• Sur le livre de Lénine « Matérialisme et empiriocriticisme »
    http://www.non-fides.fr/?Sur-le-livre-de-Lenine

    On objectera sans doute que Marx ne s’est jamais dit en désaccord avec la, doctrine exposée par Engels dans ses ouvrages philosophiques, qu’il a lu l’Anti-Dühring en manuscrit et l’a approuve ; mais cela signifie seulement que Marx n’a jamais pris le temps de réfléchir a ces problèmes assez pour prendre conscience de ce qui le séparait d’Engels. Toute l’œuvre de Marx est imprégnée d’un esprit incompatible avec le matérialisme grossier d’Engels et de Lénine. Jamais il ne considère l’homme comme étant une simple partie de la nature, mais toujours comme étant aussi, du fait qu’il exerce une activité libre, un terme antagoniste vis-à-vis de la nature. Dans une étude sur Spinoza, il reproche expressément à celui-ci de confondre l’homme avec la nature qui le contient, au lieu de les opposer. Dans ses Thèses sur Feuerbach, il écrit : « Le défaut principal de toutes les doctrines matérialistes qui ont été formées jusqu’à ce jour, y compris celle de Feuerbach, consiste en ce que le réel, le sensible, ne sont conçus que sous la forme de l’objet, de la contemplation, et non comme activité humaine sensible, comme praxis, d’une manière subjective. C’est pourquoi le cote actif a été développé, d’une manière abstraite, il est vrai, en opposition avec le matérialisme, par l’idéalisme – qui, bien entendu, ne connaît pas l’activité réelle, sensible, comme telle. » Bien que ces formules soient obscures, elles disent du moins clairement qu’il s’agit de faire une synthèse de l’idéalisme et du matérialisme, synthèse ou soit sauvegardée une opposition radicale entre la nature passive et l’activité humaine. À vrai dire Marx refuse de concevoir une pensée pure qui s’exercerait hors de toute prise de contact avec la nature ; mais il n’y a rien de commun entre une doctrine qui fait de l’homme tout entier un simple produit de la nature, de la pensée un simple reflet, et une conception qui montre la réalité apparaissant au ‘contact de la pensée et du monde, dans l’acte par lequel l’homme pensant prend possession du monde. C’est selon cette conception qu’il faut interpréter le matérialisme historique, qui signifie, comme Marx l’explique longuement dans son Idéologie allemande, que les pensées formées par les hommes dans des conditions techniques, économiques et sociales déterminées répondent à la manière dont ils agissent sur la nature en produisant leurs propres conditions d’existence. C’est de cette conception enfin qu’il faut tirer la notion même de la révolution prolétarienne ; car, l’essence même du régime capitaliste consiste, comme l’a montre Marx avec force, en un « renversement du rapport entre le sujet et l’objet », renversement constitué par la subordination du sujet à l’objet, du « travailleur aux conditions matérielles du travail » ; et la révolution ne peut avoir d’autre sens que de restituer au sujet pensant le rapport qu’il doit avoir avec la matière, en lui rendant la domination qu’il a pour fonction d’exercer sur elle.

    #philosophie

  • Simone Weil (1909-1943), Réflexions sur les causes de la liberté et de l’oppression sociale, 1934.

    http://classiques.uqac.ca/classiques/weil_simone/reflexions_causes_liberte_oppression/reflexions.html

    L’oppression procède exclusivement de conditions objectives. La première d’entre elles est l’existence de privilèges ; et ce ne sont pas les lois ou les décrets des hommes qui déterminent les privilèges, ni les titres de propriété ; c’est la nature même des choses. Certaines circonstances, qui correspondent à des étapes sans doute inévitables du développement humain, font surgir des forces qui s’interposent entre l’homme du commun et ses propres conditions d’existence, entre l’effort et le fruit de l’effort, et qui sont, par leur essence même, le monopole de quelques-uns, du fait qu’elles ne peuvent être réparties entre tous ; dès lors ces privilégiés, bien qu’ils dépendent, pour vivre, du travail d’autrui, disposent du sort de ceux même dont ils dépendent, et l’égalité périt.

