person:christophe colomb

  • « L’Invention de la Terre » : le géographe Franco Farinelli déshabille la planète

    https://www.lemonde.fr/livres/article/2019/05/22/l-invention-de-la-terre-le-geographe-franco-farinelli-deshabille-la-planete_

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    La Terre, autrefois, était nue. Elle ne l’est pas restée longtemps. Tel est à peu près le récit des origines du monde que fit, au VIe siècle avant notre ère, Phérécyde de Syros. Le vide, comme toujours dans les mythes, était peuplé, mais de trois êtres seulement : le Ciel, la Terre et l’Océan. Le fragment conservé du livre où le philosophe racontait leur histoire montre la Terre, alors appelée Chtôn, s’avancer voilée vers le Ciel sous les yeux de l’Océan, maître de cérémonie. Le voile tombe, apparition fugitive du corps nu de l’épouse, que le Ciel recouvre d’un manteau brodé d’images de fleuves, de lacs, de montagnes.

    #géographie

    • « L’Invention de la Terre » : le géographe Franco Farinelli déshabille la planète

      Les cartes du monde nous dissimulent l’essentiel : sa beauté nue. L’éminent géographe italien invite à sa redécouverte et réinvente sa discipline dans son nouvel et étincelant essai.

      La Terre, autrefois, était nue. Elle ne l’est pas restée longtemps. Tel est à peu près le récit des origines du monde que fit, au VIe siècle avant notre ère, Phérécyde de Syros. Le vide, comme toujours dans les mythes, était peuplé, mais de trois êtres seulement : le Ciel, la Terre et l’Océan. Le fragment conservé du livre où le philosophe racontait leur histoire montre la Terre, alors appelée Chtôn, s’avancer voilée vers le Ciel sous les yeux de l’Océan, maître de cérémonie. Le voile tombe, apparition fugitive du corps nu de l’épouse, que le Ciel recouvre d’un manteau brodé d’images de fleuves, de lacs, de montagnes.

      L’épouse, dès lors, n’est plus Chtôn, souligne Franco Farinelli, qui rapporte la scène dans L’Invention de la Terre. Au moment où elle revêt la forme du monde, ou de ce qui sera, désormais, le monde pour nous, elle devient véritablement Terre, « Gê ». « Chtôn », vieux nom tombé au sol comme le voile, restera dans un adjectif, « chtonien », qui signifie, précise Farinelli, « souterrain, obscur », et renvoie au vide, ou au vague, originel – à l’abîme.

      Qui verra, de nouveau, la nudité de Chtôn ? Double exploration, des figures du manteau et de ce qu’il laisse entrevoir, de l’ordre du monde et du chaos sur lequel, peut-être, celui-ci repose, L’Invention de la Terre prolonge les intuitions de Phérécyde, comprises comme l’expression d’un avertissement : « Voyant l’image de ce qui existe, nous croyons voir ce qui existe », écrit Farinelli, lisant son lointain prédécesseur.

      Le grand géographe italien, professeur à l’université de Bologne, poursuit dans ce livre d’une intelligence étincelante, paru en 2007 en Italie et enfin traduit, le travail de sape qui résume son œuvre, démontage méthodique des représentations du monde construites par la modernité occidentale. Mais qui sape connaît, qui démonte voit de plus près, pièce à pièce, l’objet de son acharnement. De sorte que L’Invention de la Terre se présente d’abord comme une traversée virtuose de deux millénaires d’inventions conceptuelles, à travers les mythes – de la Genèse à l’Odyssée, en passant par l’Enuma Elish babylonienne – et l’histoire de la pensée philosophique et scientifique.

      Géométrisation de l’espace

      Une épopée qui a une protagoniste : la carte géographique, et un enjeu constant : soumettre l’irrégularité du monde aux règles de l’esprit humain. Continuer, en somme, d’habiller la Terre. Le premier dessin qui en fut établi, toujours au VIe siècle avant notre ère, par Anaximandre de Milet, ou, huit siècles plus tard, l’établissement par Ptolémée des règles fondamentales de la cartographie relèvent d’un élan de rationalité où la modernité trouvera sa source. Ainsi Christophe Colomb est-il, selon Franco Farinelli, un héritier de Ptolémée, celui-ci ayant, par la géométrisation de l’espace, créé les conditions « de continuité et d’homo­généité » sans lesquelles le navigateur ­génois n’aurait pu imaginer tracer une ­ligne droite vers l’inconnu.

      La géographie ptolémaïque a d’ailleurs été redécouverte quelques décennies plus tôt, au début du XVe siècle, première étape d’une accélération de l’emprise rationnelle sur le monde qui va en changer la face, sans modifier en profondeur le rapport que l’humanité entretient avec lui. Jamais, rappelle Farinelli, les savants n’ont réellement cru que la Terre était plate. Mais ce qu’on appelle l’« écoumène », sa partie habitable, était, aux yeux des médiévaux, comme une île posée sur une sphère liquide, une île si petite que, de fait, ses habitants vivaient sur une surface plane. Avec la modernité, l’écoumène s’étend à l’infini. Il s’agit toujours, cependant, d’aplatir le monde pour s’y repérer, et le progrès scientifique et technique le permet comme jamais. Qui peut supporter de vivre dans l’immensité ? Qui, depuis les noces de Chtôn, a soulevé le manteau de la Terre ?

      Et pourtant, le voici bien déchiré. Il n’y a pas de cartes pour le cyberespace, pour la circulation instantanée des « unités immatérielles d’information » qui dessine le visage de notre siècle. Le monde se mondialise. Le globe se globalise. Il n’est plus possible, au cœur de ces boucles où le réel enfle et nous renverse, « de faire (…) semblant de croire que la Terre n’est pas ce qu’elle est » – « quelque chose de fonctionnellement discontinu, hétérogène ».

      Sous la surface du réel

      Nous sommes arrivés au point le plus haut de la schématisation du monde, de la réduction de son étrangeté « à une carte géographique » qui, pour Franco Farinelli, « a fondé la conscience occidentale » : l’enjeu est maintenant de redescendre, et au plus vite, puisque rien de ce que nous avions fabriqué ne tient plus debout. Redescendre non vers un âge d’or, une authenticité perdue de notre rapport au monde, mais plus bas, plus en dessous de la surface familière du réel, vers le « corps caché, chtonien, souterrain, obscur, abyssal de la Terre même ». Et recommencer les noces de la Terre et du Ciel.

  • comment y disait l’autre déjà ? ah oui, #à_l'insu_de_son_plein_gré
    Facebook pompe « malencontreusement » les contacts mails de ses utilisateurs
    https://www.linformaticien.com/actualites/id/51865/facebook-pompe-malencontreusement-les-contacts-mails-de-ses-utilisat

    Pour s’inscrire sur le réseau social, il arrive depuis trois ans que Facebook demande l’adresse mail, mais aussi le mot de passe du compte mail de l’utilisateur. Et qu’il en profite pour collecter les adresses des contacts. Mais cela était purement « involontaire » plaide l’entreprise.

    Tout a commencé le 31 mars, lorsque e-sushi, un développeur, a découvert que Facebook demandait lors de l’inscription d’un nouvel utilisateur le mot de passe de son adresse email. Une procédure déjà particulièrement douteuse, revenant à laisser à l’entreprise de Mark Zuckerberg les clés de sa boîte aux lettres. Mais le géant fait mieux encore…

    Business Insider a mené son enquête et a remarqué que l’étape suivante de l’inscription au réseau social ouvrait une fenêtre pop-up indiquant « importing contacts ». Sans possibilité d’annuler cette importation, sans même demander l’accord de l’utilisateur. Selon notre confrère, cette « modalité » d’inscription a cours depuis 2016.

    Facebook a rapidement réagi, annonçant avoir « cessé d’offrir la vérification de mot de passe de messagerie comme une option lors de la première inscription à Facebook ». Mais le communiqué envoyé à Business Insider ne s’arrête pas là, l’entreprise ajoutant avoir constaté que « dans certains cas, leurs contacts de messagerie ont également été téléchargés involontairement sur Facebook lors de la création de leur compte ».

    Le mot important ici est sans doute « involontairement » : on voit mal comment la collecte des données de contacts contenues dans les comptes mails des utilisateurs qui en ont donné le mot de passe peut être fortuite. « Nous estimons que près de 1,5 million de contacts de messagerie ont été téléchargés. Ces contacts n’ont été partagés avec personne. Nous les supprimons. Nous avons corrigé le problème sous-jacent et avertissons les personnes dont les contacts ont été importés ».

    • Oui, exactement @biggrizzly Sauf que tu n’es pas obligé d’accepter tout. C’était Turk, alors président de la CNIL qui disait à propos des données bancaires réclamées par les services sociaux « Oui, ce sont effectivement des données confidentielles … tant que vous ne les révélez pas vous même » Même si on vous le demande vous n’êtes pas obligé d’accepter. #consentement #viol_de_données

      e-sushi ce serait pas le pseudo de christophe colomb ?

      Tout a commencé le 31 mars, lorsque e-sushi, un développeur, a découvert que Facebook demandait lors de l’inscription d’un nouvel utilisateur le mot de passe de son adresse email.

      Ca fait 20 ans qu’on sait que Zuckerberg a des rêves nourris de théories infectes, voire ses potes philosophes millionnaires du capitalisme numérique mais bon …

      #boycott_facebook #humanité_désespérante

      Au passage, on a la même chose avec Doctolib qui siphonne les données des patients sans leur accord depuis les hopitaux avec l’agrément de l’#ordre_des_médecins et de la #CNIL mais ça n’a pas l’air de faire tilt non plus.

  • Le #capitalisme raconté par le nugget ! (Et par Christophe Colomb) - Entretien avec Raj Patel - YouTube
    https://www.youtube.com/watch?v=Ge0YJug5XXU


    Une vision claire et globale, qui intègre le même type de constat que ceux amenés par Federici, par exemple.

    « Le nugget de poulet est le produit capitaliste parfait : originaire d’une volaille qui vivait à l’état sauvage dans la jungle asiatique, on l’a transformé cet animal en objet, avec un poitrail tellement important qu’il ne peut plus marcher ! Ce poulet moderne est un résumé de ce que nous pouvons faire à la nature : prendre tout ce que bon nous semble, le transformer, et le jeter à la poubelle. » Rencontre et entretien avec l’économiste Raj Patel autour de son dernier livre : « Comment le monde est devenu cheap ? »

    #exploitation #racisme #sexisme #hiérarchisation #malbouffe #énergie #transports #économie #société

    • http://rajpatel.org/2018/05/21/chicken-for-christs-sake/#more-4196

      The most telling symbol of the modern era isn’t the automobile or the smartphone. It’s the chicken nugget. Chicken is already the most popular meat in the US, and is projected to be the planet’s favourite flesh by 2020. Future civilisations will find traces of humankind’s 50 billion bird-a-year habit in the fossil record, a marker for what we now call the Anthropocene. And yet responsibility for the dramatic change in our consumption lies not so much in general human activity, but capitalism. Although we’re taught to understand it as an economic system, capitalism doesn’t just organise hierarchies of human work. Capitalism is what happens when power and money combine to turn the natural world into a profit-making machine. Indeed, the way we understand nature owes a great deal to capitalism.

  • « Changer de système ne passera pas par votre caddie »

    En rendant cheap la nature, l’argent, le travail, le care , l’alimentation, l’énergie et donc nos vies - c’est-à-dire en leur donnant une #valeur_marchande - le capitalisme a transformé, gouverné puis détruit la planète. Telle est la thèse développée par l’universitaire et activiste américain #Raj_Patel dans son nouvel ouvrage, intitulé Comment notre monde est devenu cheap (Flammarion, 2018). « Le capitalisme triomphe, non pas parce qu’il détruit la nature, mais parce qu’il met la nature au travail - au #moindre_coût », écrit Patel, qui a pris le temps de nous en dire plus sur les ressorts de cette « #cheapisation » généralisée.

    Raj Patel est professeur d’économie politique à l’université du Texas d’Austin. À 46 ans, c’est aussi un militant, engagé auprès de plusieurs mouvements, qui a travaillé par le passé pour la Banque mondiale et l’Organisation mondiale du commerce. Logique, quand on sait qu’il se définit lui-même comme « socialiste », ce qui « n’est pas facile au Texas », nous précise-t-il dans un éclat de rire. Patel a déjà écrit sur les crises alimentaires, dont il est un expert. Il signe aujourd’hui un nouvel ouvrage, Comment notre monde est devenu cheap, co-écrit avec Jason W. Moore, historien et enseignant à l’université de Binghampton.

    Ces deux universitaires hyper-actifs y développent une nouvelle approche théorique pour appréhender l’urgence dans laquelle nous nous trouvons, mêlant les dernières recherches en matière d’#environnement et de changement climatique à l’histoire du capitalisme. Pour eux, ce dernier se déploie dès le XIVème siècle. Il naît donc avec le #colonialisme et la #violence inhérente à l’#esclavage, jusqu’à mettre en place un processus de « cheapisation » généralisé, soit « un ensemble de stratégies destinées à contrôler les relations entre le capitalisme et le tissu du vivant, en trouvant des solutions, toujours provisoires, aux crises du capitalisme ». Une brève histoire du monde qui rappelle, sur la forme, la façon dont Yuval Harari traite l’histoire de l’humanité, mais avec cette fois une toute autre approche théorique, que Raj Patel n’hésite pas à qualifier de « révolutionnaire ».

    Entretien autour de cette grille de lecture, qui offre également quelques perspectives pour sortir de ce que les auteurs appellent le « #Capitalocène », grâce notamment au concept d’ « #écologie-monde ».

    Usbek & Rica : Des scientifiques du monde entier s’accordent à dire que nous sommes entrés depuis un moment déjà dans l’ère de l’#Anthropocène, cette période de l’histoire de la Terre qui a débuté lorsque les activités humaines ont eu un impact global significatif sur l’écosystème terrestre. Mais vous allez plus loin, en parlant de « Capitalocène ». Le capitalisme serait donc la cause de tous nos problèmes ?

