• http://pixhost.me/avaxhome/a7/0f/000e0fa7.jpeg

    « Cette chasse nouvelle aux sexualités périphériques entraîne une incorporation des perversions et une spécification nouvelle des individus. La sodomie - celle des anciens droits, civil ou canonique - était un type d’actes interdits ; leur auteur n’en était que le sujet juridique. L’homosexuel du XIXe siècle est devenu un personnage : un passé, une histoire et une enfance, un caractère, une forme de vie ; une morphologie aussi, avec une anatomie indiscrète et peut-être une physiologie mystérieuse. Rien de ce qu’il est au total n’échappe à sa sexualité. Partout en lui, elle est présente : sous-jacente à toutes ses conduites parce qu’elle en est le principe insidieux et indéfiniment actif ; inscrite sans pudeur sur son visage et sur son corps parce qu’elle est un secret qui se trahit toujours. Elle lui est consubstantielle, moins comme un péché d’habitude que comme une nature singulière. Il ne faut pas oublier que la catégorie psychologique, psychiatrique, médicale de l’homosexualité s’est constituée du jour où on l’a caractérisée – le fameux article de Westphal en 1870, sur les « sensations sexuelles contraires », peut valoir comme date de naissance - moins par un type de relations sexuelles que par une certaine qualité de la sensibilité sexuelle, une certaine manière d’intervertir en soi-même le masculin et le féminin. L’homosexualité est apparue comme une des figures de la sexualité lorsqu’elle a été rabattue de la pratique de la sodomie sur une sorte d’androgynie intérieure, un hermaphrodisme de l’âme. Le sodomite était un relaps, l’homosexuel est maintenant une espèce. »

    (Michel #Foucault, Histoire de la sexualité, , Tome 1 : la volonté de savoir)

    http://www.revue-ganymede.fr/pour-une-strategie-nouvelle-reflexion-sur-les-termes-homosexualite-ho

  • « Les Nègres ! [....] je n’aurai jamais du employer un tel terme. Comment essayer de définir en quelques phrases les désirs, les opinions et les qualités de quinze millions d’individus tous différents les uns des autres par leur aspect physique, leur mentalité, leur caractère, leur âme ! » L’expression « les Nègres », prise comme un collectif, lui paraissait obscène. »

    Le marronnage idéologique et solitaire contenu dans le roman n’est sans doute pas étranger à la stupeur des critiques. A mesure que Lee Gordon, l’organisateur syndical, reconnaissait son incapacité à représenter, comprendre ou résumer ses semblables, c’est l’image des noirs comme groupe homogène que Himes brûlait. Il jetait au feu les images d’Épinal au profit de l’individualité noire. Il ruinait les espoirs des futurs bergers en proclamant qu’aucun parti, aucun groupe politique ne serait le réceptacle naturel des desideratas des noir-e-s : « Suppose que les nègres préfèrent s’efforcer de devenir capitalistes. » dira Lee, mi-provocateur, mi-sincère.

    Malgré des aliénations évidentes et un potentiel de soumission énorme, sa quête de dignité fait de Lee une figure de nègre incontrôlable ; pas souvent glorieux mais définitivement en marronnage. Or l’embauche de Lee comme organisateur syndical est sous-tendue par la prophétie incantatoire qui veut que les noir-e-s, en tant que sous-classe particulièrement exploitée de la classe ouvrière, doivent y jouer un rôle d’avant-garde. Lee doit donc leur montrer la voie :

    « ‘Lee, enfonce-toi bien dans la tête que le sort du prolétariat mondial dépend de toi dès aujourd’hui. En effet, à la fin de cette guerre, il calquera son attitude sur celle des ouvriers de chez nous ; les ouvriers américains suivront l’exemple de leurs camarades californiens ; ces derniers seront plus ou moins attachés à leurs syndicats selon que nous réussirons ou non à organiser les travailleurs de la Comstock.’
    Lee faillit éclater de rire. »

    S’il est évidemment problématique que les organisations progressistes restent majoritairement blanches, Himes montre que chercher à recruter « les noirs » comme une troupe par le biais de représentant-e-s noir-e-s l’est tout autant ; Gordon ou son double maléfique Luther Mc Gregor ont trop conscience qu’on les utilise pour se laisser dissoudre, intégrer. Au fond, nous dit aussi Himes, une organisation progressiste qui reproduit naturellement en ses rangs les mêmes exclusions que le reste de la société… n’est pas vraiment progressiste. Pourquoi Lee inviterait-il alors ses sœurs et frères dans cette galère ?

    Encore une fois certaines questions résonnent d’actualité :

    « Faut-il vraiment que nous reconnaissions nos amis ? S’ils étaient vraiment nos amis, ils n’auraient pas besoin de nous le dire. »

    http://bougnoulosophe.blogspot.be/2012/08/a-propos-de-la-croisade-de-lee-gordon.html