• « Pressentiments, sentiments et ressentiments antifrançais : itinéraire
    d’un passé qui ne passe pas »
    El Hadj Souleymane Gassama (Elgas) - Journaliste, docteur en sociologie et chercheur associé à l’IRIS.
    Extraits de la revue de l’IRIS - printemps 2024
    https://drive.google.com/file/d/19fofUU-lfVozuoB4TXUnzNcXISaoK4DB/view


    #françafrique #décolonisation #antifrançais

  • Vers une société de réparation. L’exposition The Great Repair
    https://metropolitiques.eu/Vers-une-societe-de-reparation-L-exposition-The-Great-Repair.html

    L’exposition The Great Repair, conçue à #Berlin à partir de la restauration du bâtiment qui l’accueillait, présente une diversité d’expériences qui font valoir la nécessité d’une société de #réparation. En mars 2024, le Pavillon de l’Arsenal, à Paris, en accueille une version condensée. L’un de ses concepteurs nous a accordé un entretien. Entretien réalisé par Olivier Gaudin. Pourriez-vous présenter pour commencer le lieu d’origine de l’exposition, son bâtiment et son contexte ? L’Akademie der Künste est une #Entretiens

    / #architecture, #maintenance, réparation, #transition, #urbanisme, Berlin, #patrimoine, #Allemagne, #décolonisation, sobriété, (...)

    #sobriété #enseignement
    https://metropolitiques.eu/IMG/pdf/met_entretien_florent_hertweck.pdf

  • Commémorations musicales du massacre du 17 octobre 1961.

    https://lhistgeobox.blogspot.com/2024/02/commemorations-musicales-du-massacre-du.html

    "Le black out sur les événements de la nuit est total. Une version officielle s’installe : les Algériens ont été contraints par le FLN à manifester. Certains ont tiré des coups de feu et la police a été obligée de riposter. Mensonges ! Un communiqué de presse diffusé au cours de la nuit reconnaît trois morts. Mensonge encore. Ce sont en réalité des dizaines de victimes qui sont à déplorer.

    C’est d’abord l’incertitude qui plane autour des événements. La censure exerce un contrôle puissant sur la presse, même si les premiers témoignages surgissent (des médecins en poste dans les hôpitaux de la capitale, le 17 au soir, mais aussi des policiers). Au fil des jours, c’est la Seine qui témoigne, on y retrouve des corps d’Algériens pieds et poings liés. Les actions en justice tournent court, en raison notamment des lois d’amnistie adoptées lors des accords d’Evian. De la sorte, l’événement est invisibilisé, et ne survit qu’à l’état de rumeur.

    Moins d’un an après les faits, Kateb Yacine écrit un poème intitulé « Dans la gueule du loup ». En 18 vers libres adressés au peuple français, l’auteur rappelle qu’en dépit des efforts des autorités françaises pour invisibiliser l’événément, il a été "vu" (et même photographié par Elie Kagan). On ne peut l’occulter. Le titre du poème résonne aussi comme un reproche adressé aux responsables de la fédération de France du FLN et aux organisateurs qui auraient jeté les manifestants dans la gueule du loup. En 1998, les Têtes Raides donnent aux mots forts du poète l’écrin musical qu’ils méritaient. [« Peuple français tu as tout vu / Oui tout vu de tes propres yeux / Tu as vu notre sang couler / Tu as vu la police assommer les manifestants / Et les jeter dans la Seine / La Seine rougissante n’a pas cessé / Les jours suivants / De vomir / De vomir à la face du peuple de la commune / Les corps martyrisés / Qui rappelaient aux parisiens / Leur propre révolution / Leur propre résistance / Peuple français tu as tout vu / Oui tout vu de tes propres yeux / Et maintenant vas-tu parler / Et maintenant vas-tu te taire » ]"

  • Entretien (audio et vidéo) avec Simukai Chigudu.

    Les fantômes de la colonisation - La Vie des idées
    https://laviedesidees.fr/Les-fantomes-de-la-colonisation

    La vie des des idées , janvier 2024

    Quelles traces les entreprises coloniales ont-elles laissées ? En confrontant l’histoire publique du colonialisme au Royaume-Uni et au Zimbabwe à celle de sa propre famille, Simukai Chigudu fait apparaître la part refoulée du legs colonial et comment elle continue d’alimenter le cycle de la violence.❞

    (suite à lire sur le site en libre-accès de La Vie des idées).

    #Zimbabwe #indépendances #décolonisations #RhodesMustFall

  • Décoloniser, un continent
    https://laviedesidees.fr/Decoloniser-un-continent

    Que signifie au juste « décoloniser les savoirs » ? Quelle différence entre anticolonial, postcolonial et décolonial ? Pour mettre un terme au flou sémantique régnant autour du « décolonial », Lissell Quiroz et Philippe Colin nous proposent une généalogie de ce courant de pensées apparu dans l’Amérique latine des années 1990. À propos de : Philippe Colin, Lissell Quiroz, Pensées décoloniales. Une introduction aux théories critiques d’Amérique latine, Paris, Zones

    #International #Amérique_latine #études_postcoloniales #décolonisation
    https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/20240122_decoloniser.pdf
    https://laviedesidees.fr/IMG/docx/20240122_decoloniser.docx

  • Les fantômes de la colonisation
    https://laviedesidees.fr/Les-fantomes-de-la-colonisation

    Quelles traces les entreprises coloniales ont-elles laissées ? En confrontant l’histoire publique du colonialisme au Royaume-Uni et au Zimbabwe à celle de sa propre famille, Simukai Chigudu fait apparaître la part refoulée du legs colonial et comment elle continue d’alimenter le cycle de la violence.

    #International #Grande-Bretagne #Entretiens_vidéo #décolonisation #CASBS
    https://laviedesidees.fr/IMG/docx/20240119_chigudufr.docx

  • Henry Laurens : La décolonisation est la solution - L’Orient-Le Jour
    https://www.lorientlejour.com/article/1358738/henry-laurens-la-decolonisation-est-la-solution.html

    La solution à deux Etats semblant de plus en plus complexe à mettre en oeuvre à mesure que les positions des deux parties se cristallisent, le professeur au Collège de France évoque la décolonisation.

    #paywall
    les extraits, fournis par l’auteur de l’interview, qu’il est possible de lire sur X donnent envie…
    https://twitter.com/karimbitar/status/1729283069578719538

  • Henry Laurens : « On est sur la voie d’un processus de destruction de masse » à Gaza, entretien avec Rachida El Azzouzi (19 novembre 2023).

    Pour l’historien, spécialiste de la Palestine, professeur au collège de France, « l’effondrement des conditions sanitaires et l’absence de ravitaillement à destination des populations concernées peuvent indiquer que l’on est sur la voie d’un processus de destruction de masse » dans la bande de Gaza.

    L’historien et universitaire Henry Laurens est l’un des plus grands spécialistes du #Moyen-Orient. Professeur au Collège de France où il est titulaire de la chaire d’histoire contemporaine du #monde_arabe, il a mis la question palestinienne au cœur de son travail. Il est l’auteur de très nombreux livres dont cinq tomes sans équivalent publiés entre 1999 et 2015, consacrés à La question de Palestine (Fayard).
    Dans un entretien à Mediapart, il éclaire de sa connaissance l’exceptionnalité du conflit israélo-palestinien et le « corps à corps que même l’émotion n’arrive pas à séparer » dans lesquels les deux peuples sont pris depuis des décennies. Il dit son pessimisme quant à la résolution du conflit qui peut durer « des siècles » : « Vous ne pouvez espérer de sortie possible que par une décolonisation, mais à horizon immédiat, cette décolonisation n’est pas faisable. Dans les années 1990, elle l’était. Il y avait 30 000 colons. Aujourd’hui, ils sont 500 000 dont quelques dizaines de milliers qui sont des colons ultrareligieux et armés. »

    Plus d’une vingtaine de rapporteurs de l’organisation des Nations unies (ONU) s’inquiètent d’« un génocide en cours » à Gaza. Est-ce que vous employez ce terme ?

    Il y a deux sens au terme de « génocide ». Il y a le #génocide tel que défini par l’avocat polonais Raphael Lemkin en 1948, la seule définition juridique existante, aujourd’hui intégrée au protocole de Rome créant la #CPI [Cour pénale internationale – ndlr]. Lemkin a été obligé, pour que ce soit voté par les Soviétiques et par le bloc de l’Est, d’éliminer les causes politiques du génocide – massacrer des gens dans le but de détruire une classe sociale –, parce qu’il aurait fallu reconnaître le massacre des koulaks par les Soviétiques.

    La définition de Lemkin implique que ceux qui commettent un génocide appartiennent à un autre peuple que celui des victimes. D’où le problème aussi qu’on a eu avec le #Cambodge, qu’on ne pouvait pas appeler un génocide parce que c’étaient des Cambodgiens qui avaient tué des Cambodgiens. Là, on est dans une définition étroite. C’était le prix à payer pour obtenir un accord entre les deux Blocs dans le contexte du début de la #guerre_froide.

    Vous avez ensuite une définition plus large du terme, celui d’une destruction massive et intentionnelle de populations quelles qu’en soient les motivations.

    Il existe donc deux choses distinctes : la première, ce sont les actes, et la seconde, c’est l’intention qui est derrière ces actes. Ainsi le tribunal international pour l’ex-Yougoslavie a posé la différence entre les nettoyages ethniques dont la motivation n’est pas génocidaire parce que l’#extermination n’était pas recherchée, même si le nombre de victimes était important, et les actes de génocide comme celui de Srebrenica, où l’intention était claire.

    On voit ainsi que le nombre de victimes est secondaire. Pour Srebrenica, il est de l’ordre de 8 000 personnes.

    L’inconvénient de cette #logique_judiciaire est de conduire à une casuistique de l’intentionnalité, ce qui ne change rien pour les victimes. 

    Au moment où nous parlons, le nombre de victimes dans la bande de #Gaza est supérieur à celui de Srebrenica. On a, semble-t-il, dépassé la proportion de 0,5 % de la population totale. Si on compare avec la France, cela donnerait 350 000 morts.

    Le discours israélien évoque des victimes collatérales et des boucliers humains. Mais de nombreux responsables israéliens tiennent des discours qui peuvent être qualifiés de génocidaires. L’effondrement des conditions sanitaires et l’absence même de ravitaillement à destination des populations concernées peuvent indiquer que l’on est sur la voie d’un processus de destruction de masse avec des controverses à n’en plus finir sur les intentionnalités. 

    La solution à deux États n’est plus possible.

    La crainte d’une seconde « #Nakba » (catastrophe), en référence à l’exil massif et forcé à l’issue de la guerre israélo-arabe de 1948, hante les #Palestiniens. Peut-on faire le parallèle avec cette période ?

    La Nakba peut être considérée comme un #nettoyage_ethnique, en particulier dans les régions autour de l’actuelle bande de Gaza où l’#intentionnalité d’expulsion est certaine. Des responsables israéliens appellent aujourd’hui à une #expulsion de masse. C’est d’ailleurs pour cela que l’Égypte et la Jordanie ont fermé leurs frontières.

    Dans l’affaire actuelle, les démons du passé hantent les acteurs. Les juifs voient dans le 7 octobre une réitération de la Shoah et les Palestiniens dans les événements suivants celle de la Nakba.

    Faut-il craindre une annexion de la bande de Gaza par Israël avec des militaires mais aussi des colons ?

