#evgeny_morozov

  • Evgeny Morozov, essayiste : « Le Chili d’Allende nous rappelle à quel point le contrôle de la technologie est un enjeu géopolitique »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/09/11/evgeny-morozov-essayiste-le-chili-d-allende-nous-rappelle-a-quel-point-le-co

    ENTRETIENLe journaliste revient, dans un podcast, sur l’incroyable parcours des Santiago Boys, ces ingénieurs chiliens qui voulaient affranchir leur pays de la dépendance technologique américaine.

    L’essayiste d’origine biélorusse Evgeny Morozov. YANN LEGENDRE
    Né en 1984, Evgeny Morozov est un journaliste et essayiste d’origine biélorusse. Observateur attentif de l’impact des nouvelles technologies, il s’intéresse à l’histoire du numérique, des outils informatiques autres que ceux provenant de la Silicon Valley. Il est notamment l’auteur de Pour tout résoudre, cliquez ici ! L’aberration du solutionnisme technologique (FYP, 2014). Cinquante ans après le coup d’Etat du 11 septembre 1973, Evgeny Morozov vient de publier un podcast sur le Chili de Salvador Allende, intitulé « The Santiago Boys » (en anglais, gratuit, disponible sur les grandes plates-formes de streaming et sur le site The-santiago-boys.com). Dans cette enquête qui entremêle la cybernétique et l’espionnage, le journaliste décrit le projet développé au Chili au début des années 1970 pour piloter l’économie nationale grâce à un réseau de télex et d’ordinateurs, et sortir d’une relation de dépendance technologique vis-à-vis des Etats-Unis.

    Dans votre podcast, vous revenez sur un aspect méconnu du projet de Salvadore Allende pour transformer le Chili et l’emmener sur la voie du socialisme : de nouvelles technologies ont été développées sur place pour moderniser l’économie. Pouvez-vous nous expliquer en quoi consistait le réseau informatique alors imaginé ?

    Après son élection à la présidence en 1970, Salvador Allende s’est en effet appuyé sur une équipe d’une quinzaine d’ingénieurs qui ont lancé le projet Cybersyn (cybernétique et synergie). Mais plus d’une centaine de personnes ont participé à ce projet, certaines venaient de l’étranger, du Royaume-Uni, d’Argentine, du Brésil. L’ambition était de suivre en temps réel la production des entreprises du pays grâce à un réseau de télex et des programmes informatiques ad hoc. Poussé par la nécessité, le pays a en effet dû faire le choix de l’innovation.

    Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Le Chili commémore dans la division le cinquantième anniversaire du coup d’Etat militaire

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    En 1971, rapidement après l’élection d’Allende, le pays a fait face à une crise due au manque de ressources managériales pour administrer les centaines de sociétés nationalisées. Les Etats-Unis en ont conscience et font tout pour inciter les gestionnaires chiliens à s’installer en Amérique du Nord. La situation est rendue encore plus difficile par le « blocus invisible », comme on disait à l’époque, auquel se livre Washington, qui empêche la livraison de nouvelles technologies ou des pièces nécessaires à leur entretien.

    C’est ce contexte de crise qui a amené Fernando Flores, un jeune technocrate de l’administration chilienne, à se mettre en quête d’une solution. Il s’est alors tourné vers un consultant et théoricien britannique, Stafford Beer (1926-2002), un pionnier de la gestion cybernétique des organisations. Ensemble, Stafford Beer et Fernando Flores ont conçu ce projet. Dix critères, ou dix variables, devaient être suivis dans chaque usine, et les données devaient être envoyées par télex à un ordinateur central, qui se trouvait à Santiago, pour y être traitées par un logiciel créé par Stafford.

    Une pièce aux allures futuristes, œuvre du designer allemand Gui Bonsiepe, permettait d’accéder aux informations recueillies par cet ordinateur. On y trouvait notamment des fauteuils disposant de touches et de boutons intégrés aux accoudoirs, qui reliaient l’utilisateur au système informatique. Sur les murs se trouvaient plusieurs écrans afin de visualiser les données reçues. Le projet a pris une telle importance que Fernando Flores a été nommé ministre de l’économie et des finances en 1972.