    Raj Patel : Si vous avez entendu parler de l’Anthropocène, vous avez entendu parler de l’idée selon laquelle les humains sont en grande partie responsables de la situation désastreuse de notre planète. À ce rythme, en 2050, il y aura par exemple plus de plastique que de poissons dans les océans. Si une civilisation survient après celle des humains, les traces qui resteront de notre présence seront le plastique, la radioactivité liée aux essais nucléaires, et des os de poulet. Mais tout cela n’est pas lié à ce que les humains sont naturellement portés à faire. Il y a quelque chose qui conduit les humains à cette situation. Et si vous appelez cela l’Anthropocène, vous passez à côté du fond du problème. Ce n’est pas l’ensemble des comportements humains qui nous conduit à la sixième extinction. Il y a aujourd’hui beaucoup de civilisations sur Terre qui ne sont pas responsables de cette extinction de masse, et qui font ensemble un travail de gestion des ressources naturelles formidable tout en prospérant. Et ces civilisations sont souvent des populations indigènes vivant dans des forêts.

    Mais il y a une civilisation qui est responsable, et c’est celle dont la relation avec la nature est appelée « capitalisme ». Donc, au lieu de baptiser ces phénomènes Anthropocène, appelons-les Capitalocène. Nous pouvons ainsi identifier ce qui nous conduit aux bouleversements de notre écosystème. Il ne s’agit pas de quelque chose d’intrinsèque à la nature humaine, mais d’un système dans lequel évolue un certain nombre d’humains. Et ce système nous conduit vers une transformation dramatique de notre planète, qui sera visible dans l’étude des fossiles aussi longtemps que la Terre existera.

    Vous établissez, avec votre co-auteur, une histoire du capitalisme fondée sur sept choses « cheap ». Quelles sont-elles, et comment êtes vous parvenus à cette conclusion ?

    Dans ce livre, nous évoquons les sept choses que le capitalisme utilise pour éviter de payer ses factures. C’est d’ailleurs une définition courte du capitalisme : un système qui évite de payer ses factures. C’est un moyen de façonner et de réguler les relations entre individus, et entre les humains et la reste de la vie sur Terre. Ces sept choses sont la nature « cheap », l’argent « cheap », le travail « cheap », le care « cheap », l’alimentation « cheap », l’énergie « cheap » et les vies « cheap ». Nous sommes parvenus à cette conclusion en partie grâce à un raisonnement inductif fondé sur l’histoire, mais aussi en s’intéressant aux mouvements sociaux d’aujourd’hui. Par exemple, le mouvement Black Lives Matter ne proteste pas uniquement contre l’inégalité historique qui résulte de l’esclavage aux Etats-Unis. Ses membres se penchent aussi sur le changement climatique, l’équité entre les genres, le travail, la réforme agraire ou la nécessaire mise en place de meilleurs systèmes alimentaires et de systèmes d’investissement solidaires qui permettraient à des entreprises d’émerger.

    C’est une approche très complète, mais l’idée qui importe dans la structuration des mouvements sociaux est celle d’intersectionnalité. Et on peut identifier nos sept choses « cheap » dans presque tous les mouvements intersectionnels. Tous les mouvements visant à changer l’ordre social se tiennent à la croisée de ces sept choses.

    Vous expliquez que la nourriture est actuellement peu chère, mais que cela n’a pas été le cas à travers l’histoire. Dans votre introduction, vous prenez pour exemple les nuggets de MacDonald’s pour illustrer votre théorie des sept choses « cheap ». Pourquoi ?

    Il n’a pas toujours été possible d’obtenir un burger ou quelques chicken nuggets pour un euro ou deux. Au XIXème siècle, les ouvriers anglais dépensaient entre 80 et 90% de leurs revenus en nourriture. Aujourd’hui, nous consacrons à peu près 20% à l’alimentation. Quelque chose a changé. Et le nugget est devenu un fantastique symbole la façon dont le capitalisme évite de payer ses factures.

    Reprenons nos sept choses « cheap ». La nature « cheap » nous permet de retirer un poulet du monde sauvage et de le modifier en machine à produire de la viande. Cette approche de la nature est assez révélatrice de la façon dont le capitalisme opère. La deuxième chose, c’est le travail : pour transformer un poulet en nugget, il vous faut exploiter des travailleurs. Et partout dans le monde, ces ouvriers avicoles sont extrêmement mal payés. Une fois que les corps de ces ouvriers sont ruinés par le travail à la chaîne, qui va veiller sur eux ? Généralement, cela retombe sur la communauté, et particulièrement sur les femmes. C’est cela que j’appelle le « cheap care ». Les poulets sont eux-mêmes nourris grâce à de la nourriture « cheap », financée par des milliards de dollars de subventions. L’énergie « cheap », c’est-à-dire les énergies fossiles, permet de faire fonctionner les usines et les lignes de production. Et l’argent « cheap » permet de faire tourner l’ensemble, parce que vous avez besoin de taux d’intérêt très bas, et que les grandes industries en obtiennent des gouvernements régulièrement. Et enfin, vous avez besoin de vies « cheap » : il faut reconnaître que ce sont les non-blancs qui sont discriminés dans la production de ce type de nourriture, mais aussi que les consommateurs sont considérés comme jetables par l’industrie.

    Vous insistez sur le fait que le capitalisme est né de la séparation entre nature et société, théorisée notamment par Descartes. Et que cette naissance a eu lieu au XIVème siècle, dans le contexte de la colonisation. On a donc tort de dire que le capitalisme est né avec la révolution industrielle ?

    Si vous pensez que le capitalisme est né au cours de la révolution industrielle, vous êtes en retard de trois ou quatre siècles. Pour que cette révolution advienne, il a fallu beaucoup de signes avant-coureurs. Par exemple, l’idée de la division du travail était déjà à l’oeuvre dans les plantations de cannes à sucre à Madère à la fin du XIVème siècle ! Toutes les innovations dont on pense qu’elles proviennent de la révolution industrielle étaient déjà en place quand les Portugais ont apporté la production de sucre, l’esclavage et la finance à Madère.

    Quant à la division du monde entre nature et société, il s’agit là du péché conceptuel originel du capitalisme. Toutes les civilisations humaines ont une façon d’opérer une distinction entre « eux » et « nous », mais séparer le monde entre nature et société permet de dire quels humains peuvent faire partie de la société, et d’estimer qu’on est autorisé à exploiter le reste du monde. Les colons arrivant en Amérique considéraient ceux qu’ils ont baptisé « Indiens » comme des « naturales ». Dans une lettre à Isabelle Iʳᵉ de Castille et Ferdinand II d’Aragon, Christophe Colomb se désole de ne pouvoir estimer la valeur de la nature qu’il a devant lui aux Amériques. Il écrit aussi qu’il reviendra avec le plus d’esclaves possibles : il voit certains hommes et la nature comme des denrées interchangeables car ils ne font pas partie de la société. Cette frontière entre nature et société est propre au capitalisme, et c’est pourquoi il peut utiliser les ressources fournies par la nature tout en la considérant comme une immense poubelle.

    Le capitalisme fait partie, selon vous, d’une écologie-monde, un concept forgé par votre co-auteur. En quoi ?

    Nous nous inspirons de Fernand Braudel et du concept d’économie-monde. En résumé, l’historien explique que si l’on veut comprendre comment fonctionne le monde, on ne peut pas prendre l’Etat-nation comme unité fondamentale d’analyse. Il faut comprendre que cet endroit est défini par son rapport aux autres endroits, tout comme les humains sont définis par leurs relations aux autres humains. On doit également penser au système dans lequel le pays que l’on étudie se trouve.

    L’économie n’est qu’une façon de penser la relation entre les humains et le tissu du vivant. Par exemple, Wall Street est une façon d’organiser le monde et la nature. Les traders qui y travaillent font de l’argent en faisant des choix, et en les imposant via la finance et la violence qui lui est inhérente. Le tout pour structurer les relations entre individus et entre les humains et le monde extra-naturel. Ce que nous faisons, c’est que nous replaçons tout cela dans son écologie, et c’est pourquoi le concept d’écologie-monde fait sens. Si vous vous intéressez à la façon dont les humains sont reliés les uns aux autres, vous devez choisir la focale d’analyse la plus large possible.

    Vous dites qu’il est plus facile d’imaginer la fin du la planète que la fin du capitalisme. Pourquoi ?

    J’expliquais dernièrement à mes étudiants que nous avons jusqu’à 2030 si l’on veut parvenir à une économie neutre en carbone. Et ils étaient désespérés et désemparés. Ce désespoir est un symptôme du succès du capitalisme, en cela qu’il occupe nos esprits et nos aspirations. C’est pourquoi il est, selon moi, plus facile d’envisager la fin du monde que celle du capitalisme. On peut aller au cinéma et y admirer la fin du monde dans tout un tas de films apocalyptiques. Mais ce qu’on ne nous montre pas, ce sont des interactions différentes entre les humains et la nature, que certaines civilisations encore en activités pratiquent actuellement sur notre planète.

    Je vis aux Etats-Unis, et tous les matins mes enfants doivent prêter serment et répéter qu’ils vivent dans « une nation en Dieu » [NDLR : « One nation under God »]. Mais les Etats-Unis reconnaissent en réalité des centaines de nations indigènes, ce que l’on veut nous faire oublier ! Tous les jours, on nous apprend à oublier qu’il y existe d’autres façons de faire les choses, d’autres possibilités. Cela ne me surprend pas que certains estiment impossible de penser au-delà du capitalisme, même si les alternatives sont juste devant nous.

    Parmi ces alternatives, il y en a une qui ne trouve pas grâce à vos yeux : celle du progrès scientifique, incarnée en ce moment par certains entrepreneurs comme Elon Musk.

    Ce que je ne comprends pas, c’est que ceux que nous considérons comme nos sauveurs sont issus du passé. Beaucoup pensent qu’Elon Musk va sauver le monde, et que nous allons tous conduire des Tesla dans la joie. Mais si on regarde ce qui rend possible la fabrication des Tesla, on retrouve nos sept choses « cheap » ! Les travailleurs sont exploités, notamment ceux qui travaillent dans les mines pour extraire les métaux rares nécessaires aux batteries. Et Musk lui-même s’attache à éliminer les syndicats... Je suis inquiet du fait que l’on fonde nos espoirs sur ces messies.

    Des initiatives comme celle du calcul de son empreinte écologique ne trouvent pas non plus grâce à vous yeux. Pourquoi ?

    Parce qu’il s’agit d’un mélange parfait entre le cartésianisme et la pensée capitaliste. C’est une façon de mesurer l’impact que vous avez sur la planète en fonction de vos habitudes alimentaires ou de transport. À la fin du questionnaire, on vous livre une série de recommandations personnalisées, qui vous permettent de prendre des mesures pour réduire votre empreinte écologique. Qu’est-ce qu’il pourrait y avoir de mal à ça ? Evidemment, je suis d’accord avec le fait qu’il faudrait que l’on consomme moins, particulièrement dans les pays développés.

    Pourtant, présenter le capitalisme comme un choix de vie consiste à culpabiliser l’individu au lieu de condamner le système. C’est la même logique qui prévaut derrière la façon dont on victimise les individus en surpoids alors que leur condition n’a pas grand chose à voir avec leurs choix individuels, mais plutôt avec leurs conditions d’existence. On ne pourra pas non plus combattre le réchauffement climatique en recyclant nos déchets ! Du moins, pas uniquement. En mettant l’accent sur le recyclage, on sous-estime l’immensité du problème, mais aussi notre propre pouvoir. Parce que si vous voulez changer de système, ça ne passera pas par ce que vous mettez dans votre caddie, mais par le fait de s’organiser pour transformer la société. Et c’est l’unique façon dont une société peut évoluer. Personne n’est allé faire les courses de façon responsable pour mettre un terme à l’esclavage ! Personne n’est sorti de chez lui pour acheter de bons produits afin que les femmes obtiennent le droit de vote ! Tout cela dépasse le niveau des consommateurs. Il va falloir s’organiser pour la transformation, c’est la seule façon de combattre.

    C’est pour ça que le dernier mot de votre livre est « révolution » ?

    Si nous continuons comme ça, la planète sur laquelle nous vivons sera en grande partie inhabitable. Si je vous dis que j’ai l’idée révolutionnaire de transformer le monde pour le rendre inhabitable, vous me répondrez qu’il faudrait que j’évite de faire ça. Le problème, c’est que si je vous dis que j’ai l’idée révolutionnaire de se détourner du capitalisme pour vivre mieux qu’aujourd’hui, vous me diriez la même chose. On choisit sa révolution. Soit on essaye de maintenir les choses comme elles sont, avec leur cortège d’exploitation, de racisme et de sexisme, la sixième extinction de masse, et la transformation écologique pour prétendre que tout va bien se passer. Soit on accueille le changement à venir, et on tente de s’y connecter.

    Les systèmes sociaux meurent rapidement. Le féodalisme a par exemple disparu pendant une période de changement climatique et d’épidémies. Plusieurs expériences ont été tentées pour remplacer le féodalisme, et parmi elles, c’est le capitalisme qui a gagné. Ce que je veux dire, c’est que nous pouvons choisir le monde que nous voulons construire maintenant pour être capables de supporter l’après-capitalisme. On peut choisir sa révolution, mais la chose qu’on ne peut pas choisir, c’est de l’éviter. Le capitalisme nous rend aveugles à la révolution qu’il opère lui-même à la surface de la planète en ce moment.

    Donc, selon vous, il faudrait se tourner vers le concept d’écologie-monde pour reprendre espoir ?

