• #François_Héran : « A vouloir comprimer la poussée migratoire à tout prix, on provoquera l’inverse »

    Le professeur au Collège de France estime, dans une tribune au « Monde », que la #régularisation « au compte-gouttes » des étrangers prévue dans la loi adoptée le 19 décembre finira en réalité par accroître l’immigration irrégulière, tant l’offre et la demande de travail sont fortes.

    La #loi_sur_l’immigration votée mardi 19 décembre n’est ni de droite ni de gauche. Quoi qu’en dise le président de la République, elle a sa source à l’#extrême_droite. Lors des débats du mois de mars, les sénateurs Les Républicains (LR) avaient repris en chœur les formules outrancières du Rassemblement national (RN) :« #submersion_migratoire », « #chaos_migratoire », « #immigration_hors_de_contrôle », « #explosion » des demandes d’asile, etc. Or les #données disponibles, rassemblées par Eurostat et l’ONU, ne disent rien de tel. C’est entendu, en France, comme dans le reste de l’Occident libéral, la migration progresse depuis l’an 2000, de même que la demande de refuge, mais de façon linéaire et non pas exponentielle quand on fait la part de la pandémie de Covid-19 en 2020-2021.

    Comment peut-on soutenir que la #migration_familiale vers notre pays serait une « #pompe_aspirante » qu’il faudrait réduire à tout prix, alors qu’elle est en recul depuis dix ans à force d’être prise pour cible par les lois antérieures ? Au sein de ce courant, une faible part relève du « #regroupement_familial » stricto sensu, soit 14 000 personnes par an environ, conjoints ou enfants mineurs, réunis en vertu d’un droit qui n’a rien d’automatique, contrairement à une légende tenace. Mais l’#erreur la plus flagrante, celle qui alimente largement la nouvelle loi, consiste à vouloir priver les étrangers, selon les mots prononcés par Eric Ciotti, le patron des Républicains, à l’issue du vote, des avantages « du modèle social le plus généreux d’Europe, qui fait de la France la #destination_privilégiée pour les migrants ». Il s’agit là d’une #croyance jamais démontrée.

    Marchands d’#illusion

    Il ne suffit pas, en effet, de constater que tel dispositif d’#aide_sociale existant en France au bénéfice des migrants est sans équivalent à l’étranger ou affiche un montant supérieur, pour qu’on puisse en conclure que la France serait plus « attractive ». Ceci vaut pour tous les dispositifs visés par la loi : allocation pour demandeur d’asile, aide médicale d’Etat, aide au logement, droit du sol, accès à la naturalisation…

    La seule démonstration qui vaille consiste à examiner les « #préférences_révélées », comme disent les économistes, c’est-à-dire à vérifier si les demandeurs de séjour ou d’asile ont effectivement privilégié la France comme destination depuis cinq ou dix ans, dans une proportion nettement supérieure à celle de son poids démographique ou économique au sein de l’Union européenne. Or, il n’en est rien, au vu des données d’Eurostat rapportées à la population et à la richesse de chaque pays. La France réunit 13 % de la population de l’Union européenne et 18 % de son PIB, mais n’a enregistré que 5 % des demandes d’asile déposées en Europe depuis 2013 par les réfugiés du Moyen-Orient, et 18 %, pas plus, des demandes d’origine africaine. Comment croire qu’elle pourra durablement se défausser sur les pays voisins après la mise en œuvre du Pacte européen ? Les politiciens qui font cette promesse à l’opinion sont des marchands d’illusions.

    Trop de loi tue la loi. A vouloir comprimer la poussée migratoire à tout prix au lieu de la réguler de façon raisonnable, on provoquera l’inverse du résultat recherché. Loin de tarir l’afflux des immigrés en situation irrégulière, la régularisation au compte-gouttes finira par l’accroître, tant sont fortes l’offre et la demande de travail. On a beau multiplier les effectifs policiers aux frontières, les entrées irrégulières ne cessent de progresser, quitte à se frayer de nouvelles voies.

    S’il est heureux que la régularisation des travailleurs sans papiers ne dépende plus du bon vouloir de l’employeur, le renforcement des pouvoirs du préfet dans la décision finale va dans le mauvais sens. A l’heure actuelle, déjà, comme l’a rappelé un avis sur la loi de finances 2023, un tiers au moins des préfets n’utilisent pas la #circulaire_Valls sur les #admissions_exceptionnelles_au_séjour, par idéologie ou par manque de moyens. La nouvelle loi fera d’eux plus que jamais des potentats locaux, en creusant l’#inégalité_de_traitement entre les territoires. Dans son rapport de 2013 sur le « #droit_souple », le Conseil d’État avait salué la circulaire Valls, censée rapprocher les critères de régularisation d’une #préfecture à l’autre au profit de l’« #équité_de_traitement ». C’est le contraire qui s’est produit, et l’ajout de critères civiques n’atténuera pas le caractère local et subjectif des décisions.

