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    • Une similitude avec l’histoire de La cocadrille de John Berger

      Nous sommes dans le même hameau John Berger (décédé), les Bertrand et moi... beaucoup de similitudes avec les histoires racontées dans ce livre qui sera prochainement réédité.

      Les vaches menées à l’abattoir, les cochons qu’on étripe, la neige qui gèle les pieds et le froid qui rougit les mains. À travers les récits de vie des éleveurs de Haute-Savoie, John Berger évoque la réalité humaine la plus âpre, la plus crue. Mais aussi la plus touchante, car ces vies violentes et dérisoires sont celles d’hommes qui chaque jour luttent contre la nature, contre le temps, contre la mort .

      https://www.lemonde.fr/archives/article/1981/11/27/la-cocadrille_2728254_1819218.html

      CELA commence par une courte nouvelle - un croquis plutôt - qui donne le ton : dans son style précis, ramassé, détaché, mais sans froideur, John Berger nous montre la vache qu’on mène à l’abattoir, rendue aveugle avec un masque de cuir noir... Il y a aussi la naissance du veau, les fils qui partent pour gagner de l’argent, la mort du cochon vue par celui qui va mourir, l’arrivée de la première neige vers la Toussaint... Une suite d’" histoires villageoises « , terribles et quotidiennes, palpitantes de tendresse, et dont la force et la beauté saisissent d’emblée.

      Berger montre, il ne décrit pas, la condition paysanne d’une manière objectiviste, pour mieux rentrer dans l’âme de cette » classe de survivants « . Son expérience, pourtant, n’a rien à voir avec celle d’une Simone Weil ou d’un Linart : Berger n’éprouve aucun sentiment de culpabilité envers les gens des campagnes. Il ne cherche ni le rachat ni l’exotisme. En bon marxiste, il tente de comprendre sans naïveté écolo-populiste ces vies entièrement consacrées à la survie, cette paysannerie que le capitalisme - tout comme le socialisme - considère comme » arriérée « et parfois élimine.

      Pour donner une vision totale du problème, tous les moyens sont bons : le récit, le poème, la photo, l’exposé socio-historique... Est-ce dont ainsi que des hommes vivent au vingtième siècle, à quelques kilomètres de nous ?... C’est un choc. Mais l’auteur mène par la main son lecteur, on sent qu’il ne lui fait pas confiance et on regrette un peu de se retrouver sous la douche froide, délibérément anti-exotique, d’un » épilogue historique « , après la belle histoire d’amour de la Cocadrille, cette bête mythique couvée par un coq sur un tas de fumier et qui donne son titre au livre... (À ce sujet, pourquoi n’avoir pas gardé simplement le titre anglais Pig Earth, » Terre de cochon « , qui dit bien ce qu’il veut dire ?)

      Plus que les critiques, l’auteur attend maintenant l’hiver, quand les habitants de son village, les grands travaux terminés, liront le livre. Qu’en penseront-ils ? Diront-ils, comme Marcel en voyant sa photo : » Maintenant les enfants de mes petits-enfants pourront savoir à quoi je ressemblais...