    En fait, personne ne connaît la suite des événements. On ne voit personne de volontaire pour prendre la gestion de la bande de Gaza. Certains responsables israéliens parlent de « dénazification » et il y a une dimension de vengeance dans les actes israéliens actuels. Mais les vengeances n’engendrent que des cycles permanents de violence.

    Quelle est votre analyse des atrocités commises le 7 octobre 2023 par le Hamas ?

    Elles constituent un changement considérable, parce que la position de l’État d’Israël est profondément modifiée au moins sur deux plans : premièrement, le pays a subi une invasion pour quelques heures de son territoire, ce qui n’est pas arrivé depuis sa création ; deuxièmement, le 7 octobre marque l’échec du projet sioniste tel qu’il a été institué après la Seconde Guerre mondiale, un endroit dans le monde où les juifs seraient en position de sécurité. Aujourd’hui, non seulement l’État d’Israël est en danger, mais il met en danger les diasporas qui, dans le monde occidental, se trouvent menacées ou, en tout cas, éprouvent un sentiment de peur.

    Le dernier tome de votre série consacrée à « La question de Palestine » (Fayard) était intitulé « La paix impossible » et courait sur la période 1982-2001. Vous étiez déjà très pessimiste quant à la résolution de ce conflit, mais aussi concernant l’avenir de la région, comme si elle était condamnée à demeurer cette poudrière. Est-ce que vous êtes encore plus pessimiste aujourd’hui ? Ou est-ce que le #conflit_israélo-palestinien vous apparaît soluble, et si oui, quelle issue apercevez-vous ?

    La réelle solution théorique serait d’arriver à un système de gestion commune et équitable de l’ensemble du territoire. Mais un État unitaire est difficile à concevoir puisque les deux peuples ont maintenant plus d’un siècle d’affrontements.

    Qu’en est-il de la solution à deux États, dont le principe a été adopté en 1947 par l’ONU, après la fin du mandat britannique ? Est-elle possible ?

    La solution à deux États n’est plus possible dès lors que vous avez 500 000 colons, dont quelques dizaines de milliers qui sont des #colons ultrareligieux et armés. Vous avez une violence quotidienne en #Cisjordanie. La sécurité des colons ne peut se fonder que sur l’insécurité des Palestiniens. Et l’insécurité des Palestiniens provoque la violence qui engendre l’insécurité des colons.

    C’est un cercle vicieux et vous ne pouvez espérer de sortie possible que par une décolonisation, mais à horizon immédiat, cette #décolonisation n’est pas faisable. Dans les années 1990, elle l’était. Il y avait 30 000 colons. On pouvait, sans trop de dégâts, faire une décolonisation de la Cisjordanie et de la bande de Gaza. 

    Aujourd’hui, nous sommes dans une position de domination, et cette solution peut prendre des siècles parce qu’il y a l’exceptionnalité juive qui crée une exceptionnalité israélienne qui elle-même crée une exceptionnalité palestinienne. C’est-à-dire que sans être péjoratif, les Palestiniens deviennent des juifs bis.

    Qu’entendez-vous par là ?

    Nous sommes depuis le 7 octobre devant un grand nombre de victimes. Mais ces dernières années, nous en avons eu bien plus en Irak, en Syrie, au Soudan et en Éthiopie. Cela n’a pas provoqué l’émoi mondial que nous connaissons aujourd’hui. L’émotion a été suscitée parce que les victimes étaient juives, puis elle s’est déplacée sur les victimes palestiniennes. Les deux peuples sont dans un corps à corps que même l’émotion n’arrive pas à séparer.

    Les années 1990 ont été marquées par les accords d’Oslo en 1993. Relèvent-ils du mirage aujourd’hui ?
     
    Non, on pouvait gérer une décolonisation. Mais déjà à la fin des accords d’Oslo, il n’y a pas eu décolonisation mais doublement de la #colonisation sous le gouvernement socialiste et ensuite sous le premier gouvernement Nétanyahou. Ce sont l’occupation, la colonisation, qui ont amené l’échec des processus. Il n’existe pas d’occupation, de colonisation pacifique et démocratique.

    Aujourd’hui, c’est infiniment plus difficile à l’aune de la violence, des passions, des derniers événements, des chocs identitaires, de la #haine tout simplement. Qui plus est, depuis une trentaine d’années, vous avez une évolution commune vers une vision religieuse et extrémiste, aussi bien chez les juifs que chez les Palestiniens.

    La Palestine fonctionne en jeu à somme nulle, le progrès de l’un se fait au détriment de l’autre.

    Vous voulez dire que le conflit territorial est devenu un conflit religieux ?

    Il a toujours été religieux. Dès l’origine, le mouvement sioniste ne pouvait fonctionner qu’en utilisant des références religieuses, même si ses patrons étaient laïcs. La blague de l’époque disait que les sionistes ne croyaient pas en Dieu mais croyaient que Dieu leur avait promis la Terre promise.

    Le projet sioniste, même s’il se présentait comme un mouvement de sauvetage du peuple juif, ne pouvait fonctionner qu’en manipulant les affects. Il était de nature religieuse puisqu’il renvoyait à la Terre sainte. Vous avez une myriade d’endroits qui sont des #symboles_religieux, mais qui sont aussi des #symboles_nationaux, aussi bien pour les #juifs que pour les #musulmans : l’esplanade des Mosquées, le tombeau des Patriarches, le mur des Lamentations. Et puis il y a les gens qui se sentent mandatés par Dieu.

    De même, les musulmans ont cherché des alliés en jouant sur la solidarité islamique. Dès les années 1930, la défense de la mosquée Al-Aqsa est devenue un thème fédérateur.

    Pourquoi est-il devenu difficile d’invoquer une lecture coloniale du conflit depuis les massacres du Hamas du 7 octobre ?

    Le sionisme est à l’origine un corps étranger dans la région. Pour arriver à ses fins, il a eu besoin d’un soutien européen avant 1914, puis britannique et finalement américain. Israël s’est posé comme citadelle de l’#Occident dans la région et conserve le #discours_colonial de la supériorité civilisatrice et démocratique. Cet anachronisme est douloureusement ressenti par les autres parties prenantes.

    Jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, les responsables sionistes n’hésitaient pas à se comparer à la colonisation britannique en Afrique noire avec la nécessité de mater les protestations indigènes. 

    La Palestine fonctionne en jeu à somme nulle, le progrès de l’un se fait au détriment de l’autre. La constitution de l’État juif impliquait un « transfert » de la population arabe à l’extérieur, terme poli pour « expulsion ». La #confiscation des #terres détenues par les Arabes en est le corollaire. Les régions où ont eu lieu les atrocités du 7 octobre étaient peuplées d’Arabes qui ont été expulsés en 1948-1950.

    Dire cela, c’est se faire accuser de trouver des excuses au terrorisme. Dès que vous essayez de donner des éléments de compréhension, vous vous confrontez à l’accusation : « Comprendre, c’est excuser. » Il faut bien admettre que le #Hamas dans la bande de Gaza recrute majoritairement chez les descendants des expulsés. Cela ne veut pas dire approuver ce qui s’est passé.

    Le slogan « From the river to the sea, Palestine will be free » (« De la rivière à la mer, la Palestine sera libre ») utilisé par les soutiens de la Palestine fait polémique. Est-ce vouloir rayer de la carte Israël ou une revendication légitime d’un État palestinien ?

    Il a été utilisé par les deux parties et dans le même sens. Les mouvements sionistes, en particulier la droite sioniste, ont toujours dit que cette terre devait être juive et israélienne au moins jusqu’au fleuve. Le parti de l’ancêtre du Likoud voulait même annexer l’ensemble de la Jordanie.

    Chez certains Palestiniens, on a une vision soft qui consiste à dire que « si nous réclamons un État palestinien réunissant la bande de Gaza et la Cisjordanie, nous considérons l’ensemble de la terre comme la Palestine historique, comme partie de notre histoire, mais nous ne la revendiquons pas dans sa totalité ».

    Israël depuis sa fondation n’a pas de #frontières définies internationalement. Il a toujours revendiqué la totalité de la Palestine mandataire, voire plus. Il a ainsi rejeté l’avis de la Cour internationale de justice qui faisait des lignes d’armistice de 1949 ses frontières permanentes.

    Cette indétermination se retrouve de l’autre côté. La libération de la Palestine renvoie à la totalité du territoire. D’autres exigeaient la carte du plan de partage de 1947. Pour l’Organisation de libération de la Palestine (#OLP), faire l’#État_palestinien sur les territoires occupés en 1968 était la concession ultime.

    Les Arabes en général ont reçu sans grand problème les réfugiés arméniens durant la Grande Guerre et les années suivantes. Ces Arméniens ont pu conserver l’essentiel de leur culture. Mais il n’y avait pas de question politique. Il n’était pas question de créer un État arménien au Levant.

    Dès le départ, les Arabes de Palestine ont vu dans le projet sioniste une menace de dépossession et d’expulsion. On ne peut pas dire qu’ils ont eu tort…

    Le mouvement islamiste palestinien, le Hamas, classé #terroriste par l’Union européenne et les États-Unis, est aujourd’hui le principal acteur de la guerre avec Israël…

    Définir l’ennemi comme terroriste, c’est le placer hors la loi. Bien des épisodes de décolonisation ont vu des « terroristes » devenir du jour au lendemain des interlocuteurs valables. 

    Bien sûr, il existe des actes terroristes et les atrocités du 7 octobre le sont. Mais c’est plus une méthodologie qu’une idéologie. C’est une forme de guerre qui s’en prend aux civils selon les définitions les plus courantes. Jamais un terroriste ne s’est défini comme tel. Il se voit comme un combattant légitime et généralement son but est d’être considéré comme tel. Avec l’État islamique et le 7 octobre, on se trouve clairement devant un usage volontaire de la cruauté.

    La rhétorique habituelle est de dire que l’on fait la guerre à un régime politique et non à un peuple. Mais si on n’offre pas une perspective politique à ce peuple, il a le sentiment que c’est lui que l’on a mis hors la loi. Il le voit bien quand on dit « les Israéliens ont le droit de se défendre », mais apparemment pas quand il s’agit de Palestiniens.

    D’aucuns expliquent qu’Israël a favorisé l’ascension du Hamas pour qu’un vrai État palestinien indépendant ne voie jamais le jour au détriment de l’#autorité_palestinienne qui n’administre aujourd’hui plus que la Cisjordanie. Est-ce que le Hamas est le meilleur ennemi des Palestiniens ? 

    Incontestablement, les Israéliens ont favorisé les #Frères_musulmans de la bande de Gaza dans les années 1970 et 1980 pour contrer les activités du #Fatah. De même, après 2007, ils voulaient faire du Hamas un #sous-traitant chargé de la bande de Gaza, comme l’Autorité palestinienne l’est pour la Cisjordanie. 

    Le meilleur moyen de contrer le Hamas est d’offrir aux Palestiniens une vraie perspective politique et non de bonnes paroles et quelques aides économiques qui sont des emplâtres sur des jambes de bois. 

    Quel peut être l’avenir de l’Autorité palestinienne, aujourd’hui déconsidérée ? Et du Fatah, le parti du président Mahmoud Abbas, pressé par la base de renouer avec la lutte armée et le Hamas ?

    Le seul acquis de l’Autorité palestinienne, ou plus précisément de l’OLP, c’est sa légitimité diplomatique. Sur le terrain, elle est perçue comme un sous-traitant de l’occupation israélienne incapable de contrer un régime d’occupation de plus en plus dur. Elle est dans l’incapacité de protéger ses administrés. Le risque majeur pour elle est tout simplement de s’effondrer.

