person:modi

  • « Un revenu de base en Inde », Thomas Piketty
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/04/13/thomas-piketty-un-revenu-de-base-en-inde_5449649_3232.html

    Chronique. Le plus grand vote de l’histoire du monde vient de commencer en Inde : plus de 900 millions d’électeurs. On dit souvent que l’Inde a appris l’art de la démocratie parlementaire au contact des Britanniques. L’affirmation n’est pas entièrement fausse, à condition, toutefois, d’ajouter que l’Inde a porté cet art à une échelle inconnue avant elle, au sein d’une communauté politique de 1,3 milliard d’habitants, traversée par d’immenses clivages socioculturels et linguistiques, ce qui est autrement plus compliqué.

    Pendant ce temps, le Royaume-Uni a bien du mal à le rester. Après l’Irlande au début du XXe siècle, il n’est pas impossible que ce soit au tour de l’Ecosse de quitter le Royaume et son Parlement en ce début de XXIe siècle. Quant à l’Union européenne et ses 500 millions d’habitants, elle ne parvient toujours pas à mettre en place des règles démocratiques permettant d’adopter le moindre impôt en commun, et continue d’accorder des droits de veto à des grands-duchés rassemblant à peine 0,1 % de ses citoyens. Plutôt que d’expliquer doctement que rien dans ce beau système ne peut être changé, les responsables européens seraient bien inspirés de regarder du côté de l’Union indienne et de son modèle de République fédérale et parlementaire.

    Evidemment, tout n’est pas rose pour autant dans la plus grande démocratie du monde. Le développement du pays est miné par d’énormes inégalités et une pauvreté qui diminue trop lentement. L’une des principales innovations de la campagne qui s’achève est la proposition faite par le Parti du Congrès d’introduire un système de revenu de base : le NYAY (nyuntam aay yojana, « revenu minimum garanti »). Le montant annoncé est de 6 000 roupies par mois et par ménage, soit l’équivalent d’environ 250 euros en parité de pouvoir d’achat (3 fois moins au taux de change courant), ce qui n’est pas rien en Inde (où le revenu médian ne dépasse pas 400 euros par ménage). Ce système concernerait les 20 % des Indiens les plus pauvres. Le coût serait significatif (un peu plus de 1 % du PIB), sans être rédhibitoire.

    Mesures sociales, éducatives et fiscales

    Comme toujours avec les propositions de ce type, il est important de ne pas s’en tenir là et de ne pas prendre le revenu de base pour une solution miracle ou un solde de tout compte. Pour mettre en place une répartition juste des richesses et un modèle de développement durable et équitable, il faut s’appuyer sur tout un ensemble de mesures sociales, éducatives et fiscales, dont le revenu de base n’est qu’un élément. Comme l’ont montré Nitin Bharti et Lucas Chancel, les dépenses publiques de santé ont stagné à 1,3 % du PIB entre 2009-2013 et 2014-2018, et l’investissement éducatif a même baissé, passant de 3,1 % à 2,6 %. Un équilibre complexe reste à trouver entre la réduction de la pauvreté monétaire et ces investissements sociaux, qui conditionnent le rattrapage de l’Inde sur la Chine, qui a su mobiliser des ressources plus importantes pour élever le niveau de formation et de santé de l’ensemble de la population.

    Il reste que la proposition du Congrès a le mérite de mettre l’accent sur les questions de redistribution et d’aller au-delà des mécanismes de quotas et de « réservations », qui ont certes permis à une fraction des basses castes d’accéder à l’université, à l’emploi public et aux fonctions électives, mais qui ne suffisent pas. La plus grande limite de la proposition est que le Congrès a choisi de rester discret sur le financement. C’est dommage, car cela aurait été l’occasion de réhabiliter le rôle de l’impôt progressif, et de tourner définitivement la page de son moment néolibéral des années 1980 et 1990.

    Surtout, cela lui aurait permis de se rapprocher plus explicitement de la nouvelle alliance entre les partis socialistes et de basses castes (SP, BSP), qui proposent la création d’un impôt fédéral de 2 % sur les patrimoines supérieurs à 25 millions de roupies (1 million d’euros en parité de pouvoir d’achat), ce qui rapporterait l’équivalent des sommes requises pour le NYAY, et de renforcer la progressivité de l’impôt fédéral sur le revenu. Au fond, le véritable enjeu de cette élection est la constitution en Inde d’une coalition de gauche, à la fois égalitaire et multiculturelle, seule à même de battre le nationalisme hindou pro-business et antimusulmans du BJP.

    Big business

    Il n’est pas sûr que cela soit suffisant cette fois. Ancien parti hégémonique venu du centre, le Congrès est toujours dirigé par le très peu populaire Rahul Gandhi (issu de la lignée Nehru-Gandhi), alors que le BJP a eu l’intelligence de se donner pour la première fois, avec Modi, un dirigeant aux origines modestes. Le Congrès craint d’être débordé et de perdre la direction du gouvernement s’il se lance dans une coalition trop explicite avec les partis situés à sa gauche.