    Cybersyn, c’est un peu les big data d’aujourd’hui. Le projet cherchait à identifier ce qui constituait la norme et ce qui s’en écartait afin de pouvoir traiter tout éventuel problème. L’ensemble de l’Etat et pas uniquement l’industrie devait être soumis au même traitement. Après le coup d’Etat du 11 septembre 1973, Cybersyn a, bien entendu, disparu.

    Vous expliquez que l’opposition entre le Chili d’Allende et l’Amérique de Richard Nixon, qui occupait alors la Maison Blanche, est en grande partie un affrontement technologique. Qu’est-ce qui vous fait dire cela ?

    Cybersyn a acquis à notre époque un statut culte auprès de certaines communautés en ligne, mais, au-delà de cette nostalgie, ce projet met en scène un enjeu souvent oublié, la dimension géopolitique du contrôle de la technologie. A l’époque, le Chili vivait dans une forme de dépendance face à ce qui était alors un géant des télécommunications, International Telephone and Telegraph, plus connu sous le sigle ITT. Cette société n’est plus que l’ombre de ce qu’elle était, mais elle occupait dans les années 1960-1970 une place équivalente à celle des géants de la Silicon Valley aujourd’hui.

    Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Ce que raconte vraiment « la dernière photo » de Salvador Allende, le président chilien qui s’est donné la mort après le coup d’Etat militaire de 1973

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    Après s’être implanté à Puerto Rico et à Cuba, grâce aux capitaux fournis par Wall Street, ITT rachète les réseaux de télécommunication partout en Amérique du Sud, puis se contente de gérer sa rente, refusant d’investir dans les endroits les plus pauvres et les plus reculés. Différents pays parviennent à s’en débarrasser dans les années 1960, mais ce n’est pas le cas du Chili, et son développement économique en souffre.

    Il faut dire que ITT disposait de puissants alliés. Aux Etats-Unis, l’entreprise était intégrée au sein de l’appareil de sécurité nationale. Les intérêts de l’entreprise se confondaient avec ceux du pays. Après avoir dirigé la CIA de 1961 à 1965, John McCone rejoint en 1966 le conseil d’administration de ITT. En 1973, il a admis, devant une sous-commission du Sénat sur les multinationales et leur influence dans les pays où elles étaient implantées, que ITT avait offert 1 million de dollars à la CIA en 1970 pour financer une campagne visant à empêcher Allende de devenir président.

    Comment cet affrontement technologique était-il interprété à l’époque ?

    Dès les années 1960, différents économistes, généralement d’inspiration marxiste, développent la théorie de la dépendance, qui observe que la technologie est un moyen par lequel les pays du Sud peuvent être maintenus dans un état de sujétion, sans pouvoir s’affirmer dans l’économie mondiale, parce qu’ils n’ont pas la maîtrise des technologies. A l’inverse, les Etats-Unis pouvaient continuer de contrôler une part importante de l’économie mondiale par l’exercice d’une domination technologique.

    Ces débats ont également existé en France, portés principalement par le best-seller de Jean-Jacques Servan-Schreiber, Le Défi américain (Denoël, 1967). Onze ans plus tard, le rapport Nora-Minc, rédigé par Simon Nora et Alain Minc à la demande de Valéry Giscard d’Estaing, plaide sur un ton moins nationaliste pour une plus grande intervention de l’Etat, afin de soutenir le développement de l’informatique en France.

    Lire aussi une archive de 1978 : Article réservé à nos abonnés Le rapport de MM. Nora et Minc sur " l’informatisation de la société "

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    La critique des géants technologiques va très loin à l’époque. ITT est même la cible de différents attentats, aux Etats-Unis et en Europe, y compris en France. En 1974, une usine de Sonolor, l’une de ses filiales, est incendiée à La Courneuve par un groupe clandestin qui veut ainsi souhaiter la bienvenue au nouvel ambassadeur chilien, nommé pour remplacer le poète Pablo Neruda.

