marketindex:cac 40

  • Duc de Saint-Frippon

    Quand on connaît le talent d’Emmanuel 1er pour nommer la mauvaise personne au mauvais moment à la mauvaise place (Castaner, Loiseau,etc) nous ne pouvons que nous féliciter de ces deux choix qui mettront fin à l’Union Européenne.
    Source : https://twitter.com/MFrippon/status/1146141059229126659

    Apres Christine Lagarde, le suspense restait entier : Emmanuel 1er imposerait-il commissaire européen à l’investissement Bernard Tapie ?
    Source : https://twitter.com/MFrippon/status/1146139493734506496

    Après avoir « perdu » 400 millions en France, parviendra t’elle à battre son record à la BCE ? Vous le saurez en suivant notre nouvelle série #LaCasaDiBordel

    Christine Lagarde nominée à la tête de la Banque centrale européenne https://www.bfmtv.com/economie/christine-lagarde-prend-la-tete-de-la-banque-centrale

    Source : https://twitter.com/MFrippon/status/1146117244356837376

    Ah désolé de protester. Une Von der machin pour chapeauter la zone occupée en France nous change de ces ternes généraux Von der Truc à monocle de l’ancien temps.
    Source : https://twitter.com/MFrippon/status/1146121120501907457

    Au nom de la République exemplaire, Emmanuel 1er propose donc de nommer Christine Lagarde, condamnée en justice Dommage qu’Emile Louis soit mort, il aurait pu devenir secrétaire d’État des personnes handicapées

    Source : https://twitter.com/MFrippon/status/1146041641381351424

    #twitter #ue #union_européenne #emmanuel_macron #carnaval #mascarade L’#argent n’a pas de sexe

  • Procès des anciens dirigeants de France télécom. Didier Lombard, ex-PDG de l’entreprise : la Banalité du Mal

    Harcèlement moral à #France_Télécom : « Dont acte, je n’y peux rien » - Libération
    https://www.liberation.fr/france/2019/05/07/harcelement-moral-a-france-telecom-dont-acte-je-n-y-peux-rien_1725497

    Un vertige a saisi la salle d’audience. En costume et cravate bleu marine, Didier Lombard est à la barre. L’ex-PDG de France Télécom (devenu Orange) et six anciens dirigeants et cadres de l’entreprise du CAC 40 sont jugés pour « harcèlement moral » et « complicité » de ce délit pour avoir instauré une politique d’entreprise visant « à déstabiliser les salariés et à créer un climat professionnel anxiogène ». Et au deuxième jour du procès devant le tribunal correctionnel de Paris, ses premiers mots tant attendus ont glacé l’assistance. D’excuses, il n’y a pas eu. Encore moins de regrets.

    • Le propre des structures du néolibéralisme, c’est d’avoir aboli toute restriction aux mouvements stratégiques du capital, d’avoir levé toute limite à ses menées. Comment ce propre des structures sociales du capitalisme néolibéral ne se convertirait-il pas en propre des capitalistes néolibéraux ? Quand la finance est déréglementée et impose le règne des actionnaires internationaux, quand la concurrence, cœur de la construction européenne et promue mondialement par l’OMC, promet de faire jouer le chantage à la compétitivité par les miséreux, quand les délocalisations ne sont plus entravées par rien, quand le droit du travail rapproche tendanciellement le statut du travail de celui de la liquidité financière, c’est-à-dire fait des salariés des choses dont on peut se dégager aussi facilement que d’actifs boursiers, bref quand le capital a pris ce genre d’aises, quand il a pris le pli de pouvoir faire ce qu’il veut parce que plus aucune régulation, plus aucune règle ne le retient dans ses mouvements, comment la psyché des capitalistes n’exprimerait-elle pas à son tour cette nouvelle disposition, cette nouvelle habitude que plus rien ne fasse obstacle ? Refaits par les structures, les hommes sont à l’image des structures : déchaînés si les structures sont déchaînantes, tout-permis si les structures leur permettent tout.

      Lu ici même : https://blog.mondediplo.net/les-sociopathes-de-france-telecom-a-macron

  • Devant les actionnaires de Danone, le PDG dénonce « l’insoutenable concentration de la richesse dans le monde »
    #de_la_dyslexie_créative_encore_plagiée

    J’ai quand même vérifié, selon wikiki :

    En 2016, sa rémunération s’élevait à 4,82 millions d’euros19. Elle est 170 fois supérieure à la moyenne de l’entreprise, soit un ratio au-dessus de la moyenne du CAC 4020.

    Le jeudi 25 avril 2019, lors de l’assemblée générale des actionnaires du groupe Danone, la résolution concernant l’approbation de sa rémunération en 2018 de 2,8 millions d’euros a été approuvée à 98 %.21

  • Education : le libéral Institut Montaigne, maître à penser de Macron (Libération)
    https://www.liberation.fr/france/2017/06/07/education-le-liberal-institut-montaigne-maitre-a-penser-de-macron_1575198

    Le ministre de l’Education, Jean-Michel Blanquer, est un fidèle de ce think tank proche du CAC 40 et très influent pendant la campagne du nouveau président.

    #éducation #Institution #JeanMichelBlanquer #LaurentBigorgne #CélineAlvarez #InstitutMontaigne #AgirPourLÉcole

  • Juan Branco – De Wikileaks aux Gilets jaunes : se révolter au 21e siècle (Les Déconnomistes)
    https://www.crashdebug.fr/diversifion/15932-juan-branco-de-wikileaks-aux-gilets-jaunes-se-revolter-au-21e-siecl

    Enfin des explications sur le Hold-up du CICE et la prise en otage de nos médias par 9 milliardaires (entre autres)

    Source : Youtube.com

    Informations complémentaires :

    Crashdebug.fr : L’Assemblée nationale entérine 40 milliards d’euros de cadeau fiscal au patronat

    Crashdebug.fr : Grandes entreprises : CICE, dividendes et embauches… Une grande tartufferie !

    Crashdebug.fr : Un rapport accablant du Sénat sur le CICE...

    Crashdebug.fr : Un rapport fustige le montant des dividendes des entreprises du CAC 40...

    Crashdebug.fr : Six Français sur dix sont « mécontents » de l’action du gouvernement depuis un an, d’après un sondage

    Crashdebug.fr : Entre 119.500 et 300.000 manifestants dans toute la France contre la politique gouvernementale

    Crashdebug.fr : Emmanuel Macron hué et chahuté lors (...)

  • Chronique éco de Jacques Sapir - Impôts : les raisons de la colère
    https://www.crashdebug.fr/diversifion/15904-chronique-eco-de-jacques-sapir-impots-les-raisons-de-la-colere

    Source(s) : Youtube.com via Contributeur anonyme

    Informations complémentaires :

    Crashdebug.fr : Le Conseil d’analyse économique révèle que les baisses de charges ne dopent pas sytématiquement l’emploi

    Crashdebug.fr : L’Assemblée nationale entérine 40 milliards d’euros de cadeau fiscal au patronat

    Crashdebug.fr : Grandes entreprises : CICE, dividendes et embauches… Une grande tartufferie !

    Crashdebug.fr : Un rapport accablant du Sénat sur le CICE...

    Crashdebug.fr : Un rapport fustige le montant des dividendes des entreprises du CAC 40...

    Crashdebug.fr : Les entreprises du CAC 40 ont versé 57 milliards de dividendes à leurs actionnaires en 2018

    Crashdebug.fr : Explosion de la fraude fiscale en France, estimée à 100 milliards d’euros par an...

    Crashdebug.fr : Économie : Le grand (...)

  • Juan Branco et nos oligarchies derrière Macron
    http://www.dedefensa.org/article/juan-branco-et-nos-oligarchies-derriere-macron

    Juan Branco et nos oligarchies derrière Macron

    Sur Macron on a déjà tout dit, alors on va se répéter. Juan Branco a bien retracé – comme Aude Lancelin dans son Putsch du CAC 40 – les turpitudes qui ont mené notre petit homme aux manettes. Et ça donne en conclusion :

    « Le lecteur suspicieux demandera à cet instant : et alors ? Cela n’était-il pas, à défaut d’être dit, compris ? »

    Je trouve important de commencer par cette conclusion. Car en effet, comme on dit à la radio, le Français moyen n’en a rien à foutre de s’être fait avoir comme ça. Il n’y a qu’à lire Céline, Toussenel ou Drumont pour comprendre. On cite Céline :

    « Et les Français sont bien contents, parfaitement d’accord, enthousiastes.

    Une telle connerie dépasse l’homme. Une hébétude si fantastique démasque un instinct de mort, une pesanteur au charnier, (...)

  • Ce que nous disent les slogans écrits sur le dos des « gilets jaunes »
    https://www.nouvelobs.com/societe/20190329.OBS2666/ce-que-nous-disent-les-slogans-ecrits-sur-le-dos-des-gilets-jaunes.html

    De samedi en samedi, les inscriptions au dos des « gilets jaunes » ont fini par composer un véritable cahier de doléances offert à la consultation de tous, propice à la discussion, laquelle est l’activité la plus recherchée parmi les protestataires. Dans cette foule, plus sentimentale que haineuse et déterminée à ne « rien lâcher » sous les premiers ciels de printemps, on en voit beaucoup partir à la cueillette aux aphorismes. La photo répond à un rituel. On y met les formes.
    ""Salut. Je peux prendre ton gilet en photo ?""

    (Les gilets jaunes se tutoient d’emblée). L’intéressé se redresse, ajuste le pan tombant d’une écharpe, et clic !, une photo, qui sera peut-être envoyée au collectif « Plein le dos » qui centralise. On verra sans doute dans quelque temps sortir d’une cellule du CNRS ou de l’esprit patient d’un sociologue la grande étude sur le mouvement d’un peuple en jaune racontés par le gilet et sur l’étonnante évolution de l’exercice.

    Les revendications initiales sont prosaïques. Au cours des actes 1 et 2, les phrases dénoncent le prix du gasoil, l’indignité des retraites ou l’insuffisance des payes ("Je suis aide-soignante et toujours en découvert le 10 mois"). A partir de l’acte 3 une fois métabolisé ce grand moment de sidération collective que fut le 24 novembre sur les Champs-Elysées face à une répression jugée inacceptable, « les gilets », qui n’avaient encore rien inscrit au dos de leur habit, lâchent pancartes et banderoles, peu adaptées aux mouvements de foule, pour sortir le marqueur et ajouter une page au grand cahier.

    Dans ces rassemblements s’observe un nivellement par le haut, phénomène déjà bien documenté par les chercheurs qui ont travaillé sur les émeutes de Watts (Los Angeles) en 1965 pour ne citer qu’un exemple. L’essor d’une pensée critique de rue et de ronds-points inspire d’autres slogans, plus politiques ceux-là même si les intéressés s’en défendent ("Le savoir est une arme"). On voit paraître des textes qui reflètent l’actualité, notamment la réponse élyséenne aux manifestants.

    Nombreux sont ceux qui s’adressent directement au chef de l’Etat, marquant par le tutoiement et la récurrence d’adresses à « Manu », peut-être moins la désacralisation de la fonction présidentielle que l’invite qui lui est faite de mettre un pied dans leur réalité ("Manu, dans quel monde tu vis ?"). Des slogans apparaissent en réponse aux réflexions reçues comme des offensantes ("Je suis Jojo", « J’ai traversé la rue et après ? » etc), avec une utilisation persistante de l’humour et un durcissement du ton. Florilège.

    Acte 13 Paris (Collectif Plein le dos)
    ""Qui sème la misère récolte la colère" (Paris, acte 1) «  »
    "Enrichissons les salariés, pas les actionnaires" (Paris, acte 2) «  »
    "Taxons le kérosène d’abord" (Paris, acte 2)" "
    « Limitation du flash-ball à 80 km/ heure » (Paris, acte 4)" "
    « Paradis pour les uns, pas un radis pour les autres » (Paris, acte 4)" "
    « Le gilet jaune sera le linceul du vieux monde » (Toulouse, acte 11)" "
    « Faites raquer les banquiers pas les ouvriers » (Paris, acte 12)" "
    « Arrête la pédagogie, on a tout compris » (Paris, acte 12)" "
    « Jo le Taxé » (Paris, acte 13)" "
    « Travaille, consomme, obéis » (Saumur, acte 13)" "
    « Gaztamer » en prison (Saumur, acte 13)" "
    « Ensemble, pas en sang » (Metz, acte 13)" "
    « Veni, vedi, vinci » (Châtellerault, acte 13)" "
    « Chômeuse en faim de droit » (Montpellier, acte 13)" "
    « Macron et les cac 40 voleurs » (Paris, acte 14)" "
    « Je suis Rémi Fraisse » (Paris, acte 14)" "
    « Mort au capitalisme, longue vie aux valeurs humanistes » (Lille, acte 16)" "
    « RIC. La reconquête de la démocratie » (Paris, acte 16)" "
    « Ton nouveau monde, j’en ai vraiment les larmes aux yeux » (Paris, acte 17)" "
    « Le climat n’attend pas » (Paris, acte 18)" «  »+ de banquise, - de banquiers" (Paris, acte 18)" "
    « Gilets jaune vs parachute doré » (nc)" "
    « Noël au rond-point, Pacques à l’Elysée » (acte 19)" "
    « Le cac 40 nous pisse dessus, BFM nous dit qu’il pleut » (nc)" "
    « Un peuple debout ne rompt point » (nc)" "
    « Enfin les ronds-points servent à quelque chose » (graffiti sur un mur de Paris)" "
    « Lundi, mardi, mercredi, jeudi, vendredi, GJ, dimanche » (nc) «  »
    "On ne naît pas casseur on le devient" (graffiti sur les Champs-Elysées, acte 18) «  »
    "On boute Macron, boutez Flika" (idem)" "
    « Un 16 mars et ça repart » (idem)" "
    « Nous sommes un peuple de casseurs cueilleurs » (nc)"

    Et puis ce mot à tous :
    ""Désolé pour le dérangement, nous essayons de sauver la France.""

  • Demain 21 mars 2019, sortie de Crépuscule, le livre de Juan Branco.

    http://anneetarnaud.com/juan-branco-crepuscule

    Diffusé sur Internet dans un état original et brutal, il a généré un buzz considérable et des dizaines de milliers de téléchargements. Il parait aujourd’hui en librairie, après bien des péripéties liées à son caractère subversif et emporté, dans une version différente du document diffusé sur le net.Introduit, chapitré différemment, le livre contient une enquête originale et des éléments inédits sur la banque Rothschild, le ministère des finances et les liens de journalistes avec Emmanuel Macron.

    La préface de Denis Robert (source : FB)

    Ma préface au livre de Juan Branco/ Crépuscule/ en vente partout avant épuisement des stocks dès ce matin.

    C’était au début du mois de novembre 2018. Le Président de la République achevait sa tournée mémorielle par une visite à Pont à Mousson, une ville en bord de Moselle. Il devait y clôturer un colloque qui usait d’anglicismes pour « inventer » son monde de demain : Choose France Grand Est. J’y ai un ami médecin. Je le soupçonne d’avoir voté pour Emmanuel Macron aux deux tours de la Présidentielle. Entendons-nous bien, j’ai fait comme lui au second tour, sans état d’âme particulier. Donc cet ami que je soupçonne de toujours voter à droite m’envoie un long mail quelques jours plus tard avec une dizaine de photos édifiantes. C’était comme si un gaz mortel avait anéanti toute une ville. Pas un seul mussipontains dans les rues. La place Duroc complètement fermée à la population. Idem pour l’Abbaye des Prémontrés où étaient enfermés les cinq cent invités du colloque, des élus et des décideurs triés, fouillés, encravatés. En cet après-midi, la ville est anesthésiée. On a écarté la population. Dans un cercle d’environ un kilomètre de diamètre autour d’Emmanuel Macron, pas un seul habitant libre et vivant. Rien que des barrières métalliques, des gendarmes et des compagnies républicaines de sécurité, patientant dans des dizaines de cars garés le long des berges. Le soir, à la télévision et le lendemain dans la presse, on relevait la réussite du voyage présidentielle, sans faire état de la mise à l’écart du peuple importun. « Je n’ai jamais vu ça, c’est complètement dingue » commentera mon ami à propos de la peur visible de voir le Président confronté à des opposants.

    C’était le 5 novembre et les gilets jaunes étaient encore pliés dans les coffres des fourgonnettes. Juan Branco ajoutait une dernière touche à son manuscrit « Crépuscule » qu’il venait de mettre en ligne sur son blog. Il était encore confidentiel.

    Une semaine plus tard, les gilets jaunes vont commencer à râler sur les réseaux sociaux, puis sur les ronds-points. Cette taxe carbone pour les voitures diesel fait hurler les pauvres. Et se cacher les riches. Le pays se fragmente, le pouvoir joue la montre. Les commentaires médiatiques minimisent à l’unisson le mouvement qui se dessine et s’enracine. L’écart se creuse, bientôt abyssal, entre la France de tout en haut et celle d’en bas. Au milieu, s’ouvre un gouffre que cherchent à combler les corps dits intermédiaires et les préposés aux commérages politiques. Personne n’y parvient. Les corps intermédiaires ont été pulvérisés par Emmanuel Macron et sa République en marche. Les médias restent pour l’essentiel indulgents à l’égard du pouvoir et développent des théories fumeuses pour masquer leur incompréhension face à cette révolte. J’ai les photos de mon ami médecin en tête. Un Président qui se cache à ce point de sa population est un président qui triche et qui a peur. Quelles autres explications ?

    Juan, qui n’est alors qu’une relation sur Facebook, poste un message en m’invitant à lire son texte. Ce que je ne fais pas tout de suite, rebuté par le propos apocalyptique : « Le pays entre en convulsions diverses où la haine et la violence ont pris pied. Cette enquête sur les ressorts intimes du pouvoir macroniste, écrite en octobre 2018, vient donner raison à ces haines et violences que l’on s’est tant plu à déconsidérer. » On en voit tellement passer sur le net. Pourtant, malgré le style abscons, la longueur des phrases et l’âpreté d’une lecture sur écran, quelque chose m’accroche dans le ton, ce Juan Branco semble connaître son sujet et tenir la distance. J’enregistre le document.

    Je suis entouré d’amis, journalistes, voisins, parents qui, pour la plupart, minimisent le mouvement des gilets jaunes. Sur Facebook, l’incendie se propage, mais dans les médias mainstream, on avance pépère, traitant les manifestants au mieux d’olibrius ou de beaufs (Jacques Julliard), au pire de « racailles cagoulées » (Pascal Bruckner), « de salopards d’extrême droite ou d’extrême gauche qui viennent taper du policier » (Luc Ferry) ou de « hordes de minus, de pillards rongés par le ressentiment comme par les puces » (F-O Giesbert). Chaque samedi, tandis que le Président se terre, les gilets jaunes occupent pourtant de plus en plus d’espace. Mes interlocuteurs reprennent souvent l’acmé des commentaires médiatiques, s’effraient de la violence de la rue, critiquent l’absence d’organisation et de revendications claires, amalgament les gilets jaunes à l’extrême droite. Ces raisonnements m’apparaissent étriqués, dupliqués et in fine dénués de fondement. Ils expriment une peur de l’inconnu et de l’insurrection qui couve.

    Je viens de publier une enquête qui décrit la façon dont les milliardaires, aidés par les banques d’affaires et les cabinets d’avocats, pillent les États (« Les prédateurs », avec Catherine Legall, Le Cherche-midi, 2018). J’ai beaucoup réfléchi, écrit des livres, réalisé des documentaires autour de la question de ces inégalités croissantes, de la prégnance de la finance sur l’économie, et de la paupérisation de nos économies : comment un pays aussi riche que les nôtre peut-il produire autant de pauvreté ? Je prends le parti sur les réseaux sociaux, comme lors de débats publics, des gilets jaunes. Ils expriment une révolte salutaire, essentielle. Ils nous rendent honneur et fierté malgré les excès et les bavures. On me relance alors régulièrement : « Tu as lu Crépuscule ? Tu as vu la vidéo de Juan Branco chez Mermet ? ». Un soir de la fin décembre 2018, je me tape les deux. Je découvre d’abord un jeune homme calme et fougueux, à la pensée structurée qui développe une critique argumentée et originale du macronisme. Puis je me plonge dans « Crépuscule ». J’en sors fatigué mais emballé. Je n’ai pas lâché son manuscrit. Malgré les digressions et la posture parfois emphatique, c’est la première fois que je lis une histoire aussi fouillée et convaincante de ce que pourrait être le macronisme qui apparaît ici comme une splendide arnaque démocratique.

    Le macronisme n’est ni un humanisme, ni une idéologie. C’est – à l’évidence, à la lecture de Crépuscule- une invention d’oligarques. C’est un système de préservation et d’optimisation des acquis d’une (grande) bourgeoisie qui ne savait plus à quels saints se vouer après la déconfiture des deux précédents mandats présidentiels.

    Emmanuel Macron est passé par là. Il a conquis les foules. Il marche sur l’eau. Il consolide et perpétue le rapport de domination des élites sur le peuple. Il ne cherche pas à s’enrichir ou à enrichir précisément sa famille tel le tyran classique et âpre au gain. Mais, il est dur au mal, travaille pour sa caste, ses amis, ceux qui l’ont aidé à conquérir le pouvoir. Il cherche à préserver et à faire prospérer leurs intérêts. Le macronisme est une forme élaborée, moderne et high tech de despotisme. Un despotisme éclairé certes mais un despotisme quand même.

    Rien que ça ?
    Rien que ça.

