city:bernay

  • Le nombre de #femmes qui vivent à plus de 45 min d’une #maternité a doublé en 20 ans
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/03/21/le-nombre-de-femmes-qui-vivent-a-plus-de-45-mn-d-une-maternite-a-double-en-v

    La mobilisation des élus et d’une partie de la population n’y a rien changé. Après Die (Drôme), Creil (Oise), Saint-Claude (Jura), Le Blanc (Indre), la maternité de Bernay (Eure) a à son tour dû définitivement fermer ses portes, lundi 11 mars, obligeant les femmes enceintes qui devaient y accoucher à se rendre à Lisieux (Calvados), à trente minutes de route, ou à Evreux (Eure) à cinquante minutes.En un peu plus de vingt ans, entre le 1er janvier 1997 et le 11 mars 2019, la France a perdu 338 maternités (413 fermetures et 73 ouvertures) sur 835. A l’issue de cette colossale refonte de la carte sanitaire, le nombre de femmes en âge de procréer se trouvant à plus de quarante-cinq minutes d’une maternité a plus que doublé, passant de 290 000 à 716 000, soit 430 000 de plus. Le nombre de celles se trouvant à plus de trente minutes a, lui, augmenté de près de deux millions, passant de 1,9 million en 1997 à 3,7 millions en 2019.

    • MATERNITÉS AGNÈS BUZYN MET LES SAGES-FEMMES EN PREMIÈRE LIGNE, Sylvie Ducatteau
      https://www.humanite.fr/maternites-agnes-buzyn-met-les-sages-femmes-en-premiere-ligne-669747

      La ministre de la Santé a assuré vouloir « trouver une solution pour qu’il n’y ait plus cette angoisse d’accoucher loin d’une maternité »,
      Interrogée jeudi sur BFMTV et RTL, la ministre de la Santé a assuré vouloir « trouver une solution pour qu’il n’y ait plus cette angoisse d’accoucher loin d’une maternité », alors que 35 de ces établissements ont été fermés récemment ou sont menacés de disparaître au prétexte de pénurie de pédiatres et d’obstétriciens. Agnès Buzyn a promis qu’il y aura « en permanence une sage-femme pour accompagner les femmes enceintes » et les « sécuriser ». Des taxis et des chambres d’hôtel seront également mis à disposition des femmes dont les accouchements sont programmés. Une déclaration qui intervient alors qu’au Blanc (Indre), où se déroulent jusqu’à dimanche des états généraux « des maternités en colère », un nourrisson est né au domicile de ses parents dans la nuit de mardi à mercredi, après que la maternité de la ville a été fermée. La mère de famille n’a pas pu rejoindre le site où elle devait accoucher, distant de 70 kilomètres. S. D.

      suite de : Le nombre de #femmes qui vivent à plus de 45 min d’une #maternité a doublé en 20 ans et compléments (Le Monde)

      Ces chiffres inédits, issus d’une étude réalisée pour Le Monde par le géographe de la santé Emmanuel Vigneron, et qui diffèrent des données produites par la Drees, le service statistiques du ministère de la santé, ne manqueront pas d’alimenter le débat autour des hôpitaux de proximité, l’une des mesures-phares de la loi santé dont l’examen a débuté dans l’Hémicycle le 18 mars. Ces établissements – au nombre de 500 à 600 – ne compteront ni chirurgie ni maternité. Couplée à une réforme des activités de soins et d’équipements lourds, la loi devrait donc à terme entraîner de nouvelles fermetures ces prochaines années.

      « On continue à fermer et à concentrer, on a l’impression que ça ne finira jamais », déplore Rosine Leverrier, la vice-présidente des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité, à la veille des états généraux des maternités de proximité qui se tiendront les 22 et 23 mars au Blanc.

      Les autorités sanitaires, elles, mettent en avant la sécurité des femmes pour justifier ces fermetures, invoquant un manque de médecins spécialistes et des « trous » dans les listes de garde. Une position qui a récemment reçu le soutien d’une vingtaine de syndicats de médecins et de collèges professionnels. « La proximité n’est pas gage de sécurité », avaient-ils fait valoir lundi 25 février, jugeant que la fermeture de certaines maternités est une « nécessité pour préserver la qualité et la sécurité des soins ».

      Article réservé à nos abonnés Lire aussi
      Au Blanc, dans l’Indre, maternité en sursis
      « Il y a quelques endroits où l’éloignement devient trop grand pour être supportable, ce qui condamne les territoires à des morts lentes », juge Emmanuel Vigneron. Pour le géographe, « il faudrait définir une architecture d’ensemble et fixer dans la loi vingt ou trente exceptions territoriales sur la base de critères objectifs, de manière à rendre les fermetures plus acceptables ».
      ___________________
      Note méthodologique

      Avec 716 000 femmes en âge de procréer habitant à plus de 45 minutes de la maternité la plus proche, le géographe Emmanuel Vigneron donne un résultat différent de celui de la direction des études statistiques du ministère de la santé (Drees), qui nous indique un effectif de 326 000. Le rapport 2016 de l’enquête nationale périnatale, cosigné de l’Inserm et de la Drees, indique pour sa part que 7,2 % des femmes ayant participé à l’enquête ont mis 45 minutes ou plus, ce qui correspondrait à un million de femmes. A l’appui de ses calculs, M. Vigneron a utilisé les données de l’Insee, en prenant compte des maternités fermées jusqu’au 11 mars 2019 et des modifications communales survenues entre 1997 et aujourd’hui.

      _____________

      Au Blanc, dans l’Indre, maternité en sursis , Frédéric Potet, 30 juin 2018
      https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/06/30/au-blanc-dans-l-indre-maternite-en-sursis_5323586_3232.html

      Dans sa chronique, notre journaliste Frédéric Potet revient sur l’obligation faite à la maternité de la ville du Blanc, dans l’Indre, de fermer l’été, obligeant les parturientes à aller accoucher à plus d’une heure de chez elles.

      Chronique. Le glas a sonné, mercredi 27 juin, à 18 heures précises, au clocher de l’église Saint-Génitour, au Blanc, dans l’Indre. Au même moment, la sirène de la mairie retentissait à l’unisson, cependant que les compagnies d’ambulance jouaient du klaxon de leur côté. Pareil tintamarre n’est pas habituel dans cette petite cité de 6 500 habitants, située loin de tout centre urbain. Mais il fallait cela pour protester devant l’obligation, pour le moins insolite, faite à la maternité de la ville : suspendre toute activité pendant juillet et août.
      Un peu plus tôt dans la journée, un enfant naissait au Blanc : Ryan, 3,570 kg. La population redoute que celui-ci soit le dernier à voir le jour en ville ; que la maternité, en clair, ne rouvre jamais. A 18 h 30, une chaîne et un cadenas étaient posés par la direction de l’hôpital sur la porte de la salle d’accouchement. La photo de ce verrouillage symboliquement mis en scène n’allait pas tarder à enflammer les réseaux sociaux.


      À 18 h 30, mercredi 27 juin 2018, une chaîne et un cadenas étaient posés sur la porte de la salle d’accouchement par la direction de l’hôpital du Blanc (Indre), en raison de la suspension de toute activité de la maternité pendant juillet et août.

