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  • En Grèce, les feux attisent des propos et des actes racistes
    https://www.lemonde.fr/international/article/2023/08/25/en-grece-les-feux-attisent-des-propos-et-des-actes-racistes_6186488_3210.htm

    En Grèce, les feux attisent des propos et des actes racistes
    A la frontière gréco-turque, les migrants sont tenus pour responsables des incendies qui brûlent la forêt depuis six jours par des groupes d’habitants, qui s’organisent pour les chasser.
    Par Marina Rafenberg(Athènes, correspondance)
    Avec plus de 73 000 hectares brûlés en six jours, les incendies autour d’Alexandroupoli, ville frontalière avec la Turquie, dans le nord-est de la Grèce, sont désormais les feux les plus dévastateurs jamais enregistrés dans l’Union européenne. Devant des paysages de désolation, la tristesse laisse place depuis deux jours à la rage, voire à la haine envers des boucs émissaires tout trouvés, des migrants, désignés comme responsables des départs de feux par des groupes d’extrême droite agissant dans la région.
    Mercredi 23 août, 19 personnes – dont deux enfants, selon le médecin légiste –, très probablement des migrants, selon les autorités, qui avaient traversé le fleuve Evros séparant la Grèce et la Turquie, ont été retrouvées mortes. Quelques heures après cette annonce, des rumeurs alimentées par des groupuscules d’extrême droite circulaient sur les réseaux sociaux : des migrants auraient été à l’origine des feux, il ne s’agirait pas d’un hasard si les incendies ont lieu sur la route empruntée par les exilés. S’ensuit une vidéo diffusée sur Facebook par un homme qui montre un groupe de migrants enfermés dans la remorque de son véhicule. (...)
    Sous la publication, un internaute commente : « Jette-les dans le feu ! » Les propos, repris par les médias grecs, ont choqué le pays et le ministre de la protection du citoyen, Yannis Oikonomou, a réagi : « La Grèce est un Etat de droit, doté de solides acquis démocratiques et d’une tradition humanitaire. Faire justice par soi-même ne peut être toléré. » Le propriétaire de la voiture et deux de ses complices ont été interpellés et ont été inculpés pour « enlèvement à caractère raciste et mise en danger de la vie d’autrui ». Les treize demandeurs d’asile, syriens et pakistanais, sont eux aussi détenus, accusés d’être entrés illégalement sur le territoire grec et d’avoir été non intentionnellement à l’origine de départs de feux. Tous doivent être présentés devant la justice, aujourd’hui vendredi.
    Depuis mardi, plusieurs groupes d’hommes, des chasseurs, des pêcheurs de la région frontalière de l’Evros, s’organisent pour patrouiller et débusquer ceux qu’ils appellent les « clandestins ». Dans une vidéo, diffusée par le média en ligne The Press Project, un homme en treillis militaire s’adresse à la foule : « Commencez à patrouiller, prenez toutes les informations nécessaires… Mais s’il vous plaît, pas d’armes, pas de couteaux sur vous, vous allez avoir des problèmes ! Les autorités ne nous laissent pas faire, même si nous faisons face à une guerre hybride ! »
    Thanassis Mananas, un journaliste local, le confirme : « Autour d’Alexandroupoli, des patrouilles de civils s’organisent pour attraper des migrants (…). Ils échangent sur des groupes Viber ou WhatsApp et appellent clairement à des actes violents. (...) Les appels à la haine sont relayés par des députés d’extrême droite, notamment ceux du petit parti Solution grecque, qui a recueilli 8,8 % dans le nome de l’Evros aux élections législatives, en juin. (...) Le député s’adresse aux membres de l’Ainisio Delta, l’association des propriétaires de cabanes de la région du delta de l’Evros, qui, fin février-début mars 2020, avaient coopéré avec la police et l’armée pour empêcher le passage de milliers de migrants, incités par le président turc, Recep Tayyip Erdogan, à prendre le chemin de l’Europe.
    En février 2020, dans le village de Poros, le maire, Athanassios Pemoussis, confiait au Monde que « la démonstration de force » des agriculteurs qui avaient quadrillé le fleuve de l’Evros avec des tracteurs avait été efficace. Aujourd’hui, il assure que « les patrouilles n’ont plus lieu, mais que les arrivées de migrants ont repris de plus belle ». « Malheureusement, rien n’arrête les passeurs et les migrants, même pas les feux ! », lâche-t-il.
    « Ces hommes jouissent d’une grande impunité »
    Lena Karamanidou, une chercheuse spécialisée sur la question migratoire, estime que « les feux ont été instrumentalisés par ces groupes d’extrême droite, mais les phénomènes de violence et de chasse aux migrants ne sont pas nouveaux ». En 2020, lorsque M. Erdogan était prêt à laisser passer en Europe des dizaines de milliers de réfugiés, « ces hommes ont été valorisés, dépeints par les médias grecs comme des héros qui défendent les frontières de la Grèce et de l’Europe. Les hommes politiques, dont le premier ministre, leur ont rendu visite en les remerciant pour leur action et ils jouissent d’une grande impunité, puisqu’ils côtoient la police et les gardes-frontières quotidiennement ! », explique-t-elle. Plusieurs ONG qui ont déjà dénoncé, à maintes reprises, les refoulements illégaux de migrants à la frontière gréco-turque, accompagnés de vols, de violences et d’humiliations, s’inquiètent du sort des centaines d’exilés qui seraient actuellement bloqués à la frontière avec les feux. Adriana Tidona, chercheuse à Amnesty International, appelle « les autorités grecques à évacuer de toute urgence toutes les personnes bloquées dans la région d’Evros (…), et à enquêter sur tout acte de violence raciste ou tout discours incitant à de tels comportements, y compris de la part d’hommes politiques ».

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