#Xénophobie de masse
Ce qui me déplait furieusement dans l’initiative de l’#UDC sur laquelle nous voterons en février prochain, c’est déjà son titre : « contre l’#immigration_de_masse » ! Les masses... voilà un terme qui vaut son pesant de menaces et de désagréments. Certes, nous l’utilisions autrefois pour évoquer avec emphase les masses populaires et prolétariennes, appelées à nous propulser dans un monde nouveau, juste, pacifique et fraternel. Mais aujourd’hui, il évoque plutôt l’instinct grégaire que le ferment révolutionnaire. On imagine des charters qui déversent leur cargaison de touristes sur nos biotopes fragiles, ou ces paquebots monstrueux qui labourent lourdement les canaux vénitiens, au risque de balafrer les palais séculaires éclaboussés par la vague. Ou alors des masses belliqueuses, telles des hordes de barbares vociférant à nos frontières, sabre au clair, prêts à donner l’assaut.
C’est à cette image-là que l’UDC fait référence à travers l’#affiche qui accompagne son initiative. On y voit une forêt de pieds chaussés de noir, foulant le drapeau suisse, lancés en avant dans un élan inarrêtable. Parce que, oui, pour l’UDC, les masses envahissantes, ce sont les #étrangers, ceux de l’Union européenne comme ceux du vaste monde. Tous autant qu’ils soient. Tous, comme une invasion de sauterelles, comme les plaies d’Egypte, qui s’infiltrent partout, dans nos villes et nos villages, dans nos trains et sur nos routes, dans nos prairies et sur nos alpes, dans nos cuisines et nos ateliers, sur les rives de nos lacs, dans l’air que nous respirons, dans nos têtes déboussolées par le doute identitaire, dans nos cœurs rongés par la peur du manque. J’exagère ? Voyez l’argumentaire sur le site de l’UDC : vous y trouvez le recensement complet des nuisances causées par cette « #immigration_néfaste » : la #pollution, la #consommation_d’énergie, la #criminalité et j’en passe.
Tous ? A vrai dire, pas tout à fait. L’UDC se montre plus accommodante avec les riches #expatriés, moins nuisibles que les autres du fait de leur mobilité : #fortunés et bien formés, ils n’ont pas tendance à s’attarder en Suisse quand l’envie leur prend d’aller voir ailleurs. Le péril vient plutôt des 530 millions de ressortissants de l’Union européenne qui, fuyant la faillite des modèles économiques de leurs pays, importent chez nous leur #chômage et s’emploient à assécher nos assurances sociales. Voilà la calamité qui nous accable : être meilleurs en tout ! « Ces gens », comme disent les UDC, accourent comme des mouches. Pire : ils s’incrustent, par incapacité financière et professionnelle de se recycler dans un pays moins précieux que le nôtre. J’exagère à nouveau ? Lisez les propos tenus par leurs élus, par exemple Céline Amaudruz ou Christoph Mörgeli, au Conseil national en septembre dernier.
Pour contenir les masses, l’UDC fixent des objectifs contradictoires. D’un côté, elle revendique le retour au système des #contingents, ajustés strictement aux besoins de l’économie, assortis de limitations draconiennes au #regroupement_familial. De l’autre, elle exige une parfaite #intégration à notre culture (les mal intégrés ont en effet une fâcheuse tendance à devenir des criminels). Tiraillés entre un statut proche de celui de saisonnier et une injonction à l’#assimilation, les futurs migrants devraient se faire leur place dans la #précarité, l’#humilité et la #sobriété.
Sobriété ? Pour l’UDC, comme pour les membres d’#Ecopop qui se profilent juste derrière, et dont l’initiative vise le même but, il s’agit de masquer la xénophobie derrière un #leurre_écologique. Mitage du territoire ? Infrastructures de transport insuffisantes ? Logements inabordables ? Ressources énergétiques non renouvelables ? Ces problèmes sont réels, mais il ne faut pas se tromper d’ennemi. Prenez les chiffres : les #étrangers constituent le 22% de la population suisse, mais seulement le 6% des propriétaires de logements. Ce ne sont donc pas eux qui se traînent dans les bouchons entre leur résidence champêtre et leur lieu de travail. Ce ne sont pas eux non plus qui encombrent les routes avec leurs deux ou trois voitures par famille. Ce ne sont toujours pas eux qui se prélassent dans des espaces de vie d’au moins cinquante mètres carrés par personne, alors qu’il y a encore vingt ans, on se contentait chacun de trente. Mettre les étrangers à la porte, ce n’est rien d’autre que réserver aux seuls Suisses le droit de gaspiller les ressources, de bétonner le sol, d’avaler des kilomètres en avion, sans leur demander de changer quoi que ce soit à leurs habitudes, ni de se soucier des nuisances que ce train de vie engendre pour le reste du monde. Nous voulons le contraire : réduire la voilure plutôt que réduire les têtes !
Affiche UDC :
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