasion d’un nouveau tag #mauvaise_cartographie

    • @mad_meg je suis d’accord avec tes deux réflexions (deux messages) qui en effet, rappelle que cette immonde brutalité n’est bien entendu pas l’apanage de ce que ceux du "haut appelle « le bas ».

      Pour le tag, je crois que cette grosse merde ne mérite pas le terme « cartographie » et dire qu’une carte est « mauvaise » ou « bonne » est aussi un exercice très subjectif et difficile (c’est toute une autre histoire dont on pourrait aussi débattre d’ailleurs). Ici, je pense que le tag le plus approprié est #grosse_merde ou #profonde_débilité

    • Réaction de l’éditeur de la carte qui essaye de la défendre sur le site enseignons.be (mais les arguments sont tragiques) :

      Merci de défendre une certaine forme d’humour, risquée en ces temps frileux - Enseignement : cours de profs pour enseignants & parents

      http://www.enseignons.be/actualites/2014/02/27/merci-de-defendre-certaine-forme-dhumour-risquee-en-ces-temps-frileux

      A mon sens, sa qualité est de confronter la discipline qui prétend à la plus grande objectivation du monde (à savoir la cartographie) à la pire subjectivation possible dont nous sommes capables à l’endroit de nos semblables (celle des clichés les plus féroces que nous avons les uns sur les autres en Europe). C’est la force de cette carte que de réunir ainsi les pensées et les représentations les plus caustiques, méchantes, idiotes, sarcastiques, inavouables ou inavouées – et si l’ensemble est efficace, cela tient précisément à leur rassemblement en vrac et à leur localisation subjective sur cet objet « carte » qui, par excellence, est sensé proposer la représentation la plus neutre et la plus objective qui soit de notre monde. Qui d’entre nous ne s’est pas reconnu dans l’une ou l’autre des identifications à la louche qui inondent cette carte de l’Europe revisitée sans ménagement par l’artiste, à l’aune de nos représentations les plus misérables et les plus refoulées ? Tout le monde y prend pour son grade.

      Le second, sinon le troisième degré, peut pourtant déclencher bien des réflexions sur notre propre bêtise ; je ne doute pas, notamment pour l’avoir confrontée à des adolescents et avoir pu en parler avec eux, que cette carte fasse mouche, précisément là où ça fait mal – à l’endroit de notre inconscient, sous le vernis satiné de nos bons sentiments. Les belles âmes peuvent bien draper leur indignation dans la dentelle de la morale et de ses innombrables ritournelles contemporaines : elles sont sans doute les premières concernées par ce miroir déformant de notre marais intérieur.

    • désolé pour le blasphème cartographique @reka ^^
      C’etait un tag qui me fait pensé à celui sur le #bad_market qu’on avait fait pour identifié le marketing nocif avec beaucoup d’exemple de marketing genré de manière absurde. On peu discuter du fait que ca sous entend qu’il y a du marketing pas nocif ^^
      Là c’est vrai que c’est plutôt une carte de la connerie xénophobe. Peut être que #carte_nocives ou #evil_cartography serait plus adapté et encore si on a besoin de tels tags, ca se discute tout à fait.

      A part ca c’est tout de même assez commun ces « cartes » j’en ai vu pas mal en anglais sur des sites de type 9gag. Je ne sais pas si ce Sébastien se croi original, mais son « idée » en plus d’être stupide est très vue et revue (c’est déplorable).