    Une partie de ce que l’on voulait faire avec Comment notre monde est devenu cheap, c’était d’articuler théoriquement ce qui est déjà en train d’advenir. Je suis très inspiré par ce que met en place le mouvement paysan La Via Campesina. Ce mouvement international qui regroupe des petits paysans fait un travail incroyable, notamment en Amérique du Sud, en promouvant l’agroécologie.

    L’agro-écologie est un moyen de cultiver la terre qui est totalement à l’opposé de l’agriculture industrielle. Au lieu de transformer un champ en usine en annihilant toute la vie qui s’y trouve, vous travaillez avec la nature pour mettre en place une polyculture. Cela vous permet de lutter contre le réchauffement en capturant plus de carbone, et de vous prémunir contre ses effets en multipliant le type de récoltes. Enfin, vous vous organisez socialement pour soutenir le tout et gérer les ressources et leur distribution, ce qui ne peut se faire sans combattre le patriarcat. Voilà un exemple de mouvement fondé autour d’une lutte contre l’OMC et qui a évolué en une organisation qui combat les violences domestiques, le patriarcat et le réchauffement climatique. C’est un exemple concret, et presque magique, d’intersection entre les choses « cheap » que nous évoquons dans notre livre. Et tout cela est rendu possible parce que le mouvement est autonome et pense par lui-même, sans s’appuyer sur de grands espoirs, mais sur l’intelligence de chaque paysan.

    Votre livre compte 250 pages de constat, pour 10 pages de solution. Est-ce qu’il est vraiment si compliqué que ça d’accorder plus de place aux solutions ?

    Il y a déjà des organisations qui travaillent sur des solutions. Mais pour comprendre leur importance et pourquoi elles se dirigent toutes vers une rupture d’avec le capitalisme, on s’est dit qu’il était de notre devoir de regrouper un certain nombre d’idées qui parcourent le monde universitaire et le travail de nos camarades au sein des mouvements sociaux. Notre rôle me semble être de théoriser ce qui se passe déjà, et de nourrir nos camarades intellectuellement. Et ces sept choses « cheap » pourraient être une nouvelle manière d’appréhender nos systèmes alimentaires et tout ce que l’on décrit dans l’ouvrage, mais pas seulement. Le cadre théorique pourrait aussi s’appliquer à la finance, au patriarcat ou au racisme, et permettre aux mouvements en lutte de se rendre compte qu’il faut qu’ils se parlent beaucoup plus. Nous n’avions pas l’objectif de faire un catalogue de solutions, encore moins un programme politique : beaucoup d’acteurs engagés font déjà de la politique, et c’est vers eux qu’il faut se tourner si vous voulez changer les choses maintenant, sans attendre l’effondrement.

    https://usbeketrica.com/article/changer-de-systeme-ne-passera-pas-par-votre-caddie
    #intersectionnalité #mouvements_sociaux #post-capitalisme #capitalisme #alternatives #nature #responsabilité #résistance

    • Comment notre monde est devenu cheap

      « Cheap » ne veut pas simplement dire « bon marché ». Rendre une chose « #cheap » est une façon de donner une valeur marchande à tout, même à ce qui n’a pas de #prix. Ainsi en va-t-il d’un simple nugget de poulet. On ne l’achète que 50 centimes, alors qu’une organisation phénoménale a permis sa production : des animaux, des plantes pour les nourrir, des financements, de l’énergie, des travailleurs mal payés…
      Déjà, au XIVe siècle, la cité de Gênes, endettée auprès des banques, mettait en gage le Saint Graal. Christophe Colomb, découvrant l’Amérique, calculait ce que valent l’eau, les plantes, l’or… ou les Indiens. Au XIXe siècle, les colons britanniques interdisaient aux femmes de travailler pour les cantonner aux tâches domestiques gratuites. Jusqu’à la Grèce de 2015, qui remboursait ses dettes en soldant son système social et ses richesses naturelles.
      Le capitalisme a façonné notre monde : son histoire, d’or et de sang, est faite de conquêtes, d’oppression et de résistances. En la retraçant sous l’angle inédit de la « cheapisation », Raj Patel et Jason W. Moore offrent une autre lecture du monde. De cette vision globale des crises et des luttes pourrait alors naître une ambition folle : celle d’un monde plus juste.

      https://editions.flammarion.com/Catalogue/hors-collection/documents-temoignages-et-essais-d-actualite/comment-notre-monde-est-devenu-cheap

      #livre

  • L’œuvre négative du colonialisme français aux Antilles : la production et la reproduction d’une pigmentocratie Saïd Bouamama - 15 Juin 2018 - wordpress.com
    https://bouamamas.wordpress.com/2018/06/15/loeuvre-negative-du-colonialisme-francais-aux-antilles-la-produ

    La Guadeloupe et la Martinique sont célébrées dans le discours dominant comme le symbole du métissage réussi. L’angle mort de ce discours est celui de la reproduction de ce que Raphaël Confiant nomme la « pigmentocratie[i] » qui structure le système social des Antilles dites « françaises » de l’époque esclavagiste et coloniale jusqu’à aujourd’hui. Ce système social reste en effet caractérisé, rappelle le chercheur canadien Adrien Guyot, par « une hiérarchisation sociale basée sur les notions de race et de couleur, amenant par là même la création de néologismes comme « éthnoclasse » pour faire référence aux classes sociales dont le principal critère d’appartenance est l’ethnie[ii] ». Sur le plan économique la structure des Antilles dites « françaises » reste coloniale. La prise en compte des contextes historique, économique et géostratégique est incontournable pour saisir cette réalité coloniale qui se reproduit.
     


      Le génocide des autochtones et intensification de la traite
    C’est avec l’arrivée de Christophe Colomb que commence la violence puis le génocide des peuples autochtones des Antilles. La colonisation d’Haïti par les espagnols en 1496, de Puerto-Rico en 1508, de la Jamaïque en 1509 et de Cuba en 1511 impose la domination espagnole sur l’ensemble des Grandes Antilles. Le résultat de cette domination ne tarde pas : l’extermination des peuples autochtones. « Rien que pour l’île d’Hispaniola où débarque Colomb lors de son premier voyage, on dénombre 300000 personnes en 1492, 50000 en 1510, 16000 en 1530, 1000 en 1540[iii] » rappelle l’historien Frédéric Dorel. Pour les petites Antilles la résistance des peuples autochtones (Les Kalinas ou Kallinagos que les colonisateurs espagnols appellent « indiens Caraïbe ») est telle que les espagnols ne parviennent pas à s’implanter[iv]. La colonisation française qui débute en 1635 poursuit le génocide des peuples autochtones enclenché par les espagnols : « Les nouveaux conquérants entreprennent l’élimination systématique des Indiens et la colonisation des petites Antilles par le moyen de la traite africaine[v] » résume Chantal Maignan–Claverie, spécialiste des Antilles françaises.

    La résistance des peuples autochtones conduit en réponse au projet d’éliminer les « Caraïbe » comme groupe social sur leur propre terre. Trois leviers sont actionnés pour atteindre ce but : L’appel à la traite pour répondre au besoin en main-d’œuvre du capitalisme de plantation ; l’expulsion des autochtones de leurs îles (Ainsi en 1650 les « Caraïbes », sont expulsés de Martinique) ; la pratique systématique du viol des femmes autochtones. « Le viol des femmes indiennes par les colons s’inscrivait dans une politique « d’épuration ethnique » visant à faire disparaître les Caraïbes en tant que groupe[vi] » souligne l’historien Nicolas Rey. L’extermination des autochtones a, bien sûr, comme conséquence immédiate une intensification de la traite.

    La résistance des esclaves fut comme ailleurs au rendez-vous. Elles prennent en premier lieu la forme de révoltes. Argumentant son projet d’abolition de l’esclavage, Victor Schoelcher met en avant ces révoltes récurrentes. Répondant à ses opposants qui affirment que les noirs préfèrent la servitude, il déclare : « Pourquoi donc alors tant de révoltes d’esclaves de tous côtés ? […] Si les Nègres se félicitent tant de leur sort, pourquoi donc alors les colons tremblent-ils sans-cesse[vii] ? ».

    La seconde forme de la résistance fut comme dans toute la région le marronnage c’est-à-dire la fuite des esclaves pour constituer une société parallèle libre dans les montagnes des colonies. Si la taille des îles ne permet cependant pas à cette forme de révolte de prendre l’ampleur qu’elle a prise dans d’autres pays du continent américain, elle contribue avec les insurrections à mettre à l’ordre du jour la question de l’abolition. Abolir l’esclavage apparaît aux yeux de républicains de plus en plus nombreux comme la seule manière de sauvegarder les colonies et le capitalisme de plantation qui les caractérisent.

    Le capitalisme de plantation  
    Le capitalisme de plantation que permet la traite débute par la culture du tabac pour très vite se réorienter vers la canne à sucre et la banane. Au même moment où en Europe le travail servile est abandonné au profit du salariat, l’esclavage devient aux Antilles la forme prédominante du travail. Le capitalisme de plantation peut dès lors se résumer comme suit :
    « Elle suppose, d’une part, l’organisation du travail de centaines d’esclaves encasernés ou casés, travaillant en brigades surveillées par des équipes de gardes-chiourme, pour la production extensive d’une plante unique (la canne à sucre) dont la transformation industrielle (toujours effectuée sur place, sur la plantation même) donnent lieu à des produits (essentiellement le sucre, la mélasse et le rhum) valorisables avec profit sur un marché. Elle implique par conséquent, d’autre part, l’investissement d’importants capitaux […], La plantation suppose enfin l’existence d’un vaste marché aux prix rémunérateurs dans les métropoles européennes[viii]. »
    La concentration des terres dans les mains de latifundistes est ainsi dès le début du capitalisme de plantation une caractéristique essentielle des économies antillaises. La concrétisation matérielle en est l’habitation-sucrerie, « centre moteur de l’économie coloniale[ix] ». En Martinique, rappelle l’historien Antillais Jean-Pierre Sainton, « une trentaine de propriétaires se partageait plus de 43 % des terres » dès 1671 en ajoutant qu’ « avec un temps de retard, l’évolution sera similaire en Guadeloupe[x] ». Quelques dizaines de familles blanches possèdent la plus grande partie de la terre et contrôlent ainsi l’ensemble de l’économie.
    L’abolition de l’esclavage ne mettra pas fin à la concentration foncière mais au contraire l’accentuera. L’indemnisation des propriétaires d’esclaves au moment de l’abolition contribuera à cette reproduction et accentuation de la concentration foncière. La loi du 30 avril 1849 prévoit en effet que les maîtres recevront une indemnité de dédommagement de 470 francs 20 centimes par esclave en Guadeloupe et de 430 francs 47 centimes pour la Martinique. Pour les anciens esclaves aucune indemnisation n’est prévue. « La restructuration post-esclavagiste, grandement impulsé par le capital bancaire, accentuera le degré d’accaparement des principaux moyens de production par la minorité oligarchique[xi] » résume le chercheur en sciences politiques Alain Philippes Blérald. Si la concentration foncière est commune, les processus vont cependant être différents pour les deux colonies. En Martinique les grandes familles békés de l’industrie sucrière restent les propriétaires des grands domaines, alors qu’en Guadeloupe le capital financier prend le relais. Les multinationales Somdia, Grands Moulins, Shneider, etc., investissent massivement dans le capitalisme de plantation. Cette différence a bien entendu des effets sur la structure foncière contemporaine.

    Le projet d’une généralisation de l’auto-exploitation en Guadeloupe
    En Guadeloupe la crise de l’économie sucrière sous le double effet du développement du sucre de betterave et de la concurrence de nouveaux pays producteurs conduira au retrait de ces grands groupes à la recherche d’investissement plus rentables. La production passe ainsi de 175 000 tonnes en 1965 à 107 000 tonnes en 1975 et à 56 000 tonnes en 1981[xii].

    L’Etat français accompagne ce retrait en achetant près de 11 000 hectares confiés à une société d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER). Sur ces terres vivent 3300 agriculteurs soit 1000 ouvriers agricoles et 2300 exploitants ayant un « bail de colonat partiaire », un statut hérité de la période de l’abolition définit comme suit par le géographe Guy Lasserre : « le propriétaire maintint la jouissance gratuite de la case et du jardin vivrier aux esclaves libérés qui acceptaient de rester sur le domaine. Une parcelle de 1 ou 2 ha était attribuée en métayage au colon, à charge pour lui de livrer ses cannes au propriétaire de l’habitation. Le colon partiaire recevait pour son travail, le tiers ou la moitié de la valeur de la production[xiii]. »

    La naissance de la SAFER en 1965 se réalise alors que la production cannière a commencé sa chute et que des mobilisations des salariés agricoles pour de meilleurs salaires d’une part et pour l’accès à la terre, d’autre part, se développent. A partir de 1977 ces mobilisations se radicalisent et prennent la forme d’une occupation et d’une mise en exploitation des terres vacantes non exploitées. C’est ce contexte qui explique le projet de « réforme foncière » dès la décennie 60 mais avec une accélération à partir de la décennie 80. Le projet est résumé comme suit par le sociologue Christian Deverre : « [Un] transfert de la production directe à des exploitants individuels, mais contrôle du débouché final par les anciens groupes de planteurs, [Une] substitution du prix du marché au salaire comme forme de soumission du travail agricole […] Ce type de « réforme agraire » [est] basée sur l’hypothèse de l’acceptation par le paysan de son auto-exploitation – et de celle de sa famille[xiv] ».

    Il s’agit on le voit d’une tentative de généralisation du colonat partiaire dont l’effet est de faire passer l’exploitation d’une forme directe à une forme indirecte. Le discours idéologique d’accompagnement est, bien entendu, celui de la « justice sociale ». Dans les faits, précise Christian Lasserre, nous sommes en présence : « [D’un] contournement de l’obstacle que représente la hausse continue des coûts salariaux sur les domaines capitalistes. Toute l’organisation des redistributions foncières tend à maintenir la production de canne sur les nouvelles exploitations, tandis que les usines restent entre les mains et sous la gestion des grands groupes sucriers[xv]. »

    La Cofepp par exemple (Compagnie financière européenne de prise de participation) est prédominante dans le contrôle de la production de cannes à sucre. Actionnaire principale à 51 % de la SMRG (Sucrerie Rhumerie de Marie Galante), la Cofepp est contrôlée par la famille Cayard, des Békés de Martinique. Elle a fait un bénéfice de 23 millions d’euros en 2015 et contrôle 80 % du rhum guadeloupéen mais aussi 70 % du Rhum martiniquais et réunionnais[xvi].

