• De la #paperasse à la #numérasse

    Chronique d’une ex-signeuse de documents en milieu universitaire, en commentaire de l’intervention de Gilles Babinet sur #PerriScope, la quotidienne @LCI sur l’actualité économique & sociale

    Le #numérique permet de libérer du temps en évitant la paperasse… il y a beaucoup à dire là-dessus. Je vais parler uniquement de ce que je connais très bien, de l’intérieur : l’administration universitaire. En 20 ans de responsabilités diverses qui impliquent des tâches d’administration, j’ai effectivement vu disparaître une grande quantité de « paperasse ». Mais uniquement au sens propre du terme : le #papier. Il y a d’ailleurs encore de la marge avant d’avoir éliminé le papier complètement. Mais la disparition de cette paperasse s’est accompagnée de l’apparition d’une non moins grande quantité de ce qu’on pourrait appeler « numérasse » (ou « #digitalasse » pour ceux qui persistent à dire « digital » au lieu de « numérique »). La numérasse peut prendre des formes diverses. La forme #excel + #mail est la plus virulente, mais la forme « #application dédiée, vous allez voir c’est pratique il y a juste à cliquer » fait également partie du paysage.

    Documents papier, #documents_numériques

    Prenons l’exemple d’une directrice de structure universitaire impliquant d’avoir à signer un certain nombre de documents, la plupart du temps par délégation de signature des tutelles de la dite structure.

    La paperasse, c’est prendre 10 minutes dans la journée pour aller physiquement au secrétariat signer des choses variées préparées soigneusement par des personnels dont c’est le métier, rassemblées dans un parapheur, avec de petites notes en post-it là où il y a quelque chose d’important à regarder avant de signer. On profite du voyage pour dire bonjour, parler du temps qu’il fait ou des projets du prochain week-end, et régler en deux mots des questions importantes pour la structure, qui autrement auraient nécessité un coup de téléphone ou un mail. Ensuite on peut se consacrer au reste de ses activités, enseignement ou recherche, l’esprit libre, sans se soucier d’avoir oublié de valider quelque chose d’important ou urgent, grâce à la confiance qu’on a dans les personnels compétents.

    La numérasse, c’est jongler entre des clics réguliers dans les bonnes applications, des mails asynchrones de demande de validation dans d’autres applications, des cases à cocher dans des fichiers excel reçus par mail et à renvoyer, etc. Il faut une discipline de fer pour ne pas se disperser complètement en essayant de suivre le rythme, tout en ne risquant pas d’oublier un clic important. Les applications dédiées ont des interfaces toutes plus imaginatives les unes que les autres, on s’y connecte avec ses identifiant/mot de passe de l’université X, ou de l’université Y, ou du CNRS, ou avec un compte dédié de l’application. Il peut s’agir d’ordres de mission, de validation des plannings de congés, d’avis sur des demandes de formation, de validation de devis avant commandes, de feuilles de temps des projets européens (une application par tutelle), de contrats de travail, d’avis sur des dépôts de projet ou des cumuls d’activités, de conventions de stages, de certification des commandes, … Parfois, même avec de l’habitude, on doit demander à une personne compétente ce que signifie la chose à valider (coucou l’interface Geslab pour la certification des commandes). Quand on a bien cliqué dans toutes ces applications au doux nom poétique de Hamac, Safia, Tempo, Agate, Sirhus, SAM, Sinchro, Geslab, etc., on peut parcourir ses mails pour ne pas oublier un fichier excel à renvoyer d’urgence en ayant rempli une ligne. Le pompon revient au #fichier_excel utilisé comme #formulaire, avec des cases fusionnées à remplir par un paragraphe de texte un peu long.

    Il est utopique de penser que tout cela puisse faire gagner du temps à la personne qui signe en bout de chaîne. Dans le contexte que je décris ici, cela a simplement servi à embaucher moins de personnels administratifs, en faisant faire une partie de leur travail, beaucoup moins bien, par les chercheurs et enseignants-chercheurs. Alors j’espère vraiment que quelqu’un, quelque part, a effectivement gagné du temps. Parce que moi non.

    Interdire Excel

    Ce qui ferait vraiment gagner du temps à tout le monde, c’est l’interdiction d’excel. Et ce n’est pas une boutade. Cet outil est un accélérateur phénoménal de questionnaire bureaucratique inexploitable car préformaté, et donc rempli, n’importe comment. Toute personne ayant vu de près les fichiers excel HCERES à 6 ou 7 onglets saura de quoi je parle. Le délire de la mise en chiffres couplé à la méconnaissance des fonctionnalités d’excel produit ce qu’on pourrait presque considérer comme des performances artistiques.

