la série noire continue pour Areva et EDF

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  • EPR : la série noire continue pour Areva et EDF

    http://www.lemonde.fr/economie/article/2016/04/14/epr-la-serie-noire-continue-pour-areva-et-edf_4902051_3234.html

    L’EPR de Flamanville (Manche) fonctionnera-t-il un jour ? L’incertitude s’accroît autour de cette première centrale nucléaire de nouvelle génération que construisent EDF et Areva en Normandie, le plus grand investissement mené actuellement en France, tous secteurs confondus. Les malfaçons repérées sur la cuve du réacteur sont en effet plus graves qu’attendu, ont annoncé les deux groupes, mercredi 13 avril. Une mauvaise nouvelle de plus pour ce chantier qui accumule les déboires depuis son lancement en 2007.

    EDF assure que ce problème ne remet pas en cause le calendrier annoncé. Le démarrage de la centrale reste prévu au quatrième trimestre 2018. Certains craignent cependant qu’EDF ne soit obligé de renoncer à cet énorme projet, alors qu’il est déjà réalisé à plus de 80 %. D’autres le souhaitent : « Il serait irresponsable de mettre en service un équipement qui présente de telles faiblesses, estime le réseau Sortir du nucléaire. Tout plaide pour abandonner ce réacteur dangereux et inutile. » Au-delà de Flamanville, l’affaire risque de faire vaciller toute la stratégie nucléaire d’EDF, son développement en Grande-Bretagne et le sauvetage d’Areva.

    En Bourse, où l’action EDF est sortie du CAC 40 depuis décembre, le titre reculait de 1 % jeudi en début de matinée.

    « Extension du phénomène »

    En cause, la cuve du futur EPR (European Pressurized Reactor) et son couvercle. Des équipements clés, puisque c’est dans cet immense chaudron que se produit la fission des atomes qui permet de produire de l’électricité.(...)

    Au total, le nombre d’éprouvettes qui seront analysées va doubler. Les dirigeants de la filière croisent les doigts pour que ces nouveaux tests démontrent que la cuve peut être conservée en dépit des
    anomalies.

    Si tel n’est pas le cas, la centrale risque de ne jamais être mise en service. Il est en effet possible de remplacer le couvercle, mais ardu de tenter la même opération avec la cuve, qui est déjà posée et soudée à d’autres équipements majeurs. Retirer la cuve actuelle et en fabriquer une nouvelle feraient exploser tant les délais que le coût du réacteur, qui a déjà triplé et dépasse à présent 10,5 milliards d’euros.
    Dans l’immédiat, la batterie d’analyses supplémentaires va décaler d’environ six mois la décision de l’ASN sur la conformité de la cuve. Areva ne lui remettra les résultats des tests que fin 2016, au lieu de juillet comme prévu.

    Répercussions

    Le chantier de Flamanville avait été lancé pour donner du travail aux équipes d’Areva et fournir une vitrine française à l’EPR, ce réacteur présenté comme le nec plus ultra de la technologie. « Le monde entier regarde ce qui est en train de se passer à Flamanville », soulignait le PDG d’EDF, Jean-Bernard Lévy, en mai 2015. Aujourd’hui, les difficultés rencontrées dans cette ruche où s’affairent plus de 4 600 personnes risquent donc d’avoir des répercussions bien au-delà de la Normandie.

    En France, l’affaire ne peut que fragiliser davantage encore Areva, le fabricant des équipements défectueux, qui a perdu 6,9 milliards d’euros en deux ans. Le plan de sauvetage de l’ex-groupe star du nucléaire prévoit la reprise par EDF de la moitié de ses activités, celles qui concernent la conception et la fabrication des réacteurs. Mais une clause des accords permet à EDF de remettre en cause cette opération si la cuve de Flamanville n’est pas conforme aux normes. Tout le montage prévu pour sortir Areva de l’ornière devrait alors être revu.
    EDF se retrouve aussi sur la sellette. A Flamanville, la compagnie électrique espérait faire la preuve de sa capacité à piloter un chantier complexe, et s’en sortir mieux qu’Areva en Finlande, où se construit un autre EPR. L’expérience est loin d’être concluante, avec une facture qui a toutes les chances de s’alourdir.

    Les malheurs de la « vitrine » française compliquent aussi le projet Hinkley Point, en Grande- Bretagne. EDF doit décider dans les prochaines semaines d’y bâtir ou non deux EPR, un investissement estimé à 18 milliards de livres (environ 23 milliards d’euros).

    L’Etat actionnaire pousse EDF à se lancer, une question de « crédibilité » et de « cohérence » pour toute la filière, selon le ministre de l’économie, Emmanuel Macron. Le PDG, M. Lévy, est sur la même ligne. Les syndicats, eux, estiment le projet beaucoup trop risqué. Telle semble aussi la position de l’ex-directeur financier, Thomas Piquemal, qui a démissionné début mars. Le cas Flamanville apporte évidemment de l’eau au moulin des opposants.

    L’affaire est aussi suivie de près en Chine. A Taishan, non loin de Hongkong, les deux réacteurs EPR en fin de construction sont équipés du même type de cuve que Flamanville, donc susceptibles de connaître les mêmes anomalies. Les autorités chinoises souhaitent que les doutes français soient levés avant de mettre en service leurs propres réacteurs.