      Si elle n’est pas une première en France, cette fermeture estivale est l’ultime épisode d’un feuilleton qui agite, depuis sept ans, ce coin reculé du Berry. La décision a été prise par l’hôpital de Châteauroux – qui gère celui du Blanc depuis la fusion des deux établissements en 2017 –, au regard des plannings des praticiens. Une modification du système de gardes a fait apparaître des trous dans les tableaux du personnel, composé en partie d’intérimaires. Estimant que la sécurité n’était pas suffisamment assurée, la direction a décrété une suspension temporaire, en accord avec l’Agence régionale de santé (ARS).

      Si l’inquiétude est grande, parmi les habitants, de voir l’interruption se prolonger après l’été, toute aussi vive est la colère provoquée par la méthode mise en œuvre : « Une stratégie fallacieuse de démolition, dénonce la maire de la commune, Annick Gombert (PS). Les autorités de tutelle ne cessent de laisser entendre, depuis des années, que la maternité va fermer. Comment voulez-vous que des praticiens viennent s’installer durablement chez nous face à une telle menace ? »

      Les premières « attaques » remontent à 2011. L’ARS avait alors voulu supprimer l’activité de chirurgie de l’hôpital pour des raisons budgétaires, ce qui aurait entraîné de facto la fermeture de la maternité. Un moratoire avait alors été obtenu par les élus auprès du ministère de la santé, à la suite d’une forte mobilisation de la population.

      « Tous les arguments possibles ont été avancés, au fil des années, pour justifier une fermeture : les finances au début, le nombre insuffisant d’accouchements par la suite – environ 270 par an –, aujourd’hui la sécurité. Il est difficile de ne pas y voir une forme d’acharnement », estime l’ancien maire et député Jean-Paul Chanteguet (PS), partie prenante d’un comité de défense au côté d’un ex-adversaire politique de droite, Jean-Michel Mols.

      L’ARS a beau insister sur le caractère « temporaire » de la suspension, précisant qu’un nouveau point sur les plannings sera effectué en août, le doute s’est installé : « Cette fermeture pendant l’été est un moyen de nous préparer psychologiquement à une fermeture définitive », est persuadée Annick Gombert.

      Les parturientes, en attendant, font grise mine devant les temps de trajet nécessaires pour rejoindre les maternités les plus proches, à Châtellerault (52 km) dans la Vienne, Châteauroux (59 km) et Poitiers (61 km). Toutes étaient situées, « jusque-là », à plus ou moins une heure de route… Elles seront encore un peu plus distantes avec la nouvelle limitation de vitesse à 80 km/h, effective à partir du dimanche 1er juillet.

      Une heure de transport imposée

      Si le code de la santé publique se garde bien de fixer un temps légal maximal pour accéder à une maternité, les professionnels évaluent généralement à quarante-cinq minutes la limite à ne pas dépasser. Cette heure de transport imposée aux habitantes du Blanc passe mal : « C’est une violence faite aux femmes », dénonce la maire de la ville, pour qui l’ARS aurait dû trouver des praticiens remplaçants au lieu de mettre les patientes devant le fait accompli.

      Un malheur n’arrivant jamais seul, la ville doit faire face, en parallèle, à une autre menace de fermeture : celle d’une classe de primaire. Tout comme pour la maternité, une mesure « suspensive » a été prise à l’encontre de l’école Jules-Ferry qui devra, à la rentrée prochaine, s’assurer de compter 175 élèves dans ses effectifs. En deçà, une des sept classes de l’établissement sera condamnée. La commune paierait alors le prix d’une démographie en baisse régulière, et aurait une occasion supplémentaire de fustiger la déliquescence des services publics en milieu rural.

      Une lettre a même été adressée à Brigitte Macron au motif qu’elle a été « plusieurs fois maman et mamie »
      Le Blanc en connaît long sur le sujet depuis 1953, année qui vit sa gare accueillir son dernier train de voyageurs. Ces deux dernières décennies ont été particulièrement douloureuses avec l’arrêt d’une section électrotechnique au lycée de la ville et la fermeture de l’antenne locale de Pôle Emploi. L’hôtel des impôts a, lui, diminué drastiquement ses horaires d’ouverture, alors que la sous-préfecture ne compte plus qu’une poignée de salariés.

      Une cessation de la maternité porterait un coup violent à ce bassin de population classé parmi les plus pauvres de la région Centre-Val-de-Loire. Elle entraînerait dans son sillage la disparition de l’institut de formation en soins infirmiers, la seule formation post-bac de la ville, redoutent les élus et les collectifs de défense.

      Ceux-ci font assaut d’initiatives pour mobiliser l’opinion : dépôt d’une requête en référé au tribunal administratif de Limoges, « appel citoyen » (le 18 juin) devant la sous-préfecture sur l’air de La Marseillaise, mise en scène d’un faux accouchement sur le pont qui enjambe la Creuse, envoi d’une pétition signée par 43 maires au premier ministre… Une lettre a même été adressée à Brigitte Macron au motif qu’elle a été « plusieurs fois maman et mamie ». Elle est signée d’un « groupe de femmes en colère » ayant accouché au Blanc. Ou qui espéraient le faire.

      A Saint-Claude, dans le Jura, un premier hiver sans la maternité, François Béguin, 12 février 2019

      https://www.lemonde.fr/politique/article/2019/02/12/a-saint-claude-dans-le-jura-un-premier-hiver-sans-la-maternite_5422296_82344

      « Quand l’Etat s’en va » 2/5. La maternité de Saint-Claude, dans le Jura, a fermé en avril 2018, à cause de la désaffection des patients et les difficultés de recrutement.

      Sur la route entre le centre hospitalier de Saint-Claude et celui de Lons-le-Saunier (Jura), distants de 60 km, le 30 janvier.
      Sur la route entre le centre hospitalier de Saint-Claude et celui de Lons-le-Saunier (Jura), distants de 60 km, le 30 janvier. RAPHAEL HELLE / SIGNATURES POUR

      [Alors que, à l’écart des grandes métropoles, monte chez les Français un sentiment d’abandon fortement mis en avant dans le cadre du grand débat, Le Monde propose une série sur ces lieux qui souffrent de la fermeture des services publics, transports, écoles, perceptions ou hôpitaux.]

      La neige est tombée drue la nuit précédente sur le Haut-Jura. Installée dans un café à l’entrée de Saint-Claude, Doriane Gardel, 37 ans, le ventre arrondi par cinq mois de grossesse, fait défiler sur l’écran de son portable les photos de la petite route en lacets sur laquelle elle a dû rouler « au pas » quelques heures plus tôt pour se rendre au travail.

      A cause du vent qui a « soufflé » la neige sur la chaussée, les quelques kilomètres qui séparent Septmoncel – la commune de 700 habitants où elle vit – de Saint-Claude lui ont pris cinquante minutes, soit plus du double du temps habituel. Si elle avait dû ensuite rejoindre la maternité d’Oyonnax (Ain), où elle doit accoucher début juin, cela lui aurait demandé dans ces conditions une heure de plus.