    Le manuscrit dans sa première version – Juan intervient régulièrement sur son blog pour peaufiner son texte- se divise en deux parties. La première -une centaine de feuillets- est un monologue sur la prise de pouvoir d’Emmanuel Macron. La seconde plus courte -une quarantaine de feuillets- est un portrait du nouveau secrétaire d’État chargé de la Jeunesse et des Sports, Gabriel Attal. Les deux sont réunis sous la bannière d’un « Crépuscule » promis au jeune président et à ses affidés (dont le méconnu Gabriel Attal). La rumeur autour du texte et les téléchargements vont bon train. Juan devient assez vite une star des réseaux sociaux et multiplient les vidéos et interventions sur Facebook et Twitter. Fin décembre, son texte a été téléchargé plus de cent mille fois et certaines de ses vidéos comptent deux millions de vues.

    Nous entretenons une courte relation épistolaire. J’invite Juan à reprendre son texte, à le densifier, à le fluidifier en pensant à son lecteur. Je le pousse à faire un travail journalistique et pédagogique et lui propose de chercher un éditeur. Je le fais sans calcul, par passion pour cette histoire et ce manuscrit en devenir. Je n’avais encore jamais lu ni compris à ce point les raisons profondes du macronisme. J’avais bien compris que les médias faisaient la promotion d’Emmanuel Macron. J’avais lu ça et là qu’il copinait avec Xavier Niel. Je m’étais étonné de voir la reine des paparazzis Mimi Marchand s’occuper en exclusivité de l’image du Président. J’avais relevé que Brigitte Macron ne portait que des fringues appartenant à des entreprises de Bernard Arnault. Mais je n’avais jamais fait de lien entre ces événements et d’autres contés par Juan Branco.

    Je baignais dans un bain d’eau tiède, à peine énervé de lire et d’entendre, à longueur d’éditoriaux ou d’apparitions télévisées, des commentaires laudatifs sur la jeunesse et la l’intelligence d’Emmanuel Macron. Quelle chance nous avions ! J’avais fermé les écoutilles. Je somnolais. J’étais comme ces grenouilles qui ne se rendent jamais compte qu’elles vont finir ébouillantées. Les pauvres…

    Les gilets jaunes nous ont réveillés. Juan, par son parcours et sa position dans l’appareil d’État, par son âge et ses relations avec les leaders de cette République en marche, participe à ce réveil de nos consciences endolories. Il nous permet de mieux appréhender la chose macronienne. Et de cerner l’horreur naissante.

    – Horreur, tu veux dire « aurore » ?
    – Non, je veux dire « Horreur ».
    – Tu déconnes ?
    – Non, rien de ce qui est proposé n’est défendable. Ce qui est horrible, c’est autant le programme économique et fiscal que la manière avec laquelle on nous l’enrobe et la lutte des classes qui profile…

    Juan Branco est un pirate et un insider. Il raconte, de l’intérieur, l’avènement d’Emmanuel Macron et des trentenaires qui l’entourent et l’encouragent. Tous ont le même profil : dents longues, ambition dévorante, pensée aseptisée et dénuée d’affect pour tout ce qui concerne le « peuple ». L’idée même du peuple. Le mot est banni de leur vocabulaire. « Ils ne sont pas corrompus. Ils sont la corruption » écrit Juan avec affectation et un certain réalisme. A les voir travailler et communiquer, on peut lui donner raison.

    Juan a vingt-neuf ans. Il a été le directeur de cabinet d’Aurélie Filippetti avant qu’elle ne devienne ministre et le vire. Il a côtoyé, à ce titre, les patrons de chaînes de télé et de journaux. Il a été dragué par les adeptes de la République en marche et par Xavier Niel. Il est normalien, a fréquenté l’école alsacienne à Paris où il a partagé la scolarité de Gabriel Attal qu’il a connu sarkoziste, socialiste et maintenant macronien pur sucre. Cet Attal est une sorte de quintessence de la philosophie présidentielle. La description qu’il en fait est glaçante et sert détonateur au livre. Ce jeune homme bien mis, ministre à 29 ans, symbolise à la perfection le triomphe du vide politique et du progressisme libéral. Cette modernité constamment mise en avant évacue toute idée d’intérêt général et déifie l’absence de scrupules. Seule compte la marche en avant vers nulle part, la victoire individuelle, le Rolex à trente ans et le nouveau smartphone.

    On est ici dans la saga d’un gouvernement qui court pour ne pas tomber, qui cache des accords passés. A lire Branco, on déchiffre et on réalise la trahison. On la voit. C’est de cela qu’il s’agit. D’une perfidie. D’une tromperie sur la qualité de l’offre politique. Le président qui veut légiférer sur les fake news est lui-même le produit d’une immense fake news. Celle d’un jeune provincial supérieurement intelligent qui œuvrerait pour le bien de tous et se serait levé un matin en rêvant à son destin présidentiel. A lire Branco, l’histoire devient plus grise, intéressante, secrète, chaotique, compromettante. Et crépusculaire.

    Emmanuel Macron transparaît dans ce récit comme le produit d’une manipulation de l’opinion. Grâce au raisonnement mis en place, aux faits énoncés et sourcés, Emmanuel Macron, aussi brillant soit-il, est dévoilé comme le candidat d’un système oligarchique à bout de souffle qui avait intérêt à se trouver une vitrine et un storytelling sous peine de disparaître.

    Comme manifestation incontestable de cette scénarisation de la vie politique, prenons l’exemple du 10 décembre 2018. Ce soir-là, en pleine crise des gilets jaunes, Emmanuel Macron, dans une allocution télévisée millimétrée, annonçait que tous les employeurs qui le pouvaient devraient verser une prime de fin d’année à leurs salariés. Cette prime ne serait pas soumise à l’impôt. Le Président, acculé par la colère des gilets jaunes, lançait un appel aux entrepreneurs. Help-me. Le 11 au matin, dans un improbable mimétisme, les PDG d’Altice, de Free, de LVMH, d’Orange et quelques autres annoncèrent qu’ils allaient tous lâcher autour de mille euros pour chacun de leurs employés, en vertu d’un « nécessaire effort de solidarité nationale ». Patrick Drahi, Xavier Niel, Bernard Arnault, Stéphane Richard, pour ne citer que quatre des principaux supporters d’Emmanuel Macron, répondaient présents. Tout était à l’évidence prévu, prémédité. Il fallait réagir vite et lâcher un peu de cash. Les amis et les sponsors de la campagne d’Emmanuel Macron ont répondu présents. Comment pouvait-il en être autrement ?

    En cette fin d’année 2018, les actionnaires du Cac 40 se distribuaient 47 milliards de dividendes, la fortune de Bernard Arnault doublait, Emmanuel Macron s’arcboutait sur le maintien de l’ISF. Il l’avait promis à ceux qui avaient financé sa campagne, à toutes ces familles, qui, à coups de chèques de 7500 euros, avaient exigé plus de justice fiscale… pour elles. En cette fin d’année, curieux paradoxe, le nombre d’individu vivant sous le seuil de pauvreté dépassait en France les neuf millions.

    Et les amis du Président, sous la pression des gilets jaunes, lâchaient leur obole. De même l’État, inquiet de voir chaque samedi le peuple des ronds-points s’approcher des centre villes, réglait ses primes à la police en leur offrant des flash-balls flambant neufs et très performants. Plus tard, ils feront voter une loi anticasseur et assumeront sans faillir leur dérive autoritaire.

    Je profite de la fin d’année et du début janvier pour faire la tournée des popotes en invitant plusieurs de mes amis éditeurs à lire le texte de Juan. Je suis d’un naturel confiant. Juan multiplie les followers et les libraires s’emballent pour la version numérique et si littéraire de Crépuscule. Je préviens mes amis éditeurs que le texte sera complété et amélioré. J’explique qu’on est dans la tradition très française des pamphlets. Que celui-ci est une œuvre salutaire. Depuis le livre de Christian Eckert où l’ancien ministre du Budget racontait comment Emmanuel Macron, alors ministre de l’économie, avait abusé de son passage à Bercy, pour bâtir sa campagne des présidentielles (« Un ministre ne devrait pas dire ça, Robert Laffont, 2018) , personne ne s’était attelé à dire, avec autant de précision, d’où venait le Président, ni comment il avait construit son succès... Je vais essuyer cinq refus. La plupart du temps, la première lecture -celle de l’éditeur- est positive. C’est ensuite -quand on monte dans l’organigramme de la maison d’édition- que les choses se gâtent. Malgré les dizaines de milliers de téléchargement sur Internet, malgré la crise des gilets jaunes et le lien évident entre celle-ci et le livre de Juan, aucun éditeur important ne veut prendre le risque de le publier. La question est, à l’évidence, moins judiciaire que politique. Même si, curieuse conjonction des temps, le 9 janvier 2019, Aurore Bergé, la porte-parole de LREM, annonçait avoir porté plainte contre Juan (et le chroniqueur Thomas Guénolé) pour incitation à la haine et à la violence. « Il y a pire que celui qui menace, que celui qui tabasse, que celui qui intimide, il y a ceux qui arment les esprits pour légitimer ces violences dans notre pays », indiquait la députée des Yvelines (à Paris-Match).

    Le refus du manuscrit et les attaques contre Juan me dépriment au point qu’avec un ami j’envisage de participer à son édition à titre personnel. J’en étais là quand deux éditeurs un peu plus indépendants et enthousiastes que les autres ont pris contact.

    Ce que vous avez entre les mains, cette chronique d’un effondrement qui peut advenir, est le fruit d’une courte maturation. Sa lecture permet de mieux comprendre comment et pourquoi, ce président a si peur du peuple et compte tellement sur la police pour sauver sa réputation et celle de ses amis. Les grandes messes macroniennes, érigées en débats, occupent en ce mois de février finissant, à temps quasi complet, les écrans. Elles retardent une échéance qui semble, à lire Juan Branco, inéluctable. J’aurais pu dire « espérée ». Je n’en suis pas sûr. Contrairement à l’auteur de Crépuscule, je ne suis pas persuadé que l’effondrement puis la destitution d’Emmanuel Macron soit la seule issue au conflit qui agite le pays. Ni la meilleure.

    Jamais des politiques fiscales et économiques n’ont été autant construites, vendues et inventées pour bénéficier aux classes supérieures déjà si riches et dominantes. L’absence de contre-pouvoir médiatique et d’offre politique crédible à opposer sont désespérantes. Nous nous sommes laissés endormir et berner. Mais nous avons été des électeurs consentants. Et ce qui profile n’est pas la fin d’un monde, juste son déclin, sa nuit. Son tumulte. Son désordre. Sa confusion. Pourquoi croire au pire ? Espérons l’aube, le calme, le silence et la justice. Espérons des hommes debout, déterminés et lucides.

    Contrairement à la vision sombre et sans autre alternative qu’une révolution forcément sanglante, développée par Juan, il reste un peu de temps et des espoirs. Il reste aussi des journalistes dans les médias mainstream, comme dans la presse alternative et indépendante, pour poursuivre le travail d’enquête autour du macronisme. Et inverser la tendance lourde qui voudrait enterrer les gilets jaunes sous les gravats du ressentiment des managers en place.

    Ce livre est différent de ce qui s’édite et se lit usuellement sur Emmanuel Macron, ceux qui l’ont amené à l’Élysée et ceux qui vivent grassement aux crochets de cette République en marche vers leur néant. Son auteur assume pleinement et courageusement une forme de trahison. Juan vit à Saint Germain des Près. C’est un jeune bourgeois qui rompt avec sa classe, ses maîtres, certains de ses amis, ses collègues de Normale Sup et de Science po. Il vit depuis près d’un an grâce au RSA. Gageons que cela lui sera reproché. Il a aussi rompu avec sa vie d’avant et ses salaires de banquiers pour entreprendre ce travail pour lui-même, sur lui-même et pour nous. Il n’a rien prémédité. Il s’est levé un matin et s’est mis à écrire. À prendre ce risque parce que le reste -tout le reste- lui paraissait insupportable.

    « Crépuscule » nous éclaire – c’est son paradoxe- sur la face obscure de ce pouvoir déliquescent. C’est d’abord un exercice de lucidité.

    Le « cadeau pour les fêtes » (publié le 21/12/2018) : vidéo de l’entretien de Daniel Mermet avec Juan Branco : https://la-bas.org/la-bas-magazine/entretiens/Juan-Branco-desosse-Macron

    Juan Branco vient de ce monde-là. Avocat, philosophe, chercheur, diplômé des hautes écoles qui fabriquent les élites de la haute fonction publique, à 30 ans il connaît ce monde de l’intérieur. Sur son blog, il publie « CRÉPUSCULE », une enquête sur les ressorts intimes du pouvoir macroniste et ses liens de corruption, de népotisme et d’endogamie, « un scandale démocratique majeur : la captation du pouvoir par une petite minorité, qui s’est ensuite assurée d’en redistribuer l’usufruit auprès des siens, en un détournement qui explique l’explosion de violence à laquelle nous avons assisté.

  • Leçons du mouvement des Gilets jaunes, Badiou
    https://drive.google.com/file/d/1VGECYnlh_LgRRwKvtgd_uSU7liyudQvm/view

    La conséquence de tout cela est que la bourgeoisie française — son oligarchie dominante, les actionnaires du CAC 40 — ne peut plus entretenir à son service, sur le même pied qu’avant, notamment avant la crise de 2008, une classe moyenne politiquement servile. Cette classe moyenne a été en effet le support historique à peu près constant de la prééminence électorale des diverses droites, prééminence dirigée contre les ouvriers organisés des grandes concentrations industrielles, lesquels étaient tentés par le communisme entre les années vingt, et, justement, les années 1980-1990.
    D’où la levée actuelle d’une part importante, et populaire, de cette classe moyenne, qui a le sentiment d’être abandonnée, contre Macron, qui est l’agent de la « modernisation » capitaliste locale, ce qui veut dire : serrer partout la vis, économiser, austériser, privatiser, sans les égards, qui existaient encore il y a trente ans, pour le confort des classes moyennes, en échange de leur consentement au système dominant.

    Où l’on vérifie que « le plus grand penseur français » (Aude Lancelin) se montre apte à dégouter du marxisme voire de toute théorisation tout lecteur un tant soit peu attentif qui se refuse à définir le soulèvement Gilets jaunes comme une mobilisation des « classes moyennes », fussent-elles « populaires ».
    Je vais pas égrener ici le genre de « catégories sociales » qui sont au coeur de ce soulèvement, du cariste à l’aide soignante, de l’infirmière aux intérimeuses. Juste signaler, par exemple, que seule l’idéologie autorise à considérer globalement les #auto_entrepreneurs comme des patrons (de qui ?!, à combien ?).

    #idéologie #Bad_You !! #shame #classes_moyennes #Gilets_Jaunes #marxisme_fossile

    • Une version reçue par mel, histoire de ne pas avoir besoin d’un compte gougueule

      Leçons du mouvement des « gilets jaunes » - Alain Badiou —

      Que faut-il penser, ce qui s’appelle penser, et non courir en aboyant, de la contradiction, violente, durable, entre le mouvement des gilets jaunes et les autorités de l’Etat, conduites par le petit président Macron ?
      J’ai dit fermement, dès le tour final des élections présidentielles, que je ne me rallierai jamais ni bien entendu à Marine Le Pen, capitaine de l’extrême-droite parlementaire, ni à Macron, qui montait ce que j’ai appelé « un coup d’Etat démocratique », au service pseudo-réformateur du grand capital.

      Aujourd’hui, je ne change évidemment rien à mon jugement sur Macron. Je le méprise sans aucune retenue. Mais que dire du mouvement des gilets jaunes ? Je dois avouer qu’en tout cas, dans ses débuts, l’année dernière, je n’y ai rien trouvé, que ce soit dans sa composition, ses affirmations ou ses pratiques, qui soit à mes yeux politiquement novateur, ou progressiste.

      Que les raisons de cette révolte soient nombreuses, et qu’à ce titre on puisse considérer le mouvement comme légitime, je l’accorde sans hésiter. Je connais la désertification des zones rurales, le triste silence des rues abandonnées dans les villes petites, et même moyennes ; l’éloignement continu, pour des masses de gens, des services publics, du reste peu à peu privatisés : dispensaires, hôpitaux, écoles, bureaux de poste, gares de la SNCF, téléphone. Je sais qu’une paupérisation, d’abord rampante, puis accélérée, affecte des populations qui, il y a quarante ans encore, bénéficiaient d’un pouvoir d’achat en progression quasi continue. Il est certain que les formes nouvelles de la fiscalité, son aggravation, peuvent apparaître comme une des causes de cette paupérisation. Je n’ignore nullement que la vie matérielle de familles entières devient un casse-tête, notamment pour de nombreuses femmes, du reste très actives dans le mouvement des gilets jaunes
      En résumé : il y a en France un très fort mécontentement de ce qu’on peut nommer la partie laborieuse, majoritairement provinciale, et aux revenus modérés, de la classe moyenne. Le mouvement des gilets jaunes est une représentation significative, en forme de révolte active et virulente, de ce mécontentement.

      Les raisons historico-économiques de cette levée sont, pour qui veut bien les entendre, parfaitement claires. Elles expliquent du reste pourquoi les gilets jaunes renvoient le début de leurs malheurs à il y a quarante ans : en gros, les années quatre-vingt, début d’une longue contre-révolution capitalo-oligarchique, appelée à tort « néo-libérale » alors qu’elle était libérale tout court. Ce qui veut dire : retour à la sauvagerie du capitalisme du XIXe siècle. Cette contre-révolution venait en réaction aux dix « années rouges » — grosso modo de 1965 à 1975 —, dont l’épicentre français fut Mai 68 et l’épicentre mondial la Révolution Culturelle en Chine. Mais elle fut considérablement accélérée par l’effondrement de l’entreprise planétaire du communisme, en URSS, puis en Chine : plus rien, à échelle mondiale, ne s’opposait à ce que le capitalisme et ses profiteurs, singulièrement l’oligarchie trans-nationale des milliardaires, exercent un pouvoir sans limites.
      Bien entendu, la bourgeoisie française a suivi le mouvement contre-révolutionnaire. Elle en a même été une capitale intellectuelle et idéologique, avec les agissements des « nouveaux philosophes », qui ont veillé à ce que l’Idée communiste soit partout pourchassée, non seulement comme fausse, mais comme criminelle. De nombreux intellectuels, renégats de Mai 68 et du maoïsme, ont été de consciencieux chiens de garde, sous des vocables fétiches et inoffensifs, comme « liberté », « démocratie », ou « notre république », de la contre-révolution bourgeoise et libérale.

      Cependant, la situation de la France, peu à peu, des années quatre-vingt à aujourd’hui, s’est dégradée. Ce pays n’est plus ce qu’il a été pendant les « trente glorieuses » de la reconstruction d’après-guerre. La France n’est plus une puissance mondiale forte, un impérialisme conquérant. On la compare couramment, aujourd’hui, à l’Italie, voire à la Grèce. La concurrence la fait reculer partout, sa rente coloniale est au bout du rouleau et demande, pour être maintenue, d’innombrables opérations militaires en Afrique, coûteuses et incertaines. En outre, comme le prix de la force de travail ouvrière est bien plus bas ailleurs qu’en France, par exemple en Asie, les grandes usines sont toutes peu à peu délocalisées vers l’étranger. Cette désindustrialisation massive entraîne une sorte de ruine sociale qui s’étend de régions entières, comme la Lorraine et sa sidérurgie ou le Nord des usines textiles et des mines de charbon, jusqu’à la banlieue parisienne, du coup livrée à la spéculation immobilière sur les innombrables friches laissées par des industries en perdition.

      La conséquence de tout cela est que la bourgeoisie française — son oligarchie dominante, les actionnaires du CAC 40 — ne peut plus entretenir à son service, sur le même pied qu’avant, notamment avant la crise de 2008, une classe moyenne politiquement servile. Cette classe moyenne a été en effet le support historique à peu près constant de la prééminence électorale des diverses droites, prééminence dirigée contre les ouvriers organisés des grandes concentrations industrielles, lesquels étaient tentés par le communisme entre les années vingt, et, justement, les années 1980-1990. D’où la levée actuelle d’une part importante, et populaire, de cette classe moyenne, qui a le sentiment d’être abandonnée, contre Macron, qui est l’agent de la « modernisation » capitaliste locale, ce qui veut dire : serrer partout la vis, économiser, austériser, privatiser, sans les égards, qui existaient encore il y a trente ans, pour le confort des classes moyennes, en échange de leur consentement au système dominant.

      Les gilets jaunes, arguant de leur bien réelle paupérisation, veulent qu’on leur paie de nouveau ce consentement au prix fort. Mais c’est absurde, puisque précisément le macronisme est le résultat du fait que l’oligarchie, premièrement a moins besoin du soutien des classes moyennes, dont le financement était coûteux, depuis que le danger communiste a disparu ; et deuxièmement n’a plus les moyens de se payer une domesticité électorale de la même envergure qu’autrefois. Et que donc, il faut aller, sous couvert de « réformes indispensables » vers une politique autoritaire : une nouvelle forme du pouvoir d’Etat servira de support à une « austérité » juteuse, étendue du peuple des chômeurs et des ouvriers jusqu’aux couches inférieures de la classe moyenne. Et ce pour le profit des vrais maîtres de ce monde, à savoir les actionnaires principaux des grands groupes de l’industrie, du commerce, des matières premières, des transports et de la communication.