  • De l’alliance judéo-noire

    "Il existe, sur le rapport entre racisme et antisémitisme, un vaste débat : les uns ont vu dans les génocides coloniaux le paradigme de l’Holocauste, les autres ont souligné la différence entre le pillage d’un continent et l’extermination conçue comme une fin en soi, comme un « massacre ontologique ». Pour Fanon, qui défend une vision sartrienne du juif et du Noir comme images négatives fabriquées par l’antisémite et le raciste, reste néanmoins un clivage lié à la couleur. L’antisémite et le raciste peuvent pareillement biologiser le juif et le Noir, en les renvoyant à des essences, mais le juif peut essayer de pénétrer le monde des gentils par l’assimilation alors que le Noir ne peut pas échapper à sa couleur. C’est pourquoi, selon Fanon, « le nègre représente le danger biologique ; le juif, le danger intellectuel » (Fanon). Et c’est pourquoi la « color-line » a joué un rôle si important dans les relations judéo-noires. Nicole Lapierre a analysé le phénomène de la « mimesis noire », rendue célèbre dans la culture de masse par The Jazz Singer, le premier film parlant réalisé en 1927 par Alan Crosland, produit par les frères Warner et interprété par Al Jolson (AsaJoelsen, d’origine judéo-lituanienne). Ce film s’inscrit dans la tradition du Minstrel, un spectacle extrêmement populaire au tournant du XXe siècle mettant en scène des Blancs qui, déguisés en Noirs, se produisaient dans un répertoire de musique et de danse nègres. Très prisé par les acteurs juifs depuis la fin du XIXe siècle, ce genre comique a été interprété tantôt comme l’expression d’une adhésion aux stéréotypes racistes de l’époque, tantôt comme le révélateur d’une solidarité judéo-noire fondée sur l’identification d’une minorité opprimée à une autre. Le blackface, suggère Nicole Lapierre, a favorisé l’américanisation des migrants juifs qui, « en noircissant, se faisaient plus blancs » (Lapierre). Lorsqu’ils étaient encore victimes de discriminations, les Minstrels les aidaient à se situer du bon côté de la « color-line », parmi les Blancs. Ce procédé mimétique consistant à se mettre dans la peau de l’ Autre est à l’origine des transferts culturels judéo-noirs du XXe siècle (qui poursuivront ensuite d’autres buts et d’autres stratégies).

    C’est par un effort emphatique poussant ses acteurs à franchir la « ligne de couleur » que la Negro-Jewish Alliance a pu voir Je jour. Par le déplacement qu’elle implique, cette empathie rend possible une remise en cause de soi-même tout à fait fructueuse. C’est un détour par lequel des juifs et des Noirs ont élargi leurs horizons, en inscrivant leur réflexion et leur combat dans une perspective plus large, en découvrant des affinités et en nouant des alliances. En 1949, la visite des ruines du ghetto de Varsovie avait aidé l’historien afro-américain W.E.B. Du Bois à comprendre que le racisme ne se réduisait pas à la « color-line » , donc à « sortir d’un certain provincialisme vers une conception plus large des manières dont la lutte contre la ségrégation raciale, contre la discrimination religieuse et l’oppression des pauvres devait évoluer » (Du Bois).

    La « ligne de couleur » renvoie donc à une question historique plus large qui est au cœur du combat de Frantz Fanon, tout en restant absente ou cachée dans ses réflexions sur l’antisémitisme : la question coloniale. Les juifs ont été, pendant des siècles, le paradigme de l’altérité au sein du monde occidental, au cœur de l’Europe et de sa culture, en devenant un marqueur négatif dans le processus de construction des identités nationales ; les colonisés ont été le paradigme d’une altérité située en dehors de la « civilisation, une altérité dont l’Europe avait besoin afin de légitimer sa domination et de dessiner son autoportrait de culture et de race supérieures. Ces deux paradigmes ont été complémentaires mais ils étaient dissociables. Les juifs émancipés pouvaient s’assimiler et franchir la « ligne de couleur ». Ainsi, Cesare Lombroso pouvait apporter sa contribution aux doctrines du racisme fin-de-siècle, dans un ouvrage intitulé L’Homme blanc et l’Homme de couleur (Lombroso, 1892), et Theodor Herzl, quelques années plus tard, mettre en avant les bienfaits du sionisme en Palestine : « Pour l’Europe, nous constituerions là-bas un avant-poste contre l’Asie, nous serions l’avant-garde de la civilisation contre la barbarie » (Herzl).

    L’adhésion des juifs au racisme rencontrait l’obstacle puissant de l’antisémitisme qui, en dépit de leur culture et de leurs choix, les renvoyait dans le camp des dominés ou les faisait apparaître comme des intrus dans le camp dominant. Cela avait créé les conditions d’une rencontre entre les juifs et les colonisés, dans une sorte d’osmose d’antifascisme et d’anticolonialisme. Pendant la guerre d’Algérie, en faisant écho à La Question d’Henri Alleg, Jean Améry voyait dans la torture plutôt que dans les chambres à gaz l’essence du nazisme, et le photographe Adolfo Kaminsky expliquait pourquoi il s’était mis à fabriquer des faux papiers pour les militants du FLN : la chasse aux Algériens et les contrôles au faciès dans les rues de Paris étaient intolérables pour un homme qui, seulement quelques années plus tôt, avait connu les mêmes pratiques mises en œuvre par la Gestapo contre les juifs."