      Elle a beau savoir que les routes seront dégagées le jour « J », au printemps, elle n’est pas sereine depuis la fermeture, en avril 2018, de la maternité de l’hôpital Louis-Jaillon, à Saint-Claude. C’est là qu’elle est née en 1981 et c’est là qu’elle a eu son premier enfant en 2014. « J’en ai eu des contractions de stress, je n’arrêtais pas de penser que je pouvais accoucher au bord de la route, explique-t-elle. Après l’annonce de la fermeture, je me suis même posé la question d’un deuxième enfant. Je me suis demandé jusqu’à quand je pouvais le concevoir pour être sûre qu’il n’arrive pas en hiver. »
      Ce raisonnement, Doriane Gardel n’est pas la seule à le faire dans cette région vallonnée, où les temps de transport (quarante minutes de route pour Oyonnax), peuvent très vite s’allonger l’hiver. « On avait convenu avec mon mari que si je n’étais pas tombée enceinte en novembre-décembre, on arrêtait tout », assure Estelle Villaldea Martin, 39 ans, qui vit dans un petit village à côté de Saint-Laurent-Grand-Vaux, à quarante-cinq minutes de la maternité de Lons-le-Saunier, « quand les routes sont bonnes ». Le terme de sa sixième grossesse est prévu en juillet. « Partir à la maternité sur une route enneigée, ce serait un stress énorme », dit-elle.
      A Lavans-lès-Saint-Claude (Jura), au 9ème des 60 km qui séparent le centre hospitalier Louis Jallon de saint-Claude de celui de Lons-le-Saunier, le 30 janvier.


      A Lavans-lès-Saint-Claude (Jura), au 9ème des 60 km qui séparent le centre hospitalier Louis Jallon de saint-Claude de celui de Lons-le-Saunier, le 30 janvier. RAPHAEL HELLE / SIGNATURES POUR "LE MONDE"

      « Mépris » du gouvernement

      Dans cette région enclavée du Jura, où l’on vit de l’industrie, du tourisme et de la proximité avec la Suisse, la décision prise à l’été 2018 par l’agence régionale de santé (ARS) de fermer la maternité, la pédiatrie et la chirurgie conventionnelle (nécessitant une hospitalisation) pour des raisons de sécurité ne passe toujours pas.

      « Au ministère de la santé, à Paris, ils ont une réflexion d’urbain, ils n’arrivent pas à se rendre compte de ce que c’est ici après une chute de neige, avec l’hélicoptère qui ne peut pas venir à cause de la tempête, c’est cette France qu’on oublie », lance Jean-Louis Millet, le maire (divers droite) de Saint-Claude, en conduisant sa voiture sur le plateau enneigé des Rousses, au milieu des forêts et des pistes de ski de fond, quasi désertes à cette saison.

      Depuis deux ans, l’élu ne ménage pas sa peine pour empêcher la fermeture de l’établissement où 342 enfants étaient nés en 2016. Trois recours ont été déposés devant la justice administrative. « J’en suis à quatre-vingts courriers à Buzyn, Hulot, Schiappa, Le Maire… Pas un ne m’a répondu sur le fond », déplore M. Millet.

      Pour protester contre ce « mépris » du gouvernement, il a décidé de boycotter le grand débat national. Une « mascarade », selon lui. Au second tour de l’élection présidentielle, en 2017, M. Millet, qui se présente comme un « villiériste de la première heure », avait publiquement demandé : « Faut-il voter [Marine] Le Pen pour sauver l’hôpital ? », après avoir constaté qu’en réponse à ses courriers, seule la candidate du Front national s’était prononcée en faveur du maintien de la maternité.

      « Ras-le-bol de cette médecine à deux [combien ?! ndc] vitesses »

      Une interrogation qui n’a pas empêché sur ce dossier l’union sacrée des élus municipaux. Dès les premières menaces, M. Millet a reçu le soutien de son opposant historique, l’ancien maire communiste Francis Lahaut qui s’était battu en 1995 pour le maintien des urgences. « Sur cette terre de résistance, il y a une unité absolue autour de la maternité », assure l’hôtelier André Jannet, le président du comité de défense de l’hôpital.

      En lieu et place du grand débat, le comité a organisé, les 26 et 27 janvier, un « référendum d’initiative populaire » dans trente et une communes du Haut-Jura. Plus de 6 000 personnes se sont déplacées pour dire leur attachement à leur hôpital, soit davantage encore que les 5 000 qui avaient manifesté dans les rues de Saint-Claude en mai 2017 à l’appel du comité. « On craignait qu’il y ait une usure mais le soutien de la population ne se dément pas », se félicite M. Millet.

      Dans des « cahiers de doléances et de propositions citoyennes » installés à côté des urnes, des dizaines d’habitants ont couché leur inquiétude et leur colère sur les inégalités d’accès aux soins. « Est-ce que notre santé vaut moins que celle des citadins ? », interroge une femme. « Ras-le-bol de cette médecine à deux vitesses, nous voulons pouvoir bénéficier de soins sans nous poser la question de savoir comment nous rendre dans un hôpital », écrit une autre.

      A Saint-Claude, on sait qu’à travers l’hôpital, c’est une part de l’attractivité de la sous-préfecture du Jura qui se joue. En 2017, les quarante principaux employeurs industriels du bassin, représentant 2 800 emplois, avaient tous signé un texte pour dire leur « inquiétude » et s’opposer aux fermetures.

      « On joue notre survie économique »

      « Quelle absurdité de dégrader ce qui existe », se désole Olivier Jeantet depuis les locaux de son usine de pièces de caoutchouc installée dans le centre-ville depuis plus d’un siècle. « On joue notre survie économique en permanence, on se bat pour ne pas délocaliser nos productions et pendant ce temps, l’Etat détricote les services publics. Si on veut sinistrer la région, continuons comme ça », lance-t-il.

      A en croire le maire, après avoir subi de plein fouet la crise de 2008, l’industrie locale (fonderie, plasturgie) tournerait aujourd’hui à plein régime. « Les carnets de commandes sont pleins et les entreprises ont de gros soucis de recrutement, assure M. Millet. Cet été, certaines ont dû refuser des commandes parce qu’elles n’avaient pas suffisamment de main-d’œuvre. » Sous couvert d’anonymat, un responsable d’usine estime pour sa part qu’« il y a plein de choses qui font que les gens ne veulent pas venir à Saint-Claude : le centre-ville pas animé, la difficulté pour trouver un logement… Alors l’hôpital qui ferme, ça en rajoute une couche… »

      A la direction de l’hôpital, un vaste bâtiment posé en fond de vallée de cette ville construite sur plusieurs étages, on rappelle les raisons qui ont poussé à la fermeture. En octobre 2017, l’ARS Bourgogne-Franche-Comté soulignait une « perte de confiance » de la population dans cet établissement et d’« importants taux de fuite » vers d’autres sites, plus de 40 % des jeunes mères du bassin de vie couvert par le centre hospitalier ayant choisi, en 2016, d’accoucher ailleurs. « Comme il y avait un fort turnover de remplaçants, les femmes se sont lassées de ne pas avoir d’interlocuteur fixe, et la rumeur de la fermeture a fait fuir beaucoup de monde », décrypte un ancien salarié de l’hôpital.