    Encore aujourd’hui, nous peinons à comprendre le poids géopolitique des nouvelles technologies. Le système néolibéral, qui prône l’interdépendance entre les économies nationales, est toujours le point de vue dominant, alors qu’en réalité la majorité des pays du globe sont tributaires de technologies étrangères, généralement américaines. Contrairement à ce que pense votre président, Emmanuel Macron, le développement de start-up ou d’incubateurs ne changera rien à l’affaire, l’autonomie en la matière repose sur la maîtrise de technologies de grande ampleur, comme l’intelligence artificielle.

    Pourquoi a-t-on oublié ceux que vous appelez « Santiago Boys » ?

    Le coup d’Etat puis la dictature en Chili ont fait que l’on s’est bien davantage intéressé au rôle pris par les Chicago Boys, des économistes chiliens formés à l’université de Chicago par Milton Friedman et Arnold Harberger, deux grands défenseurs du néolibéralisme. Ce sont les Chicago Boys qui ont veillé au déploiement de politiques de dérégulation et de libéralisation de l’économie au Chili. Leur pays a servi de terrain d’expérimentation et bientôt de modèle pour la mise en place de ce programme économique ailleurs dans le monde, notamment au Royaume-Uni sous Margaret Thatcher et aux Etats-Unis sous Ronald Reagan. Pour les tenants de ce courant d’idées, la technologie participe à une saine « destruction créatrice ». Cette vision est toujours à l’œuvre aujourd’hui. Elle continue d’inspirer la Silicon Valley où la disruption est tant vantée.

    Lire aussi notre archive (2001) : La revanche de Milton Friedman

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    Les Santiago Boys, ces ingénieurs qui ont voulu réaliser la vision d’un Chili souverain et socialiste, ont été complètement oubliés. Cinquante ans après le coup d’Etat, j’ai voulu leur rendre hommage et comprendre quelle était leur conception des nouvelles technologies. Ils ne versaient pas dans un travers actuel qui prétend que l’on pourra bientôt remplacer l’être humain grâce à l’intelligence artificielle. Cybersyn devait augmenter les individus, permettre à un manageur, voire aux ouvriers, d’identifier les problèmes, d’intervenir et de les corriger.

    Qu’est-il arrivé aux Santiago Boys après le coup d’Etat ?

    Plusieurs d’entre eux se sont exilés. Partir à l’étranger était plus facile pour ceux qui occupaient un rôle moins important, car ils n’ont pas été immédiatement arrêtés. D’autres ont choisi la clandestinité. Le plus important d’entre eux, Fernando Flores, a passé trois ans dans différents camps de travail et camps de concentration créés par le régime d’Augusto Pinochet. Fernando Flores était d’ailleurs à la Moneda, le palais présidentiel, le jour du coup d’Etat.

    Stafford Beer, le consultant britannique, n’était pas au Chili le 11 septembre 1973, mais il a été profondément marqué par ces événements. Il s’est peu à peu coupé du monde. Fernando Flores a pris le chemin inverse. Une fois libéré, il est parti pour la Californie, il a obtenu un doctorat à Berkeley, puis il est devenu consultant, ce qui lui a permis de faire fortune. Chercheur à Stanford et à Berkeley, il a écrit un livre avec Terry Winograd, un spécialiste de l’intelligence artificielle et une figure très influente de la Silicon Valley. Flores a fait un retour à la politique en 2001, il a alors été élu sénateur au Chili, poste qu’il a quitté en 2009. Il vit toujours en Californie.