    Gallimard, Paris, 1955 (rééd. 1998), p. 52-53.

    #Simone_Weil #idées #philosophie #inégalités

    • Pas beaucoup d’espoir et d’optimisme :

      De temps en temps, les opprimés arrivent à chasser une équipe d’oppresseurs et à la remplacer par une autre, et parfois même à changer la forme de l’oppression ; mais quant à supprimer l’oppression elle-même, il faudrait à cet effet en supprimer les sources, abolir tous les monopoles, les secrets magiques ou techniques qui donnent prise sur la nature, les armements, la monnaie, la coordination des travaux. Quand les opprimés seraient assez conscients pour s’y déterminer, ils ne pourraient y réussir. Ce serait se condamner à être aussitôt asservis par les groupements sociaux qui n’ont pas opéré la même transformation ; et quand même ce danger serait écarté par miracle, ce serait se condamner à mort, car, quand on a une fois oublié les procédés de la production primitive et transformé le milieu naturel auquel ils correspondaient, on ne peut retrouver le contact immédiat avec la nature.

    • Pour elle, une des rares limites à l’oppression, vient non pas des gens eux-mêmes, des opprimés, mais des limites matérielles :

      Telle est la contradiction interne que tout régime oppressif porte en lui comme un germe de mort ; elle est constituée par l’opposition entre le caractère nécessairement limité des bases matérielles du pouvoir et le caractère nécessairement illimité de la course au pouvoir en tant que rapport entre les hommes.

      Car dès qu’un pouvoir dépasse les limites qui lui sont imposées par la nature des choses, il rétrécit les bases sur lesquelles il s’appuie, il rend ces limites mêmes de plus en plus étroites. En s’étendant au-delà de ce qu’il peut contrôler, il engendre un parasitisme, un gaspillage, un désordre qui, une fois apparus, s’accroissent automatiquement. En essayant de commander là même où il n’est pas en état de contraindre, il provoque des réactions qu’il ne peut ni prévoir ni régler. Enfin, en voulant étendre l’exploitation des opprimés au-delà de ce que permettent les ressources objectives, il épuise ces ressources elles-mêmes ; c’est là sans doute ce que signifie le conte antique et populaire de la poule aux œufs d’or. Quelles que soient les sources d’où les exploiteurs tirent les biens qu’ils s’approprient, un moment vient où tel procédé d’exploitation, qui était d’abord, à mesure qu’il s’étendait, de plus en plus productif, se fait au contraire ensuite de plus en plus coûteux. C’est ainsi que l’armée romaine, qui avait d’abord enrichi Rome, finit par la ruiner ; c’est ainsi que les chevaliers du moyen âge, dont les combats avaient d’abord donné une sécurité relative aux paysans qui se trouvaient quelque peu protégés contre le brigandage, finirent au cours de leurs guerres continuelles par dévaster les campagnes qui les nourrissaient ; et le capitalisme semble bien traverser une phase de ce genre. Encore une fois, on ne peut prouver qu’il doive toujours en être ainsi ; mais il faut l’admettre, à moins de supposer la possibilité de ressources inépuisables. Ainsi c’est la nature même des choses qui constitue cette divinité justicière que les Grecs adoraient sous le nom de Némésis, et qui châtie la démesure.

  • Nicolas Machiavel (1469-1527) et Simone Weil (1909-1943), même combat, même scienza. Un éclairage croisé, à quatre siècles d’intervalle, sur un événement fondateur et méconnu.