    Le Hamas appelle les Palestiniens de Cisjordanie à se soulever. Un soulèvement généralisé des Palestiniens peut-il advenir ?

    En Cisjordanie, on a surtout de petits groupes de jeunes armés totalement désorganisés. Mais la violence et la répression sont devenues quotidiennes et les violences permanentes. À l’extérieur, l’Occident apparaît complice de l’occupation et de la répression israéliennes. L’Iran, la Chine et la Russie en profitent.

    Le premier tome de votre monumentale « Question de Palestine » s’ouvre sur 1799, lorsque l’armée de Napoléon Bonaparte entre en Palestine, il court jusqu’en 1922. Avec cette accroche : l’invention de la Terre sainte. En quoi cette année est-elle fondatrice ?

    En 1799, l’armée de Bonaparte parcourt le littoral palestinien jusqu’à Tyr. En Europe, certains y voient la possibilité de créer un État juif en Palestine. Mais l’ouverture de la Terre sainte aux Occidentaux est aussi l’occasion d’une lutte d’influences entre puissances chrétiennes. 

    Dans le tome 4, « Le rameau d’olivier et le fusil du combattant » (1967-1982), vous revenez sur ce qui a été un conflit israélo-arabe, puis un conflit israélo-palestinien. Est-ce que cela peut le redevenir ?

    Jusqu’en 1948, c’est un conflit israélo-palestinien avant tout. En 1948, cela devient un #conflit_israélo-arabe avec une dimension palestinienne. À partir de la fin des années 1970, la dimension palestinienne redevient essentielle.

    Ben Gourion disait que la victoire du sionisme était d’avoir transformé la question juive en problème arabe. Les derniers événements semblent montrer que le #problème_arabe est en train de redevenir une #question_juive.

    Le rôle des États-Unis a toujours été déterminant dans ce conflit. Que nous dit leur position aujourd’hui ? 

    La question de Palestine est en même temps une question intérieure pour les pays occidentaux du fait de l’histoire de la Shoah et de la colonisation. Il s’y ajoute aux États-Unis une dimension religieuse du fait du biblisme protestant et du « pionniérisme ». Les Palestiniens leur semblent être quelque part entre les Indiens et les Mexicains…

    La « République impériale » vient encore de montrer son impressionnante capacité de projection militaire dans la région, mais aussi son incapacité à obtenir un règlement politique satisfaisant.

    Pourquoi ce conflit déclenche-t-il autant de passions et clive-t-il autant dans le monde entier, où comme en France, le président appelle à « ne pas importer le conflit » ?

    C’est un conflit gorgé d’histoire. La Terre sainte est celle des trois religions monothéistes. Le conflit lui-même porte avec lui la mémoire de la Shoah et de la colonisation, d’où l’extraordinaire position d’exceptionnalité des acteurs.

    Vous avez écrit cinq tomes sur la question de Palestine. Après l’ultime « La Paix impossible », quel pourrait être le sixième ?
     
    Peut-être le retour de la question juive, mais c’est loin d’être une perspective encourageante.

    https://www.mediapart.fr/journal/international/191123/henry-laurens-est-sur-la-voie-d-un-processus-de-destruction-de-masse-gaza

    #discours_génocidaire #religion (s) #sionisme

  • Pour une métaphysique décoloniale
    https://laviedesidees.fr/Pour-une-metaphysique-decoloniale

    Au XIXe siècle, des paysans indiens affirment que des dieux luttent contre l’Empire colonial britannique ; un vietnamien qu’il ne peut extraire le charbon du sous-sol puisqu’un dragon vit sous la terre. Quelle métaphysique peut expliquer ce qui est dit ici ? À propos de : Mohamed Amer Meziane, Au bord des mondes. Vers une #anthropologie métaphysique, Vues de l’Esprit

    #Philosophie #religion #décolonisation
    https://laviedesidees.fr/IMG/docx/202310_meziane.docx

  • « Les putschs en Afrique de l’Ouest annoncent la fin d’un cycle qui aura duré près d’un siècle », Achille Mbembe

    (...) on n’a en effet pas suffisamment souligné, (...) à quel point l’anticolonialisme et le panafricanisme auront contribué à l’approfondissement de trois grands piliers de la conscience moderne, à savoir la démocratie, les droits humains et l’idée d’une justice universelle. Or, le néosouverainisme se situe en rupture avec ces trois éléments fondamentaux. D’abord, se réfugiant derrière le caractère supposé primordial des races, ses tenants rejettent le concept d’une communauté humaine universelle. Ils opèrent par identification d’un bouc émissaire, qu’ils érigent en ennemi absolu et contre lequel tout est permis. Ainsi, quitte à les remplacer par la Russie ou la Chine, les néosouverainistes estiment que c’est en boutant hors du continent les vieilles puissances coloniales, à commencer par la France, que l’Afrique parachèvera son émancipation.

    Le culte des « hommes forts »

    Obnubilés par la haine de l’étranger et fascinés par sa puissance matérielle, ils s’opposent, d’autre part, à la démocratie qu’ils considèrent comme le cheval de Troie de l’ingérence internationale. Ils préfèrent le culte des « hommes forts », adeptes du virilisme et pourfendeurs de l’homosexualité. D’où l’indulgence à l’égard des coups d’Etat militaires et la réaffirmation de la force comme voies légitimes d’exercice du pouvoir.

    Ces basculements s’expliquent par la faiblesse des organisations de la société civile et des corps intermédiaires, sur fond d’intensification des luttes pour les moyens d’existence et d’imbrication inédite des conflits de classe, de genre et de génération. Effet pervers des longues années de glaciation autoritaire, les logiques informelles se sont étendues dans maints domaines de la vie sociale et culturelle. Le charisme individuel et la richesse sont désormais privilégiés au détriment du lent et patient travail de construction des institutions, tandis que les visions transactionnelles et clientélistes de l’engagement politique l’emportent.

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/08/04/achille-mbembe-en-afrique-la-stabilite-passera-par-une-demilitarisation-effe

    #Afrique #putschs #Francafrique #néosouverainisme #Mali, #Guinée, #Burkina_Faso #Niger #décolonisation_limitée #décolonisation #diasporas #femmes

    • Mue par des forces, pour l’essentiel autochtones, [l’Afrique] est en train de se retourner sur elle-même. Pour qui veut comprendre les ressorts profonds de ce pivotage, les luttes multiformes qu’il entraîne et son inscription dans la longue durée, il faut changer de grille d’analyse et partir d’autres postulats. Il faut surtout commencer par prendre au sérieux les compréhensions que les sociétés africaines elles-mêmes ont désormais de leur vie historique propre. Le continent fait en effet l’expérience de transformations multiples et simultanées. D’ampleur variable, elles touchent tous les ordres de la société et se traduisent par des ruptures en cascade. A la faveur du multipartisme, les enjeux de masse sont de retour, tandis que ne cessent de se creuser de nouvelles inégalités et qu’apparaissent de nouveaux conflits, notamment entre genres et générations.

      Lame de fond

      L’arrivée dans l’espace public de celles et de ceux qui sont nés dans les années 1990-2000, et ont grandi dans un temps de crise économique sans précédent, constitue un événement charnière. Il coïncide avec le réveil technologique du continent, l’influence grandissante des diasporas, une accélération des processus de créativité artistique et culturelle, l’intensification des pratiques de mobilité et de circulation et la quête forcenée de modèles alternatifs de développement puisant dans la richesse des traditions locales. Enjeux démographiques, socioculturels, économiques et politiques s’entrecroisent désormais, ainsi que l’attestent la contestation des formats politico-institutionnels, issus de la décennie 1990, les mutations de l’autorité familiale, la rébellion silencieuse des femmes et une aggravation des conflits générationnels.

      https://justpaste.it/2tkx4

    • Qui l’eut cru. 50 ans à pousser les politiques d’ajustement structurel du FMI et des occidentaux en général tout en prétendant à la supériorité de la démocratie et à l’universalisme et voilà où on arrive, voilà où ils nous amènent finalement, à la barbarie, et à la gouvernance la plus rétrograde.

    • A la génération sacrifiée de l’époque des ajustements structurels (1985-2000) est venue s’en ajouter une autre, bloquée de l’intérieur par une gérontocratie rapace et interdite de mobilité externe, en conséquence des politiques antimigratoires européennes et d’une gestion archaïque des frontières héritées de la #colonisation. Ainsi, aux enfants-soldats des guerres de prédation d’hier s’est substituée la foule des adolescents et mineurs, qui, aujourd’hui, n’hésite pas à acclamer les putschistes, lorsqu’elle ne se retrouve pas aux premiers rangs des émeutes urbaines et des pillages qui s’ensuivent.

      #histoire #démographie #jeunesse

  • Colonial Extractivism and Epistemic Geologies in the #Congo

    Whether for its rubber, its copper, its uranium, its coltan, or its lithium, the Congo has seen and continues to see its earth continuously looted by European colonial powers. For the last 16 years, #Sammy_Baloji has been dedicating his artistic practice to the literal and historic stratas his research has led him to excavate. Caroline Honorien and Léopold Lambert talked with him about what decolonization would signify in this context.


    https://thefunambulist.net/magazine/decolonial-ecologies/colonial-extractivism-and-epistemic-geologies-in-the-congo

    #extractivisme_colonial #colonialisme #extractivisme #décolonisation #mines #caoutchouc #uranium #coltan #lithium #cuivre

  • Comment la #France verrouille son #passé_colonial

    La polémique en France sur la notion de #crime_contre_l'humanité du temps de la #colonisation rappelle les vifs débats causés dans ce même pays il y a plus de dix ans par l’adoption de la loi du 23 février 2005 qui ne retenait que le « rôle positif de la présence française outre-mer ». L’« #affaire_Macron » met en exergue le profond malaise lié au passé colonial de la France, souligne la professeure de droit Sévane Garibian.

    Quoi que l’on pense des propos récents d’#Emmanuel_Macron sur la #colonisation_française, il est utile d’observer leurs effets en recourant à une temporalité plus longue, dépassant le court terme médiatico-politique. La #polémique née il y a quelques jours en France rappelle, en symétrie inversée, les vifs débats causés dans ce même pays il y a plus de dix ans par l’adoption de la loi du 23 février 2005 qui ne retenait que le « #rôle_positif de la présence française outre-mer ». La disposition litigieuse (finalement abrogée par décret en 2006), tout comme les rebondissements et double discours dans ladite « affaire Macron », auront eu pour mérite de mettre en acte le profond #malaise lié au passé colonial de la France.

    Ce trouble s’est régulièrement nourri de résistances dont nous trouvons de multiples traces dans le champ du #droit, grand absent des commentaires de ces derniers jours. Abordons donc cette polémique de biais : par ce qu’elle ne dit pas, par ce qu’elle occulte. Rappelons ainsi que la Cour de cassation française eut l’occasion de produire une jurisprudence relative aux #crimes commis en #Algérie (#affaires_Lakhdar-Toumi_et_Yacoub, 1988) ainsi qu’en #Indochine (#affaire_Boudarel, 1993). Une #jurisprudence méconnue, ou tombée dans l’oubli, qui soulevait pourtant directement la question de la qualification ou non de crime contre l’humanité pour ces actes.