      C’est donc pour des raisons de sécurité liée à la démographie médicale que la maternité s’est vue retirer son autorisation. « Nous avions un problème sanitaire, nous n’avions plus les praticiens nécessaires, explique Guillaume Ducolomb qui dirige les hôpitaux de Saint-Claude et de Lons-le-Saunier depuis mai 2018. On a fonctionné avec un gynécologue à temps plein alors qu’il en fallait six, idem pour les anesthésistes. A la fin, on tournait à 100 % avec des intérimaires. Comment fait-on pour recruter des médecins ? Nous n’avons aucun moyen de contraintes. Quand vous n’avez pas de candidat, vous n’avez pas de candidat. »


      Le centre hospitalier Louis Jallon de Saint-Claude (Jura), dont la maternité s’est vue retirer son autorisation, le 30 janvier.
      Le centre hospitalier Louis Jallon de Saint-Claude (Jura), dont la maternité s’est vue retirer son autorisation, le 30 janvier. RAPHAEL HELLE / SIGNATURES POUR "LE MONDE"

      « On est dans la phase d’après »

      Aujourd’hui, M. Ducolomb assure avoir « tourné la page » de la maternité. « On est dans la phase d’après », dit-il, alors qu’une IRM devrait être installée d’ici à quelques mois à l’hôpital et qu’un projet de traitements de pathologies cancéreuses par chimiothérapie est en discussion pour la fin 2019-2020. « Je ne suis pas là pour fermer l’hôpital mais pour le faire évoluer », assure-t-il.

      Dans la région, tout le monde scrute avec attention comment se passe ce premier hiver sans maternité. Deux accouchements ont eu lieu en catastrophe ces derniers mois, l’un aux urgences, l’autre dans le véhicule du SAMU, sur le bord de la route, le 24 septembre. « Il y a des accouchements inopinés au cœur de Paris », fait remarquer M. Ducolomb, qui vient d’installer une chambre à la maternité de Lons-le-Saunier pour garder les parturientes dont le travail a commencé.
      Céline Champagne, 41 ans, une ex-sage-femme de la maternité de Saint-Claude, installée depuis novembre 2016 en libérale sur le plateau entre Septmoncel et Lamoura, était à la manœuvre le 24 septembre. Elle-même pompier volontaire, elle a formé depuis un an les pompiers « d’une bonne dizaine de casernes » aux accouchements inopinés. « Il faut arrêter d’entretenir cette phobie autour de la fermeture des petites structures », juge-t-elle, appelant à « une réorganisation complète de la répartition des médecins en milieu rural ».
      A la mairie, M. Millet ne désespère pas d’un revirement de l’ARS ou d’une décision favorable du tribunal administratif. Prudemment, il a tout de même mis un « deuxième fer au feu ». Après avoir démarché plusieurs cliniques privées, il espère que l’une d’elles fasse des propositions concrètes sur la chirurgie et l’obstétrique à l’ARS d’ici à la fin du mois.

      #WeDoNotCare

  • Appel national à bloquer les usines d’armements du 29 au 31 mars

    Les assemblées de blessé.es et les collectifs militant pour le desarmement de la police organisent fin mars un week end de blocage de l’usine Alsetex dans la Sarthe où sont fabriqué les grenades et munitions du maintien de l’ordre français. Nous invitons à bloquer toutes les autres usines d’armements qui se situent dans votre région ces mêmes jours.
    ACAB

    DU 29 AU 31 MARS 2019, POUR TOU-TES NOS BLESSÉ-ES !
    BLOQUONS L’USINE ALSETEX ET TOUTES LES USINES D’ ARMEMENT !

    Action à l’initiative de blessé-es, de leurs proches, de leurs soutiens et de collectifs contre les violences d’État.

    Dans le cadre du maintien de l’ordre en métropole et dans les territoires d’outre-mer, l’État français a recours à un arsenal militaire sans commune mesure avec celui utilisé par ses voisins européens. Il est le seul à utiliser des grenades et un des rares à tirer sur la foule avec des balles de gomme.

    Cette usage légitime de la violence était jusqu’alors réservé aux quartiers populaires et aux mouvements de révolte. L’histoire de l’après-guerre est rythmée par une violence systémique qui nous a amené à faire le constat suivant : sur les 20 dernières années, les forces de l’ordre françaises ont mutilé en moyenne 2 à 3 personnes par an et en ont tué en moyenne 15 chaque année.

    Mais depuis le mois de novembre 2018, face à l’ampleur et la spontanéité du soulèvement des Gilets Jaunes, la violence de l’État à l’égard des manifestations s’est considérablement durcie, faisant naître une prise de conscience collective des violences policières. Trois mois de révolte intense ont démontré, par une hécatombe sans précédent, que le facteur principal déterminant la violence d’État, c’est le caractère potentiellement révolutionnaire d’un mouvement de révolte.

    Pourtant, sans être partie prenante du mouvement, Zineb Redouane a été tuée à Marseille, visée à sa fenêtre du quatrième étage par une grenade lacrymogène tirée en plein visage.

    Également, trois personnes ont été éborgnées par des tirs de LBD à la Réunion dans les deux premières semaines de la révolte, suivies de 17 autres en métropole, dont 2 lycéens de 15 et 16 ans et 1 collégien de 14 ans.

    Cinq personnes se sont fait arracher une main par des grenades GLI F4 à Paris, Tours et Bordeaux.

    Plusieurs centaines d’autres ont été grièvement blessées, dont les deux tiers à la tête.

    Et malgré ce carnage, aucun mot, aucun regret, aucune excuse de la part des autorités. Au contraire, la répression se fait chaque jour plus féroce et le ministre de l’intérieur, au comble du cynisme, explique à des enfants dans une mise en scène télévisée comment tirer au LBD.

    Le maintien de l’ordre protège l’État et non le peuple, il est à la fois un placement politiquement rentable pour le pouvoir, apeuré par sa chute possible, et un commerce juteux.

    L’État français se vante en la matière d’un savoir faire et d’une doctrine développés dans les anciennes colonies et sur les territoires d’outre-mer, et inspirées depuis les années 1980-90 par les théories sécuritaires et logiques commerciales agressives des idéologues au service du complexe militaro-industriel étasunien (hypothèse de la vitre brisée, brigades antigang et d’intervention en civil, armes sublétales, militarisation de la police).

    La France achète et utilise des armes chimiques (proscrites par les conventions internationales sur les terrains de guerre) : les grenades lacrymogènes.

    La France achète, vend et utilise des armes de guerre : les grenades GLI F4, les grenades de désencerclement...

    La France achète et utilise des munitions qui mutilent : les cartouches à destination des Lanceurs de balles de défense de 40 et 44 mm (Flash Ball SuperPro et SuperPro2, LBD 40, Kann 44, Riot Penn Arms).