    Je veux bien croire que dans d’autres domaines de l’administration (que je ne connais pas de l’intérieur) le numérique soit tout rose et fasse gagner un temps précieux à au moins une personne. Mais il subsiste un doute. La #bureaucratie ne disparaît pas miraculeusement par l’intervention divine du numérique. Tout au contraire, tout se passe comme si la fluidité tant vantée du numérique supprimait tout frein naturel à la croissance incontrôlée de la bureaucratie.

    Et pour finir j’espère ne pas avoir donné à quelqu’un l’idée d’une startup pour développer un outil à base d’IA qui rassemblerait toutes les applications et les mails, pour finalement remplacer le parapheur. Le #parapheur est une très belle invention d’interface humain/humain, tout à fait lowtech, qu’il serait désolant d’abandonner.

    https://academia.hypotheses.org/31293
    #administration #administration_universitaire #université #facs #France

  • Ces médecins qui voient leurs patients moins de deux heures par jour RTS - tmun avec ta - 27 Juillet 2017
    http://www.rts.ch/info/sciences-tech/medecine/8803667-ces-medecins-qui-voient-leurs-patients-moins-de-deux-heures-par-jour.htm

    Les médecins du CHUV et de l’Hôpital de Baden passent moins de deux heures par jour au chevet de leurs patients, selon deux études réalisées dans ces hôpitaux. Une grande partie de leur temps est consacrée à l’administratif.

    A Baden, un médecin assistant passe 90 minutes par jour avec ses patients, selon une étude rapportée mardi par SRF http://www.srf.ch/news/schweiz/kaum-zeit-mit-patienten-dafuer-viel-papierkram . Le reste de son temps est consacré aux tâches administratives, à l’étude des dossiers ou aux demandes à ses confrères.

    Quant au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), les jeunes médecins y passent en moyenne 115 minutes au chevet des malades. Et consacrent trois fois plus de temps au dossier informatisé du patient, selon une précédente étude http://annals.org/aim/article/2599281/allocation-internal-medicine-resident-time-swiss-hospital-time-motion-study réalisée à Lausanne au sein du service de médecine interne.

    Un quart d’heure avec chaque patient
    En moyenne, un médecin à Lausanne passe 15 minutes par jour avec chaque patient. Des résultats qui n’ont pas beaucoup évolué depuis les années 1960, selon Nathalie Wenger, cheffe de clinique au CHUV et co-auteure de l’article.

    « Il y avait alors moins de données, mais il leur fallait plus se déplacer », expliquait-elle ce printemps. « (Et effectuer) toutes sortes de petites tâches que l’informatisation a permis de supprimer. »
    Interrogé dans le 19h30 de la RTS jeudi sur l’introduction du dossier médical informatisé, le directeur adjoint du CHUV Oliver Peters a souligné qu’il permettait d’économiser « beaucoup de tâches administratives complètement inutiles ». « Le désavantage, c’est qu’il faut apprendre à bien l’utiliser », note Oliver Peters.

    Près de 700 heures consignées dans une application
    Pour réaliser cette étude, le CHUV a formé des étudiants en médecine pour suivre les médecins assistants et consigner leurs activités sur une application conçue pour l’occasion. Au total, 697 heures de travail ont été enregistrées entre mai et juillet 2015.

    Une méthode reprise par l’Hôpital cantonal de Baden, qui a consigné les activités de 21 médecins assistants, également au sein de son service de médecine interne. Les résultats de l’étude permettront d’améliorer les processus de travail au sein de l’hôpital, a déclaré à SRF Simon Frey, à la tête de l’étude à Baden.

    Le CHUV a de son côté déjà procédé à des changements, en introduisant notamment des assistants de médecin pour les tâches purement administratives, indiquait-il en mai dernier.

    #Suisse #Hôpital #Internes #paperasse #administratif #tableau_excel #Gaspillage de moyens #Santé #ordinateurs #productivité #néo_libéralisme

