• La Chouette et l’Escargot

    Comment sortir, d’une part, de la bulle théorique de la critique de la valeur-dissociation ? Comment éviter, d’autre part, les pièges de la fausse immédiateté ?

    http://www.palim-psao.fr/2023/10/la-chouette-et-l-escargot.comment-sortir-d-une-part-de-la-bulle-theorique

    [...] la fameuse question, à peu près aussi vieille que la notion de capitalisme, de savoir ce qu’il faut faire pour sortir du capitalisme provoque presque inévitablement une réponse stéréotypée, toujours la même : le monde a besoin d’une autre économie, d’une économie non capitaliste. Pour sortir du capitalisme, il faut d’abord changer l’économie, ou plutôt : changer d’économie ! Or, cette idée représente un bel exemple d’une fausse immédiateté. Vouloir changer d’économie pour sortir du capitalisme serait la manière la plus sûre de rester prisonnier du système dont on veut se débarrasser. Car il ne peut pas y avoir d’économie non capitaliste. La [critique de la valeur-dissociation] a montré que de la Corée du Nord, en passant par la Chine, l’Europe et les États-Unis jusqu’à Cuba et au Venezuela, dans tous les pays du monde, malgré toutes les différences dans les modalités, l’économie est basée sur les mêmes catégories fondamentales ‒ la valeur, l’argent, le travail, le marché. Ce sont les catégories de base du capitalisme. Une « économie non capitaliste » est un oxymore, c’est-à-dire une combinaison de deux éléments ou termes contradictoires dont l’alliance paradoxale donne à l’ensemble un tour séduisant. L’idée fascinante d’une économie non capitaliste relève tout simplement du fantasme. Pour sortir du capitalisme, il faudra sortir de l’économie, selon l’expression choisie par les Ennemis du meilleur des mondes

    Il n’est pas surprenant qu’en parcourant le panorama contemporain des programmes et des projets anticapitalistes on n’en trouve aucun qui puisse satisfaire aux critères de la CVD. Pour une raison simple : il est facile de se dire et de se croire anticapitaliste. Mais il est très difficile de l’être sur un plan catégoriel, c’est-à-dire en tenant compte du fait que la société capitaliste est construite sur des bases catégorielles que nous sommes tentés à tort de considérer comme naturelles et transhistoriques. Or, la tâche aussi difficile qu’indispensable serait précisément de délivrer le monde de ces catégories de base. Mais actuellement aucun mouvement anticapitaliste ne semble en être conscient. C’est ce qui explique que, de la part de la CVD, tous ces mouvements, vraiment tous, soient critiqués et traités avec un certain dédain qui frise quelquefois la morgue. Conformément à la consigne suivante : N’espérez pas changer le monde avant d’avoir compris notre théorie !

    • Pour sortir du capitalisme, il faudra sortir de l’économie, selon l’expression choisie par les Ennemis du meilleur des mondes

      Tout à fait pertinent ^^

      Mais alors, si sortir du capitalisme, c’est sortir de l’économie, qu’est-ce que l’économie ?

      A partir de la critique de la valeur, une manière d’atterrir est de se demander ce que concrètement serait une société dont l’organisation matérielle ne se fonderait plus sur l’échange.

      Dans ce sens, j’avais déjà mentionné la contribution d’Ernst Lohoff à un recueil d’articles post-monétaires :

      https://seenthis.net/messages/1002131

    • Je viens de publier deux notes de lectures d’économistes français de l’école institutionnaliste monétaire, Cartelier et Orléan. Il est remarquable que ce sont deux marxistes qui ont du abandonner la théorie de la valeur-travail de Marx, afin de pouvoir faire une théorie de la monnaie. La monnaie n’apparaît pas plus dans la critique de la valeur que dans les théories économiques dominantes.
      Pourtant les notions de « désir de monnaie » d’Orléan ou de « soumission monétaire » de Cartelier, et bien d’autres, montrent le rôle central de la monnaie dans les sociétés marchandes.