    Lire aussi une archive de 1970 : Article réservé à nos abonnés Stafford Beer et l’art de gérer scientifiquement les entreprises

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    Marc-Olivier Bherer

    #Cybersin #Evgeny_Morozov

  • Les fonds souverains à l’assaut du futur technologique, par #Evgeny_Morozov (Les blogs du Diplo, 17 mars 2018)
    https://blog.mondediplo.net/2018-03-17-Les-fonds-souverains-a-l-assaut-du-futur

    Pour comprendre l’avenir de la technologie, il faut comprendre ceux qui la financent. Or ces derniers ont bien changé au cours des trois dernières décennies. Ce fut d’abord l’armée, puis les sociétés de capital-risque. Aujourd’hui, une nouvelle page se tourne : les nouvelles technologies sont désormais régies par de gigantesques fonds d’investissement, dont les budgets se comptent en milliards et qui entretiennent souvent des liens avec les gouvernements.

    (Un fonds souverain (sovereign wealth fund en anglais), ou fonds d’État, est un fonds de placements financiers (actions, obligations, etc.) détenu par un État. Les fonds souverains gèrent l’épargne nationale et l’investissent dans des placements variés (actions, obligations, immobilier, etc.). Dans une acception restreinte, ils désignent spécifiquement « les avoirs des États en monnaie étrangère ». Dans une acception plus large, ils désignent tous les fonds d’investissement détenus par un État.)

    _https://fr.wikipedia.org/wiki/Fonds_souverain_

  • Hulk Hogan et Peter Thiel v. Gawker. La vallée des hypocrites, par Evgeny Morozov (Les blogs du Diplo, Silicon Circus, 30 mai 2016)
    http://blog.mondediplo.net/2016-05-30-La-vallee-des-hypocrites #st

    Les multinationales de l’Internet ont beau discourir sur la libre circulation de l’information, leurs propriétaires utilisent leur influence pour bloquer la moindre intrusion dans leur vie privée. Illustration récente à l’aune du procès intenté par un ancien catcheur contre un site racoleur.

    http://zinc.mondediplo.net/messages/28173 via Le Monde diplomatique

  • Le culte du techno-populisme, par Evgeny Morozov (Les blogs du Diplo, 4 janvier 2016)
    http://blog.mondediplo.net/2016-01-04-Le-culte-du-techno-populisme

    Dans Le culte du partage, un essai fascinant paru en août 2014, Mike Bulajewski, un designer de Seattle féru de psychanalyse, explique que la meilleure manière de comprendre l’attachement émotionnel porté par des millions de consommateurs à des sociétés telles que Uber ou Airbnb — gratifiées de l’appellation flatteuse d’« économie du partage » — consiste à l’appréhender comme un culte religieux.

    Comme tout objet de culte, ces multinationales répondent à notre besoin intime d’appartenance et de solidarité. Elles nous promettent un monde qui redonnera du sens à nos vies. En faisant passer leurs détracteurs pour des arriérés qui rêvent de détruire une nouvelle classe d’entrepreneurs épris d’audace et d’innovation, elles remettent en service le vieux refrain du pionnier persécuté. Elles exploitent le fantasme d’une conspiration ourdie par les gouvernements, les syndicats et les gros industriels du passé contre toute perturbation de l’ordre existant. [#st]

    http://zinc.mondediplo.net/messages/14567 via Le Monde diplomatique

  • Morozov : « Internet est la nouvelle frontière du néolibéralisme » - Rue89 - L’Obs
    http://rue89.nouvelobs.com/2015/10/04/morozov-internet-est-nouvelle-frontiere-neoliberalisme-261301

    Evgeny Morozov : Non. Je suis en effet plus radical qu’au début. Mais parce que j’étais dans une forme de confusion, je doutais de ce qu’il fallait faire et penser. J’ai aujourd’hui dépassé cette confusion en comprenant que la #Silicon_Valley était au centre de ce qui nous arrive, qu’il fallait comprendre sa logique profonde, mais aussi l’intégrer dans un contexte plus large.