    La Révolte des Ciompi. Un soulèvement prolétarien à Florence au XIVe siècle - Textes de Nicolas Machiavel et Simone Weil

    http://www.collectif-smolny.org/article.php3?id_article=1691

    http://www.librairie-quilombo.org/IMG/arton4945.gif?1360261192

    En 1378, les Ciompi, les plus pauvres des ouvriers de l’industrie de la laine, ébranlèrent par leur révolte l’édifice social du capitalisme naissant à Florence. La bourgeoisie, incapable de savoir de quoi ce petit peuple débraillé était réellement capable, déploya rapidement sa violence répressive, montrant ainsi qu’elle estimait les Ciompi capables de tout, et qu’il fallait donc les réduire à rien.

    Par la simple chronique des faits, Machiavel atteste dans ses Histoires florentines que ce popolo minuto s’est dûment organisé, ce qui conduira Simone Weil à voir dans ces événements la première manifestation d’une révolution prolétarienne.

    #Ciompi #Machiavel #Simone_Weil #histoire #Florence

  • Simone Weil (1909-1943), L’Enracinement. Prélude à une déclaration des devoirs envers l’être humain, Gallimard, 1949.

    http://classiques.uqac.ca/classiques/weil_simone/enracinement/enracinement.html

    « L’égalité est un besoin vital de l’âme humaine. Elle consiste dans la reconnaissance publique, générale, effective, exprimée réellement par les institutions et les mœurs, que la même quantité de respect et d’égards est due à tout être humain, parce que le respect est dû à l’être humain comme tel et n’a pas de degrés. »

    #Simone_Weil #philosophie #égalité #idées

  • @koldobika merci pour les liens vers tes citations de Simone Weil - cf. message http://seenthis.net/messages/278317#message283518.

    Je n’ai pas encore lu ses livres, jusqu’ici juste regardé 2 émissions sur Youtube où des intellectuels parlent de sa vie et de sa démarche philosophique qui ne se coupe pas des réalités du terrain, où elle s’implique totalement pour mieux le comprendre et par la suite élaborer sa pensée. Une vraie cohérence philosophique, mais elle en a payé le prix du point de vue de sa santé.

    Une femme que je mettrais dans la même catégorie que Hannah Arendt, pour son courage.

    #simone_weil

  • « On ne possède que ce à quoi on renonce. »

    (Simone Weil, La Pesanteur et la grâce, 1942)

    Simone Weil, peut-être la plus belle âme qui ait traversé ce sinistre XXe siècle. Une femme de tous les combats : la cause ouvrière (elle donnait des cours aux travailleurs et se fit engager à l’usine), la liberté (elle partit se battre aux côtés des anarchistes, au sein de la colonne Durruti, pendant la guerre d’Espagne), la Résistance (elle fit partie d’un réseau lyonnais avant de rejoindre Londres), et l’humanité (elle cessa de s’alimenter en 1943, et en creva...).

    Qui peut s’honorer d’un tel destin, entièrement dévoué à l’émancipation de tous et de chacun ?

    #Simone_Weil #philosophie #idées #histoire

  • “La période présente est de celles où tout ce qui semble normalement constituer une raison de vivre s’évanouit, où l’on doit, sous peine de sombrer dans le désarroi ou l’inconscience, tout remettre en question. Que le triomphe des mouvements autoritaires et nationalistes ruine un peu partout l’espoir que de braves gens avaient mis dans la démocratie et dans le pacifisme, ce n’est qu’une partie du mal dont nous souffrons ; il est bien plus profond et bien plus étendu. On peut se demander s’il existe un domaine de la vie publique ou privée où les sources mêmes de l’activité et de l’espérance ne soient pas empoisonnées par les conditions dans lesquelles nous vivons. Le travail ne s’accomplit plus avec la conscience orgueilleuse qu’on est utile, mais avec le sentiment humiliant et angoissant de posséder un privilège octroyé par une passagère faveur du sort, un privilège dont on exclut plusieurs êtres humains du fait même qu’on en jouit, bref une place. "

    Simone Weil (1909-1943).