    La culture de la banane qui bénéficie de la baisse de celle de la canne à sucre et qui devance désormais celle-ci est également dominée par de grands groupes industriels et financiers sous la forme du colonat. Les gros planteurs békés dominent l’ensemble du système sur fond de « collusion entre l’Etat et planteurs békés […] dénoncée à de nombreuses reprises[xvii] ». Ces gros planteurs disposent, en outre, de moyens de réagir dont sont dépourvus les petits et moyens producteurs. Ceux-ci disposent « d’un monopole de fait » que l’économiste Athanasia Bonneton résume comme suit : « lorsque les cours de la banane baissent dans le marché métropolitain, les gros planteurs réduisent la coupe. Par contre, les petits et moyens planteurs ne peuvent pratiquement pas refuser de fournir leurs régimes[xviii]. »
     
    Le « grand féodalisme » béké en Martinique
     
    La concentration foncière et le pouvoir des grandes familles békés est encore plus forte en Martinique. Le capital local a gardé en Martinique une prédominance perdue en Guadeloupe. Nous empruntons l’expression « grand féodalisme » béké à André Breton qui l’utilise en 1942 pour caractériser Eugène Aubéry, une des figures caricaturale des grandes familles béké[xix]. L’origine de cette différence avec la Guadeloupe est le résultat de la séquence historique de la révolution française :

    « Le destin de la Guadeloupe s’est séparé de celui de la Martinique lors de la période révolutionnaire, au cours de laquelle s’est déroulée une séquence d’événements dont la portée symbolique demeure encore aujourd’hui particulièrement prégnante. Les planteurs de la Martinique se réfugièrent en effet dans le giron de la Grande-Bretagne, échappant ainsi à la première libération des esclaves promulguée en 1794 à la Guadeloupe par le représentant de la Convention Victor Hugues, suite à sa reconquête de l’île sur les Anglais. L’esclavage fut rétabli sur l’île par Bonaparte en 1802, au prix d’une répression sanglante contre la résistance menée, sous la conduite de certains de leurs officiers, par les anciens esclaves devenus soldats de la République. Mais la plantocratie locale, décimée durant les troubles, se trouvait trop amoindrie pour absorber les événements postérieurs du XIXe siècle, à savoir l’abolition définitive de l’esclavage en 1848 et la concentration foncière autour des usines centrales de la seconde moitié du siècle. La Martinique, quant à elle, avait conservé intactes les vieilles structures antérieures à la Révolution, les planteurs ayant pu maintenir leur contrôle sur les terres et garantir la prééminence du capital local, ce qui a assuré le prolongement direct du système mis en place aux origines[xx]. »
     
    Plus de 75 ans après la citation d’André Breton la situation reste fondamentalement la même. Le leader indépendantiste Guy Cabort-Masson résume comme suit en 2002 la place des Békés dans l’économie martiniquaise : « Une caste faisant 0,8 % de la population contrôlant 60 % des terres utiles, plus de 15 % de l’économie du pays alors que le peuple de couleur n’a qu’environ 10 % de cette économie atomisée en « entreprises » ayant en moyenne entre 1 et 2 employés ![xxi] » Sept ans plus tard, un reportage de l’émission Spéciale Investigation intitulé « les derniers maîtres de la Martinique » avance les chiffres suivants : « ces personnes qui représentent 1 % de la population martiniquaise, détiennent 52 % des terres agricoles et 20 % de la richesse de l’île[xxii]. »

    La répartition des terres et des richesses selon un critère de couleur conduit à une structure sociale basée sur « hiérarchie socio-raciale[xxiii] ». Esquissant une description de cette hiérarchie, le sociologue Miche Giraud décrit comme suit la classe dominante en 1980 : « constituées de propriétaires latifundistes, des dirigeants et des principaux actionnaires des usines, des grands commerçants, dont l’immense majorité sont des Blancs créoles regroupés en quelques familles étendues le plus souvent alliées entre eux. Ces derniers possèdent plus des 2/3 des terres cultivables, la quasi-totalité des usines à sucre, les 9/10 des plantations de bananes, la totalité des conserveries d’ananas et ont également le quasi-monopole du commerce d’import-export[xxiv]. » Si les chiffres avancés ont légèrement variés depuis 1980, la structure de base reste fondamentalement la même.

    Une telle structure sociale où la couleur est le symptôme visible de la place sociale n’est possible que par l’intériorisation profonde d’un sentiment d’infériorité. « Aux Antilles la perception se situe toujours sur le plan de l’imaginaire. C’est en termes de Blanc que l’on y perçoit son semblable. […] C’est donc en référence à l’essence du Blanc que l’Antillais est appelé à être perçu par son congénère[xxv] » analysait déjà Frantz Fanon en 1953. « Les structures idéologiques héritées de l’esclavage restent gravées dans les mémoires, malgré l’évolution liée au cours de l’histoire[xxvi] » confirme l’ethnologue Ulrike Zandle 61 ans après. Ces structures continuent à irriguer la quotidienneté martiniquaise en imposant le « blanc » comme critère du souhaitable et du légitime. Un tel processus existe bien sûr également en Guadeloupe et ailleurs mais sa prégnance en Martinique est notable. Cette prégnance est un résultat historique conduisant à une correspondance plus forte qu’ailleurs entre hiérarchie sociale et hiérarchie de couleur. 
     
    Le pacte colonial maintenu
    Les inégalités colorées liées à la concentration foncière sont encore renforcées par le maintien d’un lien avec la « métropole » qui garde toutes les caractéristiques du « pacte colonial ». L’expression est définit comme suit par un document officiel de 1861 : « Sous l’empire de ce qu’on appelait le pacte colonial, la France se réservait le droit exclusif d’approvisionner ses colonies de tous les objets dont elles avaient besoin ; il était défendu aux colonies de vendre leurs produits à d’autres pays que la métropole, et de les élever à l’état de produit manufacturés ; le transport entre la métropole et les colonies était réservé aux bâtiments français[xxvii]. » Officiellement ce « pacte colonial » n’existe plus, les acteurs économiques étant libres de commercer avec qui ils veulent. Dans les faits au contraire le pacte reste, selon nous, une réalité indéniable.

    Le premier principe figurant dans cette définition, le monopole de l’approvisionnement, reste une réalité des colonies dites « françaises » des Antilles. Un regard sur les importations suffit à prendre la mesure du lien de dépendance. En 2016 la France hexagonale fournit 68.9 % du montant des importations pour la Martinique et 60, 6 % pour la Guadeloupe[xxviii]. Le deuxième partenaire étant les autres pays de l’Union Européenne (avec 13 % pour la Guadeloupe et 14.8 % pour la Martinique), nous sommes en présence d’une socialisation européenne du pacte colonial. Les importations avec les autres pays des Caraïbes plane péniblement à 5 ou 6% selon les années.

    Le deuxième principe du pacte colonial, le monopole de la métropole sur les exportations, reste lui aussi activée aujourd’hui. Les destinations des exportations révèlent la même dépendance que celle des importations. Pour la Guadeloupe les données sont les suivantes : 40 % vers la France ; 17, 7 % vers la Martinique et 12 % vers le reste de l’Union européenne. Pour la Martinique les données sont les suivantes : 73.6 % vers la France et 19 % vers deux autres colonies françaises (la Guadeloupe et la Guyane).

    Le troisième principe du pacte colonial, la spécialisation des colonies dans des cultures de rentes et de la métropole dans les produits manufacturés, est tout aussi vivace. La structure des exportations est sensiblement le même pour les deux pays, révélant la nature coloniale du lien avec la France : Ils importent des biens de consommation non durable (produits alimentaires, pharmaceutiques, etc.), des biens d’investissement (produits de l’industrie automobile, machines et équipements, etc.) et des biens intermédiaires (caoutchouc, plastiques, etc.). Ils exportent des produits agro-alimentaires (Bananes, cannes, etc.). Daniel Guérin résume comme suit en 1956 cette dépendance économique : « En bref les Antilles servent de marchés à peu près exclusifs pour les denrées alimentaires et les produits fabriqués métropolitains qu’elles échangent contre leur sucre et […] contre leur banane[xxix] ». A part des variations dans la part du sucre ou de la banane dans les exportations, rien n’a véritablement changé.

    L’enjeu économique des Antilles dites « françaises » ne se limite pas au capitalisme de plantation. Comme pour les colonies du pacifique la Zone Economique Exclusive (47 000 km² pour la Martinique et 86 000 km² pour la Guadeloupe) contient des nodules polymétalliques exploitables. A ces enjeux strictement économique, il faut ajouter ceux relevant de la géostratégie que le géographe François Taglioni résume comme suit :

    La Caraïbe présente, en outre, par l’intermédiaire des DOM français, un solide réseau de points d’appui. Fort-de-France, abrite une station-relais pour les transmissions en provenance des satellites. La Guadeloupe est une escale aérienne garante de l’indépendance militaire française. […] Enfin les forces navales françaises, anglaises et néerlandaises affirment leur présence militaire dans la zone. Les nodules polymétalliques exploitables, à des coûts certes encore très élevés, sur les fonds marins représentent peut-être pour l’avenir une richesse non négligeable.[xxx].

    Une telle logique économique avec 7000 km de séparation a, bien entendu, un coût que payent les peuples guadeloupéen et martiniquais. La dernière étude de l’INSEE datée de 2015 sur la comparaison des prix entre l’hexagone et les colonies des Antilles met en évidence des écarts de prix « significatifs » : le niveau général des prix est 12,3 % plus élevé en Martinique qu’en métropole (12.5 % pour la Guadeloupe). Cet écart est essentiellement issu d’un poste peu compressible, les produits alimentaires, qui indiquent un différentiel beaucoup plus important : 38 % pour la Martinique et 33 % pour la Guadeloupe[xxxi].

    Mais le coût payé ne concerne pas que le niveau de vie. Les guadeloupéens et martiniquais payent également ce rapport colonial sur le plan de la santé. L’utilisation de pesticides à outrance, y compris ceux dont la dangerosité est avérée, est une caractéristique de ce modèle. Avec la complicité de l’Etat français des pesticides interdits en France ont continués à être utilisés massivement en Guadeloupe et Martinique. Le scandale du chlordécone, un pesticide cancérogène et mutagène, en est une illustration dramatique. Il a été utilisé massivement aux Antilles dites « française » de 1972 à 1993 alors qu’il était interdit dans l’hexagone à partir de 1989. L’Etat français a, en effet, accordé, sur pression des gros planteurs, un moratoire de trois ans. Les effets sur la santé étaient pourtant déjà connus : cancer de la prostate, puberté précoce, prématurité lors des grossesses, troubles de la motricité et de la mémoire visuelle, etc. La journaliste du Monde Faustine Vincent résume comme suit les conséquences de cette dérogation meurtrière :
    La quasi-totalité des Guadeloupéens et des Martiniquais sont contaminés par ce pesticide ultra-toxique, utilisé massivement de 1972 à 1993 dans les bananeraies. Une situation unique au monde. […] Les Antilles sont contaminées pour des siècles, car la molécule est très persistante dans l’environnement − jusqu’à sept cents ans. A partir du début des années 2000, on a découvert que le chlordécone, qui passe dans la chaîne alimentaire, avait non seulement contaminé les sols, mais aussi les rivières, une partie du littoral marin, le bétail, les volailles, les poissons, les crustacés, les légumes-racines… et la population elle-même. La quasi-totalité des 800 000 habitants de la Guadeloupe (95 %) et de la Martinique (92 %) sont aujourd’hui contaminés[xxxii].

    Interdire dans l’hexagone et autoriser aux Antilles, voilà un bel exemple d’un traitement d’exception, qui est une des caractéristiques essentielles du colonialisme. Le mépris pour la santé des indigènes révélé ici par les pesticides est du même type que le mépris révélé en Polynésie avec les essais nucléaires.
     
    Les dessous d’une déportation de la jeunesse
    Le modèle colonial de développement crée logiquement une « disproportion entre la population et les ressources que le système économique actuel met à sa disposition » remarque en 1956 Daniel Guérin[xxxiii]. Toute une littérature se développe alors pour expliquer cette « poussée démographique » et proposer des solutions. Les explications sont généralement essentialistes et les solutions orientées vers le malthusianisme. Les causes sont ainsi recherchées dans la culture antillaise et la piste privilégiée en solution est celle du contrôle des naissances. Or nous le savons depuis longtemps un des facteurs déterminants de la fécondité se situe dans les conditions matérielles d’existence.