    Enzo Traverso

    http://bougnoulosophe.blogspot.be/2014/01/de-lalliance-judeo-noire.html

  • Du privilège invisible

    « Les spécialistes de la whiteness montrent en fait que c’est bien le premier privilège des “Blancs” que de ne pas avoir à penser la race. La whiteness est ainsi un “marqueur non-marqué” ( unmarked marker ), c’est-à-dire une référence implicite, universelle, indéfinie, une norme contre laquelle se définit la différence (tout comme la norme est le masculin). Suivant une sorte de cercle vicieux, cette appropriation de l’universel permet de masquer les “privilèges” dont bénéficient les Blancs et elle contribue dans le même temps à les renforcer. La whiteness, malgré son omniprésence dans la vie des personnes (qu’elles soient blanches ou non), est rendue invisible et elle est construite comme signe de la normalité. »

    http://bougnoulosophe.blogspot.be/2014/01/xenophobie-et-blanchite-en-france-dans.html#links

    • Lire par exemple : Out of Whiteness, de Vron Ware & Les Back
      http://press.uchicago.edu/ucp/books/book/chicago/O/bo3641103.html

      What happens when people in societies stratified by race refuse to accept the privileges inherent in whiteness? What difference does it make when whites act in a manner that contradicts their designated racial identity? Out of Whiteness considers these questions and argues passionately for an imaginative and radical politics against all forms of racism.

      Vron Ware and Les Back look at key points in recent American and British culture where the “color line” has been blurred. Through probing accounts of racial masquerades in popular literature, the growth of the white power music scene on the Internet, the meteoric rise of big band jazz during the Second World War, and the pivotal role of white session players in crafting rhythm and blues classics by black artists, Ware and Back upset the idea of race as a symbol of inherent human attributes. Their book gives us a timely reckoning of the forces that continue to make people “white,” and reveals to us the polyglot potential of identities and cultures.

  • Les conséquences du succès sioniste pour le « problème juif »

    L’attitude sioniste consiste aussi à faire l’apologie du succès du mouvement en montrant ses conséquences bienfaisantes pour la situation des Juifs dans leur ensemble.

    Certaines de ces conséquences sont indéniables. Les succès économiques et militaires israéliens tendent à faire disparaître l’image traditionnelle du Juif comme être malingre, incapable d’effort physique et de vigueur constructive, rejeté par là vers un intellectualisme désincarné ou des activités sournoises, interlopes, malfaisantes.

    L’amélioration de leur image tend à liquider certaines angoisses, certains complexes des Juifs. Sur un plan plus concret, l’État d’Israël offre un refuge sûr (sauf en cas d’une concrétisation plus poussée de l’inimitié arabe) pour les Juifs persécutés ou brimés.

    Cependant, ces conséquences ne sont pas les seules. Le mouvement sioniste, créé par une poignée de Juifs et n’en ayant mobilisé qu’une minorité, a forcé, à partir d’un certain seuil, l’ensemble des Juifs à se déterminer par rapport à lui. La création de l’État d’Israël les a contraints à prendre parti, volens nolens, sur des problèmes de politique internationale moyen-orientale qui normalement les auraient peu intéressés. Les dangers qu’ont courus ou qu’ont cru courir les Juifs de Palestine les ont orientés, en grande partie, vers un sentiment de solidarité que les autorités sionistes et israéliennes se sont attachées à élargir et à utiliser. La propagande sioniste, dès le début, leur avait d’ailleurs présenté l’option sioniste comme un devoir, comme l’aboutissement normal de tendances latentes chez tout Juif. Israël, en maintes occasions, se proclame leur représentant. Dès lors, l’ensemble des Juifs a tendu à paraître aux yeux des autres comme un groupe de type national, ce qui semblait confirmer la dénonciation traditionnelle des antisémites.