    Les précédents

    Plusieurs historiens ont pu souligner dernièrement la distinction entre les usages juridiques, historiques et moraux du concept de crime contre l’humanité, tout en rappelant que ce dernier ne peut se trouver, aujourd’hui en France, au cœur de #poursuites_pénales visant les #crimes_coloniaux. Quelle est donc l’histoire du droit menant à un tel constat ? Afin de mieux comprendre ce dont il s’agit, il est possible d’ajouter deux distinctions à la première.

    D’abord, une distinction entre le problème de la #qualification de crime contre l’humanité (qui renvoie à la question complexe de la #définition de ce crime en #droit_français), et celui de l’#amnistie prévue, pour les crimes visés, par des lois de 1966 et 1968. Ces deux points fondent les justifications discutables du refus de poursuivre par la #Cour_de_cassation dans les affaires précitées ; mais seul le premier constituait déjà le réel enjeu. En l’état du droit, et contrairement à ce qu’affirmaient alors les juges de cassation, la qualification de crime contre l’humanité aurait en effet pu permettre, au-delà du symbole, de constater une #imprescriptibilité (inexistante en France pour les crimes de guerre) défiant l’amnistie.

    Plus tard, la Cour de cassation admettra d’ailleurs en creux le caractère « inamnistiable » des crimes contre l’humanité, non reconnus en l’espèce, dans l’affaire de la manifestation du 17 octobre 1961, en 2000, puis dans l’#affaire_Aussaresses en 2003 – toutes deux en relation avec les « évènements d’Algérie ». Entre les deux, elle confirmera dans l’#affaire_Ely_Ould_Dah (2002) la poursuite, en France, d’un officier de l’armée mauritanienne pour des faits de #torture et des actes de #barbarie amnistiés dans son propre pays : il semble manifestement plus aisé d’adopter une attitude claire et exigeante à l’encontre de lois d’amnistie étrangères.

    Volonté de verrouillage

    En outre, et c’est là que se niche la seconde distinction, une analyse plus poussée du raisonnement de la Cour dans les affaires Lakhdar-Toumi, Yacoub et Boudarel met en lumière une volonté des juges de verrouiller toute possibilité de traitement des crimes coloniaux. Il importe donc de distinguer ici les questions de droit et les politiques juridiques qui sont à l’œuvre. L’historienne Sylvie Thénault écrivait récemment que « toute #définition_juridique est le résultat d’une construction par des juristes et d’une évolution de la jurisprudence » (Le Monde du 16 février). Or il n’existait à l’époque des affaires précitées que des définitions jurisprudentielles, plus (#affaire_Barbie) ou moins (#affaire_Touvier) larges du crime contre l’humanité en France, lequel ne fera son apparition dans le Code pénal qu’en 1994.

    A y regarder de plus près, on comprend que les juges de cassation rejettent la qualification de crime contre l’humanité pour les crimes coloniaux à plusieurs reprises, en choisissant de s’appuyer exclusivement sur la #jurisprudence_Touvier. Celle-ci limite, à l’inverse de la #jurisprudence_Barbie, la définition du crime contre l’humanité aux crimes nazis commis « pour le compte d’un pays européen de l’Axe ». Si la jurisprudence Touvier permit en son temps d’esquiver habilement le problème de la #responsabilité de la France de Vichy, elle bloquera aussi, par ricochet, toute possibilité de répression des crimes perpétrés par des Français pour le compte de la France, jusqu’en 1994.

    Le verrouillage est efficace. Et le #refoulement créé par cette configuration juridique, souvent ignorée, est à la mesure du trouble que suscitent encore aujourd’hui les faits historiques survenus dans le contexte de la #décolonisation. Plus généralement, l’ensemble illustre les multiples formes d’usages politiques de l’histoire, comme du droit.

    https://www.letemps.ch/opinions/france-verrouille-passe-colonial

    ping @cede @karine4

  • The secret of the failure of liberation – a tribute and celebration of Amilcar Cabral fifty years on - ROAPE
    https://roape.net/2023/03/16/the-secret-of-the-failure-of-liberation-a-tribute-and-celebration-of-amilcar-

    To mark the fiftieth anniversary of national revolutionary leader Amilcar Cabral’s murder in 1973, over the next four weeks, ROAPE will be re-posting a collection of essays paying tribute to Cabral. The collection was first published in the ROAPE journal thirty years ago, and reflects on the extraordinary achievements of Cabral and his organisation PAIGC (the Partido Africano de Indendencia de Guine e Cabo Verde).

    #Décolonisation #Indépendance #Cap_Vert #Guinée_Bissau #Amilcar_Cabral

  • L’#aide_humanitaire en phase d’introspection

    Le mouvement #Black_Lives_Matter a relancé le débat autour du #racisme_structurel et du déséquilibre des pouvoirs dans les domaines de l’#humanitaire, du #développement et de la promotion de la #paix. Un dialogue ouvert et honnête est nécessaire pour aborder ces problèmes ancrés dans l’ADN du secteur.

    Un travail d’introspection demande courage et conscience critique. C’est précisément ce qu’exigent les acteurs du mouvement Black Lives Matter de la part des organisations, des agences et des acteurs actifs dans les domaines de l’aide humanitaire et de la #coopération_internationale. Il est important de faire son introspection pour identifier le #racisme, les dynamiques et les déséquilibres de pouvoir entre le Nord et le Sud, qui remontent à l’époque coloniale. « La gestion de l’aide humanitaire qui n’implique pas les communautés locales marginalisées, les laissant isolées et sans assistance, montre comment ce secteur continue de fonctionner selon les principes colonialistes », avance Lumenge Lubangu, représentant légal de l’Association des rescapés du massacre de Makobola, perpétré en décembre 1998 en République démocratique du Congo.

    Comme près de 160 militants, universitaires, journalistes et professionnels du monde entier, Lumenge Lubangu a participé en novembre 2020 à une consultation en ligne de trois jours, lancée par une coalition d’ONG britanniques. Le but était de partager des expériences, des recommandations et des idées sur le problème du racisme et les #structures_de_pouvoir dans les secteurs de l’humanitaire, du développement et de la promotion de la paix. Sur la base des résultats des discussions, l’ONG Peace Direct a publié un rapport intitulé Time to Decolonise Aid. « L’objectif est de promouvoir le débat et d’encourager la #décolonisation de l’aide humanitaire, de la coopération au développement et de la promotion de la paix pour que ces secteurs deviennent réellement inclusifs, en transférant le pouvoir et les ressources aux acteurs locaux », explique Shannon Paige, autrice du rapport.

    Logique eurocentrée

    La décolonisation de l’aide humanitaire est un sujet récurrent. Il fait son retour dans l’actualité cinq ans après le Grand Bargain, un accord signé lors du Sommet mondial sur l’action humanitaire qui s’est tenu à Istanbul en 2016. Malgré l’engagement pris par le secteur de s’attaquer aux inégalités du système, le pouvoir et l’aide économique n’ont pas encore été transférés aux communautés et aux acteurs locaux. Il y a de nombreuses raisons à cela, notamment une gestion de projet qui consolide les structures de pouvoir existantes.

    « De nombreux programmes sont menés selon une logique eurocentrée qui remonte à l’époque des Lumières, explique Kimon Schneider, maître de conférences et initiateur d’un cours sur le sujet (voir encadré) proposé par le Centre pour le développement et la coopération (NADEL) de l’EPFZ. C’est une logique qui a façonné le concept de progrès et de développement, ancré dans l’ADN du secteur humanitaire et imposé aux bénéficiaires de l’aide. »

    Un modèle occidental et postcolonial qui se manifeste dans différents domaines, notamment le recrutement. « Pourquoi pensons-nous qu’il est préférable d’engager un expert européen ou américain pour mettre en œuvre un projet dans le Sud ? questionne Shannon Paige. Plutôt que de financer les déplacements des experts occidentaux, les ONG et les donateurs devraient investir dans les chercheurs locaux. » Le rapportTime to Decolonise Aid mentionne d’autres contextes où le racisme structurel est favorisé.

    Dans la coopération au développement, on utilise souvent le terme « renforcement des capacités », un concept qui suggère que les communautés et les organisations locales manquent de compétences, perpétuant ainsi l’image du « sauvage » du Sud qui doit être « civilisé ». En outre, les réunions entre acteurs internationaux et locaux se déroulent généralement en anglais (la langue dominante dans le monde de la coopération internationale), même lorsque les anglophones sont minoritaires. Le langage utilisé par les humanitaires est truffé de termes spécialisés et académiques. Ceux-ci empêchent souvent les collaborateurs locaux de participer activement à la discussion et consolident le système d’exclusion ainsi que le déséquilibre de pouvoir entre le Nord et le Sud.

    « Qui définit ce qu’est la connaissance ? s’interroge Kimon Schneider. Qui décide que les connaissances locales et autochtones sont moins importantes que celles de l’Organisation mondiale de la Santé ou d’un professeur d’université ? ». Conscients du problème, de nombreux donateurs, ONG et agences encouragent l’échange d’informations Sud-Sud. Cependant, là aussi, l’évaluation des connaissances s’effectue selon les valeurs et les modèles occidentaux.

    Enfin, citons encore les collectes de fonds qui s’appuient sur des images d’enfants affamés ou de milliers de personnes attendant de la nourriture pour susciter l’empathie et ainsi récolter des dons. Ces clichés consolident l’imaginaire collectif selon lequel l’Africain est impuissant et dépendant de l’Occident, du « sauveur blanc ».
    Délocaliser les décisions

    « Cela fait des décennies que l’on parle d’une manière ou d’une autre de décolonisation de l’aide. Malgré les efforts déployés pour transférer le pouvoir au Sud, il n’y a pas eu de progrès substantiels. Bien qu’il y ait une plus grande prise de conscience de la question, on est resté plus ou moins au statu quo », souligne Kimon Schneider. Le problème du racisme dans la coopération internationale est difficile à aborder. On part souvent du principe que les acteurs du secteur ne peuvent pas être racistes, parce qu’ils sont des gens « bien » qui sacrifient leur vie pour aider les personnes défavorisées dans les pays du Sud.

    Pourtant, il existe des comportements inconscients et ritualisés. Aux yeux de Lumenge Lubangu, la clé du changement réside dans l’implication des acteurs locaux. « Sans la communauté locale, on n’arrive à rien », soutient l’activiste, qui se souvient de sa participation à une consultation des Nations Unies visant à élaborer des stratégies de prévention et d’atténuation de la violence dans l’est de la République démocratique du Congo. « Les forces de l’ONU sur le terrain appliquent mes propositions, prises comme modèle pour gérer l’insécurité dans la région. Les premiers résultats sont prometteurs. »
    Espaces de dialogue

    Le rapport de l’ONG Peace Direct formule d’autres recommandations. Il demande, par exemple, aux donateurs, aux organisations et aux décideurs politiques de reconnaître l’existence d’un racisme structurel. « Cela ne signifie pas qu’il faille nier le bien que fait le secteur ou rejeter la coopération internationale. Il existe toutefois une responsabilité collective face à ce problème », peut-on lire dans le document.