    L’inquiétude sur la fécondité antillaise est à inscrire dans le contexte des décennies 50 et 60 qui inaugure des transformations profondes aux Antilles dites « française ». La première d’entre elle est l’ébranlement du complexe d’infériorité que les écrits d’Aimé Césaire résument. Frantz Fanon décrit comme suit en 1955 ce processus de réaffirmation de soi : « Pour la première fois, on verra un professeur de lycée donc apparemment un homme digne, simplement dire à la société antillaise « qu’il est beau et bon d’être nègre […] Ainsi donc l’Antillais, après 1945, a changé ses valeurs. Alors qu’avant 1939 il avait les yeux fixés sur l’Europe blanche […] il se découvre en 1945, non seulement un noir mais un nègre et c’est vers la lointaine Afrique qu’il lancera désormais ses pseudopodes[xxxiv]. »

    L’Afrique est pendant la décennie 50 en pleine effervescence anticoloniale avec une guerre d’Algérie qui devient rapidement une centralité dans le positionnement politique des militants africains. Se penchant sur l’identité antillaise en 1979, le sociologue Jean-Pierre Jardel résume comme suit les bouleversements de ces deux décennies :
     Depuis deux décennies environ, des changements rapides se produisent aux différents paliers de la réalité socio-culturelle des Antilles françaises. Les discours prononcés par des hommes politiques, les idées diffusées par les écrivains de la négritude, l’autonomie ou l’indépendance acquise par plusieurs îles de l’archipel Caraïbe, ont fait comprendre à une large fraction de la population qu’il existait une entité antillaise ayant ses propres valeurs, face aux valeurs de la métropole européenne. On se trouve donc en présence d’une phase de réajustement des normes et par conséquent d’une situation conflictuelle généralisée.[xxxv]

    Les émeutes de Fort de France du 20 décembre 1959 et celles du Lamentin en mars 1961 sonnent comme un avertissement aux yeux des autorités françaises. De cette époque date l’encouragement à une émigration de la jeunesse des Antilles dites « françaises » vers la métropole qui sera systématisé trois ans plus tard par la création du BUMIDOM en 1963 (Bureau pour le développement des migrations dans les départements d’outre-mer). De 1963 à 1982, ce bureau utilise toute une panoplie de moyens divers et de promesses (de formation, de logement, d’emplois, de salaires élevés, etc.) pour pousser à l’exil toute une jeunesse afin de désamorcer une crise sociale et politique latente. Le journaliste et écrivain guadeloupéen Hugues Pagesy donne la lecture suivante de l’action du BUMIDOM en quatrième de couverture de l’ouvrage qu’il lui consacre :

    « La traite négrière n’aurait-elle servi à rien pour que, 115 ans après l’abolition de l’esclavage, un organisme d’État répondant au nom de BUMIDOM […] mette en place un système pour vider la Réunion, la Guadeloupe et la Martinique, de toute une partie de leur jeunesse ? Sous prétexte de lutter contre le manque d’activité qui frappe ces régions, le BUMIDOM va en fait organiser une déportation de ces jeunes vers la France, que d’aucuns dénonceront comme étant un vrai génocide par substitution. […] L’empire qui perd petit à petit une bonne partie de ses territoires veut museler ceux d’Outre-mer. Les prétextes évoqués sont leur démographie galopante et un chômage endémique[xxxvi].

    Au total se sont près de 260 000 personnes qui ont migrés vers l’hexagone sous l’effet direct ou indirect du Bumidom dont 42 622 martiniquais et 42 689 guadeloupéens[xxxvii] : une véritable saignée dans la jeunesse antillaise compte tenu de la taille de la population et de l’âge des personnes concernées. Aimé Césaire qualifie à l’assemblée nationale cette politique de « génocide par substitution » et la délégation guadeloupéenne à la Tricontinentale de la Havane en janvier 1966 (Conférence de solidarité des peuples d’Afrique, d’Asie et d’Amérique Latine) dénonce « la politique coloniale du gouvernement français à la Guadeloupe, notamment l’expatriation de la jeunesse[xxxviii] ».
     
    « Dissiper les malentendus » sur la question nationale
     « L’heure est venue de clarifier les problèmes et de dissiper le malentendus », c’est par ces mots que Frantz Fanon conclue l’article consacré aux émeutes de Fort de France du 20 décembre 1959 cité plus haut. Pour lui cette révolte indique une mutation dans le processus d’émergence d’une conscience nationale antillaise. Celui-ci est complexe du fait des spécificités de la colonisation aux Antilles : ancienneté pluriséculaire de la colonisation, génocide des peuples autochtones, hétérogénéité de peuplement liée à l’esclavage et aux immigrations suscitées par le colonisateur, ampleur du processus d’assimilation liée à la violence esclavagiste initiale puis par la durée pluriséculaire de la domination, histoire politique spécifique de chacune des îles, etc.

    L’ensemble de ces facteurs explique l’épisode de 1946 où « des larges masses antillaises » rappelle Aimé Césaire ont approuvées la départementalisation c’est-à-dire ont votées pour rester française. Césaire lui-même a soutenu cette option en raison du danger que constitue la proximité avec les Etats-Unis : « Une autre objection plus sévère encore est l’existence à côté des Antilles d’un voisin dont la puissance et l’appétit ne sont que trop connus[xxxix]. » Coincés entre deux dominations, les Antillais ont dans le contexte de l‘époque considérés qu’obtenir une égalité plus grande dans le cadre français étaient la seule voie possible complète Aimé Césaire[xl]. 

    Au moment où Césaire tire ce bilan de la loi de 1946 (en 1956), les peuples des Antilles dites « françaises » ont fait leur expérience de l’impasse de l’assimilationnisme. Si des spécificités sont indéniables dans le processus de conscientisation nationale, celui-ci est tout aussi indéniablement en accélération rapide dans les deux colonies.

    En Martinique le processus se traduit par la création de l’OJAM (’Organisation de la jeunesse anticolonialiste de la Martinique) qui inaugure son action politique par l’apposition d’immense banderoles sur les murs de tous les bâtiments publics de l’île, portant le slogan « la Martinique aux Martiniquais » le 23 décembre 1962. Un tabou est brisé. Pour la première fois une organisation revendique ouvertement l’indépendance. Dans le même temps le « manifeste de l’OJAM » est placardé sur les murs proclamant :
    Que la Martinique est une colonie, sous le masque hypocrite de département français, comme l’était l’Algérie, parce que dominée par la France, sur le plan économique, social, culturel et politique. […] En conséquence l’O.J.A.M […] Proclame le droit des martiniquais de diriger leurs propres affaires. Demande aux Guadeloupéens, aux Guyanais de conjuguer plus que jamais leurs efforts dans libération de leur pays pour un avenir commun. Soutien que la Martinique fait partie du monde antillais. Appelle les jeunes de la Martinique, quelles que soient leurs croyances et leurs convictions, à s’unir pour l’écrasement définitif du colonialisme dans la lutte de libération de la Martinique[xli].

    La réponse de l’Etat français est, bien sûr, la répression. 18 militants de l’OJAM sont déférés devant la Cour de sûreté de l’Etat pour « atteinte à l’intégrité du territoire ». 5 militants écopent de peine de prisons et les autres sont relaxés. Si l’OJAM ne survit pas à cette épreuve, le mouvement indépendantiste existe désormais, même s’il reste encore minoritaire et éparpillé. A partir de la fin de la décennie 60 et tout au long de la décennie 70, les organisations indépendantistes se multiplient : Mouvement National de Libération de la Martinique (MNLA) en 1969, Groupe Révolution socialiste (GRS) en 1970, Groupe d’Action Prolétarienne (GAP) au début de la décennie 70, Mouvement Indépendantiste Martiniquais (MIM) en 1978, le Pati kominis pour lendépandans èk sosyalizm (Parti Communiste pour l’Indépendance et le Socialisme) en 1984, le Parti pour la Libération de la Martinique (PALIMA) en 1999. Malgré cet éparpillement l’idée indépendantiste progressera de manière significative depuis dernières décennies du siècle dernier. Lors des élections régionales de 1986 les indépendantistes ne comptent que pour 3 %, 6 ans plus tard le MIM devient la première force organisée du pays. Aux régionales de 1998 le MIM obtient 31, 71 % des suffrages et son président, Alfred Marie-Jeanne, devient président du conseil régional (il sera reconduit à ce poste en 2004). En dépit des multiples divisions et de la bureaucratisation suscitée par la participation au jeu institutionnel et encouragée par l’Etat français, le projet indépendantiste est désormais une réalité incontournable en Martinique.

    La décennie 60 est également celle qui voit s’organiser un mouvement indépendantiste en Guadeloupe. C’est au sein du mouvement étudiant en métropole, dans l’AGEC (Association Générale des Etudiants Guadeloupéen), qu’est lancé pour la première fois le mot d’ordre d’indépendance nationale. En Guadeloupe même c’est en 1963 qu’est constitué le GONG (Groupe d’Organisation Nationale de la Guadeloupe) dont certains membres fondateurs sont issus de l’AGEG. Peu nombreux les militants du GONG sont très actifs. Ils ont présent systématiquement pour soutenir chaque grève ouvrières, ce qui les rend rapidement populaire. « Chaque fois que des ouvriers, qu’ils soient du bâtiment ou de la canne étaient en grève ou en difficulté quelconque, le GONG, et ses militants devaient venir leur prêter main-forte[xlii] » se souvient le militant nationaliste Claude Makouke. Le mouvement social qui secoue la Guadeloupe en 1967 et le massacre qui l’accompagne, est le prétexte que prendra l’Etat français pour décapiter ce mouvement indépendantiste ayant une audience populaire grandissante.

    A l’origine du mouvement se trouve une grève des ouvriers du bâtiment pour exiger une hausse de 2,5 % des salaires. Les négociations entre le patronat et le syndicat CGTG échouent le 26 mai et une manifestation devant la Chambre de commerce de Pointe-à-Pitre se transforme en émeute. Les CRS tirent sur la foule provoquant les premiers décès. Les affrontements s’étendent alors à toute la ville. Lorsqu’elles cessent le lendemain un bilan officiel annonce 8 morts. La réalité du massacre mettra vingt ans à percer. En 1985 Georges Lemoine, secrétaire d’Etat chargé des départements et territoires d’Outre-mer reconnaîtra le chiffre de 87 victimes et plus d’une cinquantaine de blessés. C’est dans ce contexte que l’Etat français décide de profiter de la situation pour décapiter le mouvement indépendantiste. L’organisation et ses militants sont accusés de la responsabilité des émeutes et des victimes. 19 militants du GONG sont arrêtés et inculpés « d’atteinte à la sureté de l’Etat et à l’intégrité du territoire ». La presse colonialiste exulte à l’image du journal France-Antilles qui titre en première page et en gros caractère le 13 juin : « Le Gong est décapité. Dix-neuf arrestations à Paris et en Guadeloupe[xliii] ». Le mouvement massif de solidarité qui s’organise alors sauvera les inculpés dont le jugement de février 1968 prononce 6 peines avec sursis et 13 acquittements. En Guadeloupe même cependant 70 autres militants attendent leur jugement. Six d’entre eux écoperont de peines de prison ferme allant d’1 à 6 mois.

    Le GONG ne survie pas à cette dure épreuve mais ses militants sont nombreux à être présent dans la création ultérieure d’autres organisations indépendantistes. Ils réinvestissent d’abord leurs forces dans la dynamique syndicale en créant l’UTA (Union des Travailleurs Agricole) en 1970, l’Union des Paysans Pauvres de Guadeloupe (UPG) en 1972 et enfin l’Union Générale des Travailleurs de Guadeloupe (UGTG) qui regroupe les deux précédente et d’autres syndicats en 1973. Tels sont les facteurs qui expliquent le lien étroit entre indépendantistes et syndicalistes en Guadeloupe. En témoigne l’élection à la tête de l’UGTG de l’indépendantiste Elie Domota et sa désignation comme porte-parole du LKP (Liyannaj Kont Pwofitasyon– Collectif contre l’exploitation outrancière), un regroupement syndical, associatif et politique qui a mené le vaste mouvement social en janvier et février 2009.

    En 1977 ces militants créent l’Union Populaire pour la Libération de la Guadeloupe (UPLG) qui reste jusqu’à aujourd’hui la principale organisation politique indépendantiste. A côté de celle-ci existe également le Mouvement pour une Guadeloupe Indépendante (MPGI) crée en 1981, le Konvwa pou liberasyon nasyonal Gwadloup (KNLG) fondé en 1997 et Fòs pou konstwi nasyon Gwadloup (Forces pour batir la nation guadeloupéenne) fondé en 2010. Des tentatives de luttes armées ont également eu lieu par le GLA (Groupe de Libération Armée) qui mène une série d’attentats contre des édifices publics en 1980 et 1981, puis par l’ARC (Alliance Révolutionnaire Caraïbe) menant le même type d’actions de 1983 à 1989.

    Si comme en Martinique la multiplicité des organisations, l’institutionnalisation de certains leaders, la répression et les divisions du mouvement nationaliste, le rapport des forces disproportionné avec une des principales puissances mondiale, etc., rendent difficile une perspective d’indépendance à court terme, cela ne veut pas dire que la question de l’indépendance nationale est enterré. « Le Mouvement Patriotique Guadeloupéen au niveau organisationnel et militant connaît une passe difficile, un mouvement de reflux, mais c’est là le paradoxe, les idées nationalistes n’ont jamais cessé de progresser et d’irriguer au quotidien la vie des guadeloupéens[xliv] » résume le journaliste Danik Zandwonis.

    Comme nous le disions dans nos précédents articles consacrés à Mayotte, la Kanaky et la Polynésie, la faiblesse de la conscience internationaliste et du mouvement anticolonialiste en France fait partie du rapport des forces défavorable auquel sont confrontés les militants nationalistes des colonies françaises. Qu’un tel mouvement se développe et que le rapport de forces mondial se transforme et la perspective indépendantiste redeviendra un objectif atteignable rapidement. A plus ou moins long terme l’indépendance est inévitable : la situation géographique, la rationalité économique et la communauté des traits culturels avec les autres peuples de la région orientent structurellement vers un projet de fédération des Antilles.