      Dans le Manifeste du Parti communiste, écrit en 1848, Marx examinait déjà ce type de conjoncture, et parlait, au fond, avec précision, de ce que sont aujourd’hui nos gilets jaunes. Il écrivait ceci : La classe moyenne, les petits fabricants, les détaillants, les artisans, les paysans combattent la Bourgeoisie, parce qu’elle compromet leur existence en tant que classe moyenne. Ils ne sont donc pas révolutionnaires, mais conservateurs  ; qui plus est, ils sont réactionnaires  ; ils demandent que l’histoire fasse machine arrière.
      Ils le demandent aujourd’hui d’autant plus âprement que la bourgeoisie française n’est plus en état, vu le tour pris par le capitalisme mondialisé, de soutenir et encore moins d’augmenter leur pouvoir d’achat. Les gilets jaunes « combattent la Bourgeoisie », comme le dit Marx, c’est vrai. Mais ils le font pour restaurer un ordre ancien et périmé, et non pour inventer un nouvel ordre social et politique, dont les noms ont été, depuis le XIXe siècle, « socialisme », ou, surtout, « communisme ». Car pendant presque deux siècles, tout ce qui n’était pas peu ou prou défini selon une orientation révolutionnaire était très justement considéré comme relavant de la réaction capitaliste. Il n’y avait, en politique, que deux grandes voies. Nous devons absolument revenir vers cette conviction : deux voies, en politique, deux seulement, et jamais une poussière « démocratique » de pseudo tendances, sous la houlette d’une oligarchie qui se déclare « libérale ».
      Ces considérations générales nous permettent de revenir aux caractéristiques concrètes du mouvement des gilets jaunes. Ses caractéristiques en quelque sorte spontanées, celles qui ne sont pas dues à des interventions extérieures au courant principal de la levée, sont en réalité « réactionnaires », comme le dit Marx, mais en un sens plus moderne : on pourrait appeler la subjectivité de ce mouvement un individualisme populaire, rassemblant des colères personnelles liées aux formes neuves de la servitude aujourd’hui imposée à tous par la dictature du Capital.

      C’est la raison pour laquelle il est faux de dire, comme le font certains, que le mouvement des gilets jaunes est intrinsèquement fasciste. Non. Le fascisme organise de façon le plus souvent très disciplinée, voire militarisée, des motifs identitaires, nationaux ou racialistes. Il y a dans la présente levée inorganisée – comme l’est toujours la classe moyenne urbaine — et de ce fait même individualiste, des gens de toutes sortes, de tous métiers, qui se pensent souvent, et sincèrement, comme démocrates, qui en appellent aux lois de la République – ce qui, aujourd’hui en France, ne mange pas de pain. A vrai dire, chez la grande majorité d’entre eux, les convictions proprement politiques sont flottantes. Mais à considérer le mouvement — encore une fois tel qu’il se donne dans sa « pureté » initiale – à partir de ses rares aspects collectifs, mots d’ordre, énoncés répétés, je n’y vois rien qui me parle, m’intéresse, me mobilise. Leurs proclamations, leur désorganisation périlleuse, leurs formes d’action, leur absence assumée de pensée générale et de vision stratégique, tout cela proscrit l’inventivité politique. Je ne suis certes pas conquis par leur hostilité à toute direction incarnée, leur crainte obsessionnelle de la centralisation, du collectif unifié, crainte qui confond, comme le font tous les réactionnaires contemporains, démocratie et individualisme. Rien de tout cela n’est de nature à opposer au très odieux et misérable Macron une force progressiste, novatrice et victorieuse au long cours.
      Je sais que les adversaires de droite du mouvement, notamment chez les intellectuels renégats, les ex-révolutionnaires devenus les chantres du pouvoir policier dès lors que l’oligarchie et l’Etat leur assurent des tribunes pour leur bavardage libéral – accusent le soulèvement « gilets jaunes » d’antisémitisme ou d’homophobie, ou encore de « danger pour notre République ». Je sais aussi que s’il existe des traces de tout cela, elles sont le résultat, non d’une conviction partagée, mais d’une présence, d’une infiltration active, de l’extrême-droite dans un mouvement désorganisé au point qu’il est vulnérable à toutes les manipulations imaginables. Mais enfin, ne nous voilons pas la face : Divers indices, notamment des traces évidentes de nationalisme à courte vue, d’hostilité latente aux intellectuels, de « démocratisme » démagogique dans le style crypto-fasciste de « le peuple contre les élites », et de confusion dans les discours, doivent inciter quiconque à être prudent dans toute appréciation trop globale de ce qui se passe aujourd’hui. Acceptons de voir que les ragots des « réseaux sociaux » tenant lieu, pour la majorité des gilets jaunes, d’information objective, la conséquence en est que circulent partout dans le mouvement des pulsions complotistes aberrantes.

      Un proverbe d’autrefois dit que « tout ce qui bouge n’est pas rouge ». Et pour le moment, du « rouge », dans le mouvement des gilets, qui certes « bouge », il n’est pas question : je ne vois, outre le jaune, que du tricolore, toujours un peu suspect à mes yeux.
      Bien sûr, les ultragauches, les anti-fafs, les dormeurs éveillés de nuit-debout, ceux qui sont toujours à l’affût d’un « mouvement » à se mettre sous la dent, les vantards de « l’insurrection qui vient », célèbrent les proclamations démocratiques (en fait, individualistes et à courte vue), introduisent le culte des assemblées décentralisées, s’imaginent refaire bientôt la prise de la Bastille. Mais ce sympathique carnaval ne peut m’impressionner : il a conduit partout, depuis dix ans et plus, à de terribles défaites, payées très chères par les peuples. En effet, les « mouvements » de la dernière séquence historique, de l’Egypte et du « printemps arabe » à Occupy Wall Street, de ce dernier à la Turquie des grandes places, de cette Turquie à la Grèce des émeutes, de la Grèce aux indignés de tous bords, des indignés à Nuit Debout, de Nuit Debout aux Gilets Jaunes, et bien d’autres encore, semblent très ignorants des lois réelles et implacables qui gouvernent aujourd’hui le monde. Passés les grisants mouvements et rassemblements, les occupations de toutes sortes, ils s’étonnent que la partie soit si dure, et que toujours on échoue, voire même qu’on a, chemin faisant, consolidé l’adversaire. Mais la vérité est qu’ils n’ont même pas constitué le début d’un antagonisme réel, d’une autre voie, à portée universelle, au regard du capitalisme contemporain.

      Rien n’est plus important, dans le moment actuel, que d’avoir présentes à l’esprit les leçons de cette séquence des « mouvements », gilets jaunes compris. On peut les résumer en une seule maxime : un mouvement dont l’unité est strictement négative, ou bien échouera, donnant le plus souvent une situation pire que celle qui sévissait à son origine, ou bien devra se diviser en deux, à partir du surgissement créateur, en son sein, d’une proposition politique affirmative qui soit réellement antagonique à l’ordre dominant, proposition soutenue par une organisation disciplinée.

      Tous les mouvements des dernières années, quelle que soit leur localisation et leur durée, ont suivi une trajectoire pratiquement similaire et en vérité catastrophique :
      –- unité initiale constituée strictement contre le gouvernement en place. C’est le moment qu’on peut dire « dégagiste », de « Moubarak dégage » à « Faire la fête à Macron »
      –- unité maintenue par un mot d’ordre complémentaire lui-même exclusivement négatif, après un temps de bagarres anarchiques, quand la durée commence à peser sur l’action de masse, mot d’ordre du genre « à bas la répression », « à bas les violences policières ». Le « mouvement », alors, faute de contenu politique réel, ne se réclame plus que de ses blessures ;
      –- unité défaite par la procédure électorale, quand une partie du mouvement décide d’y participer, une autre non, sans qu’aucun contenu politique véritable ne soutienne ni la réponse positive, ni la négative. Au moment où j’écris ces lignes, la prévision électorale ramène Macron à ses scores antérieurs au mouvement des gilets, le total de la droite et de l’extrême droite à plus de 60%, et le seul espoir de la gauche défunte, la France Insoumise, à 7%.
      –- D’où : venue au pouvoir, par les élections, de pire qu’avant. Soit que la coalition déjà en place les remporte, et ce de façon écrasante (ce fut le cas en Mai 68 en France) ; ou qu’une formule « nouvelle » en fait étrangère au mouvement et fort peu agréable soit victorieuse (en Egypte, les frères musulmans, puis l’armée avec Al Sissi ; Erdogan en Turquie) ; ou que les gauchistes en parole soient élus mais capitulent aussitôt sur le contenu (Syriza en Grèce) ; ou que l’extrême droite soit à elle seule victorieuse (le cas de Trump aux USA) ; ou qu’un groupe issu du mouvement s’acoquine avec l’extrême droite pour s’installer dans le fromage gouvernemental (le cas italien, avec l’alliance du mouvement cinq étoiles et des fascistoïdes de la ligue du nord). Remarquons que ce dernier cas a ses chances en France, si parvient à fonctionner une alliance d’une organisation prétendument venue des « gilets jaunes » et de la secte électorale de Marine Le Pen.

      Tout cela parce qu’une unité négative est hors d’état de proposer une politique, et sera donc en définitive écrasée dans le combat qu’elle engage. Mais pour proposer un au-delà de la négation, encore faut-il identifier l’ennemi, et savoir ce que signifie de faire réellement autre chose que lui, absolument autre chose. Ce qui implique a minima une connaissance effective du capitalisme contemporain à échelle mondiale, de la place décadente qu’y occupe la France, des solutions de type communiste concernant la propriété, la famille (l’héritage) et l’Etat, des mesures immédiates mettant en route ces solutions, comme aussi un accord, venu d’un bilan historique, des formes d’organisation appropriées à ces impératifs.

      Pour assumer tout cela, seul une organisation ressuscitée sur des bases nouvelles peut rallier, en quelque sorte au futur, une partie des classes moyennes en déroute. Il est alors possible, comme l’écrit Marx, que [la classe moyenne] agisse révolutionnairement, par crainte de tomber dans le Prolétariat  : ils défendent alors leurs intérêts futurs et non leurs intérêts actuels  ; ils abandonnent leur propre point de vue pour se placer à celui du prolétariat.

      Il y a là une indication précieuse, qui autorise une conclusion partiellement positive, mais sur un point essentiel : il existe sans doute une gauche potentielle du mouvement des gilets jaunes, une très intéressante minorité : celle que constituent ceux des activistes du mouvement qui, en fait, découvrent qu’il faut penser leur cause au futur et non au présent, et inventer, au nom de ce futur, leur ralliement à autre chose que leurs revendications statiques sur le pouvoir d’achat, les taxes, ou la réforme de la constitution parlementaire.
      On pourrait dire alors que cette minorité peut constituer une part du peuple réel, soit le peuple au sens où il porte une conviction politique stable, incarnant une voie réellement antagonique à la contre-révolution libérale.

      Bien sûr, sans incorporation massive des nouveaux prolétaires, les gilets jaunes ne peuvent représenter, tels quels, « le peuple ». Ce serait le réduire, ce peuple, à la nostalgie de la partie la plus démunie de la classe moyenne pour son statut social en perdition. Pour être, aujourd’hui, en politique, « le peuple », il faut que la foule mobilisée comporte un contingent fort et central du prolétariat nomade de nos banlieues, prolétariat venu d’Afrique, d’Asie, d’Europe de l’Est, d’Amérique latine ; il faut qu’elle affiche des signes clairs de rupture avec l’ordre dominant. D’abord dans les signes visibles, comme le drapeau rouge à la place du tricolore. Ensuite dans ce qui est dit, comme des tracts et des banderoles porteurs de directives et d’affirmations antagoniques à cet ordre. Ensuite encore, dans les exigences minimales qu’il faut clamer, par exemple l’arrêt total des privatisations et l’annulation de toutes celles qui ont eu lieu depuis le milieu des années quatre-vingt. Il faut avoir comme idée maîtresse le contrôle collectif sur tous les moyens de production, tout l’appareil bancaire, et tous les services publics (santé, éducation, transports, communication). Bref, le peuple politique ne peut se contenter, pour exister, de rassembler quelques milliers de mécontents, fussent-ils, ce que je crois, cent mille, et de réclamer d’un Etat — déclaré par ailleurs, à juste titre, détestable — qu’il veuille bien vous « considérer », organiser pour vous des référendums (lesquels, par exemple ?), entretenir quelques services de proximité et remonter un peu votre pouvoir d’achat en diminuant vos impôts.

      Mais passées les exagérations, les rodomontades, le mouvement des gilets jaunes peut être très utile dans l’avenir, comme le dit Marx : du point de vue de son futur. Si en effet nous nous tournons vers cette minorité d’activistes du mouvement des gilets jaunes qui, à force de se réunir, d’agir, de parler, ont compris en quelque sorte de façon intuitive qu’il leur fallait acquérir une vision d’ensemble, à échelle mondiale comme française, de ce qui est la source véritable de leur malheur, à savoir la contre-révolution libérale ; et qui par conséquent sont prêts à participer aux étapes successives de la construction d’une force de type nouveau ; alors, ces gilets jaunes, pensant à partir de leur futur ; contribueront sans aucun doute à l’existence, ici, d’un peuple politique. C’est pourquoi nous devons leur parler, et s’ils y consentent, organiser avec eux des réunions où se constitueront les premiers principes de ce qu’on peut appeler, ce qu’on doit appeler pour être clair, même si le mot est devenu, ces trente dernières années, à la fois maudit et obscur, un communisme, oui, un communisme nouveau. Comme l’expérience l’a montré, le rejet de ce mot a aussi bien donné le signal d’une régression politique sans précédent, celle-là même contre se lèvent, sans trop le savoir, tous les « « mouvements » de la dernière période, y compris ce qu’il y a de meilleur dans les « gilets jaunes » : les militants qui espèrent un nouveau monde.
      Pour commencer, ces nouveaux militants soutiendront ce que je crois être indispensable : créer, partout où on le peut, des grandes banlieues aux petites villes désertées, des écoles où les lois du Capital et ce que veut dire les combattre au nom d’une orientation politique totalement différente, soient enseignées et discutées de façon claire. Si au-delà de l’épisode « gilets jaunes contre Macron blanc », mais porté par ce que cet épisode avait au futur de meilleur, un tel réseau d’écoles politiques rouges pouvait voir le jour, le mouvement, par son indirecte puissance d’éveil, s’avèrerait avoir eu une véritable importance.

    • Considérer les professions intermédiaires uniquement à l’aune de la France est une erreur monumentale, actuellement, et oui, il s’agit bien de la classe moyenne à l’échelle mondiale. Et les Macron, Trump et autres Poutine gouvernent, ou plutôt dirigent, à l’échelle mondiale, eux, dans les sillons des multinationales.

  • Initialement prévue pour 2019, la réforme de l’ISF a été précipitée sous la pression d’économistes et de grands patrons, lors d’un rendez-vous secret avec des patrons du CAC 40 organisé à l’Élysée début juillet 2017.

    https://www.franceculture.fr/politique/impot-sur-la-fortune-la-reunion-secrete-qui-a-accelere-la-reforme
    http://www.afep.com/afep
    #ISF #en_même_temps


    #mort_aux_vaches

  • #china Expands Oversight Over #blockchain with New Anti-Anonymity Regulations
    https://hackernoon.com/china-expands-oversight-over-blockchain-with-new-anti-anonymity-regulati

    China’s primary internet regulatory agency, the Cyberspace Administration of China (CAC), recently adopted a new policy, announced on its Website earlier this month, that would require all blockchain technology companies to collect certain identifying information from its users before offering any blockchain-related service.The new policy will be effective starting on February 15, 2019.Picture’s sourceBlockchain information service providers, defined as “entities or nodes” that offer information services and technical support to the public using blockchain technology via desktop sites or mobile applications, will be subject to the new regulations. After February 15, these companies will be obliged to register their names, domains and server addresses at the CAC within 20 days of offering (...)

    #cryptocurrency #regulation #investing

  • A Guide to #baas — for people who do not understand #saas
    https://hackernoon.com/a-guide-to-baas-for-people-who-do-not-understand-saas-bf4990d0377d?sourc

    A Guide to BaaS — for people who do not understand SaaSSource: Nikos SotiriadisPeople in sales love to create mountains out of molehills. In their never-ending quest of simplifying the user experience, they end up inventing terms and terminologies that achieve the exact opposite. So, when I entered this hallowed domain, I was constantly bombarded with terms such as LTV, CAC, sales funnels, contextual advertising, SaaS, PaaS, BaaS, and whatnot.If you understand these terms, you’ve been in sales, either knowingly or unknowingly, for a while. This article is not for you. It is for those of us who didn’t go to Management schools but work in sales nevertheless in a technology-driven world.Coming straight to the point, BaaS, or #blockchain as a Service is a portmanteau of Blockchain and SaaS. To (...)

    #guide-to-baas #blockchain-as-a-service

  • Davos, ou comment les #Multinationales tentent de faire oublier leur impact désastreux
    https://www.bastamag.net/Davos-ou-comment-les-multinationales-tentent-de-faire-oublier-leur-impact

    Le Forum économique mondial de Davos, en Suisse, s’ouvre ce 22 janvier. C’est l’occasion de rappeler les stratégies désastreuses de la plupart des grandes multinationales et des gros investisseurs en matière de pollutions, de réchauffement climatique et d’accroissement des inégalités, comme le montre le rapport réalisé par l’association Attac et notre Observatoire des multinationales. En France, alors que leurs bénéfices continuent d’augmenter et leurs impôts de baisser, les entreprises du CAC 40 ont (...)

    #Chroniques

    / Multinationales, A la une, Emploi , #Climat

    #Emploi_

  • Les entreprises du CAC 40 ont versé 57 milliards de dividendes à leurs actionnaires en 2018
    https://www.crashdebug.fr/actualites-france/15467-les-entreprises-du-cac-40-ont-verse-57-milliards-de-dividendes-a-le

    Avec des résultats pareils ? Est ce que vous votre salaire as été augmenté en 2018 ? Eh bien non, alors que 67,4% des bénéfices vont aux actionnaire, seulement 5,3% vont aux salariés, alors qu’avant historiquement 33% allait à l’entreprise 33% aux actionnaiers et 33% aux.... Salariés...

    Ce sont toujours les mêmes qui s’enrichisent et toujours les même qui payent...., mais bon puisque la majorité des Français n’y trouve rien à dire.... (c’est vrai il n"y à que 300.000 gilets jaunes dans la rue après tout) Alors qu’ils continuent à se faire exploiter.... Quand ils feront un burn out, c’est la société qui les prendras en charge, privatiser les profits et socialiser les pertes...

    Ces versements, qui incluent les rachats d’actions, sont en hausse de près de 13%. Total, (...)

    #En_vedette #Actualités_françaises

  • Faut-il que les gilets jaunes, la police ou l’armée tirent sur Luc Ferry ? Maxime VIVAS - 9 Janvier 2019 - Le Grand Soir
    https://www.legrandsoir.info/faut-il-que-les-gilets-jaunes-la-police-ou-l-armee-tirent-sur-luc-ferr

    Luc Ferry est agrégé de philosophie, docteur d’État en sciences politiques, ancien ministre de la Jeunesse, de l’Éducation nationale et de la Recherche. Rien que ça ! Il est l’auteur de nombreux ouvrages philosophiques et chroniqueur au Figaro et à Radio Classique.

    Ce n’est donc pas un sous-développé du bulbe comme Aurore Bergé, Eric Brunet, ou Pierre Haski (j’en ai d’autres, mais…). 
- Sur Radio Classique, il a déclaré https://www.lci.fr/politique/luc-ferry-se-defend-sur-lci-apres-ses-propos-polemiques-tout-cela-est-ridicule-r , le 7 janvier que les policiers devaient se servir « de leurs armes, une bonne fois » contre les « salopards d’extrême gauche et d’extrême droite ou des quartiers ». Et comme il a eu peur que cela ne suffise pas, il a appuyé : « On a la quatrième armée du monde, elle est capable de mettre fin à ces saloperies. »

    Sans même avoir fait une année de philo et un mois à Sciences po, chacun comprend qu’il demande que les policiers, épaulés par l’armée, tirent sur la foule des gilets jaunes. Car, il est évidemment impossible, avant de tirer, de trier entre les idées des manifestants et leur lieu de vie. Impossible de distinguer les gilets jaunes venus pour casser (une infime minorité) et ceux qui s’enragent soudain (comme le boxeur Cristophe Dettinger https://www.facebook.com/La.Tribune.des.Pirates/videos/un-manifestant-boxe-les-gendarmes/2261561470746027 ) au spectacle d’une violence aveugle, déclenchée délibérément par les forces du désordre.

    Pour avoir manifesté les samedis à Toulouse, je puis témoigner d’une chose nouvelle et que je ne pouvais imaginer, moi qui arpente le bitume sous banderoles depuis si longtemps : il est désormais impossible d’aller manifester sans être, à un moment, obligé de courir devant les keufs et de respirer des gaz lacrymogènes.

    Un excité leur balance une bouteille de bière ? Ils canardent en retour la manifestation d’une pluie de grenades. La riposte est toujours volontairement disproportionnée. Ils sont sûrs de l’#impunité. Ils sont couverts et encouragés. 

    - « On peut cogner, chef ? ».
- « Mais bien sûr, imbécile, qu’est-ce que tu attends, un ordre écrit de Castagnette ? ».

    Personne ne leur balance quoi que ce soit ? Immense frustration ! L’ordre est alors donné de scinder le cortège, de le faire s’égailler dans plusieurs rue et quartiers pour de meilleurs images de foules clairsemées. Les grenades explosent, les vauriens en civil de la BAC cognent au petit bonheur la chance, jettent à terre, ligotent dans le dos avec des Serflex, un genou sur la tête de la victime. Ils l’embarquent en la traînant comme un sac de patates, accélérant le mouvement par des coups de pieds pour lesquels ils n’auront jamais des comptes à rendre (croient-ils. Attendez, mes bonhommes…) et ils déposent plainte au commissariat pour outrage parce que l’innocent a répondu « Ta gueule ! » à « Bougnoul, crouille, Kirikou, enculé de ta vieille pute de mère, je me fais sucer par ta salope de sœur ».

    Bref, la manif se disloque façon puzzle. BFMTV en filme un morceau. « Le mouvement s’essouffle », vous le saviez déjà, ou alors n’êtes pas abonnés au #Monde et à #Libé, vous n’avez pas la télé, ni un autoradio, ni une radio, ou vous fermez les yeux en passant devant les kiosques à journaux, ou vous ne fréquentez jamais une salle d’attente, ou vous ne parlez jamais avec vos contemporains, ou vous êtes fâchés avec votre beauf, ou vous avez enfin pu acheter la lointaine petite île perdue où la main de l’homme n’a jamais mis les pieds.