    La création d’espaces de dialogue et de confrontation sur les déséquilibres de pouvoir du système est également proposée. Objectif : promouvoir la création de partenariats plus équitables avec les communautés locales et favoriser la décentralisation de la prise de décision, en la transférant vers le Sud. Une idée également soutenue par Kimon Schneider : « Nous avons besoin d’un dialogue constructif entre personnes provenant du monde entier pour créer un monde meilleur,. L’élément crucial est l’attitude, qui doit être humble, autocritique, ouverte et consciente. » Selon Shannon Paige, le rapport Time to Decolonise Aid n’est que le début du processus que l’aide humanitaire et la coopération internationale doivent entreprendre. « Le débat sur la décolonisation de l’aide est important, mais pas suffisant. Nous avons besoin d’une transformation des structures de pouvoir. »

    https://www.eine-welt.ch/fr/2021/edition-4/laide-humanitaire-en-phase-dintrospection
    #décolonial #pouvoir #coopération_au_développement #aide_au_développement #eurocentrisme #ressources_pédagogiques

    ping @cede @karine4

  • Afrique : « Il serait trop facile de ne voir que “la main de Moscou” dans ce spectaculaire congédiement de la France »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/02/04/afrique-il-serait-trop-facile-de-ne-voir-que-la-main-de-moscou-dans-ce-spect

    Afrique : « Il serait trop facile de ne voir que “la main de Moscou” dans ce spectaculaire congédiement de la France »

    Philippe Bernard, 4 février 2023

    En prétendant continuer d’exercer son influence en Afrique, la France s’est faite la complice des échecs des indépendances. Mais nous gagnerions sans doute à considérer les événements en cours comme une nouvelle phase de la décolonisation, analyse Philippe Bernard, éditorialiste au « Monde », dans sa chronique.

    Les présidents français ont longtemps aimé les vivats des Africains, les petits drapeaux français agités sur la route des aéroports, les bains de foule et le dépaysement bienvenu que procure la chaleur d’un accueil à la spontanéité très organisée, la célébration des « liens particuliers » qui unissent la France à de nombreux pays d’Afrique. A Bamako, en 2013, après le déclenchement de l’opération « Serval » destinée à bloquer la percée des djihadistes vers le sud, alors que des Maliens en liesse le remerciaient, François Hollande avait affirmé qu’il vivait « la journée la plus importante de [s]a vie politique ». Emmanuel Macron semblait aux anges, à Ouagadougou, à la fin 2017, face à un amphi d’étudiants applaudissant sa promesse de rompre avec une vision postcoloniale et de parler désormais d’égal à égal avec les Africains. « Il n’y a plus de politique africaine de la France ! », avait-il même proclamé.

    Il serait trop facile, alors que les soldats français sont expulsés du Mali et du Burkina Faso, que la France y est conspuée dans la rue, que, sur les tee-shirts, Vladimir Poutine a remplacé Emmanuel Macron, de ne voir que « la main de Moscou » dans ce spectaculaire congédiement de la France. Si les mercenaires du Groupe Wagner peuvent proposer leurs services – une assurance-vie pour les militaires putschistes au pouvoir –, si des Africains « marchent » dans la grossière propagande russe, c’est parce qu’ils voient Vladimir Poutine comme un homme ayant relevé son pays, ce que leurs dirigeants n’ont jamais su faire. C’est aussi qu’au Mali, les libertés fondamentales ont été supprimées et qu’un climat de peur s’est répandu. Mais, fondamentalement, nombre de Sahéliens tournent le dos à la France parce qu’ils lui reprochent son incapacité à rétablir la sécurité.

    Or, cette impuissance résulte essentiellement d’un défaut d’analyse : les agressions djihadistes, dont ont été victimes les pays du Sahel depuis que la chute du dictateur libyen Kadhafi en 2011 y a fait déferler armes et combattant, se sont transformées en conflits endogènes. Les combattants djihadistes, à l’origine des étrangers, se recrutent désormais parmi les communautés locales brimées, rançonnés ou abandonnées par le pouvoir central, ou en butte à des conflits intercommunautaires – souvent liés à l’utilisation des sols – jamais arbitrés. Au fil des ans, les groupes djihadistes « ont recruté sur place en proposant un mode de gouvernance alternatif. La France s’est alors retrouvée mêlée à une guerre qui ne visait plus des “groupes terroristes”, mais des insurrections locales, parfois microlocales. Dans le cas du Mali, on peut même parler de guerre civile », a expliqué au Monde le 6 janvier Rémi Carayol, journaliste spécialiste de l’Afrique, auteur du Mirage sahélien. La France en guerre en Afrique. Serval, Barkhane et après (La Découverte, 2023).
    Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Le Burkina Faso officialise sa demande de rupture de la présence militaire française dans le pays

    « Guerre civile », l’expression revient aussi dans l’analyse d’Olivier Vallée, économiste spécialiste de l’Afrique : « Il semble bien que pour faire la paix, il serait nécessaire d’accepter de considérer que se déroule, du Nigeria au Burkina, une guerre et de la qualifier. Ni locale ni globale, comme on a tenté de la présenter au nom du terrorisme, la guerre [en Afrique de l’Ouest] est une guerre civile. » De fait, au Mali comme au Burkina Faso, une large partie du pays échappe au contrôle des autorités et les massacres de populations civiles se multiplient. L’armée française, en privilégiant certaines communautés comme les Touareg en vertu de traditions coloniales, a alimenté les accusations d’ingérence.

    Résultat, la faillite des Etats, au mieux absents, au pire prédateurs, à assurer la sécurité, sans même parler de conditions de vie décentes, est désormais masquée par un nationalisme nourri de ressentiment antifrançais, arme décisive pour des putschistes en manque de légitimité. Aucun Malien, aucun Burkinabé, comme aucun des habitants de plusieurs autres pays africains francophones, n’ignore que ses dirigeants élus, responsables du total manque de perspectives de leur jeunesse, ont été appuyés par la France. En prétendant continuer d’exercer son influence, Paris s’est fait le complice des échecs des indépendances. Mais le sentiment – de plus en plus éloigné de la réalité – selon lequel Paris « fait la pluie et le beau temps » est devenu insupportable avec l’échec sécuritaire français.

    Le mot d’ordre de « souveraineté », largement brandi aujourd’hui, se nourrit aussi de l’incapacité française à se débarrasser des comportements condescendants. Devant les étudiants de Ouagadougou en 2017, Emmanuel Macron n’avait pas pu s’empêcher d’humilier par une pique le président élu, Roch Marc Christian Kaboré, alors même qu’il souhaitait faire passer son message de « nouveau partenariat décomplexé ». Aujourd’hui, comment le ministre des armées, Sébastien Lecornu, peut-il convaincre les Africains que la France entend parler d’égal à égal avec eux, lorsqu’il présente l’Afrique comme faisant « partie de notre profondeur stratégique » et justifie le maintien de bases militaires sur le continent par le souci de « protéger nos ressortissants » ?

    Nous gagnerions sans doute à considérer les événements en cours comme rien de moins qu’une nouvelle phase de la décolonisation. « Nous sommes tout simplement en train de changer d’époque, passant d’une Afrique dominée à une Afrique souveraine. Cela se déroule sous nos yeux, mais peu le comprennent », constate dans Le Monde (26 janvier) le général Bruno Clément-Bollée, ancien commandant des forces françaises en Côte d’Ivoire (où le ressentiment contre la France s’est manifesté dans les années 2000, en dehors de toute influence russe). Venant d’un général, l’avertissement vaut coup de semonce. L’Afrique n’a pas fini de réclamer sa souveraineté. Il ne s’agit pas de battre sa coulpe, mais de changer de logiciel.

    #France #Sahel #Françafrique #Mali #Centrafrique #Décolonisation #Serval #Barkhane

    • La lecture de la chronique de Philippe Bernard sera utilement complétée par celle d’un entretien avec Rémi Carayol, publié dans le Monde du 6 janvier 2023. Rémi Carayol journaliste spécialiste de l’Afrique est notamment l’auteur de F rance en guerre en Afrique. Serval, Barkhane et après ? (La Découverte, 2023).

      https://www.lemonde.fr/international/article/2023/01/06/remi-carayol-chercheur-specialiste-de-l-afrique-au-sahel-les-officiers-franc

    • Présentation du livre de Rémi Carayol sur le site de son éditeur.

      Le mirage sahélien - Rémi Carayol - Éditions La Découverte
      https://www.editionsladecouverte.fr/le_mirage_sahelien-9782348075469

      L’intervention militaire engagée par la France au Sahel tourne au fiasco. Lancée en janvier 2013, l’opération Serval ressemblait au départ à une success story. Les quelques centaines de djihadistes qui avaient pris le contrôle des principales villes du Nord-Mali furent mis en déroute. Des foules en liesse, brandissant ensemble les drapeaux français et malien, firent un triomphe à François Hollande lorsqu’il se rendit à Bamako.
      Tout cela n’était pourtant qu’un mirage. En quelques mois, l’opération Barkhane, qui prend le relais de Serval en juillet 2014, s’enlise. Les djihadistes regagnent du terrain au Mali et essaiment dans tout le Sahel : des groupes locaux, liés à Al-Qaïda ou à l’État islamique, se constituent et recrutent largement, profitant des injustices et de la misère pour se poser comme une alternative aux États déliquescents. Au fil des ans, la région s’enfonce dans un chaos sécuritaire et politique : les civils meurent par milliers et les coups d’État militaires se multiplient. Impuissante, la France est de plus en plus critiquée dans son « pré carré ».
      L’armée française, imprégnée d’idéologie coloniale et engluée dans les schémas obsolètes de la « guerre contre le terrorisme », se montre incapable d’analyser correctement la situation. Prise en étau entre des décideurs français qui ne veulent pas perdre la face et des dirigeants africains qui fuient leurs responsabilités, elle multiplie les erreurs et les exactions. Des civils sont tués. Des informateurs sont abandonnés à la vengeance des djihadistes. Des manifestations « antifrançaises » sont violemment réprimées.
      Sous couvert de la lutte contre la « barbarie », la France a renié les principes qu’elle prétend défendre sur la scène internationale. Le redéploiement du dispositif militaire français au Sahel, annoncé par Emmanuel Macron, n’y change rien : la France poursuit en Afrique de l’Ouest une guerre qui ne dit pas son nom, et sur laquelle les Français n’ont jamais eu leur mot à dire.

  • Un Grand Reportage de France Culture à écouter en podcast pour mieux saisir la situation du « 101e département français » et comprendre la longue durée des décolonisations.

    Mayotte, d’infortunes en injustices
    https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/grand-reportage/grand-reportage-emission-du-vendredi-03-fevrier-2023-8462837

    Mayotte, d’infortunes en injustices
    Vendredi 3 février 2023

    Mayotte, 101e département français (12 ans d’âge) attire les populations des Comores qui fuient la misère à bord de barques à moteur. Près de la moitié de la population de Mayotte est étrangère, les flux migratoires se sont intensifiés ces dernières années.

    Il est de coutume d’associer le 101e département de la République française à de fréquentes décharges de violence attribuées à une délinquance juvénile issue de l’immigration, comorienne de préférence.