    Cela a eu de graves inconvénients, en premier lieu pour les Juifs des pays arabes, auparavant communauté religieuse de langue arabe parmi d’autres, méprisée et brimée dans les pays les plus retardataires, mais sans graves problèmes, par exemple, dans les pays de l’Orient arabe. Dans l’atmosphère de la lutte israélo-arabe, il était inévitable qu’on les soupçonnât de complicité avec l’ennemi, et la plupart ont dû quitter leur pays. De même, cela a fait naître des soupçons à l’égard des ressortissants juifs des États communistes qui avaient pris une position vigoureuse en faveur des Arabes. Ces soupçons nouveaux ont été utilisés par certains politiciens, tout comme les restes vivaces de l’antisémitisme populaire, dans des buts de politique intérieure et ont abouti, en Pologne, à un véritable regain antisémitisme organisé.

    En dehors même de ces cas, dans les pays où le « problème juif » était en voie de liquidation, l’identité juive a été maintenue pour beaucoup de Juifs qui ne le désiraient nullement : ceux qui jugeaient qu’une ascendance plus ou moins commune, des vestiges culturels très souvent fort minces et en voie de dépérissement, surtout une situation commune à l’égard des attaques antisémites et des efforts de séduction du sionisme (les unes en décroissance pour le moins et les autres souvent repoussées) ne justifiaient pas l’adhésion à une communauté spécifique de type ethnico-national. Les conséquences du succès d’Israël entravaient ainsi fortement les efforts d’assimilation en voie de réussite globale.

    Pour les Juifs même, en nombre réduit, qui, dans ces pays, étaient attachés au judaïsme religieux et à lui seul, et désiraient une assimilation sur tous les autres plans, cette situation aboutissait à donner une coloration nationale à leur option communautaire ou existentielle. Cela d’autant plus que le succès d’Israël revivifiait tous les éléments ethniques de la vieille religion juive, écartant celle-ci des tendances universalistes, elles aussi vivaces depuis l’époque des prophètes. Le judaïsme religieux, longtemps opposé au sionisme, s’y était rallié peu à peu.

    Éléments de jugement éthique

    L’ensemble de ces éléments de fait ne saurait suffire à asseoir un jugement éthique qui implique forcément aussi une référence à des valeurs choisies. Le sionisme est un cas très particulier de nationalisme. Si une critique de type purement nationaliste est désarmée devant lui, par contre une critique universaliste est intellectuellement plus fondée. Par définition, elle ne peut se borner à mettre en balance les avantages et les inconvénients du sionisme pour les Juifs. Elle soulignerait surtout, en dehors des conséquences générales de la définition nationaliste de l’ensemble juif, le tort considérable fait au monde arabe par le projet réalisé du sionisme politique centré sur la Palestine : aliénation d’un territoire arabe, cycle de conséquences conduisant à la subordination et à l’expulsion d’une partie très importante de la population palestinienne (on voit mal comment le projet sioniste aurait pu réussir autrement), à une lutte nationale détournant beaucoup d’énergies et de ressources du monde arabe de tâches plus constructives, ce qui paraît avoir été inévitable à une époque de nationalismes exacerbés et de lutte violente contre toute espèce d’entreprise coloniale.

    Une critique des méthodes du sionisme est inopérante et insuffisante en elle-même. L’analyse objective ne peut que renvoyer dos à dos l’idéalisation intempérante du mouvement par les sionistes et leurs sympathisants et la « diabolisation » non moins forcenée à laquelle se livrent souvent leurs adversaires. Le mouvement sioniste, divisé en nombreuses branches divergentes, a les caractéristiques normales de tout mouvement idéologique de ce type. Elles évoquent souvent celles, notamment, du communisme. Les organisations sionistes ont employé les méthodes habituelles, certains groupes et certains hommes agissant avec plus de scrupules que d’autres pour atteindre leurs visées. On peut trouver des cas d’abnégation et d’exploitation personnelle de l’idéologie, des exemples de brutalité et d’humanité, des cas de totalitarisme entièrement axé sur l’efficacité et d’autres où les facteurs humains ont été pris en ligne de compte.

    Naturellement, toute critique universaliste du nationalisme en général vise aussi le sionisme. On y retrouve toutes les caractéristiques déplaisantes du nationalisme et d’abord le mépris du droit des autres, déclaré et cynique chez les uns, masqué chez les autres, souvent transfiguré par l’idéologie et rendu ainsi inconscient chez beaucoup, déguisé à leurs propres yeux sous des justifications morales secondaires.