    #philosophie #Simone_Weil #idées @thibnton

  • Un témoignage essentiel sur la grande, l’immense philosophe Simone Weil (1909-1943)

    « Simone était un "professeur" habillée en femme du peuple. Elle versait son traitement à la caisse de solidarité des mineurs et vivait avec le montant de l’allocation allouée aux chômeurs. Elle ne voulait pas disposer de plus d’argent que le plus déshérité des ouvriers. Elle s’occupait des chômeurs du Puy. On trouvait évidemment peu tolérable en haut lieu des convictions qui s’éloignaient à ce point du pur intellectualisme souhaitable chez une agrégée très jeune dont on avait remarqué, pendant ses études, les dons brillants. »

    (Jean Dupperay, Quand Simone Weil passa chez nous , Mille et une nuits, page 35.)

    #Simone_Weil

  • Une édition rassemblant le chapitre des Histoires florentines de Machiavel consacré à la révolte des ouvriers de la laine (Ciompi) à Florence, en 1378, et le texte de la philosophe Simone Weil sur le sujet (qui voit dans ce soulèvement populaire « l’aîn [é] des insurrections prolétariennes » ), vient de paraître. Excellente initiative, qui fournit l’occasion de (re)découvrir cet événement majeur dans l’histoire de la cité toscane, et qui hante encore les esprits. On peut facilement trouver les deux textes sur le Net.

    La Révolte des Ciompi - Un soulèvement prolétarien à Florence au XIVe siècle. Textes de Simone Weil et Nicolas Machiavel (Smolny/CMDE Editions, février 2013).

    http://www.collectif-smolny.org/article.php3?id_article=1691

    Quatrième de couverture :

    En 1378, les Ciompi, les plus pauvres des ouvriers de l’industrie de la laine, ébranlèrent par leur révolte l’édifice social du capitalisme naissant à Florence. La bourgeoisie, incapable de savoir de quoi ce petit peuple débraillé était réellement capable, déploya rapidement sa violence répressive, montrant ainsi qu’elle estimait les Ciompi capables de tout, et qu’il fallait donc les réduire à rien.

    Par la simple chronique des faits, Machiavel atteste dans ses Histoires florentines que ce popolo minuto s’est dûment organisé, ce qui conduira Simone Weil à voir dans ces événements la première manifestation d’une révolution prolétarienne.

    La postface inédite d’Emmanuel Barot éclaire comment ces deux auteurs permettent d’alimenter une réflexion - qui reste incontournable - autour de la définition et de l’affirmation du sujet révolutionnaire.

    #Machiavel #Simone_Weil #Florence #Italie #histoire #Ciompi

  • [SMOLNY...] La Révolte des Ciompi - Un soulèvement prolétarien à Florence au XIVe siècle
    http://www.collectif-smolny.org/article.php3?id_article=1691

    Textes de #Simone_Weil et #Nicolas_Machiavel, traduction revue par Laura Brignon
    Postface d’Emmanuel Barot

    Un projet en co-édition avec le #CMDE, collectif des métiers de l’édition

    Souscription ouverte jusqu’au 31 janvier 2013 (http://www.collectif-smolny.org/IMG/pdf/CMDE-Ciompi-souscription.pdf)

    Quatrième de couverture :

    En 1378, les Ciompi, les plus pauvres des ouvriers de l’industrie de la laine, ébranlèrent par leur révolte l’édifice social du capitalisme naissant à Florence. La bourgeoisie, incapable de savoir de quoi ce petit peuple débraillé était réellement capable, déploya rapidement sa violence répressive, montrant ainsi qu’elle estimait les Ciompi capables de tout, et qu’il fallait donc les réduire à rien.

    Par la simple chronique des faits, Machiavel atteste dans ses Histoires florentines que ce popolo minuto s’est dûment organisé, ce qui conduira Simone Weil à voir dans ces événements la première manifestation d’une révolution prolétarienne.

    La postface inédite d’Emmanuel Barot éclaire comment ces deux auteurs permettent d’alimenter une réflexion - qui reste incontournable - autour de la définition et de l’affirmation du sujet révolutionnaire.