    Depuis des années, l’Ile aimante en effet les populations des trois autres terres de l’archipel : Grande Comore, Mohéli et Anjouan, Anjouan d’où partent la majorité des barques, les « kwassas- kwassas » avec à leur bord celles et ceux qui fuient la misère et bravent un bras de mer d’une soixantaine de kilomètres.
    Mayotte reste la promesse d’une vie meilleure également pour des habitants de Madagascar, et depuis peu de République Démocratique du Congo, du Rwanda, du Burundi qui prennent la mer à Dar es Salam en Tanzanie.
    La Police aux Frontières multiplie les patrouilles et les arrestations à terre quand la Brigade Nautique enchaîne les interceptions en mer.
    Le département concentre en moyenne chaque année plus de 60 % des mesures d’Obligation de Quitter le Territoire Français (OQTF). Les nouveaux arrivants rejoignent dans des bidonvilles, celles et ceux qui survivent dans des habitations en tôle, les « bangas », pas toujours alimentées en eau et en électricité.
    (...) lire la suite et écouter l’émissions sur le site de France Culture

    https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/grand-reportage/grand-reportage-emission-du-vendredi-03-fevrier-2023-8462837

    #Mayotte #Comores #France #colonisation #décolonisation #immigration

  • Un reportage et des témoignages qui permettent d’approcher la complexité des sentiments (et ressentiments) d’appartenance pour des tirailleurs, aujourd’hui centenaire, et le plus souvent recrutés de force au début des années 1940.

    « J’entends encore des voix me dire “viens m’aider” » : au Sénégal, rencontre avec des tirailleurs centenaires

    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/01/18/j-entends-encore-des-voix-me-dire-viens-m-aider-au-senegal-rencontre-avec-de

    « J’entends encore des voix me dire “viens m’aider” » : au Sénégal, rencontre avec des tirailleurs centenaires
    Par Mustapha Kessous, publié le 18 janvier 2023

    Ils se sont battus pour la France lors de la seconde guerre mondiale, en Algérie ou en Indochine. Pour ces vieux hommes, les combats restent une profonde blessure psychologique jamais prise en compte.

    Un homme peut encore pleurer à 102 ans. Le temps ne guérit pas les blessures. Keffieh rouge posé avec délicatesse sur la tête habillée d’une petite chéchia blanche, trois médailles – bien ternes – accrochées près du cœur, Abdourajhemane Camara dégage une mélancolie qui ne laisse pas indifférent. Le patriarche vit à la Cité Aliou Sow, au nord-est de Dakar, chez son fils. Dans l’immense salon carrelé, on sent chez Mohamed, 60 ans, une fierté infinie de prendre soin de son père. « C’est un guerrier, dans tous les sens du terme », lance-t-il.

    Abdourajhemane Camara est un ancien combattant : dix-sept ans de service dans l’armée française. Cette « carrière » militaire, il n’en a pas voulu. Mais, dit-il, le « ndogalou yalla » (le destin, en wolof) a choisi de l’envoyer se battre sous les feux de la seconde guerre mondiale (1939-1945), puis en Algérie (1954-1962). Selon l’Office national des anciens combattants (ONAC) du Sénégal, quelque 780 tirailleurs, tous vétérans de ces conflits ou de la guerre d’Indochine (1946-1954), vivent aujourd’hui au pays et touchent une pension de la France. L’institution pense qu’il y en a plus : certains ont choisi de ne jamais se manifester, préférant ne pas réclamer leur dû.

    (suite à consulter en ligne)

    #réparations #décolonisations #Sénégal #armée #WWII #tirailleurs

  • Les médias locaux ont rapporté que le démantèlement du monument à l’impératrice russe Catherine II a commencé à Odessa dans la matinée du 28 décembre.
    Le conseil municipal d’Odessa a confirmé que le monument serait transféré au musée des beaux-arts d’Odessa.
    Les autorités locales ont accepté de démonter le monument le 30 novembre, à la suite d’un vote en ligne des habitants d’Odessa qui ont approuvé la décision début novembre.
    Le monument à la mémoire de Catherine II et des autres fondateurs d’Odessa est un point de repère majeur de la ville.
    Il a été érigé en 1900, lorsque Odessa faisait partie de l’Empire russe et démantelé par les bolcheviks en 1920. Il a été restauré par le conseil municipal en 2007.
    Catherine II, qui a régné de 1762 à 1796, a une réputation controversée en Ukraine car elle a encouragé l’impérialisme russe et liquidé deux entités ukrainiennes autonomes – le Sich zapirizhzien et le Hetmanate.
    Les militants pro-ukrainiens préconisent son démantèlement depuis des années, tandis que les militants pro-russes s’y opposent.
    Le maire d’Odessa, Hennadiy Trukhanov, ancien législateur du Parti des régions de l’ex-président Viktor Yanukovych, avait auparavant ciblé les électeurs pro-russes.
    Il a toutefois changé de discours après que la Russie a lancé son invasion à grande échelle de l’Ukraine le 24 février.
    La campagne de démantèlement des monuments liés à la Russie a été lancée en Ukraine après le début de l’invasion à grande échelle.
    Info : The Kiev Independant
    https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2020/06/27/faire-sauter-le-pont-alexandre-iii/#comment-54399

    #international #ukraine #décolonisation

  • #David_Van_Reybrouck : « Il existe une forme de #colonisation de l’avenir »

    Dix ans après l’épais « Congo, une histoire », l’historien flamand déploie une histoire de la #décolonisation de l’#Indonésie. Entretien sur la #mémoire_coloniale, la #révolution et l’#héritage du #non-alignement forgé lors de la #conférence_de_Bandung en 1955.

    « Ce qui rend la Revolusi indonésienne passionnante, c’est l’énorme impact qu’elle a eu sur le reste de l’humanité : non seulement sur la décolonisation d’autres pays, mais plus encore sur la coopération entre tous ces nouveaux États. »

    David Van Reybrouck, écrivain et essayiste, auteur notamment de Congo, une histoire (prix Médicis Essai 2012), de Contre les élections ou de Zinc est un touche-à-tout obsédé par la volonté d’élargir sans cesse le spectre et le registre des expériences, qu’il s’agisse de promouvoir des innovations démocratiques ou des manières d’écrire l’histoire.

    Pour rédiger Revolusi. L’Indonésie et la naissance du monde moderne, que viennent de publier les éditions Actes Sud dans une traduction d’Isabelle Rosselin et Philippe Noble, David Van Reybrouck a mené près de deux cents entretiens dans près d’une dizaine de langues, et fait un usage inédit de Tinder, s’en servant non comme d’une application de rencontres mais comme un moyen de contacter les grands-parents de celles et ceux qui voulaient bien « matcher » avec lui dans tel ou tel espace du gigantesque archipel indonésien.

    Le résultat de cinq années de travail fait plus de 600 pages et remonte une histoire mal connue, d’autant que les Pays-Bas ont longtemps mis un écran entre leur monde et la violence du passé colonial de leur pays, mis en œuvre non pas par la Couronne ou le gouvernement lui-même mais par la VOC, la Compagnie Unie des Indes orientales, parce que « l’aventure coloniale néerlandaise n’a pas commencé par la soif de terres nouvelles, mais par la recherche de saveurs ».

    Cela l’a mené à la rencontre d’un géant démographique méconnu, et à une mosaïque politique et linguistique inédite, puisqu’un terrien sur 27 est indonésien, et que 300 groupes ethniques différents y parlent 700 langues. Entretien sur la mémoire coloniale, la révolution et l’héritage du non-alignement forgé lors de la conférence de Bandung en 1955.

    Mediapart : Zinc racontait le destin des plus petites entités territoriales et démographiques du monde. À l’inverse, votre dernier ouvrage déroule une copieuse histoire de l’Indonésie, fondée sur de très nombreux entretiens oraux. Pourquoi l’Indonésie demeure-t-elle pour nous un « géant silencieux », pour reprendre vos termes ?

    David Van Reybrouck : L’Indonésie est devenue un pays invisible, alors qu’il y a encore une soixantaine d’années, elle dominait la scène internationale, surtout après la conférence de Bandung de 1955 [qui réunissait pour la première fois les représentants de 29 pays africains et asiatiques - ndlr], qu’on peut qualifier de « 14-Juillet » à l’échelle mondiale.

    Sukarno, son président, était alors reçu à Washington, au Vatican, en Chine. Comment un pays aussi central dans les années 1940-1950 a-t-il pu devenir aussi invisible, alors qu’il demeure la quatrième puissance au monde, par sa démographie, et qu’il est devenu un acteur économique essentiel en Asie du Sud-Est ?

    J’ai l’impression que plus son économie devient importante, plus sa diplomatie devient discrète. C’est une grande démocratie qui, pour sa taille, se porte bien si on la compare à l’Inde ou même aux États-Unis, même s’il y a des tensions, notamment entre l’État laïc et l’État musulman, comme en Turquie.

    L’importance de l’Indonésie au sortir de la guerre était aussi liée à la figure de Sukarno, atypique dans le paysage politique indonésien : flamboyant, charismatique, charmeur, vaniteux, insupportable, brillant. Il me fait penser à Mohamed Ali en raison de la vitesse à laquelle il débitait ses mots. Il pouvait enthousiasmer l’audience.

    Le président actuel, Joko Widodo, surnommé Jokowi, est compétent, mais il a la particularité d’être un petit commerçant n’appartenant ni à l’élite traditionnelle ni à celle qui s’est forgée pendant et après l’indépendance.

    Pourquoi avoir choisi de raconter l’émancipation de l’Indonésie, dix ans après votre somme sur le « Congo » ?

    Pour des raisons à la fois subjectives et objectives. C’est un pays immense dont on ne parle jamais, le premier pays à avoir proclamé son indépendance, deux jours après la fin de la Seconde Guerre mondiale, mais cela demeure peu connu, même les Indonésiens ne s’en vantent pas.

    J’étais encore au Congo en train de faire mes recherches dans une petite ville proche de l’océan lorsque j’ai rencontré un bibliothécaire de l’époque coloniale qui n’avait plus que 300 livres en flamand. Parmi eux se trouvait Max Haavelar, le grand roman anticolonial hollandais du XIXe siècle – l’équivalent de Moby Dick ou de La Case de l’Oncle Tom –, écrit par Eduard Douwes Dekker, dit Multatuli, un pseudonyme emprunté au latin qui signifie « J’ai beaucoup supporté ». Le roman est écrit à partir de son expérience de fonctionnaire envoyé aux Indes néerlandaises, où il découvre l’exploitation coloniale dans la culture du café.

    À partir de ce point de départ, j’avais gardé en tête l’idée de m’intéresser à l’Indonésie, d’autant que le roi belge Léopold II s’est beaucoup inspiré de la colonisation hollandaise, notamment du principe d’utiliser l’aristocratie indigène pour mener une politique de domination indirecte. Max Havelaar dépeint d’ailleurs très bien la corruption de l’élite indigène qui exploite son propre peuple.

    Pourquoi insister sur l’idée de révolution plutôt que celle de « guerre d’indépendance » pour désigner ce qui s’est déroulé en Indonésie en 1945 ?

    Ce fut à la fois une révolution et une guerre d’indépendance. La proclamation d’indépendance, le 17 août 1945, n’a pas été jugée crédible par les Occidentaux, et les Britanniques ont cru pouvoir reprendre le contrôle du territoire et le redonner aux Hollandais. Mais cela a provoqué une colère immense de la jeunesse indonésienne, dont j’ai retrouvé des témoins qui racontent une expérience particulièrement humiliante et répressive de la colonisation britannique dans les années 1930.

    Lorsque les Japonais arrivent en Indonésie en 1942, ils commencent par donner à cette jeunesse une leçon de fierté. Ils politisent les jeunes générations à travers des slogans, des entraînements de gymnastique, des films, des affiches… À partir de 1943, cette politisation se militarise, et les jeunes apprennent à manier les armes, à faire d’une tige de bambou verte une arme blanche.

    Mais les nonagénaires que j’ai interviewés, qui avaient pu au départ accueillir les Japonais avec reconnaissance, virent ensuite leurs pères emmenés de force comme travailleurs, des millions de personnes mourir de la famine en 1944, leurs sœurs et leurs mères enlevées pour les troupes japonaises pour devenir « des femmes de réconfort ».