    J’ai toujours dans ma poche ce petit masque blanc que distribuaient les
    infirmières toulousaines dans les cortèges. Et il m’a souvent servi. Et je ne pars pas en manif sans lui. C’est nouveau, ça vient de sortir. C’est une pratique labellisée « Macron 1er ».

    Le président de la République, son premier ministre, le ministre de l’Intérieur, le préfet de police de Paris, la plupart de nos journaleux, Luc Ferry, haïssent et conchient le peuple de France et ils feraient embarquer Maurice Grimaux, préfet de Police de Paris en 1968 https://www.legrandsoir.info/le-prefet-de-police-qui-ne-voulait-pas-que-soient-frappes-les-manifest qui adjurait ses policiers d’être respectueux des lois de la République et de ne pas matraquer un manifestant à terre.

    Tous ces lascars sont aussi insensibles que la #Marie-Antoinette, aussi inconscients que #Louis_XVI.

    Et il y a du #Adolphe_Tiers en eux.

    D’une main nonchalante, ils piochent, dans le saladier en cristal, des friandises achetées chez Fauchon par un domestique, de l’autre ils fouillent dans l’arsenal des lois pour trouver celle qui, en l’interprétant comme il faut, permettrait d’absoudre leurs nervis violents, leurs mercenaires assermentés et sans foi. Ils y puisent la loi qui justifierait qu’on colle au gnouf quiconque risque de nous entraîner sur les chemins où la première capricieuse dépensière de France, Brigitte Macron, casserait ses talons de 10 centimètres : ceux qui conduisent au rétablissement de l’ISF, au RIC, à l’augmentation des salaires de misère. Et la suite.

    Ils portent en eux la mort par crime « légal ». 
Balancez toutes les grenades que vous pouvez, même celles que les lois internationales interdisent d’utiliser, mitraillez avec vos flash balls équipés de viseurs holographiques qui permettent de ne pas rater l’œil ou la bouche, acharnez-vous en meute sur le malheureux (ne pas tenir compte du sexe, de l’âge ou de la totale innocence) qui passe à votre portée. « Ah les braves sicaires ! » , s’extasie Castaner en regrettant de ne pouvoir les décorer tous de la #Légion_d_honneur, ce hochet galvaudé, indistinctement attribué à des citoyens méritants et à des crapules qui devraient être en prison (trois bols de fayots par jour et c’est tout. A la japonaise !).

    14/18. Les malheureux #poilus jaillissaient de la tranchée et les projectiles de l’ennemi en hachaient menu une partie. D’autres perdaient un membre ou un morceau du visage. Ha ! Ha ! se régalent d’avance mes détracteurs en notant avec quelle maladresse je viens de tomber dans une comparaison hasardeuse et scandaleuse. Pourtant, aller manifester aujourd’hui, c’est risquer d’y laisser une main, un œil, la bouche. Et croyez-en Luc Ferry, c’est loin d’être suffisant. Les poilus qui sont retournés intacts dans la tranchée avaient gagné le gros lot à la loterie de la guerre. Nos braves gilets, jaunes qui ont laissé un œil, une joue, un bout des lèvres, leurs gencives, leurs dents, une main, dans une manif, ont tiré le mauvais numéro et c’est tout. La faute à « pas de chance » , ça s’appelle être au mauvais d’endroit au mauvais moment, inutile d’aller embêter Macron avec ces brouilles, il est élu, légitime. Les urnes ont parlé (murmuré, en fait).Vous êtes démocrate, oui ou m… ?

    J’ai un jeune fils qui vit bien mieux qu’un gilet jaune, mais qui ne rate pas une manif. Il a l’âge des enthousiasmes et des indignations. Il s’approche trop des #Robocops. Je tremble pour lui. Je lui conseille (lâchement ? En toute logique ?) de laisser jaillir en premier de la tranchée ceux qui ont élu #Macron et qui viennent dire qu’ils le regrettent. Tel qui a mis le feu à la maison par inconscience doit être le premier à lutter contre l’incendie et à s’exposer à une chute de brandon incandescent.

    Revenons à Luc Ferry . Les crapules des journaux qui font l’opinion (c’est-à-dire les journaux des milliardaires, subventionnés et gavés de pub), les radios et télés des milliardaires (bénéficiaires du CICE et souvent non contribuables), font exactement le contraire de ce qu’ils auraient fait si #Jean-Luc Mélenchon avait dit le centième du commencement du début d’amorce de ce que préconise #Luc_Ferry.

    Et d’abord, pourquoi n’est-il pas en garde à vue, Ferry ?

    Pourquoi cent policiers n’ont-ils pas perquisitionné à l’aube dans un des ses domiciles ?

    Pourquoi la « classe » politique droitière (je mets « classe » entre guillemets à cause du double sens du mot qui pourrait faire croire que ces enflures sont classieuses) ne rappelle-t-elle pas que la loi républicaine interdit de tirer sur le peuple désarmé et qu’inciter à le faire est un délit (ou un crime ?).

    Pourquoi n’est-il pas claironné que la loi n’autorise en aucun cas des tirs de l’armée et de la police sur des foules, au prétexte que la manifestation n’a pas été déclarée à un Préfet qui hait le peuple et lâche ses sbires équipés d’armes qui blessent, estropient et défigurent. Et tuent.

    Pourquoi ne connaît-on même pas le nom du flic qui a tué d’un tir bien ajusté le 1er décembre 2018, une octogénaire qui fermait ses volets au 4ème étage d’un immeuble marseillais ? Il a fallu moins de 24 heures pour que tout le pays sache que Cristophe #Dettinger est le boxeur (à mains nus) d’un policier harnaché et, guère plus de temps pour qu’il ne soit plus libre.

    Où est-il le #tueur de la mémé ? Toujours dans les manifs, toujours armé ? Il perçoit l’augmentation de salaire offerte par les chient-en-lit du gouvernement (oui, je m’énerve : moi, dès qu’on tue des vieux, je me Cristophe-Dettingerise mentalement).

    Pourquoi est-il en liberté Luc Ferry ? Dans tous les cas, ses propos sont mortifères. Soit ils seront suivis d’effet et, adieu la démocratie, bonjour la #guerre_civile, soit ils vont faire monter chez les manifestants des velléités de ne pas se laisser tirer comme à la fête foraine, ce qui induira qu’ils s’équipent.

    Luc Ferry leur a lancé un défi : « Venez à poil, petits lapins, nous sortons nos fusils de chasse et nos fusils de guerre ».

    Macron prononce des vœux en engueulant et menaçant son peuple, #Edouard_Philipe annonce que les sanctions et la répression seront plus sévères, les #médiacrates s’esbaudissent et applaudissent comme il convient chez les larbins, Ferry en appelle à l’armée.

    Ces (comment dit-il l’agrégé, déjà ? Ah oui !) salopards annoncent des crimes et absolvent par avance les tueurs. Ils ont fait le choix de défendre jusqu’au bout leurs privilèges et les intérêts du CAC 40. A combien de millions se monte la fortune de Luc Ferry ? Ira-t-il le dire à un gilet jaune qui se les gèle sur un rond-point et qui se les gèlera en famille en rentrant chez lui ?

    « Le Capital a horreur de l’absence de profit. Quand il flaire un bénéfice raisonnable, le Capital devient hardi. A 20%, il devient enthousiaste. A 50%, il est téméraire ; à 100%, il foule aux pieds toutes les lois humaines et à 300%, il ne recule devant aucun crime » (Karl Marx).

    Luc Ferry, comme toutes ces « belles gens » , souffre du même complexe de supériorité que Macron et (au hasard) #Gilles_Le_Gendre, ancien élève du collège Sainte-Croix de #Neuilly-sur-Seine, chef d’entreprise, successivement journaliste dans des journaux dont le titre fait rêver le poète que je suis : (Challenge, l’Usine Nouvelle, le Nouvel Economiste, l’Expansion) et patron des députés LREM :  « Notre erreur est d’avoir probablement été trop intelligents, trop subtils... ».

    Cependant, faut-il que les gilets jaunes, la police ou l’armée tirent sur Luc Ferry ?
    Certes pas. D’abord, devant le tollé provoqué par son appel au crime, il a dû se fendre d’une déclaration d’une hypocrisie et d’une bêtise telle que j’ai cru à une analyse de #Jean-Michel_Aphatie. Lisez Luc Ferry, agrégé de rétropédalage : « Je n’ai évidemment jamais appelé à tirer sur les gilets jaune dont je défends le mouvement depuis l’origine. Je demande simplement que les policiers puissent se servir comme ils le demandent de leurs armes NON LÉTALES quand CERTAINS cherchent carrément à les tuer. Clair ? »

    Ce qui est clair c’est que «  l’armée  » a soudain disparu pour faire place à «  non létales  » dont l’absence nous avait contrariés dans sa controversée diatribe belliciste de bon bourgeois assuré de n’avoir jamais à appuyer lui-même sur la détente et à ramasser des morceaux de cervelle sur le pavé devant sa porte.

    Pour finir, jouons au jeu du «  Luc Ferry inversé », pour voir si ça passe : « Les gilets jaunes devraient se servir de pavés et de cocktails Molotov, une bonne fois, contre les salopards de keufs fachos (policiers, gendarmes mobiles, #baqueux ) et contre les sièges des #mérdias. Depuis 1968, on a les meilleurs lanceurs du monde, ils sont capables de mettre fin à ces saloperies #flicaillères et #journaleuses. »

    Bien entendu, je désapprouve cette conclusion (1) et je préfère de loin (car je suis prudent et douillet) ce qui est dit ici.

    Maxime VIVAS *

    Note (1). Me croit qui veut.

  • Effet « #gilets_jaunes » oblige, les politiques français lâchent le CES de Las Vegas
    https://www.latribune.fr/technos-medias/effet-gilets-jaunes-oblige-les-politiques-francais-lachent-le-ces-802590.h


    Emmanuel Macron, alors en pleine campagne présidentielle, avait fait en personne le déplacement en 2017 au CES de Las Vegas, pour bénéficier de l’image alors positive de la "startup nation".
    Crédits : REUTERS/Steve Marcus

    Malgré la présence d’un nombre record de startups françaises (plus de 420) au CES de Las Vegas, qui se tient du 8 au 11 janvier, aucun ministre ni président de Région, pas même le secrétaire d’Etat au Numérique Mounir Mahjoubi, ne fera le déplacement. Un contraste saisissant avec les éditions précédentes, qui s’explique par la disgrâce dans l’opinion de la "#startup_nation" dans le contexte social tendu des "Gilets jaunes".

    Le CES de Las Vegas devient-il infréquentable ? Le mouvement des « Gilets jaunes », qui a fragilisé le pouvoir cet automne, a une conséquence inattendue : le plus grand salon technologique au monde, qui attirait pourtant depuis quelques années la crème de la crème des politiques, tombe totalement en disgrâce. Dans un contexte social très tendu où les fins de mois difficiles reviennent au cœur des débats, la « startup nation » n’a plus le vent en poupe auprès des élus et du gouvernement.

    « Personne ne veut s’afficher aux côtés de la France privilégiée qui crée des gadgets high-tech, dans la capitale mondiale du bling-bling. Ce serait complètement déconnecté », confie, sous couvert d’anonymat, un membre d’un cabinet ministériel à Bercy.

    Un constat valable aussi pour l’opposition et les présidents de régions, mais surtout pour la Macronie, traumatisée à l’idée que « l’affaire #Pénicaud  » (une coûteuse soirée en marge du CES en 2016 autour d’Emmanuel Macron, organisée par Business France sans appel d’offre) revienne encore hanter le président…

    • CES 2019 : un Mounir Mahjoubi virtuel confirme le « Next 40 », le CAC 40 de la French Tech
      https://www.latribune.fr/technos-medias/innovation-et-start-up/ces-2019-un-mounir-mahjoubi-virtuel-confirme-le-next-40-le-cac-40-de-la-fr

      Le secrétaire d’État au Numérique va venir trois fois au CES... de manière virtuelle, sous la forme d’un robot de téléconférence créé par la startup française Awabot. Lors de la soirée francophone en marge du salon, il a confirmé le lancement cette année d’un tout nouvel indice pour les startups, le Next 40.

      Cette année, aucun membre du gouvernement ni président de Région n’a fait le déplacement au CES. Et pour cause : dans le contexte social tendu des « Gilets jaunes », le plus grand salon technologique au monde, situé dans la capitale mondiale du bling-bling à Las Vegas, est devenu complètement infréquentable. Une situation délicate pour le secrétaire d’État au Numérique, Mounir Mahjoubi, peu enclin au risque politique de s’exhiber au milieu de la « startup nation » si impopulaire en ce moment, mais dont la présence était pourtant attendue de pied ferme par l’écosystème de la French Tech.

      Comme en son temps François Hollande, Mounir Mahjoubi a donc décidé de pratiquer l’art de la synthèse. Mardi 8 janvier, il a bien fait une apparition au CES... depuis Paris, de manière virtuelle. Une manière d’être là sans vraiment être là, de montrer son soutien à l’écosystème sans prêter le flanc à la critique d’un coûteux voyage.

  • Macron et son crépuscule | Juan Branco
    http://branco.blog.lemonde.fr/files/2018/12/Macron-et-son-Crepuscule.pdf

    Le pays entre en des convulsions diverses où la haine et la violence ont pris pied. Cette enquête sur les ressorts intimes du pouvoir macroniste, écrite en octobre 2018, vient donner raison à ces haines et violences que l’on s’est tant plus à déconsidérer. Impubliable institutionnellement, elle l’est du fait des liens de corruption, de népotisme et d’endogamie que l’on s’apprête à exposer.

    Tous les faits, pourtant, ont été enquêtés et vérifiés au détail près. Ils exposent un scandale démocratique majeur : la captation du pouvoir par une petite minorité, qui s’est ensuite assurée d’en redistribuer l’usufruit auprès des siens, en un détournement qui explique l’explosion de violence à laquelle nous avons assisté. Qui l’explique car le scandale dont il est sujet n’a pas été dit ni révélé, nourrissant à force de compromissions successives une violence qui ne pouvait qu’éclater. En un pays où 90% de la presse est entre les mains de quelques milliardaires, l’exposition de la vérité est affaire complexe, et la capacité à dire et se saisir du réel ne cesse, pour les dirigeants et les « élites » tout autant que pour le « peuple », de se dégrader.

    Un Français sur deux souhaite la démission de Macron. Il faut mesurer la force de ce chiffre : il ne s’agit pas de dire que le Président de la République déplairait à un Français sur deux. Mais qu’un Français sur deux, dont une immense majorité croit et adhère au système politique existant, à peine un an après une élection présidentielle, considère que son résultat devrait être invalidé par le départ de celui qui théoriquement devait les diriger pendant cinq ans.

    Il n’est pas difficile d’en déduire qu’une très ample majorité l’approuverait, si cette chute ou destitution intervenait. Comment l’expliquer, alors que formellement, cet être semble avoir respecté l’ensemble des conditions qui font qu’une élection puisse apparaître démocratique ?

    • Léché, lâché, lynché. La règle des trois « L » est bien connue parmi ceux qui connaissent gloire et beauté. C’est ce qui arrive à Emmanuel Macron. Hier, le beau monde des médias le léchait avec ravissement, et voilà qu’aujourd’hui le peuple demande sa tête au bout d’une pique. Le petit prodige est devenu le grand exécré.

      Rien d’étonnant, les riches l’ont embauché pour ça, il est leur fondé de pouvoir, il est là pour capter toute l’attention et toutes les colères, il est leur paratonnerre, il est leur leurre, en somme. Tandis que la foule hurle « Macron, démission », ceux du CAC 40 sont à la plage. Un excellent placement, ce Macron. De la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune à la « flat tax » sur les revenus des capitaux, de la baisse de l’impôt sur les sociétés à la loi Travail qui facilite les licenciements, il n’a pas volé son titre de président des riches.

      Mais pourquoi lui ? Comment est-il arrivé là ? À quoi ressemblent les crabes du panier néolibéral d’où est sorti ce premier de la classe ? Une caste, un clan, un gang ? Le cercle du pouvoir, opaque par nature, suscite toujours fantasmes et complotisme aigu. Il est très rare qu’une personne du sérail brise l’omerta.

      Juan Branco vient de ce monde-là. Avocat, philosophe, chercheur, diplômé des hautes écoles qui fabriquent les élites de la haute fonction publique, à 30 ans il connaît ce monde de l’intérieur. Sur son blog, il publie « CRÉPUSCULE », une enquête sur les ressorts intimes du pouvoir macroniste et ses liens de corruption, de népotisme et d’endogamie, « un scandale démocratique majeur : la captation du pouvoir par une petite minorité, qui s’est ensuite assurée d’en redistribuer l’usufruit auprès des siens, en un détournement qui explique l’explosion de violence à laquelle nous avons assisté. [1] »

      Un entretien de Daniel Mermet avec Juan Branco, avocat, auteur de Crépuscule (2018).

      Juan Branco, Crépuscule, 2018

      https://la-bas.org/la-bas-magazine/entretiens/Juan-Branco-desosse-Macron

  • L’envers des friches culturelles | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/231218/l-envers-des-friches-culturelles

    Terrains vagues, bâtiments désaffectés, rails à l’abandon… Un peu partout en France, ces espaces qui faisaient auparavant l’objet d’occupations illégales sont convertis en lieux culturels par une poignée d’entrepreneurs ambitieux. Ces sites, souvent éphémères, se présentent comme « engagés » et « créatifs » et participant à la revalorisation de quartiers dépréciés. Mais cette « valorisation » semble avant tout financière. Une enquête parue dans le numéro 11 du Crieur, toujours en librairie.

    • C’est que Ground Control s’inscrit plus largement dans une politique foncière en pleine expansion au sein de la SNCF : l’urbanisme transitoire. « Cette démarche dite d’“urbanisme temporaire” ou transitoire est un levier essentiel de valorisation, avance Fadia Karam, directrice du développement de SNCF Immobilier. Cela permet d’intensifier l’usage de nos sites parfois vides et d’éluder des coûts de gardiennage, d’entretien et de sécurité, en limitant la détérioration et l’obsolescence de notre patrimoine. En dotant nos sites de nouveaux usages, nous développons la valeur de nos actifs. »

      icf-habitat

      La stratégie d’urbanisme transitoire du groupe ferroviaire prend naissance en 2013, quand une galerie de street art propose à ICF Habitat, filiale logement de la SNCF, d’investir provisoirement une de ses tours de logement destinée à la démolition. L’initiative, baptisée Tour Paris 13, est une telle réussite – trente mille visiteurs en un mois – que la SNCF entrevoit rapidement dans ce site culturel éphémère un formidable outil de communication sur la future HLM qui s’érigera en lieu et place de la tour. Et, par ricochet, d’augmentation de l’attractivité de ce quartier résidentiel grâce aux artistes graff les plus célèbres de la scène mondiale venus s’approprier l’immeuble en friche.

      Rapidement surnommée la « cathédrale du street art », la tour a été l’objet d’une grande attention médiatique, à l’image de Télérama, qui ira jusqu’à suivre en direct, avec trois caméras, la destruction du bâtiment en 2014. Trois ans plus tard, le même journal publiait un article élogieux sur le nouvel « immeuble HLM à l’architecture délirante » situé dans l’« eldorado parisien du street art ». Une opération de communication bénéficiant à la fois à l’acteur privé – la galerie Itinerrance – et à la SNCF, qui a pu aisément vendre ses logements flambant neufs à un prix lucratif.

      En 2015, deux ans après Tour Paris 13, l’occupation temporaire du dépôt de train de la Chapelle par Ground Control est appréhendée par SNCF Immobilier comme un projet pilote en vue de mieux formaliser sa démarche d’urbanisme transitoire. Après cette expérience concluante de friche culturelle éphémère, la filiale lance en fin d’année un appel à manifestation d’intérêt afin que seize de ses espaces désaffectés soient reconvertis provisoirement en « sites artistiques temporaires ».

      En réinvestissant une deuxième fois le dépôt de la Chapelle en 2016, puis la Halle Charolais de la gare de Lyon, Denis Legat devient, avec son concept Ground Control, le fer de lance de l’urbanisme transitoire prôné par la société nationale des chemins de fer. Au plus grand bonheur de Marie Jorio, cadre développement au sein de SNCF Immobilier qui, à propos du site de la Chapelle, déclare sans ambages : « Avec Ground Control, nous avons fait exister cette adresse plus rapidement et avons créé de l’attractivité : les opérateurs ont envie d’y aller et d’innover ! »

      Aux yeux de la SNCF, la friche culturelle Ground Control a en effet servi d’outil marketing pour mieux promouvoir l’aménagement urbain qui prévoit la construction de cinq cents logements dans ce coin morne du XVIIIe arrondissement. Quant aux visiteurs, ils ont été les cobayes de la future identité urbaine de ce quartier dévitalisé, Ground Control constituant un showroom hype au service du complexe immobilier en devenir. « L’ADN ferroviaire du site du dépôt Chapelle est ressorti très fortement dans l’appétence et le succès du concept, révèle ainsi SNCF Immobilier. Le projet urbain en cours de définition fera revivre cet ADN et cette identité ferroviaire très forte qui constituent un actif immatériel et un capital fort. »

      Le recours aux occupations temporaires pour accroître la valeur financière d’un projet immobilier et préfigurer ses futurs usages est de plus en plus systématique. En janvier 2018, l’Institut d’aménagement et d’urbanisme d’Île-de-France avait recensé pas moins de soixante-dix-sept projets d’urbanisme transitoire en région francilienne depuis 2012 – dont plus de la moitié sont en cours. Quatre cinquièmes des propriétaires des sites sont des acteurs publics ( collectivités locales, établissements publics d’aménagement, SNCF, bailleurs sociaux ) et les occupations à dimension culturelle sont largement prédominantes.