    Maxime Rodinson

    http://bougnoulosophe.blogspot.be/2010/11/quest-ce-que-le-sionisme.html

  • Notes sur la « question des immigrés » (Guy Debord)

    "Faut-il donc les assimiler ou « respecter les diversités culturelles » ? Inepte faux choix. Nous ne pouvons plus assimiler personne : ni la jeunesse, ni les travailleurs français, ni même les provinciaux ou vieilles minorités ethniques (Corses, Bretons, etc.) car Paris, ville détruite, a perdu son rôle historique qui était de faire des Français. Qu’est-ce qu’un centralisme sans capitale ? Le camp de concentration n’a créé aucun Allemand parmi les Européens déportés. La diffusion du spectacle concentré ne peut uniformiser que des spectateurs. On se gargarise, en langage simplement publicitaire, de la riche expression de « diversités culturelles ». Quelles cultures ? Il n’y en a plus. Ni chrétienne ni musulmane ; ni socialiste ni scientiste. Ne parlez pas des absents. Il n’y a plus, à regarder un seul instant la vérité et l’évidence, que la dégradation spectaculaire-mondiale (américaine) de toute culture.

    Ce n’est surtout pas en votant que l’on s’assimile. Démonstration historique que le vote n’est rien, même pour les Français, qui sont électeurs et ne sont plus rien (1 parti = 1 autre parti ; un engagement électoral = son contraire ; et plus récemment un programme — dont tous savent bien qu’il ne sera pas tenu — a d’ailleurs enfin cessé d’être décevant, depuis qu’il n’envisage jamais plus aucun problème important. Qui a voté sur la disparition du pain ?). On avouait récemment ce chiffre révélateur (et sans doute manipulé en baisse) : 25 % des « citoyens » de la tranche d’âge 18-25 ans ne sont pas inscrits sur les listes électorales, par simple dégoût. Les abstentionnistes sont d’autres, qui s’y ajoutent.

    Certains mettent en avant le critère de « parler français ». Risible. Les Français actuels le parlent-ils ? Est-ce du français que parlent les analphabètes d’aujourd’hui, ou Fabius (« Bonjour les dégâts ! ») ou Françoise Castro (« Ça t’habite ou ça t’effleure ? »), ou B.-H. Lévy ? Ne va-t-on pas clairement, même s’il n’y avait aucun immigré, vers la perte de tout langage articulé et de tout raisonnement ? Quelles chansons écoute la jeunesse présente ? Quelles sectes infiniment plus ridicules que l’islam ou le catholicisme ont conquis facilement une emprise sur une certaine fraction des idiots instruits contemporains (Moon, etc.) ? Sans faire mention des autistes ou débiles profonds que de telles sectes ne recrutent pas parce qu’il n’y a pas d’intérêt économique dans l’exploitation de ce bétail ; on le laisse donc en charge aux pouvoirs publics.

    Nous nous sommes faits américains. Il est normal que nous trouvions ici tous les misérables problèmes des U.S.A., de la drogue à la Mafia, du fast-food à la prolifération des ethnies. Par exemple, l’Italie et l’Espagne, américanisées en surface et même à une assez grande profondeur, ne sont pas mélangées ethniquement. En ce sens, elles restent plus largement européennes (comme l’Algérie est nord-africaine). Nous avons ici les ennuis de l’Amérique sans en avoir la force. Il n’est pas sûr que le melting-pot américain fonctionne encore longtemps (par exemple avec les Chicanos qui ont une autre langue). Mais il est tout à fait sûr qu’il ne peut pas un moment fonctionner ici. Parce que c’est aux U.S.A. qu’est le centre de la fabrication du mode de vie actuel, le cœur du spectacle qui étend ses pulsations jusqu’à Moscou ou à Pékin ; et qui en tout cas ne peut laisser aucune indépendance à ses sous-traitants locaux (la compréhension de ceci montre malheureusement un assujettissement beaucoup moins superficiel que celui que voudraient détruire ou modérer les critiques habituels de « l’impérialisme »). Ici, nous ne sommes plus rien : des colonisés qui n’ont pas su se révolter, les béni-oui-oui de l’aliénation spectaculaire. Quelle prétention, envisageant la proliférante présence des immigrés de toutes couleurs, retrouvons-nous tout à coup en France, comme si l’on nous volait quelque chose qui serait encore à nous ? Et quoi donc ? Que croyons-nous, ou plutôt que faisons-nous encore semblant de croire ? C’est une fierté pour leurs rares jours de fête, quand les purs esclaves s’indignent que des métèques menacent leur indépendance ! "