    L’État français offre des milliards d’euros à sa police et aux marchands de mort, tandis que son système de santé est en faillite, que son système social est en faillite, que son système éducatif est en faillite, que son système de transports sert à nous taxer alors qu’il devrait être gratuit (pour le peuple et pour l’environnement) et que les grandes entreprises qui servent l’État refusent de payer des impôts, d’augmenter les salaires et de baisser le temps de travail, et cela alors même que le chômage bat des records.

    Les augmentations d’impôts contre lesquelles nous nous battons servent à payer les armes qui répriment nos révoltes, alors il est temps de frapper là où le bât blesse.

    Bloquer le complexe militaro-industriel français, c’est bloquer l’économie de mort de ce système.

    POUR ZINEB REDOUANE, POUR LES BLESSE-ES, POUR TOU-TES CELLES ET CEUX MORTES DE S’ETRE REVOLTE-ES, DU 29 AU 31 MARS 2019, BLOQUONS L’USINE ALSETEX.

    ET POUR TOU-TES CELLES ET CEUX QUI NE POURRONS VENIR DANS LA SARTHE, NOUS APPELONS A BLOQUER TOUS LES SITES SUIVANTS :

    ALSETEX / GROUPE ETIENNE LACROIX - Siege Social et laboratoire - 6 Boulevard Joffrery - 31605 Muret
    Usine de fabrication - route de Gaudies - 09270 Mazeres

    VERNEY CARRON : fabrique pistolets Flash-ball, grenades de désencerclement - 54 Boulevard Thiers, 42002 Saint-Étienne

    NOBEL : fabrique grenades lacrymogènes - 5 Rue du Squiriou, 29590 Pont-de-Buis-lès-Quimerch

    SAPL : fabrique grenades de désencerclement, gazeuses, matériels de maintien de l’ordre – La Ferté Fresnet, Le Biot, 61550 La Ferté-en-Ouche

    REDCORE : fabrique lanceurs de balles de défense, grenades de désencerclement - Technellys Bât C - 165 rue de la Montagne du Salut, 56600 Lanester

    BGM : distributeur des lanceurs de 40 mm (LBD40 et lanceurs multicoups Penn Arms) - 15, Route de Meaux, Le Bois-Fleuri, 77410 Claye-Souilly

    MSA : fabrique matériels de maintien de l’ordre (casques, boucliers…) - ZI Sud, 01400 Chatillon sur Chalaronne

    PROTECOP : fabrique matériels de maintien de l’ordre - 2194 Route de Thiberville, 27300 Bernay

    RIVOLIER : commercialise et importe les armements étrangers en France - Z.I. Les Collonges, 42173 Saint-Just-Saint-Rambert

    SECURITE TIR EQUIPEMENT : commercialise et importe les armements étrangers et français destinés au maintien de l’ordre - 477, Chemin de l’Avenir, 13300 Salon de Provence

    CENTRE D’EXPERTISE ET D’APPUI LOGISTIQUE : test et homologation des armes destinées au maintien de l’ordre – 168 rue de Versailles, 78150 Le Chesnay

    BANC NATIONAL D’EPREUVE ET D’HOMOLOGATION : test et homologation des armes destinées au maintien de l’ordre – ZI Molina Nord, 5 rue de Méons, 42002 Saint Etienne

    ETABLISSEMENT LOGISTIQUE DE LA POLICE : ZI Buxerolles, 1 rue Faraday, 87000 Limoges

    NOBEL : siège social – 57 rue Pierre Charron, 75008 Paris : fabrique les système de mise à feu des grenades lacrymogène

    BRÜGER & THOMET : fabrique les lanceurs de balles de défense de 40 mm – Tempelstrasse 6, CH-3608 Thun

    PRECISION : même si les événements venaient à être supprimés des réseaux sociaux (pressions des autorités), les rassemblements seront maintenus dans tous les cas. A chacun-e de s’organiser localement pour parvenir jusqu’aux sites, pour s’y rassembler selon les modalités qui lui conviendront et pour prendre ses précautions pour que tout se passe au mieux pour lui/elle. Pour info, les sites de fabrication sont classés SEVESO, c’est à dire avec un haut niveau de sécurité.

    Prévoyez de partir de chez vous 40 minutes à l’avance et de vous garer à 30 minutes à pieds du lieu de rassemblement s’il devait être difficile de se rendre en voiture sur place ou de s’y garer. Organisez vous pour ne pas garer votre véhicule sur le bas-côté de la chaussée, mais sur des chemins vicinaux où le stationnement ne gêne pas. Si les sites devaient être inaccessibles, nous invitons à bloquer les axes qui y mènent ou à se rassembler sur la place principale du village ou de la ville la plus proche.

  • Violences des « Gilets jaunes » sur les Champs-Élysées : un surveillant de prison jugé ce lundi - Le Parisien
    http://www.leparisien.fr/faits-divers/violences-des-gilets-jaunes-sur-les-champs-elysees-un-surveillant-de-pris

    Les forces de l’ordre ont utilisé samedi 5 000 #grenades lacrymogènes, « plus de un(e) par minute, c’est du jamais vu », selon le préfet de police de Paris.

    Les forces de l’ordre ont procédé samedi à 103 interpellations (98 majeurs et cinq mineurs) suite aux heurts qui se sont déroulés toute la journée sur les Champs-Élysées dans le contexte de la #manifestation des #Gilets-jaunes. À l’issue de ces gardes à vue, 45 personnes ont été déférées devant le parquet. 14 personnes suspectées d’avoir participé aux violences seront jugées ce lundi en comparution immédiate. Parmi elles, un profil se détache particulièrement, celui d’un surveillant pénitentiaire de la maison d’arrêt de Fresnes (Val-de-Marne). Le fonctionnaire a été arrêté porteur d’une cagoule et de lunettes de protection, et en possession d’un marteau. Il sera jugé pour #participation_à_un_attroupement_armé en vue de commettre des violences.

    Deux #manifestants vont être jugés selon la procédure du plaider-coupable, tandis que que six autres seront jugés ultérieurement par le tribunal. Pour 23 d’entre eux, le parquet a privilégié une alternative aux poursuites en optant pour un rappel à la loi devant un délégué du procureur. Enfin, 23 gardes à vue ont fait l’objet d’un classement sans suite, essentiellement car les infractions n’étaient pas suffisamment caractérisées.

    Le sort de 27 manifestants dont les gardes à vue ont été prolongées reste encore en suspens. C’est notamment le cas du jeune homme suspecté d’avoir jeté un écrou sur un policier qui risque de perdre son oeil. L’auteur de ce jet de projectile a été placé garde à vue pour « violences volontaires sur personne dépositaire de l’autorité publique ayant entraîné une infirmité permanente ou une mutilation à l’occasion d’une manifestation », une incrimination passible de 15 ans de réclusion.

    Les heurts sur les Champs ont fait en tout 24 blessés dont cinq parmi les forces de l’ordre. Enfin, selon une source officielle, les dégâts sur les Champs ont été estimés à 1,5 million d’euros.

    #justice #maintien_de_l'ordre

    • Les « gilets jaunes » au tribunal : « J’aurais jamais dû mettre les pieds à Paris ! », Pascale Robert-Diard

      Une quinzaine de manifestants poursuivis pour violences ou dégradations en marge du défilé de samedi à Paris ont été jugés en comparution immédiate, lundi.