    Par ailleurs, Modi bénéficie du financement du big business indien, dans un pays qui brille par une absence criante de régulation en ce domaine. Il a en outre habilement exploité l’attentat de Pulwama, au Jammu-et-Cachemire, et les raids aériens qui ont suivi pour faire vibrer les sentiments anti-Pakistan et accuser le Congrès et les partis de gauche de connivence avec l’islam intégriste (cela n’arrive pas qu’en France), dans ce qui risque de rester comme le tournant dans la campagne. En tout état de cause, les graines semées reprendront leur cours, en lien avec les transformations politico-idéologiques en mouvement dans le reste du monde. Les décisions débattues en Inde nous concerneront tous de plus en plus. En cela, cette élection indienne est bien une élection d’importance mondiale.

    Un parti gouvernemental qui promet un revenu de base pour essayer de ne pas perdre les élections, voilà qui n’est pas français.

    #Inde #revenu_minimum_garanti #revenu_de_base

  • Modi’s Strongman Economics - The New York Times
    https://www.nytimes.com/2017/07/09/opinion/narendra-modi-india-strongman.html

    Especially worrying are the consequences of Mr. Modi’s political character. For all his strongman economist posturing, he never repudiates his longstanding Hindu nationalist views. Members of religious minorities fear growing intolerance. Mob violence has increased. Mr. Modi, a lively Twitter commentator, remains quiet for too long and does little to stop the violence.

    Sectarian strife and instability, a worry in itself, also matters for the economy. Who wants to invest if arbitrary political decisions can threaten whole industries? Crackdowns on alcohol sales in much of India badly hurt the tourism industry. Attacks on the trade in cow and buffalo meat threaten an industry that creates jobs for many and that last year earned India much-needed exports worth $4 billion.

    India’s tolerant, secular character forms the bedrock on which a strong economy can be built. You need not be a big economist to grasp that it would be crazy to weaken that foundation.

    #Economie #Inde

  • Playlist : Coloniser / Décoloniser par la chanson
    Gaspard Kiejman, Philarmonie de Paris, le 5 Avril 2017
    http://philharmoniedeparis.fr/fr/magazine/playlist-coloniser-decoloniser-par-la-chanson

    Huit titres pour interroger le rapport de la chanson aux mentalités coloniales et, à l’inverse, aux revendications culturelles et identitaires liées aux processus de décolonisation.

    La chanson a toujours été un moyen d’affirmer une identité, de servir une cause culturelle, de proclamer un message politique ou de nourrir des fantasmes d’exotisme. En parallèle de l’exposition Jamaica Jamaica !, la Cité de la musique-Philharmonie de Paris affronte la question par le prisme des études culturelles, à l’occasion du colloque international « Coloniser/décoloniser par la musique » le vendredi 21 avril 2017. Cette playlist vous propose de découvrir, à travers le reggae, le rap ou encore l’afrobeat, comment la musique a pu et peut encore jouer un rôle déterminant dans les rapports de force géopolitiques et les représentations de l’autre.

    1) FELA KUTI : « COLONIAL MENTALITY »
    https://www.youtube.com/watch?v=9Q2F2TaRghE

    Lagos (Nigéria) est un des ports de l’Atlantique Noir de Paul Gilroy (1993), bible des cultural studies. Fela Anikulapo Kuti s’y est battu, dès son retour d’Angleterre en 1963, pour l’avènement d’une musique décolonisée, qu’il nomme afrobeat. Sa lutte contre la mentalité coloniale passe par des textes virulents autant que par l’utilisation de rythmes inspirés des musiques traditionnelles yorubas.

    2) LAS MARAVILLAS DE MALI : « RENDEZ-VOUS CHEZ FATIMATA »
    https://www.youtube.com/watch?v=2KSzjyPn6Kk

    L’Atlantique noir, c’est un espace de transferts musicaux. Suite à l’indépendance du Mali acquise en 1960, le président Modibo Keita veut affirmer l’identité du pays à travers le développement de la culture et les projets transatlantiques. Ainsi, en 1963, dix jeunes Maliens s’envolent pour La Havane, y étudient et finissent par créer un orchestre de musique afro-cubaine, « Las Maravillas de Mali ». En 1967, ils mettent en pratique leurs enseignements et enregistrent « Chez Fatimata », un cha cha cha qui remportera un succès jamais démenti dans les discothèques de plusieurs pays d’Afrique.