    Saïd Bouamama

    Notes :  
    [i] Raphaël Confiant, Aimé Césaire, une traversée paradoxales du siècle, Stock, Paris, 1993,
    [ii] Adrien Guyot, L’Amérique, un ailleurs partagé, Départment of Modern Languages and Cultural Studies, University of Albama, 2016, pp. 104-105. .
    [iii] Frédéric Dorel, La thèse du « génocide indien » : guerre de position entre science et mémoire, Revue de civilisation contemporaine Europes/Amériques, N° 6, 2006.
    [iv] Nicolas Rey, Quand la révolution aux Amériques était nègre … Caraïbes noirs, negros franceses et autres « oubliés » de l’histoire, Karthala, Paris, 2005, p. 48.
    [v]Chantal Maignan-Claverie, Le métissage dans la littérature des Antilles françaises. Le complexe d’Ariel, Karthala, Paris, 2005, p. 118.
    [vi] Nicolas Rey, Quand la révolution aux Amériques était nègre … Caraïbes noirs, negros franceses et autres « oubliés » de l’histoire, op. cit., p. 53.
    [vii] Victor Schoelcher, Abolitions de l’esclavage ; Examen critique du préjugé contre la couleur des Africains et des Sang-Mêlés, Porthmann, Paris, 1840, p. 138.
    [viii] Alain Bihr, Recension du livre de Caroline Oudin-Bastide, Travail, capitalisme et société esclavagiste. Guadeloupe, Martinique (XVIIe-XIXe siècle), Revue « Interrogation ? », n° 10, mai 2010.
    [ix] Alain Philippe Blérald, Histoire économique de la Guadeloupe et de la Martinique : du XVIIe siècle à nos jours, Karthala, Paris, 1986, p. 26. 
    [x] Alain Philippe Blérald, Histoire économique de la Guadeloupe et de la Martinique : du XVIIe siècle à nos jours, Karthala, Paris, 1986, p. 26. 
    [xi] Ibid, p. 138.
    [xii] Christian Deverre, Crise sucrière et réforme foncière en Guadeloupe, Cahiers d’économie et sociologie rurales, n° 17, 1990, p. 100.
    [xiii] Guy Lasserre, La Guadeloupe. Etude géographique, Union Française d’Edition, Bordeaux, 1961, p. 393.
    [xiv] Christian Deverre, Crise sucrière et réforme foncière en Guadeloupe, Cahiers d’économie et sociologie rurales, op. cit., p. 108.
    [xv] Ibid, p. 111.
    [xvi] Luce Blanchard, Qui se cache derrière le projet de centrale thermique d’Albioma à Marie-Galante, https://blogs.mediapart.fr/luce-blanchard/blog/020217/qui-se-cache-derriere-le-projet-de-centrale-thermique-dalbioma-marie, Consulté le 10 juin 2018 à 19 h 55.
    [xvii] Muriel Bonin et Cécile Cathelin, Conversion environnementale de la production bananière guadeloupéenne : une stratégie politique et économique, Economie rurale, n° 341, mai-juin 2014, p. 76.
    [xviii] Athanasia Bonneton, La banane en Guadeloupe : les conditions économiques et sociales de la culture et de la commercialisation, CDDP Guadeloupe, 1988, p. 52.
    [xix] André Breton, Martinique charmeuse des serpents, 10/18, Paris, 1973.
    [xx] Jean-Luc Boniol, Janvier-mars 2009, trois mois de lutte en Guadeloupe, Les Temps modernes, 1/2011, n° 662-663, pp. 82-113.
    [xxi] Guy Cabort-Masson, Interview à la revue Antilla, n° 961, 9 novembre 2001, p. 6.
    [xxii] Les derniers maîtres de la Martinique, http://www.fxgpariscaraibe.com/article-27520586.html, consulté le 11 juin 2018 à 16 h 30.
    [xxiii] Ulrike Zander, La hiérarchie « socio-raciale »en Martinique. Entre persistance postcoloniale et évolution vers un désir de vivre ensemble, Revue en ligne Asylon (s), n° 11, mai 2013, http://www.reseau-terra.eu/article1288.html#nh37, consulté le 11 juin 2018 à 16 h50.
    [xxiv] Michel Giraud, races, clases et colonialisme à la Martinique, L’Homme et la société. Volume n° 55. Nº 1, 1980, p. 206.
    [xxv] Frantz Fanon, Peau noire, masques blancs, Seuil, Paris, 1971, p. 132.
    [xxvi] Ulrike Zander, La hiérarchie « socio-raciale »en Martinique. Entre persistance postcoloniale et évolution vers un désir de vivre ensemble, op. cit.
    [xxvii] Rapport du secrétaire d’Etat de la Marine et des Colonies du 2 février 1861, Revue maritime et coloniale, tome 2, Lahure, Paris, juillet 1861, p. 53.
    [xxviii] L’ensemble des données de cette partie sont issues de deux documents de l’Institut d’Emission des Département d’Outre-Mer (IEDOM) : Guadeloupe 2016 et Martinique 2016, Paris, 2017.
    [xxix] Daniel Guérin, Les Antilles décolonisées, Présence Africaine, Paris, 1956, p. 55.
    [xxx] François Taglioni, Géopolitique et insularité : l’exemple des petites Antilles, in André-Louis Sanguin (coord.), Vivre dans une île, L’Harmattan, Paris, 1997, p. 179.
    [xxxi] INSEE première, n° 1589, avril 2016, https://www.insee.fr/fr/statistiques/1908163, consulté le 13 juin 2018 à 10 h 00.
    [xxxii] Faustine Vincent, Scandale sanitaire aux Antilles, Le Monde du six juin 2018, https://www.lemonde.fr/planete/article/2018/06/06/scandale-sanitaire-aux-antilles-qu-est-ce-que-le-chlordecone_5310485_3244.ht, consulté le 13 juin 2018 à 10 h 45.
    [xxxiii] Daniel Guérin, Les Antilles décolonisées, op. cit., p. 37.
    [xxxiv] Frantz Fanon, Antillais et Africains, in Pour la révolution africaine, La Découverte, Paris, 2001, p. 31 et 34.
    [xxxv] Jean-Pierre Darnel, Langues et identité culturelle aux Antilles françaises, Pluriel débat, n° 17, année 1979, p. 27.
    [xxxvi] Hugues Pagesy, Kolombie 2 : Bumidom la vérité, Editions Nestor, Gourbeyre – Guadeloupe, 2017, quatrième de couverture.
    [xxxvii] André Calmont, et Cédric Audebert, Dynamique migratoire de la Caraïbe, Karthala, Paris, 2007, p. 99.
    [xxxviii] Première conférence Tricontinentale, Interventions et résolutions, La Havane, 1966, p. 90.
    [xxxix] Aimé Césaire, Introduction au livre de Daniel Guerin, Antilles décolonisées, op. cit., p. 9.
    [xl] Ibid, pp. 10-11.
    [xli] Manifeste de l’OJAM, https://afcam.org/index.php/fr/dossiers/dossiers-4/les-collectivites-invitees-au-haut-comite/2-uncategorised/4194-le-manifeste-de-l-o-j-a-m, consulté le 14 juin 2018 à 8 h 30.
    [xlii] Xavier-marie Bonnot et Francois-Xavier Guillerm, Le sang des nègres, Galaade, Paris, 2015.
    [xliii] Raymond Gama et Jean-Pierre Sainton, Mé 67 : Mémoire d’un évènement, Société Guadeloupéenne d’Edition et de Diffusion, 1985, p. 122.
    [xliv] Danik I. Zandwonis, Guadeloupe. L’indépendance est plus proche qu’on ne le dit …, http://7seizh.info/2014/12/11/guadeloupe-lindependance-est-plus-proche-quon-ne-le-dit, consulté le 14 juin 2018 à 16 h 45.

    #barbarie génocide #histoire #colonialisme #colonisation #Noirs #Noir #nègre #Antilles #Guadeloupe #Martinique #Mayotte, #Kanaky #Polynésie #DOM #Haïti #Hispaniola #Caraïbe #France #néo-colonialisme #libéralisme_postcolonial #peuples_autochtones #békés #Révolte #Kalinas #métissage #banane #sucre #mélasse #rhum #canne_à_sucre #Indépendance
    #SAFER #auto-exploitation #migration #Cofepp #SMRG #BUMIDOM #OJAM #MNLA #GAP #MIM #PALIMA #AGEC #GONG #UTA #UPG #UGTG #LKP #UPLG #MPGI #KNLG #GLA #Cayard #importations #exportation #UE #union_européenne #prix #Santé #chlordécone
    Eugène_Aubéry Guy_Cabort_Masson #Alfred_Marie_Jeanne #Elie_Domota

  • Soi-même comme un cannibale
    https://www.franceculture.fr/emissions/le-journal-de-la-philo/le-journal-de-la-philo-du-lundi-23-avril-2018


    C’est un livre dont vous avez peut-être déjà entendu parler, ici ou ailleurs, il est paru aux PUF : c’est le livre de l’anthropologue Mondher Kilani, Du goût de l’autre, fragments d’un discours cannibale.

    Le cannibalisme, le phénomène n’échappe pas aux philosophes, c’est pourquoi j’en parle… Mais j’en parle aussi et tout simplement parce que je suis comme tout le monde : le cannibalisme, ça me fascine. Mais pourquoi ? La question philosophique part bien de là : que recouvre cette fascination entre attraction et répulsion ?

    Voici le genre de récits qu’on imagine quand on prononce le mot de “cannibalisme” : des cérémonies venues d’ailleurs, avec de la faim, du sang… Pourtant, à bien y regarder, le cannibalisme dépasse largement ce genre de récits, exotiques, érigés au rang de faits. Il dépasse même largement les époques, les frontières, les peuples auxquels on l’a associé, des Scythes et Assyriens, aux Jivaros d’Amazonie et aux Dayaks de Bornéo…

    Si vous regardez bien, le #cannibalisme est partout. Son sens plastique le permet : il renvoie tout à la fois aux conquêtes coloniales de Christophe Colomb (c’est la 1ère fois que le mot apparaît) qu’à la manducation de la chair humaine, à l’autre monstrueux ou à la dévoration des siens (même de ses parents).

    Et si vous regardez encore mieux, le cannibalisme traverse la culture : Moby-Dick, Robinson Crusoé, le film récent de Julia Ducournau, Grave, le Petit Chaperon Rouge, Sade... Voici donc le cannibalisme : renvoyé à un ailleurs, il ne cesse pourtant de hanter notre culture la plus proche.

    Loin d’être une question de nature, un donné, un fait, on l’entend avec Lévi-Strauss qui rappelle le mythe narrant son apparition, le cannibalisme est bien plutôt une question de culture. Il trouve dans la fiction et la narration, les mots et les images, les contes et les constructions fantasmatiques, sa raison d’être.

    D’où ce paradoxe du cannibalisme : cette altérité, cette étrangeté, ce sont les nôtres, celles que l’on cultive dans nos imaginaires, celle sur laquelle Montaigne, Diderot, Bataille, Baudrillard, Barthes ont réfléchi...

    Et c’est la thèse de Mondher Kilani, dans son livre, à la fois réflexion sur l’anthropophagie et sur la méthode anthropologique (pas si éloignées dans les termes), il souligne ce rapport toujours construit à l’autre, façonné et médiatisé par nos discours. Mais pourquoi le cannibalisme en particulier ? Pourquoi le cannibale serait-il cet autre privilégié ?

    Et si le cannibalisme ne faisait pas que hanter nos esprits mais nos gestes, même les plus amoureux ? Et si nous étions, nous tous, des cannibales ? Quand on mange de la viande, quand on épie les autres, qu’on aimerait bouffer le monde, qu’on dévore des livres, ou avec son amant…

    Il y a quelque chose de foncièrement déconcertant avec le cannibale : cet autre ne mange pas quelqu’un d’autre, mais de la chair humaine, il mange quelqu’un qui lui ressemble et il le fait encore plus sien, il l’ingère, le digère, l’incorpore.

    Voilà donc l’étrangeté, la vraie : le cannibale est vu comme un autre, alors qu’il reste dans le même, à manger les siens... Et il y a ici comme un aveu : c’est comme si un rapport à l’autre restait impossible, même pas pour partager un repas.

  • Vu d’Espagne. Aux États-Unis, la fronde anti Christophe Colomb s’organise

    Le “#Colombus_Day”, célébré chaque année pour commémorer la découverte de l’Amérique par le navigateur gênois, fait polémique outre-Atlantique. Il est de plus en plus remplacé par des hommages aux “peuples indigènes”, déplore ce quotidien conservateur madrilène.


    https://www.courrierinternational.com/article/vu-despagne-aux-etats-unis-la-fronde-anti-christophe-colomb-s
    #résistance #USA #Etats-Unis #peuples_autochtones #mémoire #célébration #commémoration

  • L’ouragan de catégorie 5 Irma impactera Saint-Martin, Saint-Barth et îles Vierges demain - KERAUNOS Observatoire Français des Tornades et des Orages Violents
    Point du 5 septembre à 12h UTC
    http://www.keraunos.org/actualites/fil-infos/2017/septembre/ouragan-irma-saint-martin-saint-barthelemy-iles-vierges-bahamas-cuba-usa-s

    Une arrivée sur les îles du nord (Antilles) en ouragan majeur prévue le 6 septembre

    Le jour s’est levé depuis 2h aux Antilles, ce qui permet d’observer #Irma sur le canal visible. La structure cyclonique est impressionnante. Le deuxième passage de l’avion de reconnaissance confirme une pression de 929 hPa dans le centre de l’ouragan. Le quadrant nord-est est le plus puissant avec des vents soutenus relevés de 165 noeuds au niveau de vol de l’avion, retenus à 150 noeuds au sol soit près de 280 km/h. Irma est donc un ouragan de catégorie 5 particulièrement sévère.

    • http://www.meteofrance.fr/prevoir-le-temps/phenomenes-meteo/les-cyclones

      Chaque année, environ 80 tempêtes tropicales ou cyclones se forment sur le globe au-dessus des eaux tropicales. Qu’est-ce qu’un cyclone ? Une tempête tropicale ?
      Un typhon ? Comment naissent ces phénomènes cycloniques ? Comment prévoit-on leur apparition, puis surveille-t-on leur évolution ?

      Notre dossier pour tout comprendre.