      Il ne faut pas se fier aux apparences. Par exemple, ce grand gaillard barbu de 32 ans « sans domicile fixe » qui ne dispose que d’une adresse postale chez ses parents et d’une carte d’identité périmée depuis longtemps. Il comparaît, lundi 26 novembre, parmi une quinzaine d’autres participants à la manifestation des « gilets jaunes » de samedi, devant la 23e chambre correctionnelle de Paris pour « participation à un groupement en vue de commettre des violences ou des dégradations ». Il a été interpellé non loin des Champs-Elysées avec un pavé et un couteau.

      La justice, qui traque les casseurs en marge du défilé, pense en tenir un. La présidente, Corinne Goetzmann, avise le tee-shirt noir porté par le prévenu, barré d’un slogan imprimé façon tag qu’elle a lu un peu trop vite.
      « Et ce tee-shirt ?, lui demande-t-elle.
      – Ben, la chèvre, c’est l’Ardèche. Et “goat”, c’est chèvre en anglais. Il épelle : We’ve GOAT the power… »
      Il vit en Ardèche, dans un camion. « En fait, je suis woofer sur un petit terrain. Je paie pas l’électricité en échange de quelques travaux. Le pavé, je l’ai ramassé parce que là, je fais une formation de tailleur de pierres. Et le couteau, c’est une question d’habitude, je me lève le matin, je mets mon pantalon et mon couteau dans ma poche. » Condamné à deux mois avec sursis pour port d’armes.

      « Je gagne environ 8 000 euros par mois »
      Le suivant portait, lui aussi, un couteau, un Opinel. Il a 26 ans, il vient de Thonon-les-Bains, en Haute-Savoie. « Détenir une arme de catégorie D est une infraction », lui explique solennellement la procureure. Le prévenu hausse les épaules. « Vous savez, chez nous, tout le monde a un Opinel sur soi. Je vais pas me défendre de ça. » Il avait aussi une matraque dans son sac. « Je l’ai ramassée par terre, je voulais la ramener en souvenir. Je suis conseiller financier, je suis pas venu pour casser du policier ! Je voulais juste exprimer mon mécontentement.
      – Quels sont vos revenus ?
      – Je travaille en Suisse, je gagne environ 8 000 euros par mois.
      Son jeune avocat commis d’office écarquille les yeux.
      – Et votre compagne ?
      – Elle travaille aussi en Suisse. Elle gagne 3 500 euros. »
      Condamné à trois mois avec sursis pour port d’arme.

      Le tour de France des mécontents se poursuit. Venu de Poitiers, un beau gars en pull vert a été arrêté avec des gants, des pierres et une tête de grenade. Il a 33 ans, vit chez ses parents, accumule les CDD au Futuroscope.
      En provenance de La Rochelle, un gamin de 22 ans, interpellé avenue Montaigne avec barre de fer, cagoule et deux flacons de parfum Christian Dior – « ramassés dans la rue », dit-il –, vit lui aussi chez ses parents. Il travaille en intérim pour 1 500 euros mensuels. « Je voulais faire du sport, j’ai été obligé de me rabattre sur le métier de peintre en bâtiment », souffle-t-il. Soixante-dix heures de travaux d’intérêt général.
      De Saint-Georges-la-Pouge, un village de 365 habitants dans la Creuse, arrive un homme de 35 ans, qui tremble de tous ses membres. Il perçoit 950 euros d’indemnités chômage, a travaillé comme charpentier et monteur de réseau aérien. Il est accusé d’avoir jeté des pavés contre un kiosque à journaux et contre les forces de l’ordre. Il demande le renvoi de son procès, la procureure requiert son placement en détention d’ici là.

      « J’suis quelqu’un de la campagne, moi »
      « Je regrette vraiment d’avoir pris ces deux bon sang de pavés. Je voulais juste être écouté et voilà où ça m’a mené. » Il pleure soudain comme un enfant. « J’suis quelqu’un de la campagne, moi. J’suis d’un milieu pas facile. Ma copine a un dossier de surendettement. J’suis fait pour vivre dehors. Si vous m’enfermez, je me ferai du mal. J’aurais jamais dû mettre les pieds à Paris… » Il ressort sous contrôle judiciaire en attendant son procès, en janvier.
      De Bou, 902 habitants dans le Loiret, est monté dimanche à Paris un soudeur de 34 ans, 1 700 euros par mois. « Je vis chez ma mère, mais je participe aux charges familiales, précise-t-il. Je regrette, je me suis laissé emporter. Je voudrais bien rentrer pour reprendre mon travail. »
      Un célibataire sans emploi de 29 ans, qui a bossé « dans l’élagage, l’imprimerie, les serres et, pour finir, comme cariste », espère à tout prix retourner le soir même en Corrèze, où sa grand-mère est décédée dimanche. « J’ai manifesté chez moi le week-end dernier et pendant la semaine. Comme il y a des gens qui étaient venus nous agresser, j’ai pris une lacrymo et un poing américain pour Paris. Mais c’était pour me défendre, pas contre les policiers ! »
      Un conducteur de chantier de 23 ans, une chômeuse de 27 ans, mère célibataire d’une petite fille, dont le dernier emploi était serveuse chez McDo, supplient, eux aussi, le tribunal de les laisser rentrer chez eux. Tout comme ce chauffeur de bus en formation. « Ça se termine vendredi et après, normalement, j’accède directement au centre bus de la RATP. »

      Le plus âgé des prévenus a 40 ans. Il a manifesté, dit-il, « contre la dégradation du service public ». Il a été arrêté avec une cagoule, des gants et un marteau. Ancien militaire, il est depuis plus de dix ans surveillant pénitentiaire.
      Pascale Robert-Diard

    • Les « gilets jaunes » en comparution immédiate : « Les bouteilles d’essence, c’était pour faire le malin devant les copains », Pascale Robert-Diard et Jean-Baptiste Jacquin

      Soixante-dix prévenus ont été jugés, lundi, à Paris, après les interpellations en marge de la manifestation du 1er décembre. Dix-huit peines de prison ferme ont été prononcées.

      Il est minuit passé de quelques minutes et, dans le box de la salle d’audience 6-05 du tribunal de grande instance de Paris, l’un des six prévenus reste prostré sur le banc, la tête enfouie dans ses mains. Le tribunal vient de lui annoncer sa condamnation à trois mois ferme avec #mandat_de_dépôt, il part donc immédiatement en #prison. Il a 21 ans, vit dans une bourgade proche de Nevers et travaille comme intérimaire dans une usine de métallurgie. Il a été interpellé samedi 1er décembre, en fin de matinée, boulevard Haussmann, près des grands magasins. Dans son sac, les policiers ont trouvé deux paires de lunettes de piscine, sept masques de protection, un masque de plongée, un casque de ski, des genouillères, des protège-tibias, une protection dorsale, un pistolet à gaz, un poing américain, deux matraques télescopiques, des bouteilles en verre et d’autres en plastique contenant deux litres d’essence, des chiffons imbibés et… un gilet jaune.