      Les pouvoirs publics locaux ont par ailleurs décidé d’accompagner pleinement cette dynamique d’optimisation foncière. Le conseil municipal de Paris et le conseil métropolitain du Grand Paris ont tous deux récemment adopté le vœu qu’à l’avenir, tout projet d’aménagement urbain soit précédé d’une opération d’urbanisme transitoire. De plus, sur la quarantaine de projets d’urbanisme temporaire actuels, vingt-sept sont soutenus par la région Île-de-France dans le cadre de son appel à manifestations d’intérêt sur l’urbanisme transitoire lancé en 2016. Une enveloppe qui s’élève à 3,3 millions d’euros.

      Là encore, malgré les incantations à l’« innovation urbaine » et à la « transition écologique » de cet appel à projets, c’est avant tout l’argument économique qui fait mouche. « Il faut en moyenne douze ans pour qu’une ZAC [ zone d’aménagement concerté ] sorte de terre, avançait l’an dernier Chantal Jouanno, alors vice-présidente de la région. Durant ce laps de temps, les immeubles ne servent à personne, peuvent être squattés et perdre leur valeur. » La nature a horreur du vide. Les édiles parisiens également.
      Espace public, bénéfice privé

      Cultplace et La Lune rousse ne se contentent pas d’accaparer des friches. L’ensemble de leurs sites éphémères et établissements présentent en effet la particularité d’être des espaces hybrides, à la fois publics et privatisables, culturels et commerciaux. Des logiques tout autant artistico-festives que marchandes, qui ont permis aux entrepreneurs culturels de s’approprier une dénomination en vogue : celle de « tiers-lieu ».

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      Conceptualisé par le sociologue américain Ray Oldenburg dans un ouvrage intitulé The Great Good Place ( 1989 ), le tiers-lieu désigne à l’origine les espaces de sociabilité situés en dehors du domicile et du travail, comme les cafés ou les parcs publics. Cette expression aux contours flous a été employée afin de qualifier les premiers fablabs, les hackerspaces et autres jardins urbains partagés. Mais au grand dam des tenants de l’éthique open source et de l’esprit collectif de la débrouille, le terme de tiers-lieu s’est progressivement dénaturé jusqu’à qualifier de facto tout espace hébergeant des activités pluridisciplinaires, gratuites comme lucratives.

      « Je vois nos sites comme des écrins pour l’initiative, pour l’émergence d’envies, s’enflamme ainsi Renaud Barillet. Mais la réalité économique d’un tiers-lieu comme la friche 88 Ménilmontant fait qu’on a besoin de clients. Ce que l’on fabrique, ce sont des initiatives privées mais qui peuvent avoir une quote-part d’intérêt général. »

      Loïc Lorenzini, adjoint au maire du XVIIIe arrondissement chargé des entreprises culturelles, porte néanmoins un autre regard sur l’émergence de ces tiers-lieux. « Ground Control au dépôt de la Chapelle, cela n’a pas été évident avec eux au début, se souvient l’élu. Il y avait un service d’ordre avec des vigiles à l’entrée du lieu, ce qui n’a pas vraiment plu aux habitants du quartier. »

      Sa circonscription héberge actuellement deux sites artistiques temporaires de la SNCF : L’Aérosol – un hangar de fret reconverti en espace dédié au graffiti – et La Station-gare des mines – ancienne gare à charbon devenue salle de concert. Ces deux occupations de sites ferroviaires en friche préfigurent d’importants projets d’aménagement urbain comportant des logements, des bureaux ou encore l’Arena 2, une salle omnisports qui devrait être inaugurée en vue des Jeux olympiques de 2024.

      « Ces entreprises culturelles sont venues bousculer la vision classique de la culture, c’est-à-dire une vision subventionnée, avance Loïc Lorenzini. L’enjeu avec ces tiers-lieux, c’est qu’ils ne deviennent pas le cache-sexe de projets privés urbanistiques. Notre rôle est de rappeler que dans un arrondissement populaire comme le XVIIIe, il y a des enjeux locaux forts, telle la gentrification. »

    • Dernier avatar en date des tiers-lieux culturels qui foisonnent dans la capitale, La Recyclerie se présente comme « une start-up innovante qui réinvente le concept du tiers-lieu ( ni la maison ni le travail ) et fédère un large public sur le thème de l’écoresponsabilité ». Inauguré en 2014, cet établissement, composé d’un café-cantine, d’un atelier de réparation et d’une mini-ferme urbaine, est implanté au sein d’une station de train désaffectée de la Petite Ceinture, la gare Ornano, au nord du XVIIIe arrondissement.

      Les quais de la gare désaffectée du boulevard Ornano sur la ligne de Petite Ceinture. Les quais de la gare désaffectée du boulevard Ornano sur la ligne de Petite Ceinture.

      Un emplacement loin d’être anodin : la station à l’abandon se situe en effet porte de Clignancourt, à deux pas des échoppes discount des puces de Saint-Ouen, de la préfecture de police chargée des demandes d’asile de la capitale et d’un bidonville de Roms installé en contrebas de l’ancienne voie ferrée. Un carrefour où vendeurs à la sauvette, chiffonniers et migrants tentent de survivre par l’économie informelle.

      Malgré le fait qu’un tiers-lieu culturel ne soit pas de prime abord le projet urbain le plus pertinent en termes de besoins sociaux dans ce quartier populaire, « le maire de l’époque, Daniel Vaillant, a personnellement appuyé notre dossier, dévoile Marion Bocahut, présentée comme cheffe de projet écoculturel du lieu. La mairie du XVIIIe n’avait pas les moyens financiers d’acheter la gare Ornano, nous avons donc racheté l’intérieur du bâtiment ».

      La Recyclerie appartient à Sinny & Ooko, une société « créatrice de tiers-lieux et d’événements » dirigée par Stéphane Vatinel. Figure du milieu de la nuit, connu pour avoir fondé en 1992 le Glaz’art, un club électro emblématique installé dans un ancien dépôt de bus, l’entrepreneur a repris de 2003 à 2008 les rênes du Divan du monde, salle de spectacle historique de Pigalle.

      Par l’intermédiaire de son entreprise, ce quinquagénaire hyperactif est aujourd’hui l’exploitant de La Machine du Moulin rouge, l’incontournable discothèque techno du nord de la capitale, et du Pavillon des canaux, une bâtisse abandonnée sur les bords du bassin de la Villette réhabilitée en coffice – mi-café, mi-espace de travail.

      Quand il rachète la gare Ornano pour installer son tiers-lieu empreint « des valeurs collaboratives et du Do It Yoursef », Stéphane Vatinel fait appel à son ami Olivier Laffon, qui s’investit financièrement dans l’opération. Cet ancien magnat de l’immobilier devenu millionnaire a été le promoteur de mégacentres commerciaux, à l’instar de Bercy Village, Vélizy 2 ou Plan de campagne dans les Bouches-du-Rhône. Mais avec sa holding C Développement, Olivier Laffon s’est reconverti dans l’entreprenariat social.

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      Sa réalisation la plus célèbre demeure le Comptoir général, un ancien entrepôt au bord du canal Saint-Martin reconverti en 2009 en bar et « espace événementiel écosolidaire » à l’ambiance exotique. Devenu une référence quasi caricaturale du « Paris branché », le Comptoir général a fait appel jusqu’en 2013 aux services de Sinny & Ooko afin de développer et d’animer sa programmation. Une alliance pérenne entre les deux hommes d’affaires puisque C Développement avait précédemment investi dans le rachat du Divan du monde et dans La Machine du Moulin rouge, établissements gérés par Stéphane Vatinel…

      Pour les événements écoculturels de La Recyclerie, Sinny & Ooko a fait appel à un partenaire des plus édifiants : la fondation Veolia. L’entreprise du CAC 40, connue pour être le géant mondial de la privatisation de l’eau, finance en effet en grande partie la programmation du lieu et est partenaire de son cycle de conférences sur l’économie circulaire. La bibliothèque de La Recyclerie a de surcroît été ouverte avec des livres offerts par la multinationale. « Veolia nous accompagne aussi dans notre développement, notamment avec Scale up ( “changement d’échelle” ), un programme de l’Essec Business School qui nous a permis de savoir comment dupliquer un lieu comme La Recyclerie », détaille Marion Bocahut.

      Le concept de La Recyclerie a effectivement depuis peu changé d’échelle. Sinny & Ooko a inauguré en août dernier un nouveau tiers-lieu écoculturel baptisé la Cité fertile. Ici, comme pour Ground Control, SNCF Immobilier a fait signer à Sinny & Ooko, à l’aune de son appel à projets sur l’urbanisme transitoire, une convention d’occupation de trois ans de son ancienne gare de fret basée à Pantin. « Nous sommes là pour opérer une transition entre une gare de marchandises et le futur écoquartier de la ville de Pantin », assume Clémence Vazard, cheffe du projet de la Cité fertile.

      L’écoquartier prévoit mille cinq cents logements et près de cent mille mètres carrés de bureaux et de locaux commerciaux. Une opération foncière des plus rentables pour SNCF Immobilier et les promoteurs. Surnommée la « Brooklyn parisienne », Pantin constitue depuis peu un eldorado de la spéculation immobilière : l’ancienne cité industrielle a vu flamber de 15 % en cinq ans le prix du mètre carré, un record parmi les villes de la petite couronne parisienne.

      En attendant, sur près d’un hectare, la Cité fertile veut « explorer et imaginer la ville de demain » en attirant un million de curieux par an avec ses ateliers, ses conférences et sa cantine approvisionnée en circuits courts. Clémence Vazard explique que l’équipe a consulté la municipalité de Pantin afin d’« identifier les acteurs locaux et demander leurs contacts ». Parmi la cinquantaine de personnes salariées sur le site, une seule pourtant se consacre à cette ouverture sur les Pantinois. « En tout cas, si on a un partenariat comme Veolia qui peut se présenter, ce serait le meilleur pour nous », souligne la cheffe de projet. Avant de préciser : « Sinny & Ooko possède l’agrément Entreprise solidaire d’utilité sociale ( Esus ), en aucun cas nous ne faisons du greenwashing. »

      L’originalité de cette friche éphémère réside cependant ailleurs. La Cité fertile héberge en effet depuis septembre le « campus des tiers-lieux », école de formation et incubateur d’entreprises dont le but est de développer les tiers-lieux culturels en tant que modèles économiques d’avenir. « Depuis l’an dernier, Sinny & Ooko est certifié comme organisme de formation. Nous proposons un module pour apprendre à être responsable de tiers-lieu culturel, détaille Clémence Vazard. Nous avons déjà formé une soixantaine de personnes, dont certaines ont récemment monté leur propre tiers-lieu à Montreuil – la Maison Montreau – ou à Niamey, au Niger – L’Oasis, un espace de coworking parrainé par Veolia. »

      Selon les formateurs Sinny & Ooko, le tiers-lieu culturel est un modèle démultipliable à souhait, telle une unité standardisée qui se résume, selon sa plaquette de présentation, à un « HCR [ hôtel café restaurant ] à portée culturelle », où une activité économique « socle » de bar-restauration permet de financer une programmation qui fait vivre le lieu.
      Friche partout, créativité nulle part

      En moins de cinq ans, Cultplace, La Lune rousse et Sinny & Ooko ont édifié un véritable petit empire économique en Île-de-France. Elles ont même l’ambition de s’implanter durablement à travers l’Hexagone en reproduisant des fac-similés de leurs tiers-lieux respectifs. Renaud Barillet a ainsi récemment remporté deux appels à projets à Bordeaux et un autre à Lyon afin d’édifier « des projets très proches en termes d’ADN et de ventilation des espaces de ce qu’est La Bellevilloise ».

      En Charente-Maritime, à Rochefort, Cultplace est en train de mettre sur pied Grand foin, « une déclinaison rurale de La Bellevilloise », aux dires de Renaud Barillet. Par ailleurs, depuis 2016, Denis Legat et son équipe débarquent chaque été aux Rencontres de la photographie d’Arles, où ils investissent un ancien hangar de la SNCF avec leur habituelle formule Ground Control.

      Stéphane Vatinel, quant à lui, doit ouvrir d’ici 2023 La Halle aux Cheminées, un tiers-lieu dans une ancienne friche militaire de Toulouse dont le concept n’est autre qu’un copier-coller de La Recyclerie. Autant de jalons d’une hégémonie économico-culturelle dont se défend du bout des lèvres Renaud Barillet : « C’est vrai que ceux qui ont commencé à réaliser des tiers-lieux arrivent aujourd’hui à se développer et je pense que pour un nouveau venu, ce n’est pas si simple. Les appels d’offres demeurent très économiques et orientés vers l’immobilier. »

      Ce business model des friches est si bien rodé et rencontre un tel succès qu’il en devient vecteur d’une certaine uniformisation. À Paris, en plus du Poinçon, la gare de Montrouge rénovée par Cultplace, et de La Recyclerie, ex-gare Ornano, la plupart des seize stations de la Petite Ceinture deviendront des tiers-lieux, à l’instar du Hasard ludique, « lieu culturel hybride » niché porte de Saint-Ouen, ou de La Gare-jazz à la Villette – en lieu et place de l’ancien squat artistique Gare aux gorilles.

      La gare Masséna vue depuis la rue Regnault. La gare Masséna vue depuis la rue Regnault.

      Dans le cadre de Réinventer Paris, l’ancienne gare Masséna sera quant à elle réhabilitée en « lieu de vie et de proximité » d’ici 2019 avec bar et cantine, ferme urbaine, boutiques bio, espaces artistico-culturels et bureaux. Enfin, Stéphane Vatinel a l’an dernier remporté l’exploitation de deux sites en friche grâce à Réinventer la Seine, un appel à projets visant à « la construction d’un territoire métropolitain évident et d’envergure internationale ». Une usine désaffectée à Ivry et l’ancien tribunal de Bobigny seront ainsi, à l’horizon 2022, reconvertis tous deux en tiers-lieux écoculturels estampillés Sinny & Ooko.

      À cette dynamique de duplication des tiers-lieux s’ajoutent les dizaines de terrasses temporaires qui essaiment chaque été dans les interstices urbains de la capitale, à l’image de la Base Filante, une friche éphémère de trois mille mètres carrés qui a ouvert ses portes en juillet dernier à deux pas du Père-Lachaise. L’initiative est portée par quatre collectifs, dont certains ont déjà pris part à la conception d’une autre terrasse temporaire, la friche Richard Lenoir, ou à l’aménagement de La Station-gare des mines.

      Au programme de la Base Filante, le sempiternel quatuor bières artisanales, cours de yoga, tables de ping-pong et musique électronique. « On assiste à une sorte de standardisation qui annihile toute créativité : tout espace en friche se voit devenir un lieu éphémère avec un bar et des transats, s’alarme Quentin, du collectif Droit à la ( Belle )ville. La créativité s’arrête dès qu’il y a une tireuse à bière artisanale… »

      Enfin, la mise en avant quasi généralisée de l’imaginaire « squat », via la scénographie récup’ et DIY, comme à travers la rhétorique de l’alternative et du collaboratif dans la communication de ces lieux festifs, participe également à cette uniformisation des sites culturels. « Ces friches font croire à une fausse occupation de l’espace alors qu’il y a des vigiles à l’entrée, fulmine Quentin. On vend de faux espaces de liberté où on dit aux gens ce qu’ils doivent consommer et où. »

      Pour les chercheuses Juliette Pinard et Elsa Vivant, « cette esthétique du squat […], donnant la part belle aux atmosphères brutes et industrielles, participe à la mise en scène de ces lieux temporaires en tant qu’“espaces alternatifs” et expérience singulière ». En institutionnalisant les occupations transitoires, les friches culturelles éphémères ont réussi le tour de force de neutraliser la portée subversive des squats artistiques, qui contestaient la propriété privée en privilégiant le droit d’usage, tout en s’appropriant leurs codes esthétiques.

      « Et le squat devient fréquentable », titrait ainsi Télérama en avril dernier à propos des occupations transitoires après que Libération eut publié sur son blog Enlarge Your Paris un entretien intitulé « Les friches font entrer les villes dans l’ère des squats légaux ».

      Dans le quartier Darwin. Dans le quartier Darwin.

      Le phénomène des friches culturelles se circonscrit de moins en moins à la région Île-de-France. À Bordeaux, les instigateurs du site culturel Darwin Écosystème, installé depuis 2009 dans l’ancienne caserne Niel et qui se présente comme un « lieu d’hybridation urbaine mêlant activités économiques et initiatives citoyennes », ne se sont jamais cachés de s’être inspirés directement de La Bellevilloise. Le promoteur immobilier Résiliance a de son côté mis à disposition un terrain vague de vingt hectares situé au nord de Marseille à Yes We Camp, un collectif de cinquante salariés spécialisé dans la création de friches culturelles éphémères, à Paris comme à Roubaix.

      Depuis cette année, la vaste parcelle en jachère accueille un « parc métropolitain d’un nouveau genre, à la fois lieu de vie, de mémoire, de pratiques culturelles et sportives ». Le site, baptisé Foresta, est inséré dans un projet d’aménagement porté par Résiliance et articulé autour d’un immense entrepôt commercial réservé aux grossistes du marché textile chinois.

      Quant aux anciens abattoirs de Rezé, dans l’agglomération nantaise, ils hébergent depuis juillet dernier Transfert, trois hectares de friche culturelle définie par ses concepteurs comme un « espace qui se mue en un lieu de transition où l’on imagine, invente et fabrique ensemble un lieu de vie qui questionne la ville de demain ». L’occupation provisoire durera cinq ans, le temps nécessaire à accroître l’attractivité et la valeur immobilière de ce no man’s land qui doit accueillir un gigantesque projet d’aménagement urbain prévoyant trois mille logements.

      Cette politique de l’éphémère à fin mercantile semble ainsi définitivement être sur les rails qui la conduiront à se pérenniser et à s’étendre à l’ensemble du territoire. « Nous avons désormais un vivier de porteurs de projets qui nous sollicitent, affirme Charlotte Girerd, de SNCF Immobilier. Depuis 2015, une vingtaine de projets d’urbanisme transitoire ont été mis en œuvre. Notre ambition est que d’ici 2019-2020, deux à trois sites répondant à la démarche d’urbanisme transitoire soient lancés chaque année, avec la volonté de travailler de plus en plus hors d’Île-de-France. »

      Une filiale de la SNCF à la manœuvre d’opérations immobilières spéculatives, des collectivités publiques au service du développement économique, des entreprises culturelles de plus en plus hégémoniques… Si les friches culturelles viennent « questionner la ville de demain », elles soulèvent aussi une tout autre question : comment faire exister une politique culturelle affranchie de toute logique économique ?

    • L’envers des friches culturelles | Mickaël Correia
      https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/231218/l-envers-des-friches-culturelles

      ( ai manqué publié un doublon ; j’ajoute ici pour mémoire l’ensemble de l’article et des #)

      MICKAËL CORREIA
      Terrains vagues, bâtiments désaffectés, rails à l’abandon… Un peu partout en France, ces espaces qui faisaient auparavant l’objet d’occupations illégales sont convertis en #lieux_culturels par une poignée d’#entrepreneurs ambitieux. Ces sites se présentent comme « engagés » et participant à la revalorisation de quartiers dépréciés. Mais cette « valorisation » semble avant tout financière. Une enquête parue dans le numéro 11 du Crieur, toujours en librairie.

      En haut de la rue de Ménilmontant, dans l’Est parisien, une palissade court le long du numéro 88. Pour les passants, impossible de deviner ce que cachent ces hautes planches de bois. Mais depuis l’an dernier, le 88 ouvre ses portes dès les prémices de l’été. Et il suffit de montrer patte blanche à un vigile nonchalant pour y découvrir une vaste friche réhabilitée en terrasse éphémère.

      Tables et chaises de guingois, mobilier en palettes de chantier et buvette en pin, décoration de bric et de broc, fresques street art… Tout respire l’esthétique récup’ et Do It Yourself. Sous la chaleur écrasante, certains sont avachis sur une chaise longue et sirotent une bière. D’autres s’adonnent paresseusement à une partie de ping-pong sur fond de musique électro.
      Durant tout l’été, dans cette scénographie naviguant entre squat urbain et guinguette, la #friche dénommée sobrement 88 Ménilmontant propose pêle-mêle initiations au yoga, ateliers de sophrologie ou performances artistiques. Entre deux palmiers en pot et une « fresque végétale collaborative », quelques rares graffitis semblent avoir été tracés bien avant la réhabilitation de cet espace en jachère. « Ce sont de vieux graffs qu’on pourrait presque qualifier d’historiques, assure une habitante du quartier. Avant, il y avait un squat d’artistes ici et tout a été rasé ! »

      À peine quatre ans auparavant, en lieu et place du 88 Ménilmontant, se dressaient d’anciens ateliers d’artisans miroitiers. Occupé depuis 1999 par un collectif libertaire, le bâtiment, rebaptisé La Miroiterie, était au fil des ans devenu un #squat incontournable de la scène musicale underground parisienne. Ses concerts éclectiques – hip-hop francilien, punk suédois, rap libanais, sans compter les interminables jam-sessions jazz du dimanche – attiraient chaque semaine un public bigarré.

      Certes, le lieu commençait à être insalubre, la qualité sonore n’était pas toujours au rendez-vous et les murs tagués sentaient la bière éventée. Mais comme le soulignent Emy Rojas et Gaspard Le Quiniou, qui y ont organisé une trentaine de concerts sous l’étiquette Arrache-toi un œil, « en passant le portail du squat, il y avait une sensation de liberté difficile à retrouver dans des lieux plus institutionnels ». Avec ses soirées à prix modiques, ses ateliers d’artistes indépendants et ses stands proposant fanzines et autres disques autoproduits, cet espace autogéré incarnait un îlot de #contre-culture mythique bien au-delà des frontières de la capitale.