    Le contraire du #courage

    On nous oppose l’#opinion_publique, la fameuse « attente des Français » véhiculée par les sondages. Faut-il rappeler que la #démocratie ne se réduit pas à la #vox_populi et à la « #sondocratie » ? Elle implique aussi le respect des minorités et le respect des #droits_fondamentaux. Les enquêtes menées avec rigueur sur des échantillons suffisamment solides révèlent que les opinions recueillies sur le nombre des immigrés, leur utilité ou leur comportement dépendent fortement des affiliations politiques : les répondants ne livrent pas des #constats mais des #jugements.

    Dès que les questions précisent les contextes et les situations, comme c’est le cas de l’enquête annuelle de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, les opinions se font plus nuancées, le niveau de tolérance augmente. Mais les recherches qui font état de ces résultats ne peuvent s’exposer dans les limites d’une tribune, et rares sont les quotidiens qui font l’effort de les exposer.

    Osera-t-on enfin porter un regard critique sur les formules magiques ressassées ces derniers mois ? La « #fermeté », d’abord, affichée comme une qualité positive a priori, alors que la fermeté n’a aucune #valeur indépendamment du but visé : de grands démocrates ont été fermes, mais de grands autocrates aussi. Il en va de même du « #courage », tant vanté par les LR (le projet de loi initial « manquait de courage », le nouveau texte est « ferme et courageux », etc.), comme s’il y avait le moindre courage à caresser l’opinion publique dans le sens de ses #peurs.

    La #démagogie est le contraire du courage ; la parole « décomplexée » n’est qu’un discours sans scrupule. Le vrai courage aurait été de rééquilibrer les discours destinés à l’opinion publique en exposant les faits, si contrastés soient-ils. Le président de la République avait souhaité « un compromis intelligent au service de l’intérêt général » : il a entériné une #compromission irréfléchie qui lèse nos #valeurs_fondamentales.

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/12/21/francois-heran-a-vouloir-comprimer-la-poussee-migratoire-a-tout-prix-on-prov

    #loi_immigration #France #19_décembre_2023 #chiffres #statistiques #fact-checking #afflux #idées_reçues #propagande #discours

    voir aussi cet extrait :
    https://mastodon.social/@paul_denton/111617949500160420

    ping @isskein @karine4

  • Palestinian woman shot dead after her car hits vehicle, 2 Israelis lightly injured
    June 24, 2016 3:25 P.M. (Updated: June 25, 2016 10:28 A.M.)
    http://www.maannews.com/Content.aspx?id=771991

    BETHLEHEM (Ma’an) — A Palestinian woman was shot and killed Friday afternoon after her car crashed into a stationary vehicle, lightly injuring two Israelis in the Hebron district of the southern occupied West Bank in what the Israeli army has claimed was a car-ramming attack.

    An Israeli army spokesperson told Ma’an that after a Palestinian woman allegedly carried out a car-ramming attack near the entrance of the illegal Israeli settlement of Kiryat Arba in the eastern outskirts of Hebron, Israeli forces responded by firing towards the “assailant,” killing her.

    The Palestinian Ministry of Health confirmed her death, identifying her as Majd al-Khadour . Israeli sources said she was 18 years old.

    The two Israelis, reportedly a man and woman in their 50s who had stopped outside the settlement to pick up hitchhikers, were immediately evacuated for treatment at Israel’s Shaare Zedek Medical Center.

    Witnesses told Ma’an they saw Israeli forces open heavy fire at a Palestinian female inside a red car at the entrance of Kiryat Arba.


    #Palestine_assassinée

  • Il faut libérer Nuit Debout ! – Framablog
    http://framablog.org/2016/04/23/il-faut-liberer-nuit-debout

    « Dans son fonctionnement, Nuit Debout a adopté nombre de solutions issues de la philosophie libriste. L’autogestion prônée par le mouvement rappelle celle qui gouverne la conception de nombreux logiciels libres. Certains geeks rencontrés m’ont d’ailleurs confiés collaborer fréquemment au développement de logiciels libres. Nuit Debout s’est d’ailleurs tournée vers La Quadrature Du Net qui, au nom de ces valeurs communes, a accepté d’héberger son chat et d’autres sites rattachés au mouvement. Ces sites, ainsi que leur contenu, sont pour la plupart sous licence libre, à l’exception du logo de Nuit Debout. »

    #veille

  • Entretien avec le philosophe Alain Brossat sur la question de la figure de l’étranger en France et le discours politique qui l’accompagne.
    http://www.lesinrocks.com/2013/07/17/actualite/la-france-a-peur-11409641

    Pourquoi la question de « l’étranger parmi nous » obsède-t-elle aujourd’hui, de manière démesurée, le discours politique ?