      « On a vraiment l’impression que vous êtes venu pour en découdre », observe la présidente, Anne Wyon. Il lève vers elle un long visage blême, un regard terrorisé. « J’sais pas si j’aurais été capable. Les bouteilles d’essence et tout, c’était pour faire le malin devant les copains », répond-il. « Là, vous parlez d’une toute petite voix, mais au téléphone, vous vous réjouissiez beaucoup », réplique-t-elle. Sa messagerie est en effet bavarde. Les policiers ont consigné les échanges qu’il a eus avec son groupe sur l’application WhatsApp. « Un pote militaire m’a dit, le feu c’est mieux », « on est bien équipé [il dressait la liste] mais pour les cocktails, j’hésite ». Entre eux, ils réglaient les derniers détails de leur venue à Paris. « Y’en a vingt qui montent et on rejoint les black blocs », lui dit un de ses interlocuteurs. Lui a pris le train de 6 heures samedi à Nevers. « Faut bouger son cul maintenant, y’en a marre », a-t-il écrit.

      Soixante-dix prévenus jugés
      Au même moment, dans la chambre voisine présidée par Isabelle Prevost-Desprez, un électricien de 23 ans est condamné à dix mois de prison avec mandat de dépôt. Venu manifester de Saincaize-Meauce dans la Nièvre, il nie les accusations portées par la police. Il ronge ses ongles en affirmant que la pince, les boulons et les morceaux de bitume retrouvés dans son sac à dos lors de la fouille qui a suivi son interpellation avenue de Friedland à 15 h 15, « ce n’est pas à moi ».
      « Et les policiers qui vous ont vu jeter des pavés ?, interroge la présidente.
      – Ils ont dû confondre avec quelqu’un d’autre. »


      Le 3 decembre 2018, Tribunal de Paris. Ce père de famille de 3 enfants écope de 3 ans ferme aménageable. Il était accompagné de 4 personnes, à peine sortis de la voiture ils auraient été arrêtés par les CRS et placés en garde à vue car certains avaient des masques en papier et d’autres des pétards. Ils n’auraient même pas eu le temps d’aller à la manifestation des gilets jaunes samedi 1 dec 2018. En garde à vue, les lacets sont retirés.

      Un peu plus tôt dans l’après-midi, dans une autre des cinq chambres mobilisées pour les comparutions immédiates à la suite des violences du 1er décembre à Paris, un Nîmois de 40 ans, sans emploi, qui vit du RSA, squatte chez des copains en échange de petits services de mécanique, a été condamné lui aussi à six mois d’emprisonnement dont trois ferme avec mandat de dépôt. Il a été interpellé avec tout un attirail de protection, un lance-pierre « professionnel » et des billes de plomb. « J’allais chez des copains, le lance-pierre, c’était pour tirer sur des canettes avec les enfants », avait-il tenté d’expliquer. Mais lui aussi avait eu l’imprudence de poster des messages sur la page Facebook des black blocs, de retour de plusieurs blocages sur les ponts à Valence avant de se décider à « monter sur Paris ». « C’est bien la guerre. Il faut s’organiser. Je suis déterminé », écrivait-il.

      Sur les soixante-dix prévenus jugés lundi, dix-huit peines de prison ferme – toutes aménageables – ont été prononcées et six mandats de dépôt ont été décernés. Loin des prévisions de l’administration pénitentiaire qui s’était organisée pour accueillir une cinquantaine de condamnés dans la nuit. Loin, surtout, des images de violences qui ont déferlé sur les écrans de télévision tout au long de la journée du 1er décembre.

      Chaos et confusion
      « Mais comment ça se fait qu’on n’a pas les casseurs ? », demande une des policières affectée à la surveillance d’une salle d’audience à ses collègues de la Préfecture de police de Paris venus pointer sur leurs ordinateurs portables les résultats des interpellations. « Ils courent plus vite et sont plus malins. Et on est coincé. Là, les manifs ne sont pas encadrées. Ça part dans tous les sens. Si on y va trop fort, on va faire mal. Si on lâche, ça va continuer », soupire son interlocuteur.

      Les lieux et les heures d’interpellation des prévenus témoignent du chaos et de la confusion de la journée de samedi. Certains ont été cueillis lors de contrôles matutinaux gare de Lyon, d’autres en milieu de matinée dans les rues autour de l’Arc de triomphe, et sur les Champs-Elysées et, plus tard, près de la Bastille, dans le quartier des grands magasins, ou encore près de la gare de Nord, alors qu’ils s’apprêtaient à reprendre leur train.

      Peu de « pilleurs », parmi eux. Un maçon de 24 ans, interpellé à 20 h 45 rue du Faubourg-Saint-Honoré pour avoir ramassé un casque de vélo devant le magasin Decathlon dont la vitrine venait d’être brisée, se défend d’en être un. « Ça balançait de partout, il y avait autant de cailloux qui tombaient par-derrière que de bombes lacrymogènes qui volaient par devant, j’ai pris le casque pour me protéger, pas pour voler », s’est-il justifié. Le casque a été placé sous scellé et son bref utilisateur, déjà condamné pour vol dans le passé, a été condamné à trois mois de prison avec sursis.

      « J’allais m’acheter des chaussures chez Louboutin »
      Trois amis de Bondy (Seine-Saint-Denis), âgés de 21 et 22 ans, ont été arrêtés beaucoup plus tard, vers 3 heures du matin sur le périphérique nord. En contrôlant l’intérieur de leur BMW, les policiers ont trouvé un lot de médailles de collection à l’effigie de l’Arc de triomphe, les mêmes que celles qui avaient été dérobées lors du saccage du monument. Ils ont affirmé les avoir négociées « 10 euros pièce » à un receleur. L’examen de leurs portables a révélé que deux d’entre eux se trouvaient dans la matinée au centre de Paris. « Rien à voir avec la manif, j’allais m’acheter des chaussures chez Louboutin et mon copain m’accompagnait », explique le prévenu. Le tribunal écarquille les yeux. « Des Louboutin ? Vous pouvez préciser le prix d’une paire de chaussures chez Louboutin ?
      – Dans les 800 euros.
      – Et vous gagnez 1 800 euros comme chauffeur-livreur ?
      – C’était pour mon anniversaire. »
      Ils sont condamnés à quatre-vingt-dix jours-amendes à 20 euros pour l’un, 10 pour l’autre. Le troisième est relaxé.
      Venus à Paris par petits groupes, en covoiturage ou en car, ils arrivaient de Gap, d’Yssingeaux, de Harfleur, d’un village des Ardennes, de Dreux, du Loiret, de Nice, de Brezolles dans l’Eure-et-Loir, de Gournay-en-Bray en Seine-Maritime, de Moselle, de Feuquières-en-Vimeu dans la Somme, de Toulon, d’Echemiré dans le Maine-et-Loire, de Carcassonne ou encore de Bernay dans l’Eure. Ils ont acheté leur panoplie de manifestants (masques de protection, bombes de peinture, huile de vidange, lunettes de piscine) chez Decathlon, Leroy-Merlin, ou Action « à 89 centimes la bombe de peinture à l’eau », précise l’un des prévenus. « L’huile de vidange, c’était juste pour rendre la peinture plus graissante », indique un autre.
      « Un coup de sang »
      Ils – les prévenus sont tous des hommes – sont chauffeurs de poids lourds – bien représentés – et gagnent de 1 200 à 2 500 euros par mois, soudeur ou mécanicien à 1 250 euros, auxiliaire de vie à 3 000 euros « auprès d’un vieux monsieur à Nice, mais je suis surendetté suite à des accidents de vie », livreur à 1 500 euros, imprimeur « depuis vingt et un ans dans la même entreprise », « enquêteur de satisfaction » à 1 287 euros, forgeron, électricien chez Enedis, menuisier salarié d’une commune à 1 365 euros, agent de fabrication à 1 700 euros « sur treize mois », maçon en intérim, conducteur d’engin chez Suez à 1 700 euros, responsable de projet chez ArcelorMittal à 3 500 euros, éboueur chez Derichebourg, « poseur de voies » à la RATP, cantonnier à 1 200 euros – « Moi, le gilet jaune, c’est ma tenue de travail », dit-il – garçon boucher.