      En avril 2014, l’effondrement d’un mur vétuste lors d’un concert sonne le glas de cette aventure singulière. Menacés d’expulsion depuis 2009 par un promoteur immobilier ayant acquis la parcelle, les occupants de La Miroiterie sont évacués sans ménagement ni projet de relogement, et ce malgré quinze années d’animation du quartier et le soutien de nombreux habitants.

      À deux pas de l’ex-Miroiterie siège l’imposante Bellevilloise. Fort de ses deux mille mètres carrés de salle de concert, d’espace d’exposition et de restaurant, cet établissement culturel est aujourd’hui l’un des repaires incontournables du Paris branché. Chaque année, le site accueille près de deux cent mille visiteurs qui viennent clubber ou applaudir des groupes estampillés « musique du monde ». À ces activités festives s’ajoutent des débats publics, avec parfois des invités de prestige comme Edgar Morin ou Hubert Reeves, et des soirées privées de grandes entreprises telles que Chanel et BNP Paribas.

      La façade de La Bellevilloise à Paris.

      Plus qu’un temple dédié à la #culture et aux grands événements parisiens, La Bellevilloise est aussi la figure de proue des friches urbaines reconverties en sites culturels. Ancienne coopérative ouvrière de consommation créée peu de temps après la Commune, bastion militant où Jean Jaurès tenait ses rassemblements, l’immeuble à l’abandon, qui hébergea après guerre une caisse de retraites, a été racheté au début des années 2000. À la manœuvre de cette opération immobilière, un trio de jeunes entrepreneurs issus du monde du spectacle et de la publicité. « Nous étions assez pionniers à l’époque. Mobiliser une surface aussi importante sur Paris pour des activités culturelles, c’était novateur », reconnaît Renaud Barillet, l’un des trois fondateurs et directeur général associé de La Bellevilloise.

      Quand le site est inauguré en 2006, le chef d’entreprise est pleinement dans l’air du temps. Motrice de nombreuses occupations illégales de friches industrielles, la vague techno qui a submergé l’Europe à la fin des années 1980 est alors en train de progressivement s’éteindre. Les warehouses berlinoises, ces entrepôts désaffectés investis le temps d’une soirée clandestine, se transforment en clubs électros commerciaux. À Paris, l’organisation en 2001 d’une fête techno sauvage dans l’ancienne piscine désaffectée Molitor, en plein XVIe arrondissement, marque le chant du cygne des free parties urbaines.

      La façade de La Condition publique à Roubaix.

      Le tournant des années 2000 voit dès lors les débuts de la réhabilitation des lieux industriels en #espaces_culturels. L’ancien marché couvert Sainte-Marie à Bruxelles est reconverti en 1997 en complexe culturel baptisé Les Halles de Schaerbeek. De son côté, la manifestation Lille 2004 Capitale européenne de la culture fait émerger nombre d’établissements dans des usines abandonnées par l’industrie textile locale. « Nous nous sommes inspirés de La Condition publique, un lieu culturel installé dans un ancien entrepôt de laine à Roubaix depuis Lille 2004, mais aussi de ce que fabriquait Fazette Bordage, la créatrice du Confort moderne à Poitiers, première friche culturelle en France », détaille Renaud Barillet.

      Du point de vue de l’équipe de La Bellevilloise, se pencher sur le 88 de la rue de Ménilmontant était une démarche des plus évidente. « Nous avons toujours été préoccupés par ce que La Miroiterie allait devenir, car un squat, par définition, c’est éphémère, explique l’entrepreneur. Comme elle est située juste derrière La Bellevilloise, nous nous sommes dit que si une opération immobilière se préparait, il fallait être attentif à l’ensemble architectural, aux problèmes de nuisances sonores, etc. »

      Ayant eu vent de ce que le récent propriétaire du lieu voulait édifier un immeuble d’un seul tenant, les dirigeants de La Bellevilloise interpellent Bertrand Delanoë, à l’époque maire de la capitale. À peine quelques mois plus tard, #Paris_Habitat, bailleur social de la ville de Paris, rachète le lot immobilier et un projet de réhabilitation est ficelé avec Renaud Barillet et ses comparses : côté rue, des logements étudiants avec, au rez-de-chaussée, sept ateliers-boutiques d’artistes design. En fond de cour, l’entrepreneur a prévu « une fabrique d’image et de son [ un studio de production et une salle de concert – ndlr ], des espaces de coworking, des bureaux et un spa à dimension artistique ».

      Bertrand Delanoë en 2010.

      Partant, l’ancienne Miroiterie est démolie. Afin de rentabiliser cette friche et d’engranger des recettes qui serviront à la construction du nouvel établissement (dont l’ouverture est prévue en 2021), l’équipe a mis sur pied une terrasse éphémère dès le printemps 2017. Bien éloigné des visées culturelles à but non lucratif de La Miroiterie, le 88 Ménilmontant n’est pas sans susciter l’ire des riverains et des anciens occupants du squat.

      Figure historique de La Miroiterie, Michel Ktu déclare ainsi par voie de presse : « Ils montent des salles en piquant nos idées parce qu’eux n’en ont pas. Ils récupèrent un décor de squat, mettent des câbles électriques apparents, des trous dans le mur, des canapés défoncés et des graffs, mais ils ne savent pas accueillir les gens ni les artistes. » « Il y a une surface vide, autant qu’elle soit utilisée, se défend Renaud Barillet. Quant à la forme “transat et tireuses à bière”, on ne va pas réinventer l’eau chaude : c’est un modèle basique et provisoire. »

      Faire du blé sur les friches

      Renaud Barillet n’en est pas à son galop d’essai. Avec son acolyte, Fabrice Martinez, également cofondateur de La Bellevilloise et ancien chef de publicité chez Nike et Canal+, il a récemment créé le groupe Cultplace, qui s’affiche comme une « fabrique de lieux de vie à dimension culturelle ». Les ambitieux entrepreneurs ont ainsi reconverti en 2013 un coin des halles de La Villette, anciens abattoirs aux portes de la capitale rénovés au début des années 2000. Dans cet écrin de métal et de verre appartenant au patrimoine public, ils ont conçu un restaurant-scène de jazz baptisé La Petite Halle.

      La rotonde du bassin de la Villette.

      Au sud du bassin de la Villette, La Rotonde, ex-barrière d’octroi du nord de Paris datant du XVIIIe siècle, a quant à elle été réhabilitée par ces businessmen en Grand Marché Stalingrad, hébergeant des « comptoirs food », un concept-store design et un club. Le bâtiment, alors à l’abandon, avait été restauré à l’initiative de la ville de Paris en 2007.

      Durant la seule année 2018, deux friches industrielles reconverties en site culturel ont ouvert sous la houlette de #Cultplace. L’ancienne gare désaffectée de Montrouge-Ceinture a été confiée par Paris Habitat et la mairie du XIVe arrondissement à Renaud Barillet afin d’être rénovée en café-restaurant culturel. Sur les bords du canal de l’Ourcq, à Pantin, les gigantesques Magasins généraux ont été quant à eux réhabilités en 2016. Longtemps surnommés le « grenier de Paris », ces entrepôts stockaient auparavant les grains, farines et charbons qui approvisionnaient la capitale.

      Si l’immeuble de béton accueille depuis peu le siège du géant de la publicité BETC, Cultplace y a niché à ses pieds Dock B – le B faisant référence à La Bellevilloise –, mille deux cents mètres carrés de cafés-comptoirs, scène artistique et terrasse qui devraient être inaugurés à la rentrée 2018. « Tous nos lieux sont indépendants, car nous ne sommes pas sous tutelle publique ni même subventionnés, insiste Renaud Barillet. Nous ne dépendons pas d’un grand groupe ou d’un seul investisseur. »

      Logo de CultPlace.

      Cultplace n’est cependant pas la seule entreprise partie à la conquête des friches industrielles de la métropole parisienne. En vue de concevoir et d’animer le Dock B, Renaud Barillet s’est associé à l’agence Allo Floride. Avec La Lune rousse, une société organisatrice d’événementiels, cette dernière a été à l’initiative de Ground Control, un bar temporaire inauguré en 2014 à la Cité de la mode et du design. Depuis cette première expérience lucrative, La Lune rousse s’est fait une spécialité : l’occupation provisoire, sous l’étiquette Ground Control, de sites désaffectés appartenant à la SNCF.

      Ainsi, en 2015, quatre mille mètres carrés du dépôt ferroviaire de la Chapelle, dans le XVIIIe arrondissement, ont été mis à disposition de l’entreprise le temps d’un été afin de le reconvertir en « bar éphémère, libre et curieux ». La manifestation s’est révélée si fructueuse en termes d’affluence qu’elle a été renouvelée l’année suivante par la SNCF, attirant quatre cent mille personnes en cinq mois.

      Espace insolite chargé d’histoire industrielle, musique électro, transats, ateliers de yoga, comptoirs food et esthétique récup’, le concept Ground Control utilise exactement les mêmes ficelles que Cultplace pour produire ses friches culturelles. Quitte à réemployer les mêmes éléments de langage. Se définissant ainsi comme un « lieu de vie pluridisciplinaire » ou comme une « fabrique de ville, fabrique de vie », Ground Control, couronné de son succès, a pris place depuis 2017 au sein de la Halle Charolais, un centre de tri postal de la SNCF situé près de la gare de Lyon. Un million de visiteurs annuels sont cette fois-ci attendus dans le hangar à l’abandon.

      Ouvertes en février, la « Halle à manger », qui peut servir trois cents couverts par jour, les boutiques et les galeries-ateliers de Ground Control se réclament toutes d’un commerce équitable ou bio. Et si, sur la cinquantaine de #salariés sur le site, quarante-deux sont employés en tant que #saisonniers, ce « laboratoire vivant d’utopie concrète », aux dires de ses créateurs, n’hésite pas à s’afficher comme un « lieu engagé » accueillant tous ceux qui sont en « mal de solidarité ».

      Toutefois, Denis Legat, directeur de La Lune rousse, ne s’est pas seulement attelé à la réhabilitation d’une jachère urbaine en friche culturelle « alternative et indépendante ». Depuis plus de vingt ans, cet homme d’affaires s’est solidement implanté dans le business de l’organisation des soirées d’entreprise. Sa société compte à son actif la mise en œuvre de la Nuit électro SFR (si_ c)_ au Grand Palais, afin de « célébrer l’arrivée de la 4G à Paris », ou encore la privatisation de la salle Wagram lors d’une soirée Bouygues Bâtiment.

      Récemment, La Lune rousse a conçu un « bar à cocktail domestique et connecté » pour le groupe Pernod Ricard, présenté lors d’un salon high-tech à Las Vegas, et scénographié la summer party de Wavestone, un cabinet de conseil en entreprise coté en bourse. Des clients et des événements bien éloignés des « initiatives citoyennes, écologiques et solidaires » brandies par Ground Control…

      Malgré l’ambivalence éthique de La Lune rousse, la SNCF s’est très bien accommodée de cette entreprise acoquinée avec les fleurons du secteur privé français pour occuper plusieurs de ses friches. « Ce sont des lieux qui nous appartiennent et que nous ne pouvons pas valoriser immédiatement, justifie Benoît Quignon, directeur général de SNCF Immobilier, la branche foncière du groupe. Nous choisissons donc de les mettre à disposition d’acteurs qui se chargent de les rendre vivants. »

      En faisant signer à La Lune rousse une convention d’occupation temporaire de la Halle Charolais jusque début 2020, l’objectif de SNCF Immobilier est assurément de rentabiliser financièrement cet espace vacant sur lequel un programme urbain dénommé « Gare de Lyon-Daumesnil » prévoit la création de six cents logements, de bureaux et d’équipements publics d’ici 2025.

      C’est que #Ground_Control s’inscrit plus largement dans une politique foncière en pleine expansion au sein de la SNCF : l’#urbanisme_transitoire. « Cette démarche dite d’“urbanisme temporaire” ou transitoire est un levier essentiel de valorisation, avance Fadia Karam, directrice du développement de SNCF Immobilier. Cela permet d’intensifier l’usage de nos sites parfois vides et d’éluder des coûts de #gardiennage, d’entretien et de #sécurité, en limitant la détérioration et l’obsolescence de notre patrimoine. En dotant nos sites de nouveaux usages, nous développons la valeur de nos actifs. »

      La stratégie d’urbanisme transitoire du groupe ferroviaire prend naissance en 2013, quand une galerie de street art propose à ICF Habitat, filiale logement de la SNCF, d’investir provisoirement une de ses tours de logement destinée à la démolition. L’initiative, baptisée Tour Paris 13, est une telle réussite – trente mille visiteurs en un mois – que la SNCF entrevoit rapidement dans ce site culturel éphémère un formidable outil de #communication sur la future HLM qui s’érigera en lieu et place de la tour. Et, par ricochet, d’augmentation de l’attractivité de ce quartier résidentiel grâce aux artistes graff les plus célèbres de la scène mondiale venus s’approprier l’immeuble en friche.

      Rapidement surnommée la « cathédrale du #street_art », la tour a été l’objet d’une grande attention médiatique, à l’image de Télérama, qui ira jusqu’à suivre en direct, avec trois caméras, la destruction du bâtiment en 2014. Trois ans plus tard, le même journal publiait un article élogieux sur le nouvel « immeuble HLM à l’architecture délirante » situé dans l’« #eldorado parisien du street art ». Une opération de communication bénéficiant à la fois à l’acteur privé – la galerie Itinerrance – et à la SNCF, qui a pu aisément vendre ses logements flambant neufs à un prix lucratif.

      En 2015, deux ans après Tour Paris 13, l’occupation temporaire du dépôt de train de la Chapelle par Ground Control est appréhendée par SNCF Immobilier comme un projet pilote en vue de mieux formaliser sa démarche d’urbanisme transitoire. Après cette expérience concluante de friche culturelle éphémère, la filiale lance en fin d’année un appel à manifestation d’intérêt afin que seize de ses espaces désaffectés soient reconvertis provisoirement en « sites artistiques temporaires ».

      En réinvestissant une deuxième fois le dépôt de la Chapelle en 2016, puis la Halle Charolais de la gare de Lyon, Denis Legat devient, avec son concept Ground Control, le fer de lance de l’urbanisme transitoire prôné par la société nationale des chemins de fer. Au plus grand bonheur de Marie Jorio, cadre développement au sein de SNCF Immobilier qui, à propos du site de la Chapelle, déclare sans ambages : « Avec Ground Control, nous avons fait exister cette adresse plus rapidement et avons créé de l’attractivité : les opérateurs ont envie d’y aller et d’innover ! »

      Aux yeux de la SNCF, la friche culturelle Ground Control a en effet servi d’outil #marketing pour mieux promouvoir l’#aménagement_urbain qui prévoit la construction de cinq cents logements dans ce coin morne du XVIIIe arrondissement. Quant aux visiteurs, ils ont été les cobayes de la future identité urbaine de ce quartier dévitalisé, Ground Control constituant un showroom hype au service du complexe immobilier en devenir. « L’ADN ferroviaire du site du dépôt Chapelle est ressorti très fortement dans l’appétence et le succès du concept, révèle ainsi SNCF Immobilier. Le projet urbain en cours de définition fera revivre cet ADN et cette identité ferroviaire très forte qui constituent un actif immatériel et un capital fort. »

      Le recours aux occupations temporaires pour accroître la valeur financière d’un projet immobilier et préfigurer ses futurs usages est de plus en plus systématique. En janvier 2018, l’Institut d’aménagement et d’urbanisme d’Île-de-France avait recensé pas moins de soixante-dix-sept projets d’urbanisme transitoire en région francilienne depuis 2012 – dont plus de la moitié sont en cours. Quatre cinquièmes des propriétaires des sites sont des acteurs publics ( collectivités locales, établissements publics d’aménagement, SNCF, bailleurs sociaux ) et les occupations à dimension culturelle sont largement prédominantes.

      Les pouvoirs publics locaux ont par ailleurs décidé d’accompagner pleinement cette dynamique d’optimisation foncière. Le conseil municipal de Paris et le conseil métropolitain du Grand Paris ont tous deux récemment adopté le vœu qu’à l’avenir, tout projet d’aménagement urbain soit précédé d’une opération d’urbanisme transitoire. De plus, sur la quarantaine de projets d’urbanisme temporaire actuels, vingt-sept sont soutenus par la région Île-de-France dans le cadre de son appel à manifestations d’intérêt sur l’urbanisme transitoire lancé en 2016. Une enveloppe qui s’élève à 3,3 millions d’euros.

      Là encore, malgré les incantations à l’« innovation urbaine » et à la « transition écologique » de cet appel à projets, c’est avant tout l’argument économique qui fait mouche. « Il faut en moyenne douze ans pour qu’une ZAC [ zone d’aménagement concerté ] sorte de terre, avançait l’an dernier Chantal Jouanno, alors vice-présidente de la région. Durant ce laps de temps, les immeubles ne servent à personne, peuvent être squattés et perdre leur valeur. » La nature a horreur du vide. Les édiles parisiens également.

      Espace public, bénéfice privé

      Cultplace et La Lune rousse ne se contentent pas d’accaparer des friches. L’ensemble de leurs sites éphémères et établissements présentent en effet la particularité d’être des espaces hybrides, à la fois publics et privatisables, culturels et commerciaux. Des logiques tout autant artistico-festives que marchandes, qui ont permis aux entrepreneurs culturels de s’approprier une dénomination en vogue : celle de « #tiers-lieu ».

      Conceptualisé par le sociologue américain Ray Oldenburg dans un ouvrage intitulé The Great Good Place ( 1989 ), le tiers-lieu désigne à l’origine les espaces de sociabilité situés en dehors du domicile et du travail, comme les cafés ou les parcs publics. Cette expression aux contours flous a été employée afin de qualifier les premiers fablabs, les hackerspaces et autres jardins urbains partagés. Mais au grand dam des tenants de l’éthique open source et de l’esprit collectif de la débrouille, le terme de tiers-lieu s’est progressivement dénaturé jusqu’à qualifier de facto tout espace hébergeant des activités pluridisciplinaires, gratuites comme lucratives.

      « Je vois nos sites comme des écrins pour l’initiative, pour l’émergence d’envies, s’enflamme ainsi Renaud Barillet. Mais la réalité économique d’un tiers-lieu comme la friche 88 Ménilmontant fait qu’on a besoin de clients. Ce que l’on fabrique, ce sont des initiatives privées mais qui peuvent avoir une quote-part d’intérêt général. »

      Loïc Lorenzini, adjoint au maire du XVIIIe arrondissement chargé des entreprises culturelles, porte néanmoins un autre regard sur l’émergence de ces tiers-lieux. « Ground Control au dépôt de la Chapelle, cela n’a pas été évident avec eux au début, se souvient l’élu. Il y avait un #service d’ordre avec des #vigiles à l’entrée du lieu, ce qui n’a pas vraiment plu aux habitants du quartier. »

      Sa circonscription héberge actuellement deux sites artistiques temporaires de la SNCF : L’Aérosol – un hangar de fret reconverti en espace dédié au graffiti – et La Station-gare des mines – ancienne gare à charbon devenue salle de concert. Ces deux occupations de sites ferroviaires en friche préfigurent d’importants projets d’aménagement urbain comportant des logements, des bureaux ou encore l’Arena 2, une salle omnisports qui devrait être inaugurée en vue des Jeux olympiques de 2024.

      « Ces entreprises culturelles sont venues bousculer la vision classique de la culture, c’est-à-dire une vision subventionnée, avance Loïc Lorenzini. L’enjeu avec ces tiers-lieux, c’est qu’ils ne deviennent pas le cache-sexe de projets privés urbanistiques. Notre rôle est de rappeler que dans un arrondissement populaire comme le XVIIIe, il y a des enjeux locaux forts, telle la gentrification. »

      Les friches culturelles, têtes de pont de la gentrification ? C’est justement ce que dénonce le collectif d’habitants Droit à la (Belle)ville, créé en 2015 dans l’est de Paris. « Ces tiers-lieux excluent symboliquement les #habitants les plus #précaires du quartier, fustige Claudio, l’un des membres de l’association. On autorise temporairement des occupations de friche par des acteurs privés mais en parallèle, dès qu’il y a une occupation informelle de l’espace public à Belleville, comme quand, encore récemment, des jeunes font un barbecue improvisé dans la rue ou des militants organisent un marché gratuit, la police est systématiquement envoyée. »
      Et Quentin, également du collectif, d’ajouter : « Pour ces entrepreneurs et pour les élus, les artistes ne sont que des créateurs de valeur. Les sites culturels qui les hébergent participent à changer l’image de notre quartier, à le rendre plus attractif pour les populations aisées. Ce sont des espaces qui sont pleinement inscrits dans la fabrication de la ville pilotée par le #Grand_Paris. »

      Ambitionnant de faire de la région Île-de-France une métropole compétitive et mondialisée, le projet d’aménagement territorial du Grand Paris entrevoit dans les tiers-lieux culturels un outil de promotion de son image de #ville_festive, innovante et écoresponsable à même d’attirer une « #classe_créative ». Une population de jeunes cadres qui serait, aux yeux des décideurs, vectrice de développement économique.

      Les futures friches estampillées La Bellevilloise sont ainsi pleinement ancrées dans la stratégie de développement urbain et de #marketing_territorial portée par les élus de la #métropole. Dans l’ancienne station électrique Voltaire, au cœur du XIe arrondissement, Renaud Barillet prévoit pour 2021 un cinéma et un « restaurant végétalisé et solidaire ». L’exploitation de ce bâtiment industriel a été remportée par l’entrepreneur dans le cadre de Réinventer Paris, un appel à projets urbains lancé fin 2014 par la mairie de Paris afin de développer « des modèles de la ville du futur en matière d’architecture, de nouveaux usages, d’innovation environnementale et d’écoconstruction ».