    Or, la plupart des critiques ne font pas ce travail. Uber, Apple, Microsoft, Google, sont les conséquences de phénomènes de long terme, ils agissent au cœur de notre culture. Il faut bien comprendre que ces entreprises n’existeraient pas – et leur modèle consistant à valoriser nos données personnelles serait impossible – si toute une série de choses n’avaient pas eu lieu : par exemple, la privatisation des entreprises télécoms ou l’amoncellement de données par d’énormes chaînes de grands magasins.

    Cette histoire, il faut la raconter de manière plus politique et plus radicale. Il faut traiter cela comme un ensemble, qui existe dans un certain contexte.

    Et ce contexte, c’est, il faut le dire, le néolibéralisme. Internet est la nouvelle frontière du #néolibéralisme.

    #internet

  • Facebook Rainbow Profile Photos: The Latest Big Data Experiment?

    The social network learns more about its users than they might realize.

    http://www.theatlantic.com/technology/archive/2015/06/were-all-those-rainbow-profile-photos-another-facebook-experiment/397088

    Scholars and activists have debated the effectiveness of profile-image campaigns since at least 2009, when Twitter users turned their profiles green, joined Facebook groups, and changed their location setting to Tehran in support of Iranian protesters. Experts downplayed the importance of such actions; Global Voices Iran editor Fred Petrossian argued that talk of a Twitter revolution “reveals more about Western fantasies for new media than the reality in Iran.” Evgeny Morozov, who was a Yahoo fellow at the time, called it “slacktivism,” a “harmless activism” that “wasn’t very productive.”

    Among other critiques, Morozov voiced two important questions in a larger debate over the value of collective action online. First, he argued that social-media solidarity has an unknown effect toward political change, perhaps even siphoning energy away from more effective action. Secondly, Morozov downplayed the cost and risk of that participation. But unlike Westerners showing solidarity for Iranians on Twitter, gender equality in the U.S. involves changes in social relations alongside political changes. Changing one’s profile image in support of marriage equality in America carries immediate risks and costs, from “a quarrel with one’s otherwise-thinking friends—to the life-threatening,” as State and Adamic explain in their research.

    #Facebook #technologie #études_comportementales #Internet #slacktivism #réseaux_sociaux #panurgisme #Evgeny_Morozov #dip

  • Laissons Google tranquille (mais pas trop)
    http://framablog.org/2015/02/12/laissons-google-tranquille-mais-pas-trop

    Nous avons besoin d’un système de données radicalement décentralisé et sécurisé ; personne ne devrait être en mesure d’obtenir vos données sans autorisation, et personne d’autre que vous ne devrait en être propriétaire. [...]

    L’Europe a besoin non pas d’un Airbus pour concurrencer le Boeing de Google, mais de milliers d’entreprises agiles qui opèrent sur un pied d’égalité avec les grandes sociétés américaines. Cela n’arrivera pas tant que nous n’aurons pas traité certains types de données dans le cadre d’une infrastructure commune, ouverte à tous.

    #Donnée_personnelle #Décentralisation_(Internet) #Europe #Evgeny_Morozov #Google #Monopole #Open_source #Silicon_Valley #Économie_numérique

  • Who’s the true enemy of internet freedom - China, Russia, or the US ?
    Qui est le véritable ennemi de la #liberté sur #Internet - la Chine, la Russie ou les #Etats-Unis ? |
    http://www.theguardian.com/commentisfree/2015/jan/04/internet-freedom-china-russia-us-google-microsoft-digital-sovereignty

    Étant donné que la Russie et la Chine ne sont pas connues pour leur engagement en faveur de la liberté d’expression et de réunion, il est tentant de voir leur quête de souveraineté de l’information comme une autre manifestation de leur volonté de censure et de contrôle. En fait, même quand le gouvernement bien plus bénin du Brésil a joué avec l’idée de forcer les entreprises américaines de stocker localement les données des utilisateurs - une idée finalement abandonnée - il a été abondamment accusé d’abuser de son pouvoir.