  • Petit manuel du parfait réfugié politique

    Après Une métamorphose iranienne, dans lequel l’auteur racontait avec retenue mais aussi une pointe de cynisme et d’humour son exil d’Iran, c’est à Paris que se déroule le nouvel ouvrage de Mana Neyestani. Suite à son arrivée en France début 2011, Mana et sa femme entament rapidement des démarches pour devenir réfugié politique. Après avoir testé de première main l’infernal système répressif iranien, Mana se trouve alors confronté à un univers certes beaucoup moins violent mais tout aussi kafkaïen pour les demandeurs d’asile, celui de l’administration française. Après un an et demis de tracasseries éreintantes, il parvient finalement à obtenir le statut tant convoité, ce qui en dit long sur les difficultés que peuvent rencontrer les demandeurs d’asile qui, pour la plupart, n’ont pas un dossier aussi documenté que le sien. Il décide alors d’en tirer un livre, entre bande dessinée autobiographique, autofiction et dessin de presse.
    Mana Neyestani raconte le quotidien d’un apprenti réfugié politique dans la ville-lumière, les tracasseries administratives poétiquement mises en scène, les fameux parisiens dont la réputation n’est plus à faire... Un Petit manuel du parfait réfugié politique à l’humour sec et tranchant.


    http://www.caetla.fr/Petit-manuel-du-parfait-refugie
    #livre #BD #bande_dessinée #bande-dessinée #réfugiés #France #procédure_d'asile #témoignage #OFPRA #paperasse_administrative #manuel #Mana_Neyestani

  • Comment écrire un bon dossier CNC pour son projet nouveaux médias ?
    http://www.davduf.net/dossier-cnc-nouveauxmedias

    Suite à de nombreuses demandes de conseils en ce qui concerne la rédaction, le contenu, le ton, la longueur de ces fameux dossiers, j’ai donc voulu réunir ici plusieurs choses : une liste des sources de financement existantes une interview avec Anna Charrière, chargée de mission pour le fonds nouveaux médias du CNC une banque de dossiers CNC de projets ayant été soutenu ces dernières années En espérant que toutes ces ressources vous permettent de plus facilement vous lancer dans l’aventure… Bien (...)

    #Veille_techno

    / #Nouvelles_narrations_Financement

  • #David_Graeber : « La #bureaucratie sert les intérêts des 1% »
    https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/010116/david-graeber-la-bureaucratie-sert-les-interets-des-1

    « Il faut mille fois plus de #paperasse pour entretenir une économie de marché libre que la monarchie absolue de Louis XIV. » À partir de ce constat, l’anthropologue anarchiste David Graeber esquisse une critique renouvelée du « #Capitalisme bureaucratique ». Entretien.

    #Culture-Idées #démocratie #dérégulation #Essais #papiers #règle

  • « Une machine qui fait descendre l’information tout en évitant que les mauvaises odeurs ne remontent » Chronique du contrôle social #pjj 3/3
    http://terrainsdeluttes.ouvaton.org/?p=3602

    TDL : L’autre jour, lorsque tu me parlais du processus de bureaucratisation du travail d’éducateur PJJ, tu m’as dit « On n’est plus dans la bataille des mots et pour le coup, cette bataille de mots, on l’a perdu ! ». A quoi, est-ce que tu faisais référence ? Je vais …

    #Non_classé #bureaucratie #Contrôle-social #délinquance #éducateur #hiérarchie #jeunesse #Justice #paperasse #répression

  • J’ai ma LSP qui attend dans le couloir » Chronique du contrôle social – PJJ (2)

    Entre procédures, acronymes et tampons officiels, difficile de garder une dimension militante ou humaine dans le travail social. Dans ce deuxième épisode de la « chronique du contrôle social », un éducateur PJJ raconte à Terrains de luttes les effets de la bureaucratisation sur son travail quotidien.

    http://terrainsdeluttes.ouvaton.org/?p=3533

    • Il faut s’imaginer que les éducateurs ont bossé près de 40 ans sans ces outils et que ça fonctionnait très bien ! Alors un outil qui n’apporte aucune plus-value, tu comprends bien que c’est perçu comme quelque chose qui te freine et pas comme quelque chose qui facilite ton travail. Donc on nous a créés plein de micro-procédures qui garantissent aux échelons hiérarchiques supérieurs que le travail est effectué. Ils s’en foutent, après, qu’on amène les gamins à droite, à gauche, qu’on fasse quelque chose de concret avec nos jeunes… Eux, ils veulent juste que ces papiers-là soient remplis ! Mais le problème c’est que tous ces documents qu’on nous demande de remplir, petit à petit, ils rongent le quotidien, notre temps et nous font percevoir notre travail de manière différente…

      Un peu comme pour l’éducation nationale, #paperasseries #kafkaïen

    • @Aude_V
      Je crois que l’informatisation n’est qu’un « détail » dans le développement du contrôle social et de la bureaucratisation du travail social.
      Il me semble qu’il s’agisse (entre autre) plus des conséquences de la mise en place des loi de 2007 et dans une moindre mesure pour la PJJ de celle de 2002.

