AprĂšs des semaines dâattente, le gouvernement a enfin clarifiĂ© sa position sur lâavenir du plan Ecophyto, mis en « pause », dĂ©but fĂ©vrier, en rĂ©ponse Ă la colĂšre du monde agricole. Lundi 6 mai, la publication du nouveau plan (Ecophyto 2030) a confirmĂ© lâabandon de toute #ambition de rĂ©duction des usages de #pesticides, Ă la fois problĂšme de #santĂ©_publique et principale cause dâeffondrement de la #biodiversitĂ© sous nos latitudes. Et ce, indĂ©pendamment des efforts des agriculteurs. Ces derniers jours, le ministre de lâagriculture et de la souverainetĂ© alimentaire, #Marc_Fesneau, et sa dĂ©lĂ©guĂ©e, #AgnĂšs_Pannier-Runacher, ont fermement dĂ©fendu lâidĂ©e que le cap dâune « rĂ©duction de 50 % des pesticides », Ă lâhorizon 2030, Ă©tait maintenu, au point dâaccuser ceux qui en doutent de propager des « fausses informations ».
Des propos dâune singuliĂšre lĂ©gĂšretĂ© qui reviennent Ă accuser dâaffabulation le conseil scientifique et technique du plan Ecophyto â des chercheurs et des ingĂ©nieurs des organismes publics de recherche et des instituts techniques, nommĂ©s pour leur connaissance du sujet. Une prĂ©publication rendue publique dĂ©but mai, signĂ©e par la grande majoritĂ© des membres du conseil, montre en effet que le nouvel #indice europĂ©en chargĂ© de suivre les usages et les risques des pesticides, dit « #HRI », pour #Harmonised_Risk_Indicator, ne rend compte en rĂ©alitĂ© ni de lâusage ni des risques de ces produits. Il est dâailleurs trĂšs difficile de savoir de quoi il rend compte exactement. Une chose est sĂ»re : câest un thermomĂštre lourdement truquĂ©.
Mon collĂšgue Romain Imbach a dĂ©taillĂ©, dans un long et minutieux dĂ©cryptage des travaux du conseil scientifique et technique, les moyens de ce trompe-lâĆil. Quiconque en aura pris connaissance ne peut quâĂȘtre convaincu du caractĂšre frauduleux du nouvel indicateur. Une expĂ©rience de pensĂ©e trĂšs simple permet Ă un enfant de cours Ă©lĂ©mentaire de le comprendre. Il faut malgrĂ© tout se concentrer un peu et rassembler toute son attention.
Classement en quatre #catégories
Avant tout, il faut savoir que le HRI classe les pesticides en quatre catĂ©gories. Dâabord, il y a les produits Ă « faible risque », si rares quâils pĂšsent pour presque rien dans lâindice (groupe 1). Ensuite, viennent les produits autorisĂ©s qui ne sont pas classĂ©s cancĂ©rogĂšnes, mutagĂšnes ou reprotoxiques (#CMR) ou #perturbateurs_endocriniens (groupe 2). Viennent aprĂšs ceux autorisĂ©s, mais classĂ©s CMR et qui sortiront du marchĂ© Ă brĂšve ou moyenne Ă©chĂ©ance (groupe 3). Enfin, il y a les produits interdits et utilisĂ©s Ă titre dĂ©rogatoire (groupe 4).
Calculer le HRI est un jeu dâenfant. A chaque groupe son coefficient de risque : 1 pour le premier, 8 pour le deuxiĂšme, 16 pour le troisiĂšme et, enfin, 64 pour les produits interdits. Si vous avez suivi, vous savez dĂ©sormais que 16 kilos dâun produit du groupe 1 comptent, dans le HRI, autant que 2 kilos de ceux du groupe 2, et 1 kilo de ceux du groupe 3, et 250 grammes des produits interdits.
Nous pouvons maintenant procĂ©der Ă notre expĂ©rience de pensĂ©e. En 2020, un agriculteur traite un champ de 1 hectare avec la dose rĂ©glementaire de 1 kilo dâun produit « A », appartenant au groupe 3. Le HRI correspondant Ă ce traitement est donc de 16. LâannĂ©e suivante, en 2021, le produit « A » sort du marchĂ© et passe dans le groupe 4. Lâexploitant utilise donc en remplacement le produit « B », appartenant Ă©galement au groupe 3 et dont la dose rĂ©glementaire est identique, Ă savoir 1 kilo par hectare. Un esprit raisonnable ne peut que reconnaĂźtre que rien nâa changĂ© entre 2020 et 2021. Et pourtant, entre 2020 et 2021, le HRI du traitement de ce mĂȘme hectare a baissĂ© de⊠75 % !
Comment une telle magie est-elle possible ? Câest simple : la dĂ©cision rĂ©glementaire dâinterdire le produit « A » en 2021 a un effet rĂ©troactif sur lâannĂ©e 2020, dont il faut recalculer le HRI. Celui-ci nâest plus de 16, mais de 64. Le HRI peut donc ĂȘtre rĂ©duit des trois quarts sans que rien nâait en rĂ©alitĂ© changĂ©. Imaginons maintenant que le produit « B » ait Ă©tĂ© plus efficace que le prĂ©cĂ©dent, avec une dose rĂ©glementaire de 500 grammes Ă lâhectare pour un mĂȘme rĂ©sultat, la chute du HRI pour ce traitement entre 2020 et 2021 serait alors, sans aucun changement rĂ©el, de 87,5 %. Dans ces deux cas, lâindice historique de suivi du recours aux pesticides en place depuis quinze ans, le nombre de doses unitĂ©s (NODU) serait restĂ© identique dâune annĂ©e sur lâautre.
On comprend mieux que les calculs du conseil scientifique et technique montrent une baisse du HRI de quelque 33 % entre 2011-2013 et 2021, sans aucune politique volontariste du gouvernement. Ces calculs permettent dâores et dĂ©jĂ dâanticiper une baisse supplĂ©mentaire de 10 points en 2022, grĂące Ă lâ#interdiction, cette annĂ©e-lĂ , dâun unique produit, le #mancozĂšbe. Qui sera remplacĂ© Ă lâidentique par des substances non encore interdites. Ce quâil faut comprendre est que le classement CMR des pesticides est un processus dynamique : le point commun Ă tous les produits interdits est dâavoir Ă©tĂ© un jour autorisĂ©s. Le #chlorothalonil, le #chlorpyrifos, la #chloridazone, lâ#imidaclopride ou le #S-mĂ©tolachlore, par exemple : tous ces produits, rĂ©cemment interdits ou en passe de lâĂȘtre, ont passĂ© des dĂ©cennies, parfois plus dâun demi-siĂšcle, sur le marchĂ©.
Lâinertie rĂ©glementaire est telle que bon nombre de produits aujourdâhui catĂ©gorisĂ©s 2 finiront par ĂȘtre interdits et remplacĂ©s, alimentant ainsi une baisse trompeuse et Ă©ternellement reconduite du HRI. On le voit, le plan Ecophyto 2030 ne repose pas seulement sur un choix technique controversĂ© : il constitue une authentique #fraude dĂ©mocratique. Il offrira aux prochains gouvernements, en France et en Europe, la possibilitĂ© de communiquer des chiffres spectaculaires de « rĂ©duction des pesticides », en lâabsence de toute baisse rĂ©elle du recours Ă ces produits. Cela sâappelle tromper lâopinion.