    Cependant, la Russie, la Chine et le Brésil répondent simplement aux tactiques extrêmement agressives adoptées par nul autre que les États-Unis. De façon typique, cependant, l’Amérique est complètement inconsciente de ses propres actions, croyant qu’il existe une chose telle qu’un internet neutre et cosmopolite que « balkaniserait » tout effort pour s’en éloigner. Mais pour de nombreux pays, ce ne est pas du tout de la balkanisation mais simplement de la dé-américanisation.

    Les entreprises américaines ont joué un rôle ambigu dans ce projet. D’une part, ils construisent une infrastructure efficace et hautement fonctionnelle qui verrouille d’autres pays, créant des dépendances à long terme qui sont très compliquées et coûteuses à modifier. Elles sont les véritables véhicules de ce qui reste de l’agenda de modernisation globale de l’Amérique. D’autre part, les entreprises ne peuvent être considérées comme de simples procurations de l’empire américain. Surtout après que les révélations d’Edward Snowden ont clairement démontré les étroites alliances entre le monde du business américain et les intérêts de l’Etat, ces entreprises ont besoin d’affirmer constamment leur indépendance - parfois en poursuivant leur propre gouvernement en justice - même si, en réalité, la plupart de leurs intérêts s’alignent parfaitement avec ceux de Washington.

    Cela explique pourquoi la #Silicon_Valley a aussi bruyamment exigé de l’administration Obama qu’elle fasse quelque chose concernant la vie privée et la surveillance sur Internet : si les entreprises Internet étaient considérées comme des parties compromises, leurs affaires s’effondreraient. Il suffit de regarder les malheurs de Verizon en 2014 (...).

    Cependant, pour saisir la pleine mesure de l’hypocrisie de l’Amérique sur la question de la souveraineté de l’information, il suffit de regarder la querelle en cours entre Microsoft et le gouvernement américain. Il s’agit des contenus e-mail - utiles à une enquête - stockés sur les serveurs de Microsoft en Irlande. Les procureurs américains insistent sur ​​le fait qu’ils peuvent obtenir de tels contenus à partir de Microsoft tout simplement en lui montrant un mandat - comme si le fait que le courriel est stocké dans un pays étranger ne faisait aucune différence.

    Afin de l’obtenir, Washington aurait normalement besoin de passer par un processus juridique complexe impliquant des traités bilatéraux entre les gouvernements concernés. Mais maintenant, il veut complètement s’en soustraire et considérer le traitement de ces données comme un problème purement local sans implications internationales. Les données résident dans le cyberespace - et le cyberespace ne connaît pas de frontières !

    Le raisonnement du gouvernement est que la question du stockage n’est pas pertinente ; ce qui est pertinent est le lieu d’accessibilité du contenu - et il peut être consulté par les employés de Microsoft aux États-Unis. Microsoft et d’autres géants de la technologie se battent maintenant contre le gouvernement américain dans les tribunaux, avec peu de succès jusqu’à présent, alors que le gouvernement irlandais et une poignée de politiciens européens soutiennent Microsoft.

    En bref, le gouvernement américain insiste qu’il devrait avoir accès aux données indépendamment de l’endroit où elles sont stockées tant qu’elles sont gérées par des sociétés américaines. Imaginez le tollé si le gouvernement chinois devait exiger l’accès à des données qui passe à travers les appareils fabriqués par des entreprises chinoises - Xiaomi, par exemple, ou Lenovo - indépendamment du fait que leurs utilisateurs sont à Londres ou New York ou Tokyo. Notez la différence cruciale : la Russie et la Chine veulent être en mesure d’accéder aux données générées par leurs citoyens sur leur propre sol, alors que les USA veulent accéder aux données générées par n’importe qui n’importe où tant que les entreprises américaines s’en occupent.

    En s’opposant aux efforts des autres pays pour récupérer un minimum de souveraineté technologique, Washington est susceptible de se heurter à un problème qu’il a déjà rencontré au cours de la promotion de son nébuleux agenda « liberté sur Internet » : ses actes sont plus éloquents que ses paroles. Rhétoriquement, il est très difficile de s’opposer à la surveillance numérique gérée par les gouvernements de Russie, Chine ou Iran, lorsque le gouvernement américain fait probablement plus que tous ces pays réunis.