      Animation satellite :
      http://www.meteofrance.gp/previsions-meteo-antilles-guyane/animation/satellite/antilles-guyane

    • http://www.keraunos.org/actualites/fil-infos/2017/septembre/ouragan-irma-saint-martin-saint-barthelemy-iles-vierges-bahamas-cuba-usa-s

      Une arrivée sur les îles du nord (Antilles) en ouragan majeur prévue le 6 septembre
      Point du 5 septembre à 15h UTC
      Le dernier passage d’un avion de reconnaissance en fin d’après-midi met en évidence une nouvelle baisse de pression autour de 926 hPa. Irma s’intensifie encore un peu. Les vents soutenus retenus par le NHC en surface atteignent 287 km/h sur le quadrant nord.
      Irma devient ainsi l’ouragan le plus violent jamais observé par le NHC dans le bassin Atlantique hors Caraïbes et Golfe du Mexique.

      On observe clairement des méso-vorticités dans l’œil de l’ouragan (au moins 3). Ces dernières tournent autour du point central de l’ouragan. Cela est typique des ouragans intenses. L’oeil d’Irma mesure environ 45 km de diamètre, l’ouragan mesure quant à lui environ 550 km de diamètre.

    • Je viens de parcourir la presse en ligne pour en savoir plus sur le passage du cyclone #Irma sur les Antilles. Ce qui m’a frappé, ce sont les commentaires des lecteurs qui dans un cynisme inapproprié « plaignent » les riches propriétaires de somptueuses villas alors qu’ils semblent ignorer que ce sont les plus démunis de ces habitant-e-s, les obscur-e-s, les « riens’ » qui vont le plus souffrir de cette catastrophe, celles et ceux, les plus nombreux-euses qui servent ces quelques riches et permettent à cette société de « tourner ».
      Un seul commentaire m’a paru pertinent. Le voici :

      Ce qui est aussi intéressant c’est de pouvoir se rendre compte des déchets que sont toutes ces choses où trucs qui flottent, car ce n’est que ça : des déchets qui auraient un jour ou l’autre étaient délaissés par leur consommateurs.... Irma a mis le bazars dans sa chambre comme un enfant... Et les adultes regardent et grondent....

    • Lu dans le « Figaro »

      Ravagés par l’ouragan Irma, Saint-Barthélemy et Saint-Martin sont deux territoires français situés dans les Caraïbes, une zone très exposée aux aléas climatiques. Distantes de seulement 24 kilomètres l’une de l’autre, les deux îles sont pourtant loin d’être similaires. Chômage, immigration, histoire, autant d’aspects qui les différencient.

      • Saint-Barthélemy, l’île huppée des Antilles

      – Géographie : À environ 230 kilomètres de la Guadeloupe et 25 kilomètres de Saint-Martin, Saint-Barthélemy est une île d’origine volcanique de 21 kilomètres carré. Elle en compte quatre de plus si on ajoute les îlots qui l’entourent : Frégate, Coco, Chevreau, Fourchue. Le territoire est à 11h20 de vol de la métropole.

      – Population : D’après l’Insee, il y a 9567 habitants sur l’île. La majorité d’entre eux sont de riches résidents étrangers, surtout américains. Blancs à 95%, les « Saint-Barths » français sont pour la plupart originaires de Bretagne ou de Normandie.

      – Administration : Découverte par Christophe Colomb en 1493, l’île a toujours été française, mis à part une occupation suédoise au XVIIIe siècle. Officiellement rattachée à la Guadeloupe en 1878, elle est l’un de ses arrondissements jusqu’en 2007. Après cette date, Saint-Barthélemy devient une collectivité territoriale à part entière et Gustavia en est sa préfecture.

      – Économie : Grâce à son statut de port franc hérité de l’époque suédoise, les habitants sont non imposables sur le revenu. La principale activité est le tourisme de luxe et « Saint-Barth » est un repaire pour les riches célébrités comme Johnny Halliday, Steven Spielberg, Beyoncé ou encore la mannequin Kate Moss. Le coût de la vie y est extrêmement élevé et le taux de chômage très faible, à 4,3% d’après la Direction générale des Outre-mer.

      • Saint-Martin, une île binationale marquée par l’immigration

      – Géographie : Saint-Martin, île d’une superficie de 90 kilomètres carré, a la particularité d’être à la fois française au Nord, et néerlandaise au Sud. Elle est à égale distance de la Guadeloupe et de Porto-Rico. Deux villes se partagent l’essentiel de l’activité : Saint-Martin et Sint Marteen pour la partie des Pays-Bas. De Paris, on rejoint l’île par un vol de 8h45.

      – Population : Parmi les 72.000 habitants de l’île, 36.457 sont Français, d’après les dernières estimations de la Direction générale des Outre-mer. C’est une population jeune puisque selon l’Insee, 35% des Saint-Martinois ont moins de 20 ans. Le territoire est également marqué par une immigration importante : 32% de ses habitants sont nés à l’étranger. L’île est d’ailleurs surnommée « Friendly Island » car elle regroupe 70 à 100 nationalités, dont de nombreux immigrés d’Haïti ou Saint-Domingue.

       » Lire aussi - Comment les victimes de l’ouragan Irma pourront-elles se faire indemniser ?

      – Administration : Depuis 2007, Saint-Martin est une Collectivité d’Outre-mer et Marigot en est sa préfecture. Auparavant, le territoire était administrativement rattaché à la Guadeloupe. À travers les siècles, l’île à, tour à tour, été occupée par les Britanniques, les Néerlandais et les Français. C’est avec le traité de Paris en 1815 que Saint-Martin passe définitivement sous souveraineté française.

      – Économie : Port franc, Saint-Martin vit essentiellement du tourisme et est vanté comme « un paradis du shopping et de la détaxe ». Pourtant, un tiers de ses habitants sont au chômage.

  • Le premier disque de « jazz »
    http://abonnes.lemonde.fr/festival/article/2017/08/05/le-premier-disque-de-jazz_5169008_4415198.html

    Le prochain livre de Nicolas Beniès, « Le souffle de la révolte » à paraître cet automne chez C&F éditions revient sur cette période de l’histoire et la place qu’y occupe le jazz.

    Bel article de Francis Marmande en attendant la parution...

    Le premier disque de jazz aurait été enregistré le 26 février 1917 à Chicago : un 78-tours gravé dans la cire par la compagnie Victor (fondée en 1901), de l’Original Dixieland « Jass » Band (ODJB) – les guillemets figurent sur l’étiquette. L’étiquette ? Un chien plongeant l’oreille dans le pavillon du gramophone, une invitation à la danse (« for dancing »), et un style : « fox-trot ». L’ODJB, ce sont quatre garçons cornaqués par Nick La Rocca. Tous nés à La Nouvelle-Orléans. Tous blancs, comme le suggère le terme de « Dixieland ». Blancs comme des hosties et tenant à le faire savoir, nom de Dieu ! En un an, plus de 1 million de copies sont vendues dans le pays. Le succès est foudroyant. C’est une révolution musicale, s’enflamment les gazettes. On connaît la chanson.

    C’est pourtant là que tout commence. Est-ce « le premier » ? Le premier quoi ? Vaste question… Une chronologie du jazz de Philippe Baudoin et Isabelle Marquis (Outre mesure, 2005) mentionne, de 1897 à 1917, une trentaine de références enregistrées, du cylindre au disque, en ragtime et autres blues. La Rocca lui-même s’entraînait en accompagnant un gramophone qui jouait les marches militaires de son idole, John Philip Sousa, un officier à bésicles aux airs de colonel bavarois.

    Toujours est-il que le mot « jazz », sans doute habité d’une étrange magie, « fait sensation, il est court, vif, sensuel, vulgaire et sert à tout et à n’importe quoi ». François Billard, dans sa très vivante Vie quotidienne des jazzmen, 1917-1950 (Hachette) n’a pas tort. L’histoire de l’ODJB est retracée par Jean-Christophe Averty (1928-2017), discographe de génie. On peut lire son récit, dans les Cahiers du jazz, créés par le philosophe Lucien Malson, no 3-4 (1961). Au passage, constatant que l’enregistrement impose ses normes, ses distances aux micros et ses durées, il pouvait lui arriver de dire, comme eût dit Alfred Jarry, son guide en provocations : 1917 signe la fin du jazz. Il ne juge guère. Il lui suffit de comparer. Il s’attarde peu sur la personnalité de Nick La Rocca (1889-1961).

    Lequel était, on s’en tient à ses propres propos, autocrate, déplaisant, raciste, mégalomane, et franchement mytho. Il se prenait pour « le Christophe Colomb du jazz ». Ce en quoi il était peut-être, sans le savoir, dans le vrai. Et le musicien ? Contemporain de Buddy Bolden, King Oliver, Freddie Keppard et Louis Armstrong, il joue comme une patate. Depuis l’enfance, il taquine le cornet à pistons. Son adolescence à La Nouvelle-Orléans tient de Ringolevio (Emmett Grogan) et de Mort à crédit (Céline). Pas un Noir à l’horizon.

    En 1917, les Etats-Unis déclarent la guerre à l’Allemagne. Dans les bateaux qui reviennent sur les lieux du crime, Saint-Nazaire, ­Bordeaux, il y a des musiciens. Notamment Jim Europe. Il avait d’ailleurs lui-même enregistré, dès 1913. Devant cette immense aventure qui commence, le symptomatique Original Dixieland Jass Band reste à sa juste place : celle d’un petit combo de gamins qui connurent leur quart d’heure de gloire et qu’une photo montre, en 1921, « apaisant les bêtes sauvages au zoo de Central Park ».

    #Musique #Jazz #Domaine_Public

  • L’#Orient des cartographes

    Bien avant Marco Polo, dès le 1er siècle avant J.-C., la Chine avait établi des relations commerciales avec l’Occident, pour fournir Rome en soie, jade, épices, entre autres matières précieuses. L’Occident se forgeait alors, pour longtemps, le mythe d’un Orient tout d’opulence et de raffinement, pour nourrir ses rêves de richesses et de luxe. Le voyage de Marco Polo en Chine, de 1271 à 1295, conditionna durablement la vision de l’Orient par les Occidentaux. Bien que des omissions dans son témoignage aient pu faire douter de la véracité de ce dernier, son récit Le devisement du monde, pourtant dépourvu de cartes, établit la géographie de la Chine comme l’entendirent les Européens pour les trois siècles suivants. Au 15e siècle, les expéditions vers l’Orient durent explorer de nouvelles voies. Il fallait contourner l’empire ottoman, qui faisait obstacle à toute expédition continentale. Le passage par les terres désormais condamné, ne pouvait-on pas atteindre les Indes en longeant l’Afrique ? Les navigateurs portugais parvinrent enfin à destination après des décennies. Entre-temps furent améliorées la connaissance et la cartographie des côtes africaines, alors imparfaitement connues. Christophe Colomb voulut suivre une autre voie : on en sait les suites. Les Européens ne cherchaient pas alors à découvrir des territoires, mais de possibles routes maritimes. Partir à la rencontre de l’Orient bouleversa la face du monde. Avec cette sélection de cartes anciennes, extraites des riches collections de la BNU, nous suivons un hypothétique voyageur dans son périple vers l’Est, depuis le Proche-Orient jusqu’à la mer du Japon. Sans respect pour la chronologie, se côtoient des cartes d’époques différentes. Reflets d’états de la connaissance divergents, des points de vue se confrontent, avec leurs doutes, leurs erreurs dans le dessin de régions inconnues, l’imagination pouvant venir au secours d’une science lacunaire. Ce voyage mené dans l’espace et le temps, cette brève histoire des échanges avec l’Autre, nous racontent aussi le monde contemporain.


    http://www.lcdpu.fr/livre/?GCOI=27000100237050

    #livre #cartographie #histoire
    signalé par @ville_en

  • Atompunk ou Googie
    Y a-t-il un terme pour désigner l’utilisation des années [40-50-60] dans des fictions (principalement rétro SF) ?
    Ça me fait penser au #Steampunk qui utilise le 19ème siècle d’Eiffel. Ou à la #nazisploitation qui utilise le 3ème reich (souvent v3.5 même).

    Ça porte un nom ? J’aurais dit le style vacuum-fedora parce que ça fait joli, mais je suppose être le seul à l’utiliser.

  • Le saviez-vous ? Les mystères de la carte du musulman Piri Re’is
    https://www.ajib.fr/saviez-mysteres-de-carte-musulman-piri-reis

    En 1929, une carte incomplète datée de 1513 est retrouvée à Istanbul en Turquie, dessinée sur une peau de gazelle elle détaille les côtes occidentales de l’Afrique et les côtes orientales de l’Amérique du sud sur des longitudes relativement correctes. Pourtant cela paraît invraisemblable, en effet au XVIe siècle les connaissances en cartographie sont minimes, d’ailleurs on ne calculait pas encore les longitudes.

    Il s’agit de la carte de Piri Reis de son vrai nom « Piri Ibn Haji Mehmmed » né à Karaman (province) il est amiral de la flotte ottomane. Rendu célèbre pour son œuvre de cartographie, un domaine qui le passionnait, la découverte de sa carte a néanmoins intrigué nombre de scientifiques.
    L’amiral turc dit s’être inspiré d’une vingtaine d’autres cartes dont celles de Christophe Colomb et d’Alexandre le Grand (4ème siècle avant J-C !) . Cependant la particularité de cette carte réside dans la figuration détaillée de la côte de l’Antarctique, officiellement découvert qu’en 1818, soit 300 ans plus tard ! De plus le continent a été cartographié sans glace, un phénomène qui remonterait selon les études à 10.000 ans.

    #cartographie #cartographie_ancienne #histoire cc @alaingresh

    • Point aveugle des programmes d’histoire, l’Amérique Latine est pourtant un continent vers lequel nous gagnerions à tourner plus souvent et différemment nos regards. Contraints, ils ne portent guère plus loin que ce moment toujours présenté comme fondateur de la « découverte de l’Amérique par Christophe Colomb. ». À défaut de pouvoir se plonger dans les soubresauts de son histoire contemporaine en classe à l’appui de nos intitulés de programmes, invitons élèves et collègues à arpenter un chemin de traverse, hors les murs, à la faveur d’un itinéraire balisé par Désirée et Alain Frappier. Destination le Chili du second XXè siècle, décor de leur 4ème roman graphique.