    • rooo @corinne, les moyens technologiques de contrôle de la population qu’offrent l’informatique serait un « détail » ? je partage plus certainement l’avis d’@aude_v. Les pouvoirs de pression sociale, politique, économique et industrielle, se font de plus en plus insistants et obligatoires. La mise en place par l’industrie de l’armement de systèmes technologiques de suivi de la population font la joie des élus et de la police : vidéosurveillance, cartes RFID, croisement des fichiers informatiques… leurs donnent l’impression de pouvoir conserver leur places décisionnaires tout en sacrifiant le politique et l’humain au profit du sacro-saint progrès technologique.

      C’est devenu une telle habitude que chacun à force d’intégrer de telles modes de contrôle de nos actes préfère taire ce système qu’y nous considère comme du bétail à trier. Pour ceux qui tenteraient d’échapper à cette informatisation du tout venant, comme pour la banque, la santé, l’école, la cantine, les sorties au cinéma, les cartes régionales informatisées, internet ou les dossiers CAF, c’est juste impossible, c’est la porte.
      – Les directeurs et directrices d’école qui ont refusé de remplir base-élèves ont été sanctionnés et renvoyés.
      – Les travailleurs sociaux, renvoyés eux aussi, pour s’être insurgés contre des données ineptes comme cocher les cases « alcoolisme ».
      – Les médecins qui refusent la carte vitale et le DMP, combien ont du quitter leurs fonctions dégoutés ?
      Ce n’est pas juste un détail, c’est un projet d’informatisation de la société pour le plus grand profit de ceux qui fabriquent ces bases de contrôles. Chaque conseil départemental, régional ou commune rêve de ficher ses administrés et de recroiser les fichiers, les travailleurs sociaux, comme beaucoup d’autres fonctionnaires sont devenus les ouvriers de la saisie informatique.

    • @touti
      Détail, le mot était en effet mal choisit :)
      Ce que je me demande c’est qui de l’oeuf ou de la poule en matière de social ? (Je ne parlerai pas du reste, je ne m’y connais pas assez.)
      Certes, l’informatisation permet de nous ficher/surveiller et nos élites adorent ça. Mais pour l’article ici présent, je crois qu’il interroge plus une dérive de la pensée que vient faciliter l’informatisation.
      Pour connaitre un chouia^^ le problème, la paperasserie ambiante au sein du secteur social me semble relever souvent d’une logique financière (tant d’enfant/famille suivie, tant de prix de journée/budget global) qui déshumanise le travail proprement dit. Il est demandé au travailleurs sociaux de démontrer/prouver l’impact/ la rentabilité de leur actions au point qu’il avait été évoqué à un certains moment une nomenclature proche du système de santé (c’est encore dans les tiroirs hélas).
      L’autre logique à l’œuvre est celle du « parapluie ». On demande de remplir des trucs et des machins pour ainsi démontrer en cas de soucis que chacun a bien fait son travail... :(
      Alors oui, l’informatisation permet tout cela mais si les mentalités étaient autres, je suis encore assez naïves pour penser que se serait différent...

    • De la poule ou de l’œuf ? bien entendu l’imbrication entre paperasserie et informatique vient complexifier le débat. L’administration était censée vouloir simplifier les processus de paperasserie, avec les moyens technologiques actuels c’est la panacée dans l’irresponsabilité politique et sociale, si un « programme » échoue, c’est la faute à l’informatique qu’il faut renforcer. Le parapluie pour ceux en haut de l’échelle, peut s’allèger allègrement sous ce prétexte. Car bien entendu, le problème central reste politique et humain, mais personne ne veut en porter le risque.

  • #UE – Royaume-Uni : La #paperasse a aussi du bon | Presseurop.eu : actualités Europe, cartoons et revues de presse
    http://www.presseurop.eu/fr/content/article/4236341-la-paperasse-aussi-du-bon (recenser des articles de presseurop avant que le site ne disparaisse...)

    Le rapport du gouvernement britannique sur les formalités administratives européennes, publié mardi, en est une bonne illustration. Puisque personne n’aime la paperasse, les préconisations du groupe de travail « #Entreprises », qui demande une harmonisation entre les pays européens, semblent de prime abord relever du bon sens. Mais dès que l’on se plonge un peu plus avant dans les méandres du rapport, l’enjeu devient nettement plus problématique. Les questions soulevées concernent en effet moins les lourdeurs administratives que l’équilibre à trouver entre les intérêts économiques des employeurs et les intérêts des employés en matière de sécurité d’emploi.

    #administration #technocratie

    Le rapport en français : https://www.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/249982/Better_Reg_Taskforce_Summary_French.pdf