      Le dirigeant de La Bellevilloise vient même de réussir à faire main basse sur l’ancienne piscine municipale de Saint-Denis, via le concours Inventons la métropole du Grand Paris. Avec l’aide d’un investissement financier de la part de #Vinci Immobilier, la piscine dyonisienne à l’abandon sera « à la frontière entre l’hôtel, le gîte et l’auberge de jeunesse » et le relais d’« initiatives entrepreneuriales, culturelles, artistiques, sportives et citoyennes ».

      « On est conscient de notre impact dans un quartier mais la gentrification est un rouleau compresseur sociologique qui nous dépasse », assure pourtant Renaud Barillet. « Nous ne sommes pas dans un processus naturel mais bien dans un conflit de classes. À Paris, nous sommes dans une continuité d’expulsion des #classes_populaires qui a débuté depuis la Commune en 1871, analyse Chloé, du collectif Droit à la (Belle)ville. Dans ces friches, les entrepreneurs vont jusqu’à récupérer le nom, l’imaginaire politique, les anciens tags de ces espaces pour les transformer en valeur marchande. »

      La Bellevilloise n’hésite ainsi nullement à s’afficher sur ses supports de communication comme « Le Paris de la Liberté depuis 1877 » et, dans le futur projet du 88 de la rue Ménilmontant, le spa pourrait s’appeler « Les Thermes de La Miroiterie ». « Ils accaparent des ressources que les habitants ont créées, que ce soient les ouvriers qui ont mis sur pied La Bellevilloise à la fin du XIXe siècle ou les punks libertaires de La Miroiterie au début des années 2000, souligne Claudio. Ces tiers-lieux culturels transforment des valeurs d’usage en valeur d’échange… »

      Rien ne se perd, tout se transforme

      Dernier avatar en date des tiers-lieux culturels qui foisonnent dans la capitale, La Recyclerie se présente comme « une start-up innovante qui réinvente le concept du tiers-lieu ( ni la maison ni le travail ) et fédère un large public sur le thème de l’écoresponsabilité ». Inauguré en 2014, cet établissement, composé d’un café-cantine, d’un atelier de réparation et d’une mini-ferme urbaine, est implanté au sein d’une station de train désaffectée de la Petite Ceinture, la gare Ornano, au nord du XVIIIe arrondissement.

      Un emplacement loin d’être anodin : la station à l’abandon se situe en effet porte de Clignancourt, à deux pas des échoppes discount des puces de Saint-Ouen, de la préfecture de police chargée des demandes d’asile de la capitale et d’un bidonville de Roms installé en contrebas de l’ancienne voie ferrée. Un carrefour où vendeurs à la sauvette, chiffonniers et migrants tentent de survivre par l’économie informelle.
      Malgré le fait qu’un tiers-lieu culturel ne soit pas de prime abord le projet urbain le plus pertinent en termes de besoins sociaux dans ce quartier populaire, « le maire de l’époque, Daniel Vaillant, a personnellement appuyé notre dossier, dévoile Marion Bocahut, présentée comme cheffe de projet écoculturel du lieu. La mairie du XVIIIe n’avait pas les moyens financiers d’acheter la gare Ornano, nous avons donc racheté l’intérieur du bâtiment ».

      La Recyclerie appartient à #Sinny_&_Ooko, une société « créatrice de tiers-lieux et d’événements » dirigée par Stéphane Vatinel. Figure du milieu de la nuit, connu pour avoir fondé en 1992 le Glaz’art, un club électro emblématique installé dans un ancien dépôt de bus, l’entrepreneur a repris de 2003 à 2008 les rênes du Divan du monde, salle de spectacle historique de Pigalle.

      Par l’intermédiaire de son entreprise, ce quinquagénaire hyperactif est aujourd’hui l’exploitant de La Machine du Moulin rouge, l’incontournable discothèque techno du nord de la capitale, et du Pavillon des canaux, une bâtisse abandonnée sur les bords du bassin de la Villette réhabilitée en coffice – mi-café, mi-espace de travail.

      Quand il rachète la gare Ornano pour installer son tiers-lieu empreint « des valeurs collaboratives et du Do It Yoursef », Stéphane Vatinel fait appel à son ami #Olivier_Laffon, qui s’investit financièrement dans l’opération. Cet ancien magnat de l’immobilier devenu millionnaire a été le promoteur de mégacentres commerciaux, à l’instar de Bercy Village, Vélizy 2 ou Plan de campagne dans les Bouches-du-Rhône. Mais avec sa holding C Développement, Olivier Laffon s’est reconverti dans l’#entreprenariat_social.

      Sa réalisation la plus célèbre demeure le Comptoir général, un ancien entrepôt au bord du canal Saint-Martin reconverti en 2009 en bar et « espace événementiel écosolidaire » à l’ambiance exotique. Devenu une référence quasi caricaturale du « Paris branché », le Comptoir général a fait appel jusqu’en 2013 aux services de Sinny & Ooko afin de développer et d’animer sa programmation. Une alliance pérenne entre les deux hommes d’affaires puisque C Développement avait précédemment investi dans le rachat du Divan du monde et dans La Machine du Moulin rouge, établissements gérés par Stéphane Vatinel…

      Pour les événements écoculturels de La Recyclerie, Sinny & Ooko a fait appel à un partenaire des plus édifiants : la fondation Veolia. L’entreprise du #CAC_40, connue pour être le géant mondial de la privatisation de l’eau, finance en effet en grande partie la programmation du lieu et est partenaire de son cycle de conférences sur l’économie circulaire. La bibliothèque de La Recyclerie a de surcroît été ouverte avec des livres offerts par la multinationale. « Veolia nous accompagne aussi dans notre développement, notamment avec Scale up ( “changement d’échelle” ), un programme de l’Essec Business School qui nous a permis de savoir comment dupliquer un lieu comme La Recyclerie », détaille Marion Bocahut.

      Le concept de La Recyclerie a effectivement depuis peu changé d’échelle. Sinny & Ooko a inauguré en août dernier un nouveau tiers-lieu écoculturel baptisé la Cité fertile. Ici, comme pour Ground Control, SNCF Immobilier a fait signer à Sinny & Ooko, à l’aune de son appel à projets sur l’urbanisme transitoire, une convention d’occupation de trois ans de son ancienne gare de fret basée à Pantin. « Nous sommes là pour opérer une transition entre une gare de marchandises et le futur #écoquartier de la ville de Pantin », assume Clémence Vazard, cheffe du projet de la Cité fertile.

      L’écoquartier prévoit mille cinq cents logements et près de cent mille mètres carrés de bureaux et de locaux commerciaux. Une opération foncière des plus rentables pour SNCF Immobilier et les promoteurs. Surnommée la « Brooklyn parisienne », Pantin constitue depuis peu un eldorado de la spéculation immobilière : l’ancienne cité industrielle a vu flamber de 15 % en cinq ans le prix du mètre carré, un record parmi les villes de la petite couronne parisienne.

      En attendant, sur près d’un hectare, la Cité fertile veut « explorer et imaginer la ville de demain » en attirant un million de curieux par an avec ses ateliers, ses conférences et sa cantine approvisionnée en circuits courts. Clémence Vazard explique que l’équipe a consulté la municipalité de Pantin afin d’« identifier les acteurs locaux et demander leurs contacts ». Parmi la cinquantaine de personnes salariées sur le site, une seule pourtant se consacre à cette ouverture sur les Pantinois. « En tout cas, si on a un partenariat comme Veolia qui peut se présenter, ce serait le meilleur pour nous », souligne la cheffe de projet. Avant de préciser : « Sinny & Ooko possède l’agrément Entreprise solidaire d’utilité sociale ( Esus ), en aucun cas nous ne faisons du greenwashing. »

      L’originalité de cette friche éphémère réside cependant ailleurs. La Cité fertile héberge en effet depuis septembre le « campus des tiers-lieux », école de formation et incubateur d’entreprises dont le but est de développer les tiers-lieux culturels en tant que modèles économiques d’avenir. « Depuis l’an dernier, Sinny & Ooko est certifié comme organisme de formation. Nous proposons un module pour apprendre à être responsable de tiers-lieu culturel, détaille Clémence Vazard. Nous avons déjà formé une soixantaine de personnes, dont certaines ont récemment monté leur propre tiers-lieu à Montreuil – la Maison Montreau – ou à Niamey, au Niger – L’Oasis, un espace de coworking parrainé par Veolia. »

      Selon les formateurs Sinny & Ooko, le tiers-lieu culturel est un modèle démultipliable à souhait, telle une unité standardisée qui se résume, selon sa plaquette de présentation, à un « HCR [ hôtel café restaurant ] à portée culturelle », où une activité économique « socle » de bar-restauration permet de financer une programmation qui fait vivre le lieu.

      Friche partout, créativité nulle part

      En moins de cinq ans, Cultplace, La Lune rousse et Sinny & Ooko ont édifié un véritable petit empire économique en Île-de-France. Elles ont même l’ambition de s’implanter durablement à travers l’Hexagone en reproduisant des fac-similés de leurs tiers-lieux respectifs. Renaud Barillet a ainsi récemment remporté deux appels à projets à Bordeaux et un autre à Lyon afin d’édifier « des projets très proches en termes d’ADN et de ventilation des espaces de ce qu’est La Bellevilloise ».

      En Charente-Maritime, à Rochefort, Cultplace est en train de mettre sur pied Grand foin, « une déclinaison rurale de La Bellevilloise », aux dires de Renaud Barillet. Par ailleurs, depuis 2016, Denis Legat et son équipe débarquent chaque été aux Rencontres de la photographie d’Arles, où ils investissent un ancien hangar de la SNCF avec leur habituelle formule Ground Control.

      Stéphane Vatinel, quant à lui, doit ouvrir d’ici 2023 La Halle aux Cheminées, un tiers-lieu dans une ancienne friche militaire de Toulouse dont le concept n’est autre qu’un copier-coller de La Recyclerie. Autant de jalons d’une hégémonie économico-culturelle dont se défend du bout des lèvres Renaud Barillet : « C’est vrai que ceux qui ont commencé à réaliser des tiers-lieux arrivent aujourd’hui à se développer et je pense que pour un nouveau venu, ce n’est pas si simple. Les appels d’offres demeurent très économiques et orientés vers l’immobilier. »

      Ce business model des friches est si bien rodé et rencontre un tel succès qu’il en devient vecteur d’une certaine uniformisation. À Paris, en plus du Poinçon, la gare de Montrouge rénovée par Cultplace, et de La Recyclerie, ex-gare Ornano, la plupart des seize stations de la #Petite_Ceinture deviendront des tiers-lieux, à l’instar du Hasard ludique, « lieu culturel hybride » niché porte de Saint-Ouen, ou de La Gare-jazz à la Villette – en lieu et place de l’ancien squat artistique Gare aux gorilles.

      La gare Masséna vue depuis la rue Regnault.

      Dans le cadre de Réinventer Paris, l’ancienne gare Masséna sera quant à elle réhabilitée en « lieu de vie et de proximité » d’ici 2019 avec bar et cantine, ferme urbaine, boutiques bio, espaces artistico-culturels et bureaux. Enfin, Stéphane Vatinel a l’an dernier remporté l’exploitation de deux sites en friche grâce à Réinventer la Seine, un appel à projets visant à « la construction d’un territoire métropolitain évident et d’envergure internationale ». Une usine désaffectée à Ivry et l’ancien tribunal de Bobigny seront ainsi, à l’horizon 2022, reconvertis tous deux en tiers-lieux écoculturels estampillés Sinny & Ooko.

      À cette dynamique de duplication des tiers-lieux s’ajoutent les dizaines de #terrasses_temporaires qui essaiment chaque été dans les interstices urbains de la capitale, à l’image de la Base Filante, une friche éphémère de trois mille mètres carrés qui a ouvert ses portes en juillet dernier à deux pas du Père-Lachaise. L’initiative est portée par quatre collectifs, dont certains ont déjà pris part à la conception d’une autre terrasse temporaire, la friche Richard Lenoir, ou à l’aménagement de La Station-gare des mines.

      Au programme de la Base Filante, le sempiternel quatuor bières artisanales, cours de yoga, tables de ping-pong et musique électronique. « On assiste à une sorte de standardisation qui annihile toute créativité : tout espace en friche se voit devenir un lieu éphémère avec un bar et des transats, s’alarme Quentin, du collectif Droit à la ( Belle )ville. La créativité s’arrête dès qu’il y a une tireuse à bière artisanale… »

      Enfin, la mise en avant quasi généralisée de l’imaginaire « squat », via la scénographie récup’ et DIY, comme à travers la rhétorique de l’alternative et du collaboratif dans la communication de ces lieux festifs, participe également à cette uniformisation des sites culturels. « Ces friches font croire à une fausse occupation de l’espace alors qu’il y a des vigiles à l’entrée, fulmine Quentin. On vend de faux espaces de liberté où on dit aux gens ce qu’ils doivent consommer et où. »

      Pour les chercheuses Juliette Pinard et Elsa Vivant, « cette #esthétique_du_squat […], donnant la part belle aux atmosphères brutes et industrielles, participe à la #mise_en_scène de ces lieux temporaires en tant qu’“espaces alternatifs” et expérience singulière ». En institutionnalisant les occupations transitoires, les friches culturelles éphémères ont réussi le tour de force de neutraliser la portée subversive des squats artistiques, qui contestaient la propriété privée en privilégiant le droit d’usage, tout en s’appropriant leurs codes esthétiques.

      « Et le squat devient fréquentable », titrait ainsi Télérama en avril dernier à propos des occupations transitoires après que Libération eut publié sur son blog Enlarge Your Paris un entretien intitulé « Les friches font entrer les villes dans l’ère des squats légaux ».

      Dans le quartier Darwin.

      Le phénomène des friches culturelles se circonscrit de moins en moins à la région Île-de-France. À Bordeaux, les instigateurs du site culturel Darwin Écosystème, installé depuis 2009 dans l’ancienne caserne Niel et qui se présente comme un « lieu d’hybridation urbaine mêlant activités économiques et initiatives citoyennes », ne se sont jamais cachés de s’être inspirés directement de La Bellevilloise. Le promoteur immobilier Résiliance a de son côté mis à disposition un terrain vague de vingt hectares situé au nord de Marseille à Yes We Camp, un collectif de cinquante salariés spécialisé dans la création de friches culturelles éphémères, à Paris comme à Roubaix.
      Depuis cette année, la vaste parcelle en jachère accueille un « parc métropolitain d’un nouveau genre, à la fois lieu de vie, de mémoire, de pratiques culturelles et sportives ». Le site, baptisé Foresta, est inséré dans un projet d’aménagement porté par Résiliance et articulé autour d’un immense entrepôt commercial réservé aux grossistes du marché textile chinois.

      Quant aux anciens abattoirs de Rezé, dans l’agglomération nantaise, ils hébergent depuis juillet dernier Transfert, trois hectares de friche culturelle définie par ses concepteurs comme un « espace qui se mue en un lieu de transition où l’on imagine, invente et fabrique ensemble un lieu de vie qui questionne la ville de demain ». L’occupation provisoire durera cinq ans, le temps nécessaire à accroître l’attractivité et la valeur immobilière de ce no man’s land qui doit accueillir un gigantesque projet d’aménagement urbain prévoyant trois mille logements.

      Cette politique de l’éphémère à fin mercantile semble ainsi définitivement être sur les rails qui la conduiront à se pérenniser et à s’étendre à l’ensemble du territoire. « Nous avons désormais un vivier de porteurs de projets qui nous sollicitent, affirme Charlotte Girerd, de SNCF Immobilier. Depuis 2015, une vingtaine de projets d’urbanisme transitoire ont été mis en œuvre. Notre ambition est que d’ici 2019-2020, deux à trois sites répondant à la démarche d’urbanisme transitoire soient lancés chaque année, avec la volonté de travailler de plus en plus hors d’Île-de-France. »

      Une filiale de la SNCF à la manœuvre d’opérations immobilières spéculatives, des collectivités publiques au service du développement économique, des entreprises culturelles de plus en plus hégémoniques… Si les friches culturelles viennent « questionner la ville de demain », elles soulèvent aussi une tout autre question : comment faire exister une politique culturelle affranchie de toute logique économique ?

  • Les raisons de la colère (Aphile Goude, Réseaux Sociaux, première occurence repérée le 02.12.18)

    Quand tu supprimes l’ISF, malgré l’évasion fiscale pour laquelle tu n’as rien fait.
    Quand les plus riches de France ont vu augmenter de 6% leur revenu disponible en une année.
    Quand les plus pauvres de France ont encore perdu 1% de leur revenu "disponible".
    Quand les membres du CA des entreprises du CAC 40 se gavent.
    Quand le patron de Renault gagne 45000€ par jour et fraude le fisc.
    Quand tes députés votent la loi liberticide sur le secret des affaires malgré une pétition de 550 000 concitoyens s’y opposant : l’optimisation fiscale étant dans le champ des "savoir-faire".

    Ne t’étonne pas que la colère monte.

    Quand un Président est élu non par adhésion mais par rejet d’un adversaire.
    Quand le Président se vante d’avoir explosé l’opposition en France.
    Quand le Président est dans le déni et que son verni craque.
    Quand BFM annonce tous les jeudis que le mouvement s’essouffle.

    Ne t’étonne pas que les citoyens soient dans la rue.

    Quand tu oses enlever 5€ d’APL aux plus démunis.
    Quand tu augmentes de 23% la CSG aux seniors et que tu baisses encore leurs retraites en les désindexant de l’inflation, eux qui ont trimé toute leur vie pour la finir dignement.
    Quand tu développes le racket routier avec les nouveaux radars et une limitation illogique.
    Quand tu soutiens une société où le profit passe avant l’humain.

    Ne t’étonne pas que la France descende dans la rue.

    Quand tu n’apportes aucune réponse dans la semaine malgré les mobilisations nombreuses, pacifistes et répétées.
    Quand tu minimises le départ de tes plus importants ministres.
    Quand tu prélèves 4 milliards de taxe carbone et que tu n’en consacres qu’un à la transition énergétique.
    Quand tes députés votent le maintien du glyphosate, poison mortel.

    Ne t’étonne pas que le peuple s’exaspère.

    Quand tu empêches des gilets jaunes de monter dans les trains pour manifester à Paris.
    Quand tu es capable d’envoyer une quantité exceptionnelle de CRS face à 8 000 manifestants pacifiques.
    Quand tu nommes un copain barbouze pour s’occuper de ta sécurité au mépris des règles de la République (port d’armes, brassard police, nomination, avancement...)

    Quand ton personnel soignant est à bout.
    Quand tes profs se sentent abandonnés.
    Quand l’hôpital est proche de la ruine.
    Quand tes gendarmes ne sont plus respectés.
    Quand tes policiers se suicident.
    Quand tes pompiers sont caillassés.
    Quand tes smicards sont désespérés.
    Quand tes cheminots sont dénigrés.
    Quand tu privatises à tout va les services publics, que tu fermes les petites lignes non rentables.
    Quand le chômage explose comme jamais.
    Quand le politique n’écoute plus.
    Quand le citoyen n’y croit plus.

    Ne t’étonne pas que le peuple tout entier ait envie de "traverser la rue".

    Quand l’agriculteur se suicide de ne plus pouvoir obtenir un prix décent pour son lait.
    Quand le vigneron voit arriver du vin espagnol par citernes.
    Quand le maraîcher, respectueux des règles sanitaires, qui trime sans compter, voit arriver des légumes et fruits étrangers remplis de pesticides et donc moins chers.
    Quand les artisans sont accablés de fiscalité et concurrencés.
    Quand tes étudiants sont obligés d’aller étudier à l’étranger pour obtenir un diplôme convenable (kiné, dentiste, médecin…).
    Quand tes citoyens ruraux n’ont plus de maternité, plus de docteur, plus d’infirmière , car ça coûte trop cher ou que tu bloques le numerus clausus.
    Quand les commerçants sont noyés sous les taxes et qu’Amazon, Google, Facebook ou Apple sont exonérés.
    Quand tu baisses sans arrêt les dotations aux communes.
    Quand le code du travail est brûlé sur la place publique.
    Quand le seul droit du citoyen est de payer des taxes, encore des taxes (la France 2eme au monde !)

    Ne t’étonne pas que les « gaulois réfractaires » soient dans la rue.

    Les barricades vont se multiplier, les ronds-points filtrés, et je suis loin d’être un énervé mais je vois des simples citoyens, pères et mères de familles, retraités, smicards, tous ceux qui bossent et paient leurs impôts, qui prennent sur leur week-ends, leur temps de repos, pour crier leur révolte.
    La justice fiscale et sociale est réclamée, on doit être entendus. Le peuple ne doit pas être méprisé. La victoire démocratique n’autorise pas tout, surtout quand elle se fait par défaut.

    Un changement de paradigme est urgent.

  • MACRON À L’HEURE DU CHOIX

    « Venu de la banque d’affaires, sans expérience politique, le petit prince du CAC 40 se retrouve désormais confronté à la plus grave crise institutionnelle traversée par la France depuis Mai 68.

    Il y a déjà plusieurs semaines qu’Emmanuel Macron aurait dû mettre un genou à terre. Mais l’arrogance semble vraiment être devenu le corollaire caractériel des néolibéraux autoritaires. »

    https://twitter.com/LeMediaTV/status/1069867091862413312

  • C’est l’Eure.

    Dans l’Eure, « le réservoir de la colère explose » 23 NOVEMBRE 2018 PAR FRANÇOIS BONNET

    Dans l’Eure, péages d’autoroute et gros ronds-points demeurent bloqués tout ou partie de la journée. Le prix des carburants est oublié. Ouvriers, retraités, intérimaires, artisans, jeunes et vieux disent tous la même chose : une vie de galère avec des revenus de misère et des injustices qu’ils ne veulent plus supporter.