      #BD #bande_dessinée

  • Ni #colonialisme ni soumission des cultures : résistance antifasciste dans l’Etat espagnol
    http://lahorde.samizdat.net/2016/10/18/ni-colonialisme-ni-soumission-des-cultures-resistance-antifasciste

    « Ces personnes sont très simples en armes, comme vous le verrez votre altesse (…) vous pouvez les emmener tous à Castille ou les garder prisonniers dans l’île, car avec cinquante hommes vous les aurez soumis et ils feront tous ce que vous voudrez. » Christophe Colomb, le 14 octobre 1492, deux jours après la découverte des [&hellip

    #Espagne #International #Amérindiens #anticolonialisme #génocide

  • Models of Soviet Avant-garde Architecture – SOCKS
    http://socks-studio.com/2012/09/09/models-of-soviet-avant-garde-architecture

    Époustouflant !

    Thanks to Ross Wolfe, we can feature here these models of Soviet Constructivist architectures (built or non-built), recently made by Australian students of the University Of Western Australia, Faculty of Architecture, Landscape and Visual Arts(ALVA).

    (Descriptions, when present, by Ross Wolfe)

    #soviétisme #architecture #avant_garde

  • Le fond de la question - Victor Hugo, "Les Misérables", tome IV, Livre X via @renaudlambert
    https://fr.wikisource.org/wiki/Les_Mis%C3%A9rables_TIV_L10

    Il y a l’#émeute, et il y a l’#insurrection ; ce sont deux colères ; l’une a tort, l’autre a droit. Dans les états démocratiques, les seuls fondés en justice, il arrive quelquefois que la fraction usurpe ; alors le tout se lève, et la nécessaire revendication de son droit peut aller jusqu’à la prise d’armes. Dans toutes les questions qui ressortissent à la souveraineté collective, la guerre du tout contre la fraction est insurrection, l’attaque de la fraction contre le tout est émeute ; selon que les Tuileries contiennent le roi ou contiennent la Convention, elles sont justement ou injustement attaquées. Le même canon braqué contre la foule a tort le 10 août et raison le 14 vendémiaire. Apparence semblable, fond différent ; les Suisses défendent le faux, Bonaparte défend le vrai. Ce que le suffrage universel a fait dans sa liberté et dans sa souveraineté, ne peut être défait par la rue. De même dans les choses de pure civilisation ; l’instinct des masses, hier clairvoyant, peut demain être trouble. La même furie est légitime contre Terray et absurde contre Turgot. Les bris de machines, les pillages d’entrepôts, les ruptures de rails, les démolitions de docks, les fausses routes des multitudes, les dénis de justice du peuple au progrès, Ramus assassiné par les écoliers, Rousseau chassé de Suisse à coups de pierre, c’est l’émeute. Israël contre Moïse, Athènes contre Phocion, Rome contre Scipion, c’est l’émeute ; Paris contre la Bastille, c’est l’insurrection. Les soldats contre Alexandre, les matelots contre Christophe Colomb, c’est la même révolte ; révolte impie ; pourquoi ? C’est qu’Alexandre fait pour l’Asie avec l’épée ce que Christophe Colomb fait pour l’Amérique avec la boussole ; Alexandre, comme Colomb, trouve un monde. Ces dons d’un monde à la civilisation sont de tels accroissements de lumière que toute résistance, là, est coupable. Quelquefois le peuple se fausse fidélité à lui-même. La foule est traître au peuple. Est-il, par exemple, rien de plus étrange que cette longue et sanglante protestation des faux saulniers, légitime révolte chronique, qui, au moment décisif, au jour du salut, à l’heure de la victoire populaire, épouse le trône, tourne chouannerie, et d’insurrection contre se fait émeute pour ! Sombres chefs-d’œuvre de l’ignorance ! Le faux saulnier échappe aux potences royales, et, un reste de corde au cou, arbore la cocarde blanche. Mort aux gabelles accouche de Vive le roi. Tueurs de la Saint-Barthélemy, égorgeurs de Septembre, massacreurs d’Avignon, assassins de Coligny, assassins de madame de Lamballe, assassins de Brune, miquelets, verdets, cadenettes, compagnons de Jéhu, chevaliers du brassard, voilà l’émeute. La Vendée est une grande émeute catholique. Le bruit du droit en mouvement se reconnaît, il ne sort pas toujours du tremblement des masses bouleversées ; il y a des rages folles, il y a des cloches fêlées ; tous les tocsins ne sonnent pas le son du bronze. Le branle des passions et des ignorances est autre que la secousse du progrès. Levez-vous, soit, mais pour grandir. Montrez-moi de quel côté vous allez. Il n’y a d’insurrection qu’en avant. Toute autre levée est mauvaise. Tout pas violent en arrière est émeute ; reculer est une voie de fait contre le genre humain. L’insurrection est l’accès de fureur de la vérité ; les pavés que l’insurrection remue jettent l’étincelle du droit. Ces pavés ne laissent à l’émeute que leur boue. Danton contre Louis XVI, c’est l’insurrection ; Hébert contre Danton, c’est l’émeute.

    De là vient que, si l’insurrection, dans des cas donnés, peut être, comme a dit Lafayette, le plus saint des devoirs, l’émeute peut être le plus fatal des attentats.

    Il y a aussi quelque différence dans l’intensité de calorique ; l’insurrection est souvent volcan, l’émeute est souvent feu de paille.

    La révolte, nous l’avons dit, est quelquefois dans le pouvoir. Polignac est un émeutier ; Camille Desmoulins est un gouvernant.

    Parfois, insurrection, c’est résurrection.

    Pour mémoire.

    Voir aussi « L’émeute indiscernable »
    https://lundi.am/L-emeute-indiscernable

    « Construire et renforcer notre Parti, telle est la tâche de la séquence qui vient. »

  • Des globes numérisés en trois dimensions | Le blog de Gallica
    http://gallica.bnf.fr/blog/23022016/des-globes-numerises-en-trois-dimensions

    Grâce au mécénat de compétence de la société japonaise Dai Nippon Printing Co., Ltd. et avec le mécénat de la Fondation d’entreprise Total, 55 globes issus de la collection de la BnF ont été numérisés en 3D.


    Globe de Behaim, Allemagne, 1492 (fac-simile)

    Dès l’Antiquité, les Grecs savaient que la Terre était ronde et l’imaginaient au centre d’un univers de sphères. Telle est l’origine des globes nés du savoir et de l’imagination des Anciens. Alors que des globes célestes furent créés dès le Moyen-âge, notamment dans le monde islamique, la production de globes terrestres se développa surtout à partir des grandes expéditions maritimes du temps de Christophe Colomb, permettant ainsi de diffuser les découvertes
    rapportées par les navigateurs sur les différentes régions du monde. Mêlant mythes et hypothèses anciennes aux plus récentes informations, les globes invitent au voyage, au commerce et à la découverte de nouvelles civilisations. Représentant à la fois la connaissance, le pouvoir et la richesse, ils sont aussi des objets d’art de grand raffinement, souvent représentés dans la peinture pour leur valeur esthétique et symbolique.

    Le département des Cartes et plans de la BnF conserve l’une des principales collections au monde de globes terrestres et célestes anciens, composée de plus de 200 objets datant du XIe au XIXe siècle, d’origine européenne ou arabe. Cet ensemble, doté de pièces uniques du XVIe siècle, manuscrites ou gravées sur métal, illustrant les grandes découvertes, témoigne aussi du développement de la production imprimée au siècle d’or hollandais et de la diversification de la production européenne au siècle des Lumières. L’édition du XIXe siècle est également illustrée par quelques pièces remarquables et représentatives de l’évolution du genre, jusqu’au globe de la Lune de l’astronome Camille Flammarion (1896).

    @reka

  • Grand Atlas des empires coloniaux - La Cliothèque
    http://clio-cr.clionautes.org/grand-atlas-des-empires-coloniaux.html

    Un volumineux atlas de 287 pages et une ambitieuse mise à jour à la lumière des derniers travaux de recherche de Christophe Colomb jusqu’aux émeutes urbaines de 2005 en France, héritage colonial. L’ouvrage se présente comme un projet d’histoire globale en écho au thème des Rendez-vous de Blois en octobre prochain : Les empires.

    L’ouvrage est organisé en trois grandes périodes chronologiques : Premières #colonisations - #Empires_coloniaux - #Décolonisations, l’ensemble est complété d’une utile chronologie et d’une abondante bibliographie.

    Un titre incontournable qui devrait être dans tous les CDI.

    Chaque partie, organisée en 4 chapitres, est introduite par un texte de présentation de la période au ton souvent novateur. Chaque carte ou graphe est inséré dans un texte qui fait le point sur le thème retenu.

    #livre

  • #madagascar - Le faux trésor du capitaine Kidd
    http://www.lemonde.fr/archeologie/article/2015/07/14/le-faux-tresor-du-capitaine-kidd_4682173_1650751.html

    d’après une expertise réalisée fin juin par une équipe de l’Unesco que nous avons pu consulter, tout serait faux. Le lingot d’argent ? Du plomb à 95 %. L’épave de l’Adventure-Galley ? Un bout de l’ancien port de l’île Sainte-Marie. Un verdict tranchant qui, pour l’Unesco comme pour Barry Clifford, a un air de déjà-vu : en 2014, l’Américain annonçait avoir trouvé en Haïti le navire de Christophe Colomb, la Santa-Maria, ce que des experts de l’Unesco ont infirmé quelques mois plus tard. L’épave correspondait à un navire bien plus récent, datant du XVIIIe siècle.

  • Sortie mercredi du #film Howard Zinn - Une histoire populaire américaine, première partie : « Du pain et des roses », premier volet d’une trilogie qui va parcourir l’#histoire populaire des #Etats-Unis de Christophe Colomb à nos jours en compagnie de #Howard_Zinn (1922-2010), célèbre historien — et collaborateur occasionnel du Monde diplomatique.
    http://www.histoirepopulaireamericaine.fr

    https://vimeo.com/122405452

    Tous les articles de Howard Zinn : http://www.monde-diplomatique.fr/recherche?s=%40auteurs+Howard+Zinn

    Le livre auquel ce film emprunte son titre, A People’s History of the United States, date de 1980. Pierre Dommergues le recensait alors dans nos colonnes.
    http://www.monde-diplomatique.fr/1980/04/DOMMERGUES/9413

  • L’histoire du coton, ou le rôle central de l’esclavage dans la montée du #capitalisme | Slate.fr
    http://www.slate.fr/story/96103/coton-capitalisme


    Donc, un #livre intéressant mais inégal

    Ce n’est que peu à peu que le #coton est devenu le produit le plus lucratif de la planète. Beckert situe le point de bascule au XVIe siècle, avec l’émergence des empires européens. Le premier voyage de Christophe Colomb dans les Amériques et l’essor du commerce des épices en Extrême-Orient ont généré une ruée vers le coton de plusieurs siècles. Une ruée qui amena l’Europe à s’approprier les terres des Amérindiens et à mettre en place l’#esclavage des Africains –un esclavage qui, au XVIIIe siècle, devient la plus grande migration forcée de l’histoire de l’humanité.

    Une classe marchande est née pour faciliter le commerce des denrées générées par les esclaves –une classe qui ne serait jamais apparue, comme s’efforce de le souligner Beckert, sans l’aide des Etats européens naissants. Les sociétés par actions qui ont créé une grande partie des premières colonies britanniques, par exemple, n’auraient pu exister sans une charte royale. Beckert rebaptise le processus communément appelé « mercantilisme » pour lui donner le nom de « capitalisme de guerre » –arguant que la violence en était la clé de voûte. Sans cet élément, il n’y aurait pas eu de révolution industrielle –la prochaine étape (et la plus importante) de l’histoire de Beckert.

    ‘Empire of Cotton,’ by Sven Beckert

    After a quarter-century of tightly focused studies, historians are addressing extended periods of time and the global dimensions of history. As Thomas Piketty did in “Capital in the 21st Century,” his excellent recent study of wealth and inequality, Sven Beckert takes the long view in “Empire of Cotton: A Global History.” Mr. Beckert’s book is more broadly framed and more readable, but at its heart, as in Mr. Piketty’s book, is inequality.

    #révolution_industrielle

  • Indigènes d’Amérique latine : identités plurielles, mouvements multiples - Centre Tricontinental - CETRI

    http://www.cetri.be/spip.php?article3628&lang=fr

    L’« indianité » en Amérique « latine »

    Les indigènes des Amériques souvent appelés « Indiens » ou encore « Amérindiens » sont ainsi identifiés depuis la fameuse méprise de Christophe Colomb. Au-delà du dénominatif - né certes d’une erreur -, « l’Indien » a représenté et représente toujours celui qui est différent, c’est-à-dire « l’autre », porteur d’une autre culture. L’Indien est en ce sens extérieur au monde dit « occidental ». Mais après 500 ans de métissage, comment identifie-t-on aujourd’hui l’Indien ? Qui est cet « autre » toujours dénommé Indien ? Trois critères de définition coexistent, chacun d’entre eux ayant ses propres champs d’application.

    #peuples_premiers #nations_premières #peuples_autochtones

  • Exclusive: Found after 500 years, the wreck of Christopher Columbus’s flagship the Santa Maria - Archaeology - Science - The Independent
    http://www.independent.co.uk/news/science/archaeology/exclusive-found-after-500-years-the-wreck-of-christopher-columbuss-fl

    More than five centuries after Christopher Columbus’s flagship, the Santa Maria, was wrecked in the Caribbean, archaeological investigators think they may have discovered the vessel’s long-lost remains