    Quelles que soient les motivations de la Russie et de la Chine d’exercer plus de contrôle sur leurs propriétés numériques - et seuls les naïfs croient qu’ils ne sont pas motivés par des préoccupations de troubles intérieurs - leurs actions sont proportionnelles aux efforts agressifs de Washington pour exploiter le fait qu’une si grande partie de l’infrastructure de communication du monde est gérée par la Silicon Valley. La liberté internet de l’un est l’impérialisme Internet e l’autre.

  • Création et internet : enjeux politiques
    http://www.franceculture.fr/emission-soft-power-creation-et-internet-enjeux-politiques-2014-10-19

    1/ Actualités de la semaine, par Agnès Chauveau

    Les nouvelles tablettes iPad

    2/ L’alphabet numérique : « Critique d’internet »

    avec Evgeny Morozov, écrivain

    3/ Création et internet : enjeux politiques

    Avec : Franck Riester, maire (UMP) de Coulommiers, député de la 5è circonscription de Seine et Marne, secrétaire de la commission des Affaires culturelles et de l’éducation et membre de la commission de réflexion sur le droit et les libertés à l’âge du numérique à l’Assemblée Nationale, membre du collège de l’Hadopi, ancien rapporteur des deux lois création et internet dites « Hadopi 1 et 2 » en 2009, co-président du Club parlementaire sur l’avenir de l’audiovisuel et des médias.

    http://media.radiofrance-podcast.net/podcast09/10183-19.10.2014-ITEMA_20681443-0.mp3

    #Evgeny_Morozov #France #Franck_Riester #HADOPI #Internet #Numérique #Politique #Apple

  • Retarder la croissance - Slate.com
    http://www.slate.com/articles/technology/future_tense/2014/01/degrowth_movement_challenges_more_information_is_always_better_status_quo.htm

    Nos sociétés démocratiques sont confrontés à deux options depuis l’affaire Snowden : faire comme si de rien n’était ou tenter de réparer les protocoles, construire de meilleurs systèmes de chiffrages et faire passer de nouvelles lois pour surveiller la NSA. La #surveillance n’est qu’une nouvelle menace qui ne va cesser de se développer à mesure que les systèmes d’enregistrements et de collecte vont devenir plus omniprésents. Réagir suppose de remettre en question le récit idyllique de la société de l’information, où la croissance peut durer éternellement, puisqu’il n’y a pas de limites à la quantité de données pouvant être produite, collectées, échangées. Comment ne pas faire un parallèle avec la croissance économique ? Et notamment ceux qui souhaitent de nouveaux indicateurs pour évaluer les politiques (...)

    #democratie

    • Un éloge du mouvement décroissant par #Evgeny_Morozov

      Today, this critical agenda is being pursued by the adherents of the “degrowth” movement—popular in Europe but enjoying very little traction in the United States. The goal of this movement is not just to scrutinize the ecological wisdom of continuing in the current pro-growth mode but also to question the wisdom of using indicators like the GDP to assess and formulate public policy. As Yves-Marie Abraham, a Canadian sociologist and one of the proponents of the degrowth agenda, puts it, “[T]his is not [about] the decline of GDP, but the end of GDP and all other quantitative measures used as indicators of well being.”

  • Morozov y va de sa tartine de critique sur l’économie du partage :

    A new UN, indeed: the erosion of full-time employment, the disappearance of healthcare and insurance benefits, the assault on unions and the transformation of workers into always-on self-employed entrepreneurs who must think like brands. The sharing economy amplifies the worst excesses of the dominant economic model: it is neoliberalism on steroids.

    http://www.ft.com/intl/cms/s/0/92c3021c-34c2-11e3-8148-00144feab7de.html?siteedition=uk#axzz2hj66KqgG

    #economie #partage #Evgeny_Morozov #liberalisme