    « Le prix du carburant, pardon, mais je m’en contrefous », assure Line – « Appelez-moi Madame Line », insiste-t-elle. Madame Line est donc arrivée à pied, ce mercredi matin, au rond-point de Gaillon, dans l’Eure, avec son panier à roulettes. Des cakes faits maison et du café. Deux kilomètres de trajet. Une soixantaine de gilets jaunes sont là, sur le rond-point, pour un barrage filtrant. Ça dure depuis samedi. C’est juste à côté de Kiabi, de McDo et d’Auchan. C’est un rond-point dans une zone commerciale comme partout.

    Et là, les Klaxon des poids lourds et des voitures font connaître leur soutien. Les gilets jaunes sont en évidence derrière les pare-brise. On rigole bien. Ça blague autour des braseros, des barbecues et en tapant la converse avec les automobilistes qui attendent. Sans compter ce camionneur qui fait trois fois le tour du rond-point, Klaxon à fond. Lui, il réchauffe les cœurs. Il fait très froid. Depuis samedi, la fatigue s’accumule.

    C’est aussi pour ça que vient Madame Line. La voiture, elle a fait une croix dessus. « Je l’ai depuis deux ans au parking. Faudrait le contrôle technique, j’ai pas les sous, ma voiture réussira pas l’examen et il faudrait que je remette l’assurance, pas possible », précise-t-elle. Adieu la voiture, mais là, sur le rond-point, surgissent plein de nouveaux amis.

    Madame Line est retraitée. 720 euros par mois. Et une vie dont l’horizon au-delà de son logement HLM se résume au Auchan du rond-point de Gaillon et aux quelques sorties organisées quand ses enfants le peuvent. « Charges fixes enlevées, j’ai quoi ? 150, parfois 200 euros par mois », dit-elle.

    « Ben, il y a dix jours, on se connaissait pas », dit Alain. Lui a la quarantaine, c’est un grand costaud qui travaille à quelques kilomètres, au centre technique de Renault. Ça tombe bien, il y a quinze jours, il a loué un vélo électrique pour voir « si ça pouvait le faire pour aller au boulot ». Quinze kilomètres par jour, avec une grande côte. C’est pas évident, conclut-il.

    Une révolte, dit-il, c’est aussi plein de plaisir. Des découvertes, des gens, des horaires qui volent en éclats, une liberté. « Sur le groupe Facebook, on est des centaines. Là, on se relaie, moi je repars au boulot et je reviens ce soir. On se croisait dans la rue et on se disait pas bonjour, là on discute et il y a ce mot : solidarité. On pense pas pareil ? On s’en fout. Il y a des cons, des racistes ? On leur demande de se taire. La solidarité, c’est quand même ce gouvernement qui devrait montrer que cela existe au lieu de nous piétiner. »

    Ce que disent Line et Alain ? C’est ce qu’on pouvait entendre cette semaine sur la dizaine de gros points de blocage visités dans cette partie du département de l’Eure qui va de Vernon à Val-de-Reuil. La hausse des carburants est oubliée depuis longtemps. D’autant que les prix, constatés à l’Intermarché de Gasny vendredi matin, sont dans la fourchette basse. « Les carburants, c’est la goutte qui a fait exploser le réservoir de la colère », assure Smaïn, un « bloqueur » du péage de l’autoroute A13 à Heudebouville.

    Non, sur les ronds-points, on ne parle plus carburant mais des vraies choses qui fâchent : la pauvreté, les jeunes sans horizon ou précaires à l’éternité, les retraités à la ramasse, et soi-même ou bien dans la galère ou pas vraiment assuré des deux ou trois ans qui viennent. La peur de plonger à son tour. Et surtout, les salaires qui ne permettent pas de finir les mois.

    Il y a ce plaisir de se retrouver ensemble. Des gens que rien n’aurait réunis. Des petits gestes. À l’entrée des Andelys, c’est Anaïs qui raconte : « Un vieux dans une caisse pourrie me donne un billet de 5 euros, en fait c’est lui qu’il faudrait aider. » Le gars qui laisse un plateau de charcuterie d’au moins 50 euros à Gaillon. Ce voyageur dans une belle voiture qui, à Fleury-sur-Andelle, tend un billet de 20 euros. Ce boulanger qui a fait une fournée spéciale d’éclairs au chocolat « Soutien au blocage 27 » (le 27, c’est l’Eure).

    « On se bat pour nos jeunes, pour les retraités, pour nos salaires. »

    Partout, sur tous les ronds-points bloqués, les tables sont remplies de victuailles et de matériel avec parfois le groupe électrogène qui tourne. À Vernon, à la sortie de l’A13, une R5 traîne une carriole remplie de bois de chauffage. Aux Andelys, un routier passe un sac de gâteaux. Sur la barrière de péage de Heudebouville, c’est l’entassement de casse-croûte. Et là, ce jeune gendarme qui discute avec les gilets jaunes :
    « Bon, vers quelle heure vous arrêtez le blocage ?
    -- Pourquoi ?
    -- Euh, ça va devenir dangereux après 17 heures. Et puis faut que je rentre nourrir mon chien, soyez sympas.
    -- Votre chien peut attendre.
    -- Non, c’est un gros, il fait trente kilos, faut qu’il ait sa ration à l’heure. Et puis j’ai pas envie d’être rappelé pour ramasser un corps démembré.
    -- Sympa, vous nous portez chance…
    -- Non mais attention, c’est très dangereux les entrées de péage. »

    Et aux Andelys, où le centre des impôts a été bloqué puis fermé, voilà deux femmes gendarmes qui s’avancent sur le rond-point :
    « Alors, on se respecte, pas vrai ? Donc ne mettez pas des photos de nous sur Facebook.
    -- Y’en a déjà de parties, je crois.
    -- Justement, faut arrêter. Regardez, on n’a pas notre calot, on va se faire engueuler par la hiérarchie.
    -- Mettez votre calot, c’est pas mal.
    -- Ben non, regardez la gueule qu’on a avec ça.
    -- OK, on supprime les photos. »

    C’est bien joli de faire la fête et les barbecues merguez-chipo avec de nouveaux amis, mais « ici c’est pas la kermesse de l’école », corrige David. Il est là depuis cinq jours, à Gaillon. Les yeux rougis et creusés par le froid, la fumée, le manque de sommeil, les discussions sans fin. Comme les autres. David résume : « On se bat pour nos jeunes, pour les retraités, pour nos salaires. On nous traite de beaufs, d’illettrés, de sans-dents, on veut du respect, de la moralité et de l’écoute. Et on veut surtout la fin des injustices : Macron supprime l’ISF, les grandes boîtes ne paient pas les impôts, regardez Carlos Ghosn et les paradis fiscaux. »

    À Vernon, Éric, 41 ans, préfère faire dans l’imagé : « C’est quoi l’histoire ? On nous demande de se serrer la ceinture et en plus de baisser notre froc. Ça, c’est un truc pas possible. Donc stop ! » Ouvrier dans une entreprise de traitement des métaux près de Mantes-la-Jolie, il dit y avoir perdu une épaule. En arrêt de travail depuis avril, un accident professionnel et un patron qui ne respecte aucune consigne de sécurité. « On travaille avec des bains de cyanure, d’acides différents, de chrome. Pas de bleus de travail sécurisés, des petits masques de peinture qui ne servent à rien. L’inspection du travail est passée. Et qu’est-ce qu’a fait le patron ? Acheter des hottes de cuisine ! Et là-dessus, en équipe de nuit, j’ai fait une chute. Comment je fais maintenant avec une épaule foutue… »

    Traditionnellement ouvrière, cette partie de la vallée de la Seine a un temps bien vécu : automobile, métallurgie, industries chimiques, des entreprises de sous-traitance de partout pour les grands groupes et des logements pas trop chers. Depuis vingt ans, l’histoire n’est plus la même avec les crises, les délocalisations et les plans de licenciements qui se sont empilés. « Du boulot, il y en a encore, dit Kevin, 32 ans, mais faut voir les conditions. Moi, je suis cariste en intérim. En ce moment, c’est chômage : 806 euros par mois. J’ai un loyer de 450 euros, une fille à charge. Eh bien, je marche avec un compte dans le rouge et mes découverts enrichissent la banque ! J’ai calculé l’an dernier : 700 euros de frais bancaires dans l’année. »

    Chantal et Rose viennent prendre le relais sur le rond-point. La première est retraitée, 800 euros par mois, une sortie en voiture tous les quinze jours pour faire le « plein de courses », les habits achetés dans les vide-greniers et des jongleries comptables pour, parfois, se payer un billet de train. « On peut vivre comme cela quelques années mais tout le temps, non, c’est trop dur », commente-t-elle.
    Rose approuve en riant. Son mari est au chômage depuis deux ans. Elle est en intérim – « je prends tout, ménage, caissière, etc. » – au Smic et en ce moment en arrêt maladie avec le dos cassé. « 740 euros d’indemnités, on va pas loin avec ça. Donc pour deux de mes trois gosses, c’est plus d’activités et pas de vacances. »

    Le cahier de doléances de René, soudeur à la retraite
    « Ici, c’est la révolte de la France qui a 1 000 euros par mois, voire moins, pour vivre », dénonce Laurence, auto-entrepreneuse dans le service à la personne. Elle ne se plaint pas, son mari a « un bon travail », mais elle dit connaître des « gens qui bossent et qui vivent au camping ou dans leur voiture ». Alain abonde dans son sens. « Il y avait un espoir avec Macron et il ne se passe rien ou le pire. Il n’écoute personne, il a écrasé tout le monde avec ses ordonnances. “Licencier pour mieux embaucher”, c’était ça son truc. Les embauches, je les vois pas. Je suis depuis vingt-huit ans chez Renault et c’est le contraire qui se passe. »

    À Écouis, sur la grande départementale qui mène vers Rouen, ils sont une dizaine à taper des pieds pour se réchauffer devant le feu rouge. Et voici un petit tract : « Les gilets jaunes ne sortent pas que pour l’essence. » Suit une longue énumération de 27 mesures, impôts, taxes : de l’augmentation du gaz au projet de vignette pour les véhicules polluants ; de la suppression de l’ISF à la fermeture des services dans les hôpitaux ; de l’augmentation de l’âge de la retraite aux suppressions de poste dans l’éducation… Tout y passe. C’est un paysage social apocalyptique qui est dressé avec cette conclusion : « Une fois mort, ça ne s’arrête pas : il faut payer l’enterrement et tout le tralala, soit environ 4 000 euros et plus. »

    René, lui, est bien content. Ça lui rappelle Mai-68, quand il commençait sa carrière d’ouvrier chez Bata, à Vernon, avant de se reconvertir en soudeur spécialisé. Le voilà qui émerge de l’épais brouillard qui noie le rond-point un grand cahier à la main. « Je fais tous les blocages et je demande à chacun d’écrire une mesure qu’il faudrait prendre, vous voulez mettre quoi vous ? »

    Le cahier est feuilleté. Rembourser tous les médicaments. Baisser le prix des mutuelles. Mettre les banques à genoux. Augmenter le Smic. Aider les jeunes pour louer des logements – « C’est vrai qu’à 30 piges, être toujours chez Papa-Maman, c’est la honte », commente René. Que les patrons paient leurs impôts. Ouvrir la gare de Gaillon qui est fermée tous les après-midi et où les distributeurs de billets sont cassés. Annuler les 80 km/h sur les nationales.

    Et ça continue. Sur le rond-point, une jeune femme fait elle aussi l’inventaire. « J’en ai marre de tout, j’en ai marre de rien pouvoir faire avec mes gosses, j’en ai marre de compter en permanence pour finir le mois, j’en ai marre de pas être respectée par le patron, j’en ai marre des conneries des journalistes à la télé. » Et elle fond en larmes. « Excusez, je suis fatiguée. »

    Emmitouflé dans sa grosse veste camouflage, Daniel s’offre un petit moment de politique en filtrant les poids lourds. « Moi, c’est pas le pire, je suis à la retraite depuis quatre ans, 1 300 euros par mois. » Daniel a été délégué syndical et il regrette bien que les syndicats ne soient pas dans le coup. « Pourquoi la CGT n’est pas là ?, demande-t-il. Si les gars à l’usine Renault-Flins arrêtaient le travail, ne serait-ce qu’une journée, ce serait plié. »

    L’ancien syndicaliste expose à qui veut l’entendre son choix d’un « capitalisme régulé et juste ». Les multinationales ont trop de pouvoir, le CAC 40 ne paie pas ses impôts, les jeunes galèrent et doivent compléter leur salaire par le travail au noir. Il se souvient de ce reportage sur Starbucks – « c’est à la mode ça » – qui ne paie pas un sou d’impôt en France. Il est pour l’Europe mais pas celle-là, qui ne « fait rien pour le salarié ». Et il en a assez de se faire marcher dessus : « En 2005, on vote non à la Constitution européenne et, trois ans après, on nous l’impose, c’est la démocratie, ça ? »

    À une quarantaine de kilomètres de là, à Fleury-sur-Andelle, en bordure du plateau agricole du Vexin, c’est une autre syndicaliste qui tient avec une cinquantaine de personnes le rond-point. Leïla travaille dans une usine de sous-traitance automobile qui produit des joints de portière et carrosserie. « Attention, je suis là en tant que citoyenne, prévient-elle. Vient ici qui veut, avec ses idées et ses envies, c’est pas un bataillon syndical et justement ça nous change. »

    « Faut discuter, ouvrir une grande négociation »

    Un de ses collègues de l’usine est à ses côtés, trente ans dans cette boîte, la retraite dans trois ans et il s’inquiète. « Quand je suis rentré, on était 1 800 employés, maintenant on est 400 dont 200 intérimaires. Et la moitié ont été virés », résume Marc. L’usine vient de perdre la fabrication de deux joints, assure-t-il, produits désormais chez des sous-traitants à l’étranger. « Regardez l’usine Renault au Maroc, tout va partir et tous ces jeunes, ils vont devenir quoi ? Moi, je dois aider mon fils et puis aider aussi ma mère qui s’en sort pas, c’est humiliant pour tout le monde. »

    Serge a 20 ans, une grande mèche orange dans les cheveux et un scooter poussif fait de récupérations diverses. « J’ai pas le permis et ici, sans bagnole, ça aide pas. » Jardins, espaces verts : il met des C.V. partout et ne trouve nulle part. « Là, je me dépanne dans un centre équestre, 30 euros la journée, je vais faire quatre, cinq jours ce mois. Mais les retraités n’ont plus de thune, on ne peut plus faire leur jardin, les haies, les arbres. »

    Les retraités, voilà un chef d’entreprise qui veut en parler. À Gaillon, Raphaël a une menuiserie, six salariés et est habitué à tourner avec deux mois de travail d’avance. « J’ai quelques marchés d’entreprise, dit-il, mais l’essentiel de mes clients sont des particuliers et à 80 % des retraités. » Il l’assure et enrage : la CSG, le projet de désindexation des retraites, la hausse du fuel de chauffage, les frais de santé… Voilà que les retraités ont gelé ou différé leurs commandes. « Je vois mon chiffre d’affaires fondre comme neige au soleil. Ça, c’est un truc que le gouvernement n’avait pas prévu mais demandez à tous les artisans, les retraités sont à l’arrêt et on se prend cela en pleine tête. »
    Raphaël a donné la semaine à ses salariés. Tous sur les ronds-points ! « J’ai mis dix-huit ans à construire cette boîte, je les laisserai pas la détruire. C’est une folie, il n’y a plus de pouvoir d’achat et c’est nous, en bout de chaîne, qui tombons. »

    Et après ? Ça discute sur les ronds-points et les péages de l’A13. Bien peu des gilets jaunes disaient vouloir manifester à Paris, samedi. « Ça sent le traquenard, s’il y a des affrontements, on va tout perdre et le gouvernement fera tout pour que ça se passe mal », assure un « bloqueur » du péage d’Heudebouville. À Écouis, le groupe qui tient le feu rouge est bien décidé à y aller : « On va faire opération train gratuit, on va quand même pas polluer pour aller à la capitale ! » Et puis Paris n’est qu’un moment. Sans mesures fermes du gouvernement, les blocages vont continuer, assurent les manifestants.

    « Faut discuter, ouvrir une grande négociation avec les syndicats et annoncer vite l’annulation de certaines taxes. Il faut que les petits Mickeys au pouvoir acceptent de reculer, il n’y a que les idiots qui ne changent pas. D’autant que dans six mois, on vote et là, Macron va comprendre sa douleur », dit l’ancien syndicaliste de Vernon. À Fleury-sur-Andelle, Marc attend une « solution correcte pour tout le monde ». « On veut bien payer si nos impôts servent à quelque chose mais on sait aussi que le petit ne peut pas tout payer. Il faut remettre de l’équilibre, de l’égalité. »

    Sans représentant, sans structure et organisation, les occupants de ronds-points n’en démordent pas. C’est justement l’absence de chefs, de délégués, de revendications précises qui « fout le bazar », assurent-ils. Au pouvoir de se débrouiller avec ça et de trouver la porte de sortie. Voilà un exercice qui sonne déjà comme une revanche pour cette France des mille euros et moins par mois.

    https://www.mediapart.fr/journal/france/231118/dans-l-eure-le-reservoir-de-la-colere-explose?onglet=full

    #giletsjaunes #eure #blocage

  • Après le #17novembre : défendre notre niveau de vie, c’est se battre pour l’augmentation des salaires, des pensions et des allocations | #editorial de #Lutte_Ouvriere #LO

    https://www.lutte-ouvriere.org/editoriaux/apres-le-17-novembre-defendre-notre-niveau-de-vie-cest-se-battre-pou

    Avec des centaines de milliers de manifestants dans plus de 2000 rassemblements, la mobilisation du samedi 17 novembre a été un succès, malgré le drame de la mort d’une manifestante en Savoie et les blessés sur d’autres lieux de blocage. Des actions ont même continué les jours suivants.

    Ces mobilisations ont rassemblé des manifestants qui, pour beaucoup, vivaient là leur première action collective. Elles ont été organisées à la base, hors des cadres habituels des partis et des directions syndicales. Les ministres qui ont souligné l’absence « d’organisateurs identifiés » déploraient en fait de n’avoir personne avec qui négocier pour stopper le mouvement au plus vite. Pour les classes laborieuses, le problème est inverse : il est de s’engager dans la lutte et de l’organiser sur la base de leurs intérêts.

    Les actions du week-end expriment une colère légitime. Les hausses de prix des carburants les ont déclenchées. Mais c’est la hausse de trop, qui fait déborder un mécontentement bien plus large.

    Des salariés du public ou du privé, des chômeurs et des retraités participant aux blocages l’ont exprimé, en disant qu’ils n’en pouvaient plus des sacrifices et de devoir serrer la ceinture d’un cran de plus pour se déplacer, ne serait-ce que pour aller au boulot ou pour essayer d’en trouver !

    Le monde du travail doit mettre en avant ses propres objectifs et se mobiliser sur ses propres revendications. Le slogan « Macron démission » fait l’unanimité et il y a de quoi vouloir se débarrasser de ce gouvernement des riches !

    Mais s’ils veulent se battre pour leur droit à l’existence, les travailleurs doivent cibler les donneurs d’ordre : cette classe capitaliste pour laquelle Macron est aux petits soins et qui mène la guerre aux travailleurs.

    C’est pour que les actionnaires des grandes entreprises continuent à amasser des milliards de profits que les travailleurs sont contraints à la survie avec des #salaires trop faibles ou des allocations de #chômage, lorsque les patrons prennent la décision de fermer des entreprises pour faire encore plus de profits.

    Dans le mouvement des gilets jaunes, il y a d’autres catégories sociales que les salariés. Patrons du transport ou du BTP, agriculteurs et artisans mettent en avant les revendications contre les taxes, qui correspondent à la défense de leurs intérêts. Ces revendications « antitaxes » cantonnent la mobilisation sur le terrain de l’opposition au gouvernement qui permet aussi à la droite et à l’extrême droite de tenter de jouer leur carte. Tant que l’on ne remet pas en cause les profits de la classe capitaliste, des politiciens comme Le Pen, Dupont-Aignan ou Wauquiez veulent bien faire des discours sur les intérêts du peuple.

    L’#argent_public, l’argent des impôts et des taxes, est de plus en plus consacré directement à la grande bourgeoisie. Ce sont les grandes entreprises du CAC 40 qui engrangent des milliards de subventions et de crédits d’impôts. Et si le gouvernement finit par décharger les petits patrons de la taxe sur les carburants, voire la supprime complètement, il cherchera un autre moyen de prendre dans les poches des travailleurs l’argent que la classe capitaliste exige.

    Le Premier ministre Philippe a affirmé dimanche soir que son gouvernement ne reculerait pas, tout en promettant d’« accompagner ceux dont il entend la souffrance ». Mais les travailleurs ne demandent pas la compréhension ou la charité pour boucler les fins de mois ! Ils exigent de vivre dignement de leur travail, eux qui font tourner toute la société, ou qui l’ont fait tourner avant de se retrouver privés d’emplois ou à la retraite.

    Pour empêcher notre #niveau_de_vie de sombrer, nous devons exiger l’#augmentation_des_salaires, des allocations et des pensions et leur progression au même rythme que les prix. Cela signifie engager une lutte d’ampleur contre le grand patronat et le #gouvernement à son service.

    Les salariés, qui se connaissent, se retrouvent chaque jour dans les entreprises, y sont concentrés, disposent de tous les moyens pour organiser ce combat. Ils disposent d’une arme fondamentale car ils sont au cœur de la production, de la distribution, de toute l’économie. La grève leur permet de toucher les capitalistes là où ils sont sensibles, à la source du #profit !

    Aujourd’hui, demain et les jours suivants, qu’on ait participé ou non aux actions du week-end, il faut continuer à discuter entre travailleurs et se préparer à prendre l’argent qui nous manque chaque mois là où il est, dans les caisses du grand #patronat !