      Lui, justement, fait partie de ceux qui ont été condamnés à de la prison ferme (quatre mois). Il a eu, explique-t-il, « un coup de sang » et il a foncé tête baissée sur les policiers. Il lui en reste un énorme coquard bleu virant au violet sur le visage. Il dit qu’il a voulu « s’investir dans le mouvement, en devenir l’un des porte-parole, parce que le peuple, la société, vont très mal. Très, très mal. Nos retraités ont travaillé toute leur vie et on leur enlève 100 euros. Et moi, j’ai la corde au cou. Je me lève tous les matins pour aller à l’abattoir. »
      « Vous avez des dettes ?, s’enquiert le juge.
      – Ben, des poules, des canards, des lapins…
      – Non, je demandais si vous avez des dettes », répète le juge.
      Un autre explique qu’il « fait de l’empotage ».
      – Vous travaillez dans une jardinerie ?
      – Non, je remplis des containers. Vous voyez ? »
      Le tribunal n’a pas l’air de voir vraiment.
      « C’est le chat qui se mord la queue »
      Tous affirment qu’ils voulaient manifester « pacifiquement ». « J’imaginais pas tomber sur des violences comme ça. Je suis un peu déçu par le mouvement, même si je le soutiens », déclare un carrossier peintre de Senlis, qui touche le RSA depuis quelques mois et dort, faute de logement à lui, dans le garage d’un copain depuis sa rupture conjugale. « Mon copain voulait m’embaucher mais il ne peut pas, à cause des charges. Alors vous voyez, Mme la juge, quand vous avez pas de logement, vous avez pas de boulot, c’est le chat qui se mord la queue et on se sent abandonné.
      – En même temps, quand vous allez à l’hôpital, on vous soigne gratuitement, observe la présidente.
      – Bah, je vois pas le rapport…
      – C’est parce que vous dites que vous vous sentez abandonné.
      – Heureusement, je touche du bois [il appuie ses mains sur la barre du box]. J’ai pas de problèmes de santé. Mais je trouve qu’on a vite fait de tomber dans l’oubli, aujourd’hui. »
      Ce gamin de 19 ans et trois jours était venu d’Angers, « manifester pour le peuple et pour [s]es parents ». « Ils sont surtaxés, il faut que ça s’arrête », explique-t-il, tête baissée. Avec son casque rouge sur la tête à quelques encablures de l’Arc de triomphe, il a été vite repéré par les policiers.
      « Pourquoi avez-vous jeté un pétard sur les CRS ?, lui demande Isabelle Prevost-Desprez.
      – Pour les disperser !
      – Vous êtes un peu prétentieux », s’amuse la magistrate.
      Le problème est qu’il a écrit « on va grailler du CRS » sur l’application Messenger à l’attention de sa petite amie.
      « Ça veut dire quoi grailler du CRS ?
      – Manger du CRS… Mais c’était pour crâner devant elle. »
      Habitant chez ses parents dans la campagne du Maine-et-Loire, sans la moindre qualification après avoir quitté le collège en cours de 3e, il n’est inscrit ni à Pôle emploi ni à la mission locale. La présidente évoque un travail d’intérêt général. Il fait la moue. Ce sera finalement douze mois de prison dont six ferme et six en sursis avec mise à l’épreuve.
      « Je suis venu pour ma grand-mère »
      Deux beaux-frères – chacun a épousé la sœur de l’autre – entrent côte à côte dans le box. Ils sont montés à 2 heures du matin samedi dans le bus « des 57-54 » celui de la Moselle et de la Meurthe-et-Moselle, « pour montrer notre mécontentement à M. Macron. » « Moi, je soutiens le mouvement, parce que j’en ai marre des taxes. Je gagne bien ma vie mais je suis venu pour ma grand-mère qui s’excuse auprès de ma fille de lui donner qu’un billet de 5 euros pour Noël. » Il est venu aussi avec un Taser et des casques de chantier. « Les slogans et les banderoles, ça ne suffit pas ? », lui demande un des juges. « A Longwy, l’autre jour, quand on faisait des barrages, on a eu des personnes, disons, peu recommandables, qui nous ont agressés. C’était des gens de la cité qui cherchaient la misère… Alors, on a voulu se protéger. »
      Le procureur Pascal Besnier s’agace : « C’est curieux cette manifestation où tout le monde dit vouloir se protéger de tout le monde : les antifa se protègent des fachos, les fachos des gauchos et les autres de ceux des cités… » Dans leurs réquisitions, les représentants du parquet insistent tous sur le « contexte ». « A partir de 8 h 50, tous les médias ont relayé en boucle les affrontements qui avaient commencé près des Champs-Elysées, puis les voitures incendiées et les projectiles lancés sur les forces de l’ordre. Ceux qui décidaient alors de se rendre sur ces lieux savaient que ce n’était plus pour manifester pacifiquement, mais pour en découdre avec les forces de l’ordre », a ainsi martelé la procureure devant la chambre 24.1.

      Un argumentaire qui permet de poursuivre des personnes interpellées avant même qu’elles aient rejoint les manifestants ou commis la moindre dégradation, comme ce groupe de cinq trentenaires de l’Essonne qui venaient de se garer avenue des Ternes et se sont fait arrêter alors qu’ils payaient à l’horodateur. Quatre d’entre eux ont de belles situations d’ouvriers spécialisés chez Safran et travaillent sur des moteurs d’avion. En fonction de ce qu’ils transportaient dans leurs sacs (masques, pétards, sérum physiologique, etc.), leurs peines s’échelonnent de huit mois avec sursis à trois mois ferme.
      Ceux qui ont demandé le renvoi de leur procès à une date ultérieure pour préparer leur défense, sont repartis lestés d’un contrôle judiciaire qui leur interdit de revenir à Paris d’ici là et d’une obligation de pointage au commissariat ou à la gendarmerie, souvent fixée, à la demande du parquet, au samedi matin. La part (infime) de la justice pour tenter de réduire le nombre des prochains manifestants dans la capitale.