    #Alain_Brossat - Le geste philosophique dont je me sens proche s’attache davantage au « comment » qu’au « pourquoi », je veux dire aux causes ultimes ou à l’origine première des #objets ou #phénomènes sur lesquels nous travaillons. Dans ce #travail, je pars de ce #constat : d’une part, la question de l’#étranger, telle qu’elle est non seulement mise en #discours mais aussi mise en pratique par nos #gouvernants, est le domaine par excellence où les éléments de rationalité, les #stratégies, l’art de #gouverner, etc., sont constamment envahis et contaminés par les #fantasmagories. C’est, par opposition à « l’imagination au #pouvoir », le basculement et la fuite perpétuels dans l’#imaginaire, un imaginaire #réactif peuplé d’une multitude de #menaces disparates et de projections fantastiques sur les parois de la caverne du présent – le spectre du terrorisme islamique, l’insoutenable envahissement de nos cités par les #Roms, insupportables #parasites, etc.

    Un indice très sûr de cette dérive de la #politique de l’étranger de nos gouvernants dans les eaux de l’imaginaire #sécuritaire est son écart croissant avec les analyses produites par les corps de spécialistes disposant d’une expertise sur ces questions et incarnant, disons, un certain #principe de #réalité#démographes, #sociologues, #historiens, etc. Ce n’est pas par hasard que ceux qui inspirent les ministres de l’Intérieur en la matière (ceux-là mêmes qui donnent le la de la #politique de l’étranger réduite, symptomatiquement, aux conditions d’une politique de l’#immigration) sont des exaltés de la #défense #sociale repeints aux couleurs de la #criminologie comme Alain Bauer plutôt que des historiens ou des démographes respectés comme #Gérard_Noiriel ou #Hervé_Le_Bras… Ce que vous appelez la démesure en rapport avec cette question, c’est tout simplement pour moi le fait que le discours et les pratiques des gouvernants soient, en la matière, émancipés de toute prise en compte des éléments majeurs constitutifs du réel – voir la façon dont cette politique met en avant une supposée lutte contre l’ »immigration clandestine » et le « travail au noir » dont les promoteurs ne peuvent ignorer qu’ils constituent des éléments structurels dans des secteurs d’activité économique aussi importants que le #bâtiment, la #restauration, la #confection, etc.

    En quoi le sort réservé à l’étranger s’inscrit selon vous dans la longue histoire des persécutions liées au déploiement de l’Etat moderne ?

    Question essentielle à tous égards. Dans son cours au Collège de France intitulé « Il faut défendre la société », #Michel_Foucault énonce une thèse forte : le racisme, dit-il en substance, ce n’est pas en premier lieu une question d’#idéologie dévoyée, de mauvais héritage, de relations entre communautés virant à l’aigre, c’est une #technologie de pouvoir. Pour lui, le racisme devient le problème perpétuel de la politique moderne et une arme de destruction massive dès lors qu’il entre en composition dans les mécanismes de l’#Etat ; c’est qu’il est l’un des gestes décisifs par lesquels s’affirme la capacité de gouverner une #population, le geste consistant à fragmenter cette population, à produire et reconduire la coupure entre cette part des gouvernés qui a vocation à être placée sous le signe de la prise en charge de la vie et une autre, placée sous un signe de mort. Pour Foucault, ce partage (au sens de séparation) est un élément fondateur de l’exercice du pouvoir dans nos #sociétés ; il est très visible dans un temps où les massacres et le #travail #forcé accompagnent la #colonisation tandis qu’en métropole on installe le tout-à-l’égout dans les villes et on met en place la médecine sociale. Il est moins exposé aujourd’hui mais n’en demeure pas moins opérant en tant que matrice, opérateur fondamental du #biopouvoir. Comme l’a montré #Didier_Fassin dans un récent ouvrage, La Force de l’ordre, les #habitants des #quartiers #défavorisés sont soumis à un régime de police (celui qu’imposent les brigades anticriminalité) totalement différent de celui qui prévaut dans les #centres-villes ; la bavure policière, comme action homicide sans crime, telle qu’en font les frais en règle générale des sujets #postcoloniaux, est un autre exemple probant de la perpétuation de ce partage implacable entre cette part de la population (que j’appelle « l’#autochtone_imaginaire ») et cette autre qui se trouve exposée à cette violence du pouvoir dont l’abandon constitue la ligne d’horizon.