    Guy Debord

    http://bougnoulosophe.blogspot.be/2009/11/la-version-debordienne-de-lidentite.html

  • La femme musulmane

    "Quelles images avons-nous, aux États-Unis ou en Europe, des femmes musulmanes, ou des femmes de la région connue sous le nom de Moyen-Orient ? Nos vies sont saturées d’images, et ces images sont étrangement limitées à un nombre très restreint de figures ou de thèmes : la femme musulmane opprimée ; la femme musulmane voilée ; la femme musulmane qui ne jouit pas des mêmes libertés que nous ; la femme régie par sa religion ; la femme régie par ses hommes.

    Ces images ont une longue histoire dans l’Occident, mais elles sont devenues particulièrement visibles et omniprésentes depuis le 11 septembre. Beaucoup de femmes se sont mobilisées aux États-Unis autour de la cause des femmes afghanes opprimées par les talibans fondamentalistes – ces femmes étant représentées par les médias comme recouvertes de la tête aux pieds par leur burqa, sans la possibilité ni d’aller à l’école ni de porter du vernis à ongles. Un gouvernement – celui de George W. Bush – se servit ensuite de l’oppression de ces femmes musulmanes pour légitimer moralement l’invasion militaire de l’Afghanistan. Ces images de femmes opprimées et voilées furent utilisées pour susciter le soutien de l’intervention. Je voudrais, ici, défendre l’idée que, outre les indicibles horreurs, les bouleversements et la violence dont ces interventions américaines ont accablé les vies des femmes musulmanes en Afghanistan et en Irak, l’utilisation de ces images a aussi été néfaste pour nous, dans les pays occidentaux où elles circulent, en ce qu’elles tendent à étouffer notre capacité à apprécier la complexité et la diversité des vies des femmes musulmanes, à les considérer comme des êtres humains.

    Comme l’avait noté Edward Said dans son célèbre ouvrage, L’Orientalisme , une étude critique novatrice de la relation entre les études occidentales sur le Moyen-Orient et le monde musulman et les projets plus généraux de domination et de colonisation de ces régions, l’une des caractéristiques les plus distinctives des représentations, tant littéraires qu’universitaires, de l’« Orient » musulman est leur nature citationnelle. Par là, il entendait que les travaux plus récents asseyaient leur autorité en se référant à des travaux antérieurs, chacun citant les précédents en une chaîne infinie qui s’affranchissait de tout ancrage dans l’actualité de l’Orient musulman. C’est ce que nous constatons encore aujourd’hui dans les représentations visuelles de la femme musulmane."

    http://bougnoulosophe.blogspot.be/2013/12/la-femme-musulmane-le-pouvoir-des.html#links

    Lila Abu-Lughod

    #Feminisme
    #islam

  • Les fossoyeurs de l’antiracisme

    "A la fin des années ’70, une victoire majeure a été obtenue sur le champ des idées. Elle n’a pas été saluée à sa juste valeur. Comme le monde est oublieux. Elle concerne le racisme et son invention. Et c’est à la Nouvelle Droite (et tout particulièrement au GRECE) qu’on la doit.

    Une Nouvelle Droite allée à l’Ecole de Lévi-Strauss. Une victoire lourde de sens et de conséquence. Mais en quoi consistait-elle ? En une « transmutation » et en un art consommé du détournement et de l’inversion. Alain de Benoist et ses amis avaient réalisé un coup de maître en remplaçant habilement le racisme biologique et inégalitaire (grevé par l’aventure génocidaire nazie) par un racisme culturel et se voulant non-hiérarchique (appelé aussi racisme différentialiste ou racisme sans race).

    Cela nécessitait pour ce faire de s’accaparer et de retourner deux notions clé : le « droit à la différence » et le « relativisme culturel ». Notions qui, malgré leur ambiguïté, avaient été à l’origine des conquêtes remportées de haute lutte sur le discours de la « mission civilisatrice » du temps béni des colonies. Et cette trouvaille avait de l’avenir. Puisqu’elle devint la doxa d’aujourd’hui.