    La sympathie initiale pour les Japonais s’est retournée contre eux, et la guerre d’indépendance contre les colons a ainsi pris l’air d’une révolution comparable à la Révolution française, mais menée par des personnes beaucoup plus jeunes. La volonté de renverser le régime était présente d’emblée. Alors que Sukarno était encore en train de négocier avec les Japonais, ce sont les plus jeunes qui l’ont poussé à proclamer l’indépendance sans attendre, avec une certaine improvisation et un drapeau indonésien cousu par sa femme la veille…

    Très vite, on a établi les ébauches de ce nouvel État. Début septembre, les Britanniques arrivent. Les Hollandais sont toujours dans les camps d’internement du Japon, ou alors partis en Australie ou au Sri Lanka. Les Britanniques assurent préparer le retour, désarmer les Japonais. Un premier bateau arrive, puis un deuxième, avec quelques officiers hollandais à bord et des parachutistes pour aller dans les camps d’internement des Japonais.

    Comme souvent dans les révolutions, celle-ci a eu sa part de violence, avec des atrocités commises envers les Indo-Européens, les Chinois et les Hollandais détenus dans les camps par les Japonais, et un bilan total qu’on a longtemps estimé à 20 000 morts, mais que certains estiment aujourd’hui plutôt autour de 6 000.

    Vous avez rencontré des survivants des massacres commis par les Hollandais. Beaucoup vous ont dit : « Vous êtes le premier Blanc à venir nous interroger. » Est-ce que cela vous a questionné ?

    J’ai interviewé presque 200 personnes, la plupart avaient au-delà de 90 ans. J’ai passé un an sur le terrain, même si ça n’était pas d’un bloc. Pour mon livre Congo, j’avais onze cahiers d’entretiens. Là, j’en avais 28. Je me suis retrouvé avec une documentation extrêmement riche. Il fallait organiser tout cela avec des résumés des entretiens, des schémas pour les axes chronologiques, les protagonistes, les figurants…

    Personne n’a refusé de témoigner et j’étais assez étonné de ce qui s’est dévoilé. La plupart des témoins parlent plus facilement des moments où ils étaient victimes que bourreaux, mais j’ai retrouvé des Hollandais et des Indonésiens qui n’hésitaient pas à décrire en détail les tortures qu’ils avaient eux-mêmes commises.

    J’avais la crainte qu’on juge que ce n’était pas à un Blanc de raconter cette histoire, mais j’avais la facilité de pouvoir dire que j’étais belge. Beaucoup de mes témoins ne connaissaient pas la Belgique. La différence aussi est que le souvenir du passé colonial est peut-être moins vif en Indonésie qu’au Congo, qui demeure dans une situation économique pénible. Même si l’Indonésie est un pays pauvre, il se trouve dans une dynamique positive.

    Comment la mémoire du passé colonial est-elle organisée en Indonésie et aux Pays-Bas ?

    Je suis frappé par le talent de l’oubli de la mémoire coloniale indonésienne. Nous, nous sommes obsédés par le passé. C’est important de le travailler, d’avoir une introspection morale, mais il faut aussi le laisser cicatriser pour avancer. Le livre se termine avec l’idée que le rétroviseur n’est pas le seul champ de vision à explorer.

    Souvent les traumatismes sont trop grands, la souffrance est encore trop forte, mais il existe aussi un conditionnement culturel différent. Pour la jeune génération indonésienne, l’époque coloniale est révolue. On trouve des cafés à Djakarta décorés dans un style colonial. Il y a en quelque sorte une appropriation culturelle du passé colonial, qui se voit lors de la fête de l’Indépendance, où il existe un folklore inspiré de la Hollande mais où personne ne parle de ce pays.

    Un sondage de YouGov, commandé par les Britanniques, a récemment cherché à savoir quelle était la nation la plus fière de son passé colonial. Les Britanniques, qui ont encore des colonies, pensaient que ce serait eux. Et, à leur grande surprise et soulagement, ce sont les Hollandais qui remportent haut la main ce triste concours de mémoire coloniale ! Plus de 50 % des sondés hollandais sont fiers du passé colonial, et seulement 6 % expriment de la honte…

    Ces dernières années, il y a cependant eu une accélération aux Pays-Bas de la mise en mémoire du passé colonial avec des excuses du roi, du premier ministre, une exposition au Rijksmuseum d’Amsterdam…

    Mais cette histoire demeure largement ignorée. Ma compagne est hollandaise, mais s’étonnait chaque soir de ce que je lui racontais et qui ne lui avait pas été enseigné, comme l’existence d’un véritable « goulag » où étaient envoyés, dans les années 1920-1930, les indépendantistes et les communistes, ou le fait que la Hollande exigeait des milliards de florins pour reconnaître l’indépendance et payer le coût de la guerre qu’elle avait perdue…

    Le non-alignement, qu’on a vu ressurgir au moment de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, a-t-il le même sens qu’en 1955 ? On voit comment il peut tendre à se confondre avec un refus de prendre la mesure de l’impérialisme russe. Vous semble-t-il malgré cela une position d’avenir ?

    Je trouve que nous assistons là à une perversion du mouvement du non-alignement. L’esprit de Bandung consiste à refuser l’impérialisme et constitue un mouvement moral fondé sur les idéaux de liberté, d’égalité et de fraternité. Si n’être pas aligné aujourd’hui, c’est ne pas s’exprimer sur la Russie, un Nehru, un Nasser ou un Mandela ont de quoi se retourner dans leur tombe. Le non-alignement est un idéalisme géopolitique, pas la somme de calculs économiques.

    Vous écrivez : « Même si nous parvenons un jour à apurer complètement le passif du colonialisme d’antan, nous n’aurons encore rien fait pour enrayer la colonisation dramatique à laquelle nous nous livrons aujourd’hui, celle de l’avenir. L’humanité confisque le siècle à venir avec la même rigueur impitoyable dont elle fit preuve aux temps anciens pour s’approprier des continents entiers. Le colonialisme est un fait non plus territorial, mais temporel. » Solder les comptes du colonialisme est-il une priorité si on veut faire face collectivement à un défi qui se situe à l’échelle planétaire ?

    Le passé est une plaie qu’on a très mal guérie, pas seulement dans le Sud. Elle continue à ternir ou à influencer les rapports entre Nord et Sud. Il faut s’occuper de cette plaie, d’autant plus qu’elle est toujours grande ouverte, comme le montre une carte des pays les plus vulnérables au changement climatique qui est superposable à celle des anciens pays colonisés. Ce qui se joue avec le changement climatique, ce n’est pas un ours polaire sur une banquise qui fond, c’est d’abord ce qui arrive aux peuples du Sud. Quand on parle de colonialisme, on pense en premier lieu au passé, mais il existe une forme de colonisation de l’avenir qui est menée par les mêmes pays qui ont été les acteurs du colonialisme du passé. Il est faux de dire que c’est l’humanité en général qui est responsable du changement climatique, les responsabilités ne sont pas égales.

    Pourquoi écrivez-vous alors que « le quatrième pays du monde n’aurait jamais vu le jour sans le soutien d’adolescents et de jeunes adultes – encore que j’ose espérer que les jeunes activistes de la “génération climat” recourent à des tactiques moins violentes ». Ne faut-il pas une « revolusi » pour le climat ?

    J’ai travaillé sur ce livre au moment où le mouvement de Greta Thunberg faisait parler de lui. Il y avait un regard condescendant sur ces adolescents, les considérant comme une forme politique non sérieuse. Regardez pourtant ce que la jeunesse a fait en Indonésie. Si le pays en est là, c’est grâce aux jeunes, même si j’espère que Greta Thunberg ne va pas se saisir de lances en bambou !

    Je participe à différentes conventions sur le climat qui se déroulent mieux qu’en France, où la transmission vers le politique a été mal faite. Je pense qu’il faut plutôt penser à une désobéissance civile, qui relève d’abord pour moi d’une désobéissance fiscale. Au milieu du XIXe siècle, David Thoreau refuse de payer l’impôt dans l’État du Massachusetts à cause de l’esclavagisme et de la guerre contre le Mexique. Il a été arrêté au bout de six ans.

    Regardons le budget de nos États, et calculons quel pourcentage des dépenses de l’État belge ou hollandais va vers le secteur fossile. Si c’est 18 %, on enlève 18 % de nos impôts et on le met au pot commun. Quand les lois ne sont pas justes, il est juste de leur désobéir.

    Dans la longue liste de vos remerciements, vous remerciez un tableau, « Composition en noir » de Nicolas de Staël, c’est étrange, non ?

    Je remercie deux peintures, celle que vous évoquez et une d’Affandi, un peintre indonésien. J’étais en train d’écrire, je cherchais encore le bon registre pour décrire les atrocités, sans esquiver les détails, mais sans perdre de vue l’ensemble. J’ai une passion pour la peinture et les arts plastiques, qui me vient de ma mère, elle-même peintre. Je me trouvais donc à Zurich, en pleine écriture de mon livre, et je vois cette toile qui m’a montré le chemin, fait de noirceur, d’humanisme, de précision et de lueur aussi. Celle d’Affandi aussi, parce qu’elle était faite de violence et de joie. Il aurait été considéré comme un peintre majeur s’il avait été américain ou français.

    La forme originale, très personnelle de cet ouvrage, comme celui sur le Congo, interpelle. Vous humanisez une histoire abstraite en ayant recours à la non-fiction littéraire. Pourquoi ? Pour la rendre plus accessible ?

    Le discours sur le Congo est trop souvent un monologue eurocentrique. Je voulais rédiger un dialogue en donnant la parole aux Congolais, mais aussi en écoutant des Belges. Dans ce livre sur l’Indonésie, je ne vais pas seulement du monologue vers le dialogue, mais je tends vers la polyphonie. Je suis parti aussi au Japon ou au Népal. Il était important de montrer la dimension internationale de cette histoire et de ne pas la réduire aux rapports verticaux et en silo entre les anciennes métropoles et les anciennes colonies, d’où le sous-titre de l’ouvrage : « et la naissance du monde moderne ».

    https://www.mediapart.fr/journal/international/011022/david-van-reybrouck-il-existe-une-forme-de-colonisation-de-l-avenir
    #Pays-Bas #violence #passé_colonial #livre #Sukarno #guerre_d'indépendance #politisation #fierté #Japon #torture #oubli #appropriation_culturelle #plaie #colonisation_de_l'avenir #désobéissance_civile #désobéissance_fiscale

    ping @cede

    • #Revolusi. L’Indonésie et la naissance du monde moderne

      Quelque dix ans après "Congo", David Van Reybrouck publie sa deuxième grande étude historique, consacrée cette fois à la saga de la décolonisation de l’Indonésie - premier pays colonisé à avoir proclamé son indépendance, le 17 août 1945. Il s’agit pour lui de comprendre l’histoire de l’émancipation des peuples non européens tout au long du siècle écoulé, et son incidence sur le monde contemporain.
      Fidèle à la méthode suivie dès son premier ouvrage, l’auteur se met lui-même en scène au cours de son enquête, alternant sans cesse, et avec bonheur, exposé de type scientifique et “reportage” à la première personne – ce qui rend la lecture de l’ouvrage à la fois aisée et passionnante.

      https://www.actes-sud.fr/catalogue/litterature/revolusi

  • We must turn the meaning of anti-colonial into an instinct.