    3) GRAND KALLÉ : « INDEPENDANCE CHA CHA »
    https://www.youtube.com/watch?v=0y6BjNJD0ZM

    Porté par de mêmes inspirations cubaines, Joseph Kabasele dit Grand Kallé écrit ce monument de la musique panafricaine le 20 janvier 1960. Ils le jouent la première fois à Bruxelles, où ils accompagnent la délégation congolaise à l’occasion de la table ronde qui fixa la date de l’indépendance du Congo au 30 juin 1960.

    4) RAS MICHAEL AND THE SONS OF NEGUS : ETHIOPIAN ANTHEM
    https://www.youtube.com/watch?v=rdhl-uuo98Q

    « L’hymne éthiopien universel illustre l’identification populaire des Noirs aux Éthiopiens sur la base d’un imaginaire simultanément biblique, politique et racialisé, constituant l’ethiopianisme », explique Giulia Bonacci, qui s’est passionnée pour l’histoire de cette création panafricaine de 1918, enregistrée ici par Ras Michael and the Sons of Negus (1978).

    5) BOB MARLEY & THE WAILERS : « ZIMBABWE » (LIVE AU STADE RUFARO)
    https://www.youtube.com/watch?v=JnpBtRlfdjc

    Dans la nuit du jeudi 17 au vendredi 18 avril 1980, un concert gigantesque célèbre l’accession à l’indépendance du dernier pays d’Afrique encore sous domination européenne : le Zimbabwe, ancienne Rhodésie du Sud. Devant les représentants de cent États, dont le prince Charles, le président zambien Kenneth Kaunda et le Premier ministre indien Indira Gandhi, Bob Marley et les Wailers interprètent cet hymne reggae. À minuit, l’Union Jack sera descendu du mât du stade pour être remplacé par celui du nouvel État.

    6) CHARLES TRENET : « BIGUINE A BANGO »
    https://www.youtube.com/watch?v=_P8rymfXraU

    Les chansons coloniales qui fleurirent en France pendant la première moitié du XXe siècle, utilisent de nombreux motifs voulus « exotiques », qui entretiennent en réalité sans ambages les rapports de force entre colon et colonisé. Ici, Charles Trenet utilise le rythme de la biguine, née dans les Antilles françaises pour écrire une chanson décrivant la Martinique comme un paradis onirique et lointain, où l’on ne pense qu’à danser.

    7) COURSIL / FANON 1952
    https://www.youtube.com/watch?v=P4l5-sOFc8Y

    « Je suis homme et c’est tout le passé du monde que j’ai à reprendre. - la guerre du Péloponnèse est aussi mienne que la découverte de la boussole. Je ne suis pas seulement responsable de Saint-Domingue ». Frantz Fanon et Jacques Coursil se rencontrent, par l’intermédiaire de cet enregistrement. Surgissant d’un texte de 1952, la pensée de l’écrivain, médecin-psychiatre et combattant anticolonialiste, résonne avec force grâce au timbre puissant du chanteur et trompettiste Jacques Coursil, dans son album Clameurs (2007), un oratorio contemporain.

    8) LA RUMEUR : « NOM, PRÉNOM, IDENTITÉ »
    https://www.youtube.com/watch?v=K-q9yT3teL8

    Fondée en 1997, La Rumeur, grand nom du rap français, fut assignée devant les tribunaux au début des années 2000 pour ses paroles offensives à l’encontre de la police française. Ils dénoncent dans des textes brûlants les tensions urbaines, les échecs des politiques d’insertion sociale et le racisme de la société française. « Énarque ou en Polytechnique qu’on formate à leurs techniques / Me disent complexe comme un conflit ethnique / Et dans ce contexte, j’ai des réflexes de colonisé en retard ».

    #Musique #Musique_et_politique #Colonisation #Playlist

  • Jour après jour - Piquet de grève : La justice rhabille H&M pour l’hiver
    http://www.force-ouvriere.fr/semaine.asp?id=2568

    L’entrepôt, situé au Bourget (Seine-Saint- Denis), a été filialisé en 2009 par la marque et dépend dorénavant de H&M Logistics GBC. Il est passé de plus de 500 salariés en 2009 à 195 cette année. La filialisation de l’entrepôt est indirectement la cause de la grève actuelle. En effet, elle a eu une conséquence que la direction du groupe ne semblait pas avoir anticipée, le changement de convention collective des salariés de l’entrepôt, qui ont quitté la convention de l’habillement pour celle du transport… Or, cette évolution, « au vu des tâches réalisées par les salariés, aurait dû les amener à changer de statut et à devenir des gestionnaires de stocks, alors que le groupe persiste à considérer qu’ils sont des préparateurs de commande », explique Modibo Fofana, le délégué syndical FO. L’enjeu, une progression de leurs rémunérations de près de 30%... Prendre la décision d’une filialisation et refuser d’en assumer les conséquences pour le statut des salariés, c’est toute l’hypocrisie du groupe d’habillement qui a fait 1,9 milliard d’euros de bénéfices en 2012 (+6,6%).