    Le génie de la démarche, à l’évidente ironie, résidait dans le fait qu’elle singeait au plus près l’antiracisme (traditionnel) qui se voulait une réponse au racisme biologique. Et par un jeu de renversement et de symétrie, elle y instalait la confusion.
    Depuis Lévi-Strauss, on distingue un racisme de type universaliste, fondé sur un déni d’identité, et un (néo)racisme de type différentialiste, fondé sur un déni d’humanité ; le premier est dit « hétérophobe » tandis que le second est défini comme « hétérophile »(1).

    L’ironie pouvait se poursuivre, puisque la réplique qu’on trouva à ce nouveau racisme différentialiste n’était autre que l’universalisme, dans sa version nationale républicaine. C’est-à-dire l’autre forme de racisme, celui par le déni d’identité.
    Trois ouvrages ont ponctué et popularisé les « moments » clé de ce passage paradoxal. « La force du préjugé. Essai sur le racisme et ses doubles. » de Pierre-André Taguieff (le péri-situationniste passé à l’ennemi et aficionado des notes de bas de page), « La défaite de la pensée » d’Alain Finkielkraut (le philosophe contrarié et mentor de Breivik) et enfin « La France de l’intégration. Sociologie de la nation en 1990. » de Dominique Schnapper (la fille à papa qui continue la boutique).

    Trois Moments qu’on peut résumer par trois formules lapidaires : 1. la crise de l’antiracisme (Taguieff) , 2. l’antiracisme est un racisme (Finkielkraut) et 3. le salut par la République universelle (Schnapper etc.). "

    http://bougnoulosophe.blogspot.be/2011/10/les-fossoyeurs-de-lantiracisme.html

    Un exemple : http://www.polemia.com/antiracisme-identitaire-versus-antiracisme-egalitaire

  • « Au cours de longues et atroces heures de solitude, poussé aux abords de la folie, il redécouvrira l’essentiel, ce qui gît dans le silence et dans le détail. Tout lui parlera de nouveau : la fourmi qui court on ne sait où ; la graine enfouie qui meurt, puis se relève, créant l’illusion d’un jardin au milieu du béton, de la grisaille des miradors et des lourdes portes métalliques que l’on referme à grands fracas ; un bout de chose, n’importe laquelle ; le silence des mornes journées qui se ressemblent sans avoir l’air de passer ; le temps qui s’allonge interminablement ; la lenteur des jours, le froid des nuits d’hiver et le vent qui hurle de désespoir à la manière de hiboux tourmentés par on ne sait quoi ; la parole devenue si rare ; le monde à l’extérieur des murs dont on n’entend plus les murmures ; l’abîme que fut Robben Island, et les traces du pénitencier sur son visage désormais sculpté par la douleur, dans ces yeux flétris par la lumière du soleil se réfractant sur le quartz, dans ces larmes qui n’en sont point, la poussière de linceul sur ce visage transformé en spectre fantomatique et dans ses poumons, sur ses orteils et cette enveloppe clocharde qui lui sert de chaussures, mais, par dessus tout, ce sourire joyeux et éclatant, cette position altière, droit, debout, le poing fermé, prêt à embrasser de nouveau le monde et à faire souffler la tempête.

    Dépouillé de presque tout, il luttera pied à pied pour ne point céder le reste d’humanité que ses geôliers veulent à tout prix lui arracher et brandir comme l’ultime trophée. Réduit à vivre avec presque rien, dépouillé de presque tout, il apprend à tout épargner, mais aussi à cultiver un profond détachement par rapport aux choses de la vie profane.

    Jusqu’au point où, prisonnier de fait, confiné entre deux murs et demi, il n’est cependant l’esclave de personne. Nègre d’os et de chair, Mandela aura donc vécu à proximité du désastre. Il aura pénétré dans la nuit de la vie, au plus près des ténèbres, en quête d’une idée somme toute simple, comment vivre libre de la race et de la domination du même nom.

    Ses choix l’auront conduit au bord du précipice. Il aura fasciné le monde parce qu’il sera revenu vivant du pays de l’ombre, force jaillissante au soir d’un siècle vieillissant et qui ne sait plus rêver. »

    Achille Mbembe

    http://bougnoulosophe.blogspot.be/2013/12/nelson-mandela-ou-le-nuage-de-gloire.html

  • When You Kill Ten Million Africans You Aren’t Called ‘#Hitler’

    Take a look at this picture. Do you know who it is?