    “Ten Theses on #Marxism and #Decolonisation”, the latest dossier from the #Tricontinental - adapted from a Vijay Prashad lecture with a foreword by Abel Prieto.
    https://thetricontinental.org/dossier-ten-theses-on-marxism-and-decolonisation

    With roots in a Cuban perspective (Fidel #Castro is heavily cited throughout), the dossier presents a series of charges against neoliberal #globalisation as well as those of its radical adversaries that Prashad judges ineffective: #postmarxism, #Afropessimism, #anarchism...

    The dossier thinks that #neoliberalism should be fought, instead, by a “national liberation Marxism”. The Marxist tradition involves a fight for "dignity", against class and other oppressions; national liberation is freedom from #imperialism: the gaining of "sovereignty". It is to these twin fights that we must return.

    Give it a read, or even just a scroll for the beautiful art used to illustrate the publication. Above a gorgeous watercolour by Osmond Watson, the text concludes:

    Certainly, socialism is not going to appear magically. It must be fought for and built, our struggles deepened, our social connections tightened, our cultures enriched. Now is the time for a united front, to bring together the working class and the peasantry as well as allied classes, to increase the confidence of workers, and to clarify our theory. To unite the working class and the peasantry as well as allied classes requires the unity of all left and progressive forces. Our divides in this time of great danger must not be central; our unity is essential. Humanity demands it.

  • 6 Ways to Start Decolonizing Data for Development Today - ICTworks
    https://www.ictworks.org/decolonizing-data-for-development

    Despite good intentions, data is sometimes collected, analyzed and used in ways that can replicate or even amplify existing injustices and inequalities. This happens because data and data-driven technologies are often treated as neutral tools. However, since these tools are developed by human beings within a social and cultural context, values and world views can be embedded within them. Decolonizing data for development approaches can help us to unpack this.

    #Décolonisation #Données #Aide_au_Développement

  • L’effervescence de l’indépendance algérienne
    https://laviedesidees.fr/Rahal-Algerie-1962-Une-histoire-populaire.html

    À propos de : Malika Rahal, #Algérie 1962. Une #Histoire populaire, La Découverte. Comment l’année 1962, où le pouvoir bascule des autorités coloniales aux représentants du peuple algérien, a-t-elle été vécue par la simple population ? Faute d’archives, Malika Rahal propose une histoire incarnée des émotions.

    #décolonisation #indépendance #émotion

  • Decolonising Settler Cities - Antipode Online
    https://antipodeonline.org/iwas-1617-porter

    ❝Decolonising Settler Cities, Post-Workshop Report, May 2018

    Professor Libby Porter (Centre for Urban Research, RMIT University)

    Dr Tod Jones and Dr Shaphan Cox (Department of Planning and Geography, Curtin University)

    Professor Cheryl Kickett-Tucker (Translational Research Centre for Aboriginal Knowledges and Wellbeing, Curtin University)

    Summary of achievements

    Decolonising Settler Cities was a series of events held throughout 2017 bringing together Indigenous and non-Indigenous activists, scholars, communities and practitioners to share their questions and critiques, experience and knowledge of cities as settler-colonial modes of power, and the possibilities and obstacles they present for Indigenous land justice.

    Every Australian city is built on the unceded country[1] of distinct, sovereign Aboriginal and Torres Strait Islander peoples who continue to practice their laws, cultures, rights and interests under persistent regimes of settler-colonial power. Yet this fact has still not penetrated urban scholarship and practice in Australia. There has been remarkably little effort made to interrogate how this fact unsettles the categories, theories and knowledges used by urban geography and built environment disciplines to understand and practice the Australian city. Despite some key interventions in the field from a handful of scholars, there remains a profound silence in mainstream Australian urban geographical scholarship and practice on Indigenous rights and justice. The urban context is also a stubbornly difficult place for Aboriginal and Torres Strait Islander people to realise land justice. While nearly 80% of Indigenous people in Australia live in cities, less than 1% of the land base returned after decades of their struggle is in urban areas. The question of the urban context, then, for Indigenous land and cultural justice is both urgent and vital.

    Our purpose in this series of events was to bring these issues more sharply onto the agenda for radical urban geography in Australia and beyond. Building on recent efforts to bring critical analyses of urbanisation and settler colonial contexts together, the events contributed to efforts toward reconfiguring Australian urban scholarship and practice to properly attend to Indigenous land and cultural justice.

    We held a special panel session within the annual conference of the Institute of Australian Geographers (IAG) in July 2017 in Brisbane, Queensland. This lively discussion panel, “Practising paradox: Decolonising urban geographies from the settler-colonial University”, attracted around 20 participants and was led by Libby Porter and Tod Jones with special guest Yvonne Underhill-Sem.

    In September 2017, we held a two-day symposium in Perth, Western Australia. This attracted more than 60 delegates from around Australia and beyond, with around 50% Indigenous and 50% non-Indigenous participation and a mix of disciplinary backgrounds. The program included special guests Linda Kennedy and Oren Yiftachel. The event was co-designed between Indigenous and non-Indigenous organisers as a way to unsettle and challenge the conventions of knowing and sharing knowledge that tend to prevail in western scholarly contexts.

    Program and book of abstracts

    The symposium began with a yarning circle, facilitated by Carol Dowling, a Nyoongar scholar and cultural knowledge holder of yarning circle methods. For three hours on the first morning, Carol held open a specially designed space for the open sharing of ourselves as participants in terms of who we are in relation to Indigenous sovereignties and laws, and our individual experiences of settler-colonial power relations.

    Carol Dowling facilitating the yarning circle

    The program included papers on Aboriginal land rights, treaty negotiations, place-making and property, justice, urban design practices, education and pedagogy among other important themes. Many of the papers were joint presentations between Indigenous and non-Indigenous collaborators.

    One session involved around ten young people (aged 11-19) from the Kaat Koort n Hoops Peer Ambassador program in a panel session, facilitated by Cheryl Kickett-Tucker where they discussed what self-determination means to them in an urban context and some of the ways they are leading the future.

    Kaat Koort n Hoops honours the importance of education and the future aspirations upon wellbeing, academic outcomes and transitions. KKnH is an innovative community-led and sustainable program comprised of weekly wellbeing activities combined with weekly organized sport activities developed and delivered by Aboriginal young people (KKnH Peer Ambassadors). The purpose of this innovation is to provide real life, practical, leadership opportunities to Peer Ambassadors who will learn and teach young peers (KKnH participants) about holistic wellbeing (using organized sport as the vehicle). KKnH aims to provide Peer Ambassadors with a culturally empowering space to learn new skills, knowledge and confidence in a fun and relevant work environment so that they take a proactive approach to their life choices for the future and for today.

    fig4

    Kaat Koort n Hoops Peer Ambassadors

    As part of our outcomes, Peer Ambassadors partake in external, value add activities such as the Decolonising Settler Cities international symposium. Over three weeks leading up to the symposium, ten young Ambassadors (both Aboriginal and non-Aboriginal aged 12-23 years) worked independently and collectively to workshop their ideas of decolonization from their perspectives. At the symposium they led a young persons’ panel to present their ideas and take questions from the audience. They worked alongside KKnH Project Director, symposium co-convenor and working party member Cheryl Kickett-Tucker.

    We were led by Nyoongar Elder Noel Nannup on a walking tour to meet and know the country on which we were meeting through Nyoongar law and culture. We were able to film most of the symposium and have been able to create an archive shared among all the participants at this stage, as we work together on other negotiated outcomes that might be enabled by this archive.

    fig5

    Noel Nannup leading us toward knowing Nyoongar country

    Organising these events has helped toward creating a movement within Australian urban geography and cognate built environment disciplines towards a decolonizing ethics and politics in the service of self-determining Indigenous justice. There is evidence that such a movement has emerged and is gaining some momentum. At the 2017 RGS-IBG conference, two of the organisers of these Antipode Foundation-funded events convened a special paper session based on the IAG panel discussion, focused on decolonising knowledges within universities. The session included papers from Indigenous and non-Indigenous scholars on the paradoxes and challenges of decolonial practice within Universities. The Urban Geography Study Group of the Institute of Australian Geographers commissioned Linda Kennedy to write a “Leading Insight” essay on decolonising urban practice. This achieves a widening of the voices heard in Australian urban geographical studies, in formats that refuse the forms of white knowledge-creation that we have sought to challenge. A number of postgraduate students are taking up these issues and organising their own events and discussions. We have also worked with Clare Land, author of Decolonising Solidarity, to develop a reading and action group based on her book to further develop decolonial practices of solidarity and scholarship.

    Challenges encountered

    We encountered thankfully few major challenges or problems, but some of our intentions and program had to change to accommodate shifting conditions. A first challenge was that we were unable to host the one-day online forum originally planned. A number of conditions conspired to undermine this plan, perhaps the most significant being that as an organising team we were a little removed from the main organising committee of that event. It is likely to happen in 2018, and we can support the event and create the synergies originally planned.

    A second unfortunate change of plans occurred when Tony Birch was unable to join the Perth symposium at the last minute due to a serious illness in his family. While we missed Tony’s voice and had already paid some amounts for his travel which were not refundable, his withdrawal did not have a major effect on the outcomes we were able to achieve.

    Finally, practising decolonising ethics and philosophies within the organising of these efforts is a challenging undertaking. One of the most instructive dimensions of the work was where our intentions and practices came into conflict with the norms and expectations particularly of Western universities and also expectations and conventions within the scholarly community. We continue to reflect on these challenges and they will form part of our published outputs in the coming months.

    Plans for the future

    The 2018 NZGS-IAG conference will feature a special “Leading Insight” session sponsored by the Urban Geography Study Group on furthering the theme of decolonising urban knowledges, including published output forthcoming in Australian Geographer.

    We’re also planning a series of published outputs, including a co-authored article from the Perth symposium and a co-authored article from the RGS-IBG special session.

    Note

    [1] A word used widely by Aboriginal and Torres Strait Islander people in Australia to denote their special relationship with their lands and waters. Country is a living, sentient being in itself, an interconnected web of people, environment and non-human species.

    *

    Symposium, 26-27 September, Perth, Australia

    Decolonising Settler Cities is supported by an Antipode Foundation International Workshop Award. The award supports our pursuit in this symposium of knowing the city differently through conversation with Indigenous custodians, activists, scholars, elders and practitioners, and to use this as the basis for rethinking settler-colonial urbanism. Keynote speakers include Tony Birch, Linda Kennedy and Oren Yiftachel.

    There is still time to make a submission of interest to Decolonising Settler Cities. The call for participants closes on 1 June; please make a submission of 300 words to Tod Jones at Curtin University (T.Jones@curtin.edu.au) or Libby Porter at RMIT University (libby.porter@rmit.edu.au). More information is available on our website here.

    Please join us in seeking an agenda for establishing decolonising practices in Australian cities.

    We acknowledge and thank the Wadjuk Noongar people on whose territory Decolonising Settler Cities will be held. This symposium is hosted by Curtin University’s Translational Research Centre for Aboriginal Knowledges, the Centre for Aboriginal Studies, and the School of Built Environment in collaboration with the Centre for Urban Research, RMIT University. We acknowledge support and funds from the Institute of Australian Geographer"

    PDF of the workshop report: https://resources.curtin.edu.au/file/faculty/hum/Decolonising-Settler-Cities-Program.pdf

    #Decolonisation #Décolonial #ville #Australie #Indigenous