entretien avec Anne Coppel – Anne Coppel

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  • « L’épidémie de corona virus nous a pris par surprise (les acteurs de réduction des risques). Rapidement, on a échangé dans nos réseaux, on s’est inquiété pour les exclus du confinement (les sdf, les migrants, les usagers les plus précaires accueillis dans les associations de réduction des risques) un réflexe issu de la lutte contre le sida. La première prise de conscience que l’Etat nous mentait a concerné les masques. On nous disait, la télévision nous répétait que ces masques servaient à protéger les autres si nous étions malades, que le commun des mortels ne savaient pas s’en servir, que nous étions des irresponsables à qui il fallait imposer une stratégie de protection de l’extérieure. Un mensonge d’Etat pour masquer la pénurie. »
    " Avec le choix du confinement, on exclu pas seulement des groupes qui sont victimes de stigmatisation, mais de large pans de la population, en commençant par ceux qui vivent dans les hébergements collectifs. (...) Les morts dans les EPHAD n’auraient pas dû me surprendre, mais ça a été un moment de bascule pour moi : la colère a suivi à l’inquiétude. Que se passet il dans les prisons, dans les hôpitaux psychiatriques ? On soupçonne, mais on ne le sais pas, on ne les entends pas. (...) Tous ceux qui vivent dans des logements exigus, ce qui réactive tous les problèmes relationnels, les violences intra-familiales, les violences faites aux femmes. (...) Tout ceux qui sont sur le front, les infirmiers, les médecins généralistes, les livreurs, les caissières, tout un peuple qui vit sous la menace de la contamination. Est ce que ces gens comptent pour du beurre ? C’est un peu le sentiment que nous avons. La lutte contre le Sida et la réduction des risques a été basée sur la responsabilité et la solidarité. Avec le confinement, c’est une stratégie diamétralement opposée qui s’impose".
    « La lutte contre le sida, comme la réduction des risques a été fondé sur deux principes :
    – il appartient à chacun de choisir comment protéger sa santé
    – il appartient à la collectivité de donner à chacun les moyens de faire ses choix, en commençant par l’information (...) et en fournissant les moyens de faire au mieux ces choix : en connaissant son statut sérologique, en fournissant les outils pour se protéger et limiter les risques de contamination.
    Cette conception de la santé publique est en rupture avec les gestions traditionnelles des épidémies qui a reposé sur l’autorité médicale avec la mise à l’écart des personnes contaminées.
    Cette conception qui allie responsabilité individuelle et solidarité collective a été imposée par la lutte contre le sida, avec la démonstration que les homosexuels pouvaient se responsabiliser et adopter le préservatif s’ils voulaient continuer à avoir des relations sexuelles avec des personnes exposées aux risques. Il en est de même avec les usagers de drogue, parce qu’il faut savoir que s’ils n’avaient pas renoncer à l’échange de seringues, il n’y aurait pas eu de réduction des risques possibles. En 1987, les seringues ont été mises en vente libre. Une année après, (...) la moitié des injecteurs avaient déjà adopter la seringue individuelle. Donc les toxicomanes par injection, a priori les plus irresponsables, suicidaires, souffrant de troubles psychologiques, eux, ils étaient capables de se responsabiliser. (...) L’appel à la responsabilité est plus efficace que la contrainte et les actions, (...) l’histoire des drogues le démontre.
    (...) Le Covid-19 19 est différent et beaucoup plus contagieux, mais était-il nécessaire de rompre avec toutes les solidarités ? (...) Nous devons tenir bon sur les principes de responsabilité et de solidarité, c’est une question de choix de société. »

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