    Most people haven’t heard of him.

    But you should have. When you see his face or hear his name you should get as sick in your stomach as when you read about Mussolini or Hitler or see one of their pictures. You see, he killed over 10 million people in the Congo.

    His name is King Leopold II of Belgium.

    http://www.walkingbutterfly.com/2010/12/22/when-you-kill-ten-million-africans-you-arent-called-hitler

    #Belgique #colonialisme #Afrique #Lépold_II #roi #Congo

  • Logique de l’enclos

    http://vimeo.com/80196474

    "Historiquement, la race a toujours été une forme plus ou moins codée de découpage et d’organisation des multiplicités, de leur fixation et de leur distribution le long d’une hiérarchie et de leur répartition au sein d’espaces plus ou moins étanches - là logique de l’enclos. Tel était le cas sous les régimes de la ségrégation. À l’âge de la sécurité, peu importe qu’elle soit volontiers déclinée sous le signe de « la religion » ou de « la culture ». La race est ce qui permet d’identifier et de définir des groupes de populations en tant qu’elles seraient, chacune, porteuses de risques différentiels et plus ou moins aléatoires." (Achille #Mbembe)

    http://bougnoulosophe.blogspot.be/2013/11/la-logique-de-lenclos.html

    #Enclos
    #Race
    #Racisme

    • Et ça ne fonctionne pas seulement dans le sens de l’oppresseur vers l’opprimé : hier Gare de l’Est avec mes cinq filles diversement chocolatées, je croise une Africaine qui nous lance « arrêtez de faire des bâtards » avant de se lancer dans un monologue sur la pureté raciale... Bon - je ne suis pas certain qu’elle était super équilibrée, mais c’est un exemple qui me semble montrer que la racialisation comme remède à la sensation de perte de repères sociaux n’existe pas seulement chez le « petit blanc ».

    • J’ai vu dans la rue à Courbevoie un garçon noir d’environ 11 ans qui insultait son père, noir lui aussi, à cause de la couleur de sa peau. C’était très violent, le père ne disait rien.

    • "Et ça ne fonctionne pas seulement dans le sens de l’oppresseur vers l’opprimé...", qui a jamais dit ça ? "Ce processus [de racialisation] constitue de nouveaux «  sujets historiques  » des discours idéologiques – c’est-à-dire crée de nouvelles structures d’interpellation. Ce processus produit les «  sujets racistes  » naturalisés, en tant qu’ils sont les «  auteurs  » d’une forme spontanée de perception raciale. Il ne s’agit donc pas d’une fonction externe du racisme   : il n’agit pas que sur ses victimes, ceux qu’il est censé désarticuler, c’est-à-dire réduire au silence. Ceci est également important pour les sujets dominés – les «  races  » ou groupes ethniques subordonnés qui vivent leurs relations à leurs conditions réelles d’existence ainsi qu’à la domination des classes dominantes dans et à travers les représentations imaginaires de l’interpellation raciste, et qui en viennent à s’expérimenter eux-mêmes comme les inférieurs, comme les autres. " (#Stuart_Hall)

    • A ce sujet, j’ai du mal à comprendre les impacts des démarches d’affirmation identitaire : constituent-t-elles une reconquête ou une marginalisation ? J’ai l’impression que ça peut être lu dans les deux sens... Tu as des sources qui traitent de cette question ?

    • C’est une thématique assez classique, qui a souvent été utilisée (en France) pour discréditer les « minorités » en lutte... En réalité cette « affirmation identitaire » est dialectique et contradictoire, elle peut permettre d’installer une « suprématie » de l’ordre dominant comme elle peut permettre une résistance à celui-ci. Tout dépend d’où elle provient (assignation ou choix) et qu’elle en est la finalité (émancipation ou asservissement).

      Deux concepts sont utiles pour la comprendre : celui de « renversement du stigmate » d’Erving Goffman (un exemple : http://bougnoulosophe.blogspot.be/2013/11/linvention-de-lappellation-beur.html#links) et celui « d’essentialisme stratégique » de Gayatri Spivak (http://